Retenues sur salaire : 15 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00558

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Retenues sur salaire : 15 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00558

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRET DU 15 FÉVRIER 2023

(n° 2023/ , 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00558 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBI5W

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Décembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F19/01748

APPELANTS

Monsieur [N] [M]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Thomas FORMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : C2615

Syndicat CNT-SO DU NETTOYAGE ET DES ACTIVITÉS ANNEXES

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Thomas FORMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : C2615

INTIMÉE

SAS ISS FACILITY SERVICES anciennement dénommée ISS PROPRETE

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Philippe PACOTTE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0513

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 janvier 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

A la suite d’un transfert du contrat de travail, la société ISS Facility Services, anciennement ISS Propreté, est devenue le 1er avril 2009 l’employeur de M. [N] [M], née en 1962, qui travaillait dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée depuis le 26 janvier 2000 ; il était chef d’équipe et percevait une rémunération brute mensuelle de 2 027,25 euros, outre un 13e mois versé en décembre de chaque année.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de propreté.

Le contrat de travail prévoyait une affectation sur le site Servair 2, à temps plein.

M. [M] a été gravement malade à partir de 2012 et a bénéficié d’arrêts de travail pour maladie.

Le 24 avril 2014, lors de sa visite médicale de reprise, le médecin du travail a émis l’avis suivant : « Pas d’aptitude délivrée : à revoir le 15 mai 2014. Aménagement de poste à envisager, pas de travail de nuit, ni d’exposition aux acides, alcalins chlorés et pas de port de charges lourdes ».

Le 15 mai 2014, le médecin du travail a émis l’avis suivant : « Apte avec aménagement du poste de travail. Invalide 2ème catégorie et conformément à l’article L 4624-1 CT. Pas de travail de nuit, pas de port de charges lourdes ni exposition aux acides etc’ Un poste proche de son domicile, 3 heures maximum d’activités par jour est souhaitable à sa santé ».

Le 30 septembre 2014, conformément aux recommandations du médecin du travail et sur avis favorable du médecin du travail du 26 septembre 2014, la durée du travail de M. [M] a été réduite à hauteur de 3 heures par jour et en journée.

Le 24 avril 2016, dans le cadre de la visite périodique, le médecin du travail a rendu un avis d’aptitude avec les réserves suivantes : « contre-indication au travail sanitaires pendant trois mois ».

Le 24 juillet 2016, dans le cadre d’une visite périodique, le médecin du travail a rendu un avis d’aptitude avec les réserves suivantes : « à temps partiel ‘ contre-indication au port de charges lourdes ‘ contre-indication au travail de nuit ».

Le 5 janvier 2018, la société ISS Facility Services a adressé un courrier à M. [M] afin de l’informer que la somme de 1 560,96 euros avait été trop versée sur les mois de juillet et décembre 2017 du fait du paiement à tort des 3 heures quotidiennes d’absence autorisée.

Au mois de décembre 2017, la société ISS Facility Services n’a pas versé la prime de treizième mois à M. [M] qui l’a réclamée le 25 janvier 2018, par l’intermédiaire de son syndicat et la prime lui a alors été réglée au mois de janvier 2018.

M. [M] a saisi le 28 février 2019 le conseil de prud’hommes de Paris pour former les demandes suivantes :

« A titre principal :

– 63 977,19 euros bruts au titre des rappels de salaires pour la période de mars 2016 à avril 2019 et 6 397,72 euros à titre de congés payés y afférent ;

– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de versement intégrale des salaires ;

– 807,52 euros bruts à titre de rappel de salaire retenu au titre de la complémentaire santé ;

– 100 euros à titre de dommages et intérêts pour prélèvement de sommes indues à l’attention de la mutuelle sans affiliation

– 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour application irrégulière de la déduction spécifique sur frais professionnels ;

– 1 200 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

A titre subsidiaire :

– 1 464,19 euros bruts à titre de rappel de salaire au titre des « heures à déduire RP » indûment déduites depuis janvier 2018 et les congés payés y afférent.

En tout état de cause

– 1 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– l’exécution provisoire de la décision à intervenir. »

Le syndicat CNT est intervenu volontairement et a demandé la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par jugement du 10 décembre 2019 auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud’hommes a rendu la décision suivante :

« Condamne la SAS ISS FACILITY SERVICES à payer à Monsieur [N] [M] la somme suivante :

– 49,22 euros à titre de rappel de salaire de mars 2016 à novembre 2016 au titre de la mutuelle ;

Déboute Monsieur [N] [M] du surplus de ses demandes ;

Déboute le syndicat CNT Syndicat du nettoyage de ses demandes ;

Condamne la SAS ISS FACILITY SERVICES aux dépens »

M. [M] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 16 janvier 2020.

La constitution d’intimée de la société ISS Facility Services a été transmise par voie électronique le 20 janvier 2020.

La rupture du contrat est survenue en décembre 2021 du fait de son inaptitude.

L’ordonnance de clôture a été rendue à la date du 8 novembre 2022.

L’affaire a été appelée à l’audience du 2 janvier 2023.

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 17 octobre 2022, M. [M] demande à la cour de :

« Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SAS ISS PROPRETE à régler à Monsieur [M] la somme suivante :

– 49,22 euros de rappel de salaire de mars 2016 à novembre 2016 au titre de la mutuelle

Infirmer le jugement pour le surplus,

Par suite, statuant à nouveau,

Condamner la SAS ISS PROPRETE à régler à Monsieur [M] les sommes suivantes :

– Rappel de salaire de mars 2016 au 17 décembre 2021 : 54 172,54 €

– Congés payés afférents : 5 417,25 €

– Dommages et intérêts pour défaut de paiement des salaires : 5 000 €

– Rappel de salaire sur « heures à déduire RP » indûment déduites de janvier 2018 à avril 2019 : 1464,19 €

– Congés payés afférents : 146,41 €

– Dommages et intérêts pour pratique illicite de l’abattement forfaitaire : 5 000 €

Condamner la société ISS PROPRETE à verser à Monsieur [M] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC,

Ordonner l’intérêt légal à compter de la saisine du Conseil de prud’hommes,

Condamner également aux entiers dépens. »

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 24 mars 2020, le syndicat CNT-SO du nettoyage et des activités annexes demande à la cour de :

« Infirmer le jugement en ce qu’il a débouté le syndicat CNT-SO de sa demande de dommages et intérêts au titre de l’atteinte portée aux intérêts de la profession,

Par suite, statuant à nouveau,

Dire et juger le syndicat CNT-SO du nettoyage et des activités annexes recevable et bien fondé,

Condamner la SARL ISS PROPRETE à régler au syndicat CNT-SO du nettoyage et des activités annexes les sommes suivantes :

– Dommages et intérêts pour atteinte aux intérêts de la profession : 5 000 €

– Article 700 du Cpc : 2000 €

Ordonner l’intérêt légal à compter de la saisine du Conseil de prud’hommes,

Condamner également aux entiers dépens. »

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 7 novembre 2022, la société ISS Facility Services demande à la cour de :

« CONFIRMER le jugement du Conseil de prud’hommes de Paris rendu le 10 décembre 2019 en ce que Monsieur [M] a été débouté des demandes suivantes :

– 63 977,19 euros bruts au titre des rappels de salaires pour la période de mars 2016 à avril 2019 et 6 397,72 euros à titre de congés payés y afférent ;

– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de versement intégrale des salaires ;

– 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour application irrégulière de la déduction spécifique sur frais professionnels ;

En conséquence,

DEBOUTER Monsieur [M] de ses demandes formulées devant la Cour d’appel à hauteur de :

– 54 172,54 euros à titre de rappel de salaire à compter du mois de mars 2016 et les congés payés y afférents ;

– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de paiement des salaires ;

– 1 464,19 euros à titre de rappel de salaire sur « heures à déduire RP » indûment déduites de janvier 2018 à avril 2019 et les congés payés y afférents ;

– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour pratique illicite de l’abattement forfaitaire ;

CONFIRMER le jugement du Conseil de prud’hommes de Paris rendu le 10 décembre 2019 en ce que le Syndicat CNT a été débouté des demandes suivantes :

– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

A TITRE INCIDENT,

INFIRMER le jugement du Conseil de prud’hommes de Paris rendu le 10 décembre 2019 en ce qu’il a condamné la société ISS FACILITY SERVICES au paiement de la somme de 49,22 euros à titre de rappel de salaire de mars 2016 à novembre 2016 au titre du régime de remboursement de frais de santé dit « mutuelle » ;

STATUANT A NOUVEAU,

DEBOUTER Monsieur [M] de sa demande ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

– CONDAMNER in solidum Monsieur [M] et le syndicat CNT au paiement d’une somme de 3 500 euros en vertu de l’article 700 du Code de procédure civile. »

Lors de l’audience, l’affaire a été examinée et mise en délibéré à la date du 15 février 2023 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC)

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud’hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur les rappels de salaire à compter du mois de mars 2016

M. [M] forme par infirmation du jugement les demandes suivantes :

– rappel de salaire de mars 2016 au 17 décembre 2021 : 54 172,54 €

– congés payés afférents : 5 417,25 €

Il fait valoir, à l’appui de cette demande que :

– l’employeur ne peut pas modifier, sans l’accord du salarié, la durée du travail mentionnée au contrat ;

– par courrier du 30 septembre 2014, l’employeur a modifié unilatéralement le contrat de travail en réduisant la durée du travail à 3 heures par jour et en réduisant son salaire a proportion au prétexte de l’avis médical ajoutant que l’aménagement de poste avait reçu un avis favorable du médecin du travail alors qu’il avait refusé l’aménagement proposé compte tenu de la toxicité des produits sanitaires ;

– il a alors été privé d’une partie substantielle de sa rémunération et la situation a perduré 7 ans, jusqu’à la rupture du contrat en décembre 2021 du fait de son inaptitude ;

– il produit le décompte détaillé prenant en compte les heures déduites chaque mois et l’évolution du taux horaire, tels qu’indiqués dans les bulletins de paie.

La société ISS Facility Services s’oppose à cette demande et fait valoir, à l’appui de sa contestation que :

– il n’y a jamais eu de modification unilatérale du contrat de travail de M. [M] puisqu’il n’a jamais repris son activité à temps plein, conformément aux préconisations du médecin du travail ;

– sa rémunération n’a jamais été modifiée mais réduite conformément à son temps de travail effectif, lui-même conforme aux préconisations du médecin du travail qui s’imposent à l’employeur ;

– la proposition de poste était conforme aux préconisations du médecin du travail à qui le poste a été soumis et qui a donné son accord le 26 septembre 2014 ;

– à compter du 24 juillet 2016, il n’y avait aucune contre-indication pour un travail sanitaire avec l’utilisation de produit détergent ;

– non seulement l’entreprise s’est conformée aux préconisations du médecin du travail, mais en outre M. [M] n’est jamais revenu sur son lieu de travail ;

A l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour dispose d’éléments suffisants pour retenir que la société ISS Facility Services n’a pas modifié unilatéralement le contrat de travail de M. [M], contrairement à ce que ce dernier soutient, mais qu’elle a aménagé son poste de travail conformément aux prescriptions du médecin du travail en sorte que la réduction de son temps de travail et la réduction proportionnelle de son salaire sont licites étant ajouté qu’il n’est pas prouvé que les produits d’entretien mentionnés par l’entreprise dans la lettre d’affectation du 30 septembre 2014 ne sont pas conformes à l’avis médical du 15 mai 2014.

C’est donc en vain que M. [M] soutient qu’il a été privé d’une partie substantielle de sa rémunération du fait de la modification unilatérale de son contrat de travail au motif qu’il s’agissait en réalité d’un aménagement de son poste de travail conformément à l’avis médical du médecin du travail.

Compte tenu de ce qui précède, M. [M] est mal fondé dans sa demande de rappel de salaire de mars 2016 au 17 décembre 2021.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [M] de sa demande de rappel de salaire de mars 2016 au 17 décembre 2021.

Sur le rappel de salaire sur « heures à déduire RP » indûment déduites de janvier 2018 à avril 2019

M. [M] demande par infirmation du jugement les sommes de :

– rappel de salaire sur « heures à déduire RP » indûment déduites de janvier 2018 à avril 2019 : 1464,19 €

– congés payés afférents : 146,41 €.

Il fait valoir, à l’appui de cette demande que :

– l’employeur prétend qu’il aurait bénéficié d’un trop perçu sur ses salaires des mois de juillet et septembre 2017 (pièce adverse n°7) ;

– c’est de manière indue qu’il a subi des retenues à partir de septembre 2014 ;

– l’employeur a aussi prélevé indûment chaque mois des retenues pour « heures à déduire RP » à compter du mois de janvier 2018 (pièce salarié n° 2)

– il demande donc le rappel de salaire correspondant à ces sommes abusivement prélevées, soit la somme de 1464,19 euros.

La société ISS Facility Services s’oppose à cette demande et fait valoir, à l’appui de sa contestation que :

– M. [M] n’est plus venu travailler depuis 2014 mais l’entreprise a continué à le rémunérer ;

– il a accepté les retenues sur salaire litigieuses par courrier du 25 janvier 2018 (pièces employeur n°7 et 8) ;

– ces retenues compensaient le trop-perçu d’un montant de 1 560,96 euros sur les mois de juillet et décembre 2017 du fait du paiement à tort des 3 heures quotidiennes d’absence autorisée, conformément aux préconisations du médecin du travail.

A l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [M] est mal fondé au motif que les retenues sur salaire litigieuses correspondent à une partie du trop versé de 1 560,96 € dont M. [M] a été informé par courrier du 5 janvier 2018 et qu’il a d’ailleurs reconnu et pour lequel il a même accepté la proposition de retenue sur salaire au terme même de la lettre du syndicat CNT-SO du nettoyage et des activités annexes du 25 janvier 2018.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [M] de sa demande de rappel de salaire sur « heures à déduire RP » indûment déduites de janvier 2018 à avril 2019.

Sur les dommages et intérêts pour défaut de paiement des salaires

M. [M] demande par infirmation du jugement la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de paiement des salaires.

Il fait valoir, à l’appui de cette demande que :

– malgré deux courriers de réclamations adressés par l’intermédiaire du syndicat CNT-SO les 17 décembre 2018 (pièce n°10) et 20 février 2019 (pièce n°11), l’employeur a persisté dans son abstention de mauvaise foi de lui verser la rémunération qui lui était due ;

– la somme de 5 000 euros indemnisera ce « préjudice moral indéniable » (sic) ;

La société ISS Facility Services s’oppose à cette demande et fait valoir, à l’appui de sa contestation que :

– M. [M] ne démontre aucun préjudice distinct,

– M. [M] ne démontre pas la mauvaise foi qu’il invoque

A l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour dispose d’éléments suffisants pour retenir que M. [M] est mal fondé dans sa demande de dommages et intérêts pour défaut de paiement des salaires au motif que cette demande accessoire suit le sort des demandes en paiement que la cour a rejeté plus haut étant ajouté surabondamment que M. [M] ne rapporte ni la preuve d’un préjudice distinct, ni celle de la mauvaise foi de la société ISS Facility Services qu’il invoque.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [M] de sa demande de dommages et intérêts pour défaut de paiement des salaires.

Sur les dommages et intérêts pour pratique illicite de l’abattement forfaitaire

M. [M] demande par infirmation du jugement la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour pratique illicite de l’abattement forfaitaire.

Il fait valoir, à l’appui de cette demande que :

– la société ISS Facility Services pratique en toute illégalité l’abattement forfaitaire de l’arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations sociales (pièce salarié n° 18) ;

– l’employeur ne justifie aucunement avoir versé l’une ou l’autre des indemnités liées à une mobilité professionnelle prévues par l’arrêté du 20 décembre 2002 ;

– seul le versement effectif des frais déductibles énumérés dans l’arrêté susvisé est susceptible de légitimer la pratique de l’abattement forfaitaire ;

– il était affecté sur un site unique, à savoir Servair 2 à Roissy CDG ;

– il n’avait donc droit à aucune des indemnités liées à une mobilité professionnelle ;

– l’abattement forfaitaire ne peut s’appliquer aux ouvriers du nettoyage qu’à condition qu’ils soient affectés sur plusieurs sites ;

– il a subi du fait de cette déduction une minoration de 8 à 10% de l’ensemble de ses droits sociaux, établis sur l’assiette de calcul des cotisations, notamment les indemnités journalières en cas d’arrêt de travail, le complément employeur et prévoyance en cas d’arrêt de travail, les allocations chômage et les allocations retraite, cette minoration des droits sociaux n’est nullement compensée par la légère diminution des cotisations salariales, de l’ordre de 20 € par mois pour un SMIC.

La société ISS Facility Services s’oppose à cette demande et fait valoir, à l’appui de sa contestation que :

– la déduction forfaitaire spécifique est applicable au secteur du nettoyage conformément aux dispositions de l’article 9 de l’arrêté du 20 décembre 2002 et aux dispositions de l’article L.242-1 du Code de la sécurité sociale ;

– le critère multi sites a uniquement une origine doctrinale et ne résulte nullement de l’article 9 de l’arrêté du 20 décembre 2002 ou de l’article 5 de l’annexe IV du code général des impôts ;

– dans la lettre circulaire ministérielle du 8 novembre 2012 (DSS/SD5B/NH ; D-2012-9774) le ministère des affaires sociales et de la santé et le ministère de l’économie et des finances demandent de plus retenir cette condition « multi sites » aux entreprises du secteur de la propreté ;

– elle applique la déduction forfaitaire spécifique conformément à l’arrêté du 20 décembre 2002 ;

– l’employeur devra soumettre l’option au salarié, qu’en l’absence d’un accord collectif ; or elle dispose d’un accord d’entreprise ;

– M. [M] ne justifie d’aucun préjudice susceptible d’être indemnisé.

Selon les termes de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, l’assiette des coûts liquidation des assurances sociales comprend toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail et, s’agissant des frais professionnels, ils ne peuvent être exclus de l’assiette que dans les conditions et limites fixées par arrêté interministériel.

L’article 9 de l’arrêté du 20 décembre 2002, relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations sociales n’ouvre la possibilité de bénéficier de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels qu’aux professions, prévues à l’article 5 de l’annexe IV du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur aux 31 décembre 2000, qui comporte des frais dont le montant est notoirement supérieur à celui résultant du dispositif prévu aux articles précédents peuvent bénéficier d’une déduction forfaitaire spécifique. Cette déduction est, dans la limite de 7 600 euros par année civile, calculé selon les taux prévus à l’article 5 de l’annexe IV du code précité.

L’article 5 de l’annexe IV du code général des impôts énumère une liste de professions.

Si les ouvriers de nettoyage de locaux ne sont pas nommément visés par l’article 5 de l’annexe IV du code général des impôts, ils sont assimilés par la doctrine fiscale aux ouvriers du bâtiment expressément visé par le texte, à la condition que, comme ces derniers il travaille sur plusieurs chantiers.

Par lettre ministérielle adressée au directeur de l’agence centrale des organismes de sécurité sociale, le ministre des affaires sociales et de la santé et le ministre de l’économie et des finances ont demandé à ne plus retenir la condition « multi sites » aux entreprises du secteur de la propreté.

La cour observe, cependant, que cette lettre, sans valeur normative ne s’impose pas à la juridiction.

En revanche, l’arrêté du 25 juillet 2005, modifiant l’arrêté du 20 décembre 2002 est publié au journal officiel du 6 août 2005, prévoit que l’employeur peut opter pour la déduction forfaitaire spécifique lorsqu’une convention ou un accord collectif l’a explicitement prévu ou lorsque le comité d’entreprise ou les délégués du personnel ont donné leur accord.

La société ISS Facility Services justifie de l’existence d’un « protocole d’accord sur l’abattement forfaitaire spécifique pour frais professionnels ».

Cependant, M. [M] n’était affecté que sur un seul site et ne percevait aucun frais professionnel.

Il s’avère que la déduction forfaitaire spécifique de 8 % opérée par la société ISS Facility Services ne se justifiait pas pour M. [M] dont le préjudice économique est démontré par une minoration de l’assiette de cotisation sociale et de ses droits sociaux.

M. [M] est donc fondé à solliciter la réparation de son préjudice, qui doit lui être accordée à hauteur de 1 000 euros de dommages-intérêts.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a débouté M. [M] de sa demande de dommages et intérêts pour pratique illicite de l’abattement forfaitaire, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société ISS Facility Services à verser à M. [M] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour pratique illicite de l’abattement forfaitaire.

Sur le rappel de salaire de mars 2016 à novembre 2016 au titre de la mutuelle

M. [M] demande par confirmation du jugement la somme de 49,22 euros de rappel de salaire de mars 2016 à novembre 2016 au titre de la mutuelle.

Il fait valoir, à l’appui de cette demande qu’a exprimé son refus d’être affilié à la mutuelle de son employeur pour l’année 2016, compte tenu de son affiliation à sa mutuelle personnelle.

La société ISS Facility Services s’oppose à cette demande et fait valoir, à l’appui de sa contestation que :

– M. [M] a bien été affilié à cet organisme au titre du régime de prévoyance et l’entreprise a bien souscrit un contrat de prévoyance auprès d’AG2R (pièce n°10) ;

– il a sollicité une dispense d’affiliation pour l’année 2016, année de mise en place du régime et en l’absence de demande d’une nouvelle dispense pour l’année 2017, il a été affilié à compter du 1er janvier 2017 ;

– le conseil de prud’hommes l’a condamnée au paiement de la somme de 49,22 euros au titre du remboursement de la complémentaire santé de mars à décembre 2016, dès lors que M. [M] avait sollicité une dispense pour cette période.

– toutefois, il résulte des bulletins de salaire sur cette période de mars à décembre 2016 que l’entreprise n’a pas précompté la contribution salariale finançant ce régime de remboursement de frais de santé et que seule la contribution au régime complémentaire de prévoyance souscrit auprès de l’organisme assureur AG2R a été précomptée, dès lors que M. [M] est obligatoirement affilié à ce régime de prévoyance.

A l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour dispose d’éléments suffisants pour retenir que M. [M] est bien fondé dans sa demande au motif qu’il est constant qu’il a sollicité une dispense d’affiliation pour l’année 2016.

Et c’est en vain que la société ISS Facility Services soutient qu’il « résulte des bulletins de salaire sur cette période de mars à décembre 2016 que l’entreprise n’a pas précompté la contribution salariale finançant ce régime de remboursement de frais de santé et que seule la contribution au régime complémentaire de prévoyance souscrit auprès de l’organisme assureur AG2R a été précomptée, dès lors que M. [M] est obligatoirement affilié à ce régime de prévoyance » au motif que les seules mentions figurant dans les bulletins de salaire sont « prev AG2R » et ce ces seules mentions ne suffisent pas à établir, contrairement à ce que la société ISS Facility Services allègue, que seule la contribution au régime complémentaire de prévoyance souscrit auprès de l’organisme assureur AG2R a été précomptée ; or il appartenait à la société ISS Facility Services de rapporter la preuve de ce fait qu’elle allègue pour justifier la cause du prélèvement opéré en méconnaissance de la dispense d’affiliation de M. [M].

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a condamné la société ISS Facility Services à payer à M. [M] la somme de 49,22 euros de rappel de salaire de mars 2016 à novembre 2016 au titre de la mutuelle.

Sur les dommages et intérêts pour atteinte aux intérêts de la profession

Le syndicat CNT-SO du nettoyage et des activités annexes demande par infirmation du jugement la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour atteinte aux intérêts de la profession ; elle fait valoir que l’abattement forfaitaire est donc indûment pratiqué par la société ISS Facility Services.

La société ISS Facility Services s’oppose à cette demande et soutient que :

– sa pratique est légale

– le syndicat ne fait que défendre dans ce litige les intérêts individuels de M. [M] dont aucun préjudice n’est démontré.

– le syndicat CNT ne qualifie ni ne démontre un fait imputable à l’entreprise, l’existence d’un préjudice à l’intérêt collectif de la profession, ni un lien de causalité entre ce fait et le préjudice.

En application des dispositions de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention, en particulier l’existence d’un fait générateur de responsabilité, du préjudice en découlant et donc d’un lien de causalité entre le préjudice et la faute.

Il résulte de l’examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus que la pratique illicite de la déduction forfaitaire spécifique crée un préjudice distinct à l’intérêt collectif de la profession, par son application générale aux salariés de l’entreprise ; la cour retient que le syndicat CNT-SO du nettoyage et des activités annexes est fondé à obtenir des dommages et intérêts sur ce point qui seront évalués à la somme de 1 000 €.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a débouté le syndicat CNT-SO du nettoyage et des activités annexes de sa demande de dommages et intérêts pour atteinte aux intérêts de la profession et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société ISS Facility Services à payer au syndicat CNT-SO du nettoyage et des activités annexes la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour atteinte aux intérêts de la profession.

Sur les autres demandes

Les dommages et intérêts alloués seront assortis des intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Les autres sommes octroyées qui constituent des créances salariales, seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société ISS Facility Services de la convocation devant le bureau de conciliation.

La cour condamne la société ISS Facility Services aux dépens de la procédure d’appel en application de l’article 696 du Code de procédure civile.

Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l’application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il n’apparaît pas inéquitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles de la procédure d’appel.

L’ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l’arrêt.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement mais seulement en ce qu’il a :

– débouté M. [M] de sa demande de dommages et intérêts pour pratique illicite de l’abattement forfaitaire ;

– débouté le syndicat CNT-SO du nettoyage et des activités annexes de sa demande de dommages et intérêts pour atteinte aux intérêts de la profession ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

CONDAMNE la société ISS Facility Services à verser à M. [M] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour pratique illicite de l’abattement forfaitaire ;

CONDAMNE la société ISS Facility Services à payer au le syndicat CNT-SO du nettoyage et des activités annexes la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour atteinte aux intérêts de la profession ;

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE la société ISS Facility Services, M. [M] et le syndicat CNT-SO du nettoyage et des activités annexes de leurs demandes antagonistes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

CONDAMNE la société ISS Facility Services aux dépens de la procédure d’appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

 


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