COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
15e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 15 DECEMBRE 2022
N° RG 20/01821
N° Portalis DBV3-V-B7E-UAQ2
AFFAIRE :
[R] [E]
C/
S.A. MEDIAPOST
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Septembre 2019 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Poissy
N° Section : Activités Diverses
N° RG : F 17/00358
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Charles TONNEL
Me Carine KALFON de la SELEURL KL AVOCATS
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUINZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, initialement fixé au 21 septembre 2022, différé au 22 septembre 2022, puis prorogé au 27 octobre 2022, puis prorogé au 17 novembre 2022, puis prorogé au 15 décembre 2022, les parties ayant été avisées, dans l’affaire entre :
Monsieur [R] [E]
né le 31 décembre 1963 à [Localité 5] (Maroc)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Charles TONNEL, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 204
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/017750 du 17/07/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Versailles)
APPELANT
****************
S.A. MEDIAPOST
N° SIRET : 331 648 014
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Carine KALFON de la SELEURL KL AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0918
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 01 juin 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Jean-Yves PINOY, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Régine CAPRA, Présidente,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Madame Perrine ROBERT, Vice-présidente placée,
Greffier lors des débats : Madame Carine DJELLAL,
EXPOSE DU LITIGE :
A compter du 12 décembre 2014, Monsieur [R] [E] a été engagé par la société par actions simplifiée à associé unique Mediapost, en qualité de distributeur à temps partiel, à hauteur de 69,33 heures mensuelles puis, à compter du 1er avril 2015, de 60,66 heures mensuelles.
La relation de travail entre les parties est régie par la convention collective nationale de la distribution directe.
Le 15 avril 2015, le salarié a été victime d’un accident du travail.
Entre le 17 avril 2015 et le 8 septembre 2015 puis entre le 29 septembre et le 15 novembre 2015, il a été placé en arrêt de travail.
A l’issue d’un double examen par le médecin du travail les 25 novembre et 9 décembre 2015, il a été déclaré inapte à son poste de travail.
Le salarié a été convoqué à un entretien préalable de licenciement fixé au 6 mai 2016, auquel il ne s’est pas présenté.
Par courrier du 17 mai 2016, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Par requête reçue au greffe le 24 décembre 2017, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Poissy, afin notamment de contester la légitimité de son licenciement et d’obtenir le paiement de diverses sommes à titre d’indemnités.
Par jugement du 24 septembre 2019, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes a :
– dit que le licenciement du salarié n’était pas nul ;
– débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes ;
– condamné le salarié aux dépens.
Par déclaration au greffe du 19 août 2020, le salarié a interjeté appel de cette décision.
Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 19 novembre 2020 auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, il expose notamment que :
– la société a manqué à son obligation d’exécution loyale du contrat de travail en ne respectant pas la durée légale du travail à temps partiel des salariés fixée à 24 heures par semaine, en exerçant une pression à son encontre pour qu’il réduise son horaire mensuel de travail de 69,33 heures à 60,66 heures, en n’organisant pas de visite médicale au moment de son embauche, en ne lui fournissant que sept des vingt-trois éléments qui auraient dû composer les matériels, outils de travail et vêtements professionnels dont il aurait dû disposer ;
– en refusant de déclarer l’accident du travail qu’il a subi le 15 avril 2015 lors de sa tournée professionnelle, son employeur lui a causé un préjudice, au vu des déplacements que lui ont imposés les démarches qu’il a dû accomplir ;
– il a subi un préjudice en reprenant le travail sans bénéficier d’une visite de reprise, en ce qu’il n’a été examiné par le médecin du travail que le 25 novembre 2015, soit neuf jours après sa reprise de travail, cette visite ayant conduit à la constatation de son inaptitude physique ;
– il démontre que l’employeur a falsifié son bulletin de salaire du mois de décembre 2015, de façon notamment à y mentionner des retenues infondées en ce qu’elles correspondent à des jours de travail qu’il justifie avoir accomplis ;
– l’employeur a manqué à son obligation de reclassement, compte tenu du caractère insuffisant des démarches et des recherches de reclassement qu’il a accomplies et au vu des compétences dont il justifie, outre le fait qu’il ne lui a pas transmis par écrit les motifs s’opposant à son reclassement et n’a pas recueilli l’avis des délégués du personnel avant de procéder à son licenciement ;
– alors qu’il n’a été en mesure de retirer le courrier de convocation à l’entretien préalable que le lendemain de la tenue dudit entretien, son employeur a vicié la procédure de licenciement en ne lui permettant pas d’être présent à cet entretien et en le privant de l’assistance d’un conseiller salarié ;
– il a subi un harcèlement moral, en ce qu’il a été maltraité au travail et a été exposé à des risques (au vu des différents griefs précités), en ce qu’il a subi une dégradation volontaire par son employeur de ses conditions de travail (telle qu’elle résulte notamment de l’évolution des feuilles route qu’il verse aux débats et des retenues abusives opérées sur ses bulletins de salaire des mois de mars et d’avril 2015) et au vu de l’absence de réaction de l’intimée aux alertes qu’il avait formulées, concernant les humiliations exercées à son encontre par sa hiérarchie.
Il demande donc à la cour de :
– Infirmer dans tous ses attendus le jugement ;
– Dire que son licenciement est nul ;
– Dire que la société n’a pas respecté son obligation de reclassement ;
– Dire que la société n’a pas respecté la procédure de licenciement ;
– Dire que la société n’a pas exécuté loyalement son contrat de travail ;
– Dire que la société a commis des actes de harcèlement à son encontre ;
Par conséquent,
– Condamner la société à lui verser les sommes suivantes :
– 3.000 euros au titre du non-respect de la convention du contrat de travail à temps partiel, et non-respect de la dérogation signée ;
– 2.000 euros au titre du non-respect de la procédure de la signature d’avenant ;
– 5.000 euros pour absence de tenue du travail, et la carte de salarié, et les conséquences subies ;
– 15.000 euros pour refus de déclarer l’accident du travail ;
– 5.000 euros pour falsification du bulletin de salaire ;
– 8.000 euros pour (récidive) reprise du travail sans passer de visite de reprise
– 20.0000 euros pour non-respect de la procédure de reclassement ;
– 10.000 euros pour non-respect de la procédure de licenciement ;
– 30.000 euros pour harcèlement moral ;
– Annuler le licenciement pour non-respect de la procédure de reclassement et du licenciement ;
– Corriger le contrat du travail en respectant le temps conventionnel pour le temps partiel qui est de 24 heures par semaine (soit 104 heures par mois) et en respectant la dérogation, puis établir de nouveaux bulletins de salaire depuis la signature du contrat ;
– Annuler l’avenant du contrat pour non-respect de la procédure initiale ;
– Condamner la société aux entiers dépens ;
– Assortir les condamnations de l’intérêt au taux légal.
En réplique, par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 19 février 2021 auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la société, intimée, soutient en substance que :
– dès son embauche, l’appelant a lui-même sollicité un temps de travail inférieur à celui fixé par la loi ;
– le salarié, qui soutient qu’il n’a fait l’objet d’aucune visite médicale d’embauche, omet de préciser qu’il a bénéficié de trois visites médicales entre les 14 septembre et 9 décembre 2015, alors qu’il ne s’est jamais manifesté pour solliciter l’organisation d’une quelconque visite médicale et ne justifie d’aucun préjudice ;
– l’appelant disposait d’outils de travail, en ce qu’une attestation de colportage mentionnant son nom ainsi qu’un badge lui avaient été remis, tandis qu’une tenue vestimentaire était à sa disposition ;
– elle démontre que le salarié a lui-même demandé le 12 décembre 2014 une réduction de son temps de travail mensuel de 69,33 heures à 60,33 heures ;
– elle a effectué une déclaration d’accident du travail concernant le salarié dès le 17 avril 2015, à savoir le lendemain du jour où ce dernier l’a informée de l’accident dont il avait été victime ;
– le salarié n’est pas fondé à soutenir qu’il n’a pas bénéficié d’une visite de reprise, dans la mesure où il a été examiné par le médecin du travail à l’issue de chacun de ses arrêts de travail ;
– les retenues sur salaire qu’elle a réalisée sur la paie du mois de décembre 2015 du salarié sont justifiées par ses absences successives ou au régime non professionnel applicable à certains de ses arrêts de travail pour maladie ;
– alors que deux courriers recommandés avec accusés de réception ont été adressés au domicile du salarié les 26 et 28 avril 2016 pour lui signifier sa convocation à un entretien préalable (et mentionnaient la possibilité dont il disposait de se faire assister à cette occasion), son absence à ce dernier ne s’explique que par sa défaillance pour aller retirer ces courriers, ces envois ayant par ailleurs été doublés de l’expédition de deux courriers simples, ce dont il résulte qu’il ne saurait faire valoir que la procédure de licenciement est irrégulière ;
– le licenciement pour inaptitude du salarié n’a aucune origine professionnelle, dès lors qu’il a été déclaré apte au travail le 14 septembre 2015 à l’issue de son arrêt de travail pour accident du travail et que son arrêt de travail suivant ne reposait pas sur un motif professionnel, de sorte qu’elle n’était notamment pas tenue de consulter les délégués du personnel avant de procéder à son licenciement ;
– elle justifie avoir mené des recherches de reclassement du salarié sur les postes existants en son sein et dans son groupe d’appartenance, en mettant ainsi tout en oeuvre pour tenter de trouver au salarié un emploi conforme à ses qualifications et aux préconisations du médecin du travail ;
– elle verse aux débats les éléments démontrant la réalité et le sérieux des recherches de reclassement qu’elle a engagées et qu’elle a informé le salarié par courrier du 5 avril 2016 de l’impossibilité de procéder à son reclassement ;
– les feuilles de route que le salarié verse aux débats ne permettent pas de caractériser un quelconque harcèlement moral, ces feuilles étant cohérentes après analyse et ne laissant pas apparaître une augmentation de sa charge de travail corrélative à la réduction de son temps d’activité.
Par conséquent, elle demande à la cour de :
– Confirmer en toutes ses dispositions le jugement ;
– Dire que le licenciement pour impossibilité de reclassement prononcé par la société est justifié ;
– Dire que le licenciement prononcé à l’encontre du salarié n’est pas nul ;
– Dire que le licenciement prononcé à l’encontre du salarié n’a pas d’origine professionnelle ;
– Dire qu’elle a parfaitement respecté les obligations légales et conventionnelles lui incombant ;
– Dire que le salarié n’a pas été victime de harcèlement moral ;
– Dire le salarié mal fondé en toutes ses demandes ;
En conséquence,
– Le débouter de sa demande de réintégration ;
– Le débouter de l’intégralité de ses demandes ;
– Le condamner aux entiers dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 13 avril 2022.
MOTIFS :
Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect de la convention du contrat de travail à temps partiel et non-respect de la dérogation signée :
Selon l’article L. 3123-27 du code du travail, à défaut d’accord prévu à l’article L. 3123-19, la durée minimale de travail du salarié à temps partiel est fixée à vingt-quatre heures par semaine ou, le cas échéant, à l’équivalent mensuel de cette durée ou à l’équivalent calculé sur la période prévue par un accord collectif conclu en application de l’article L. 3121-44.
L’article L. 3123-7 du code du travail prévoit qu’une durée de travail inférieure peut être fixée à la demande du salarié soit pour lui permettre de faire face à des contraintes personnelles, soit pour lui permettre de cumuler plusieurs activités afin d’atteindre une durée globale d’activité correspondant à un temps plein ou au moins égale à la durée mentionnée au même premier alinéa. Cette demande est écrite et motivée.
En l’espèce, les parties versent aux débats :
– une demande écrite du salarié datée du 12 décembre 2014 par laquelle il sollicite un engagement à temps partiel à hauteur de 16 heures par semaine en raison d’une contrainte familiale (à savoir, l’accompagnement de sa fille dans un établissement trois fois par semaine) ;
– un document intitulé ‘Formulaire de demande de dérogation à l’horaire hebdomadaire de 24h’ signé par le salarié le 15 décembre 2014, aux termes duquel il renouvelle sa demande de travailler moins de 24 heures par semaine en raison d’impératifs familiaux.
Si le salarié soutient que l’employeur l’a contraint à signer un contrat de travail à temps partiel dérogeant à la durée minimale hebdomadaire de 24 heures et l’a manipulé à cette fin, il ne produit aucun élément probant de nature à étayer ses allégations.
La circonstance selon laquelle il a réalisé 129 heures de travail au cours du mois de mars 2015 ne saurait remettre en cause la validité de son consentement quant à la dérogation à la durée minimale de travail à temps partiel qu’il a sollicitée.
Dans ce contexte où le salarié a expressément demandé à travailler pour une durée hebdomadaire inférieure à 24 heures par semaine pour faire face à des contraintes personnelles dès son engagement, ce dernier ne saurait utilement faire valoir qu’il n’a rédigé aucune demande écrite visant à voir sa durée du travail réduite postérieurement au 15 décembre 2014.
La cour relève que la réduction de sa durée hebdomadaire de 69,33 à 60,66 heures a été précédée par la signature par celui-ci d’un avenant le 1er avril 2015.
Compte tenu de ces éléments, le salarié ne saurait faire grief à l’intimée de l’avoir engagé à temps partiel, pour une durée hebdomadaire inférieure à 24 heures.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il le déboute de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la convention du contrat de travail à temps partiel et non-respect de la dérogation signée et en ce qu’il le déboute de ses demandes afférents à la durée minimale du temps partiel.
Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de signature d’avenant :
Le salarié ne verse aucun élément probant au soutien de ses allégations selon lesquelles sa hiérarchie aurait exercé des pressions à son encontre pour qu’il signe l’avenant du 1er avril 2015 prévoyant une réduction de sa durée hebdomadaire de travail.
De façon générale, en-dehors d’affirmations générales et non étayées, le salarié ne démontre nullement que l’employeur lui a unilatéralement imposé une réduction de son temps de travail.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il le déboute de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de signature d’avenant et en ce qu’il le déboute de ses demandes afférents à la procédure de signature de son avenant contractuel.
Sur la demande de dommages et intérêts pour absence d’organisation de la visite médicale d’embauche :
Selon l’article R. 4624-10, alinéa 1er du code du travail en sa rédaction en vigueur du 1er juillet 2012 au 1er janvier 2017, le salarié bénéficie d’un examen médical avant l’embauche ou au plus tard avant l’expiration de la période d’essai par le médecin du travail.
En l’espèce, l’employeur ne saurait valablement se prévaloir des différents examens médicaux dont a bénéficié le salarié à compter du 14 septembre 2015 à l’issue de sa reprise du travail consécutivement à son arrêt de travail pour accident du travail pour répondre à l’argument du salarié selon lequel il n’a bénéficié d’aucune visite médicale d’embauche, à la suite de son engagement le 12 décembre 2014.
Si le manquement de l’employeur à son obligation d’organisation d’un examen médical d’embauche est ainsi établi, le salarié ne justifie nullement du préjudice qu’il aurait subi de ce fait.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il déboute le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour absence d’organisation de la visite médicale d’embauche.
Sur la demande de dommages et intérêts pour absence de fourniture de tenue de travail, de la carte de salarié et des conséquences subies :
Le salarié reproche en particulier à la société l’absence de fourniture de tenue de travail et d’une carte de salarié.
En dépit de ses allégations, l’employeur ne justifie pas avoir remis au salarié une tenue de travail et une carte de salarié. D’une part, la circonstance selon laquelle le salarié a indiqué à l’occasion du dépôt de plainte qui a fait suite à son agression qu’il disposait d’un badge pour entrer dans les résidences ne démontre pas qu’une carte de salarié lui avait été remis. D’autre part, l’affirmation de l’employeur selon laquelle il ‘met[tait] à la disposition de ses employeurs des blousons et sacoches avec le logo de l’Entreprise’ ne saurait suffire à démontrer qu’il avait dûment doté le salarié.
Cela étant, le lien de causalité entre, d’une part, cette absence d’une tenue et d’une carte professionnelle et, d’autre part, l’agression subie par le salarié lors de sa tournée du 15 avril 2015 n’est pas établi, en ce qu’il ne repose que sur ses seules déclarations au moment du dépôt de sa plainte.
Ainsi, le salarié ne justifie nullement du préjudice que lui aurait causé le manquement de l’employeur.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il le déboute de sa demande de dommages et intérêts pour absence de fourniture de tenue de travail, de la carte de salarié et des conséquences subies.
Sur la demande de dommages et intérêts pour absence de déclaration de l’accident du travail :
Aux termes de l’article R. 441-3, alinéa 1er du code de la sécurité sociale en sa rédaction en vigueur du 21 décembre 1985 au 1er décembre 2019, la déclaration de l’employeur ou l’un de ses préposés prévue à l’article L. 441-2 doit être faite par lettre recommandée, avec demande d’avis de réception, dans les quarante-huit heures non compris les dimanches et jours fériés.
En l’espèce, bien que l’employeur produise une déclaration d’accident du travail datée du 17 avril 2015, il ne verse aucun élément permettant de démontrer son envoi par lettre recommandée, avec demande d’avis de réception dans le délai réglementaire.
Cela étant, le salarié se borne à affirmer que ce manquement de l’employeur l’a contraint à se déplacer et lui a causé de grandes souffrances physiques.
Ces seules affirmations ne sauraient suffire à démontrer le préjudice causé par le manquement de l’employeur.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il déboute le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour absence de déclaration de l’accident du travail.
Sur la demande de dommages et intérêts pour falsification du bulletin de salaire :
Le salarié soutient que l’employeur a falsifié son bulletin de paie du mois de décembre 2015 :
– en procédant à une retenue sur salaire d’un montant de 189,29 euros au titre de la période comprise entre les 16 et 24 novembre 2015 en indiquant qu’il aurait pris des congés payés ;
– en mentionnant des retenues sur salaires au titre des mois d’août à novembre 2015, sans lui indiquer les motifs desdites retenues.
L’examen du bulletin de salaire litigieux laisse apparaître qu’une retenue d’un montant de 189,29 euros a été effectuée au titre de congés payés concernant la période comprise entre les 16 et 24 novembre 2015.
Par ailleurs le bulletin de paie fait mention de différentes rubriques intitulées ‘Annul. acc. trav. N. payé’, ‘Abs mal non payé’ et ‘Abs. autorisée’, correspondant à différentes périodes entre le 5 août et le 31 décembre 2015 .
Il ne résulte d’aucun élément du dossier que le salarié avait été placé en congés payés entre les 16 et 24 novembre 2015, à l’issue de son arrêt de travail.
Par ailleurs, l’employeur ne conteste pas que le salarié a travaillé le 17 novembre 2015, puisqu’il se réfère à une fiche de distribution qui mentionne que ce dernier s’est présenté à la plate-forme de mise à disposition des prospectus le 17 novembre à 10 heures 47.
A l’inverse, les allégations du salarié selon lesquelles il a travaillé le 16 novembre 2017 afin de procéder à la ‘préparation de la documentation à distribuer’ sont contredites par la fiche de distribution, laquelle démontre que le document à distribuer ne lui a été remis que le 17 novembre 2015.
En ce qui concerne les différentes retenues opérées au titre des mois d’août et novembre 2015 telles qu’il les dénonce, celles-ci s’intègrent dans un contexte particulièrement complexe quant au régime applicable en raison de la fixation de la date de consolidation de ses lésions au 4 août 2015 par la caisse primaire d’assurance maladie (telle qu’il résulte du courrier du 3 août 2015 qu’il verse aux débats), l’attestation de paiement des indemnités journalières produite par la société démontre qu’il a été indemnisé par la caisse au titre de la maladie pour l’ensemble de la période postérieure au 5 août 2015, alors qu’il relevait du régime de l’accident du travail pour la période antérieure.
Compte tenu des ces éléments, il apparaît uniquement que l’employeur a indiqué, de façon erronée dans le bulletin de paie du mois de décembre 2015 du salarié que ce dernier avait été placé en congés payés entre les 16 et 24 novembre 2015, alors que celui-ci a par ailleurs travaillé le 17 novembre.
Le salarié ne rapportant pas la preuve de l’existence d’un préjudice indépendant du retard apporté au paiement de son salaire par l’employeur et causé par la mauvaise foi de celui-ci, il convient de débouter l’intéressé de sa demande de dommages-intérêts pour falsification du bulletin de salaire.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il le déboute de ce chef.
Sur la demande de dommages et intérêts pour reprise du travail sans visite de reprise :
Selon l’article R. 4624-22 du code du travail en sa rédaction en vigueur du 1er juillet 2012 au 1er janvier 2017, le salarié bénéficie d’un examen de reprise du travail par le médecin du travail :
1° Après un congé de maternité ;
2° Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;
3° Après une absence d’au moins trente jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel.
Par ailleurs, l’article R. 4624-23, alinéa 5 du code du travail en sa rédaction en vigueur du 1er juillet 2012 au 1er janvier 2017 mentionne que dès que l’employeur a connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l’examen de reprise dans un délai de huit jours à compter de la reprise du travail par le salarié.
En l’espèce, il est constant que le salarié a fait l’objet d’un examen de reprise par le médecin du travail le 25 novembre 2015.
Les parties divergent quant à la date de reprise du travail du salarié, ce dernier indiquant que celle-ci est intervenue le 16 novembre 2015, tandis que l’employeur soutient qu’elle n’a repris ses fonctions que le 17 novembre 2015.
Ainsi qu’il a été montré précédemment, le salarié a repris le travail le 17 novembre 2015, ce dont il résulte qu’il a bénéficié d’une visite de reprise dans le délai prévu par l’article R. 4624-23 du code du travail en sa rédaction applicable au litige.
En tout état de cause, à supposer même qu’il avait effectivement repris le travail le 16 novembre 2015 (ce qui n’est nullement établi), ce dernier ne justifie nullement du préjudice que lui aurait causé l’organisation de sa visite de reprise neuf jours après sa reprise. A cet égard, le rapport entre, d’une part, ce manquement de son employeur et, d’autre part, sa déclaration postérieure d’inaptitude physique et sa reconnaissance en qualité d’adulte handicapé est purement hypothétique.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il le déboute de sa demande de dommages et intérêts pour reprise du travail sans visite de reprise.
Sur la rupture du contrat de travail :
– Sur l’origine professionnelle de l’inaptitude du salarié
L’application de l’article L. 1226-10 du code du travail n’est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d’assurance maladie du lien de causalité entre l’accident du travail et l’inaptitude. Il appartient aux juges du fond de rechercher eux-mêmes l’existence de ce lien de causalité.
En l’espèce, les certificats d’arrêts de travail versés aux débats par le salarié démontrent que :
– entre le 17 avril 2015 et le 8 septembre 2015, il a été placé en arrêt de travail pour accident du travail ;
– du 29 septembre au 30 octobre 2015, il a été placé en arrêt de travail pour rechute d’accident du travail ;
– les prolongations d’arrêt de travail entre le 30 octobre et le 15 novembre 2015 ne sont pas des arrêts de travail pour accident du travail ou rechute d’accident du travail.
Suite à l’accident du travail du 15 avril 2015, l’état de santé de l’intéressé a été déclaré consolidé par le médecin-conseil de la sécurité sociale à la date du 4 août 2015. A l’issue de la visite de reprise, le 14 septembre 2015, le médecin du travail a déclaré le salarié apte à son poste.
Alors que l’employeur soutient que l’incohérence entre l’avis initial d’arrêt de travail du 29 septembre 2015 et les avis de prolongation résulte d’une erreur commise initialement par le médecin traitant, le salarié ne fournit aucune indication utile quant à l’origine de l’arrêt de travail dont il a fait l’objet à compter de cette date. En ce sens, la cour relève que l’argumentation de l’appelant selon laquelle il s’est ‘bless[é] de nouveau et [a] subi (…) une rechute de son accident de travail’ au mois d’août 2015 n’est nullement étayée.
Ainsi, en l’absence d’élément suffisant au vu des pièces du dossier et des écritures des parties, il n’est pas établi que l’inaptitude du salarié avait au moins partiellement pour origine l’accident du travail subi par le salarié le 15 avril 2015 ou une rechute de cet accident du travail.
– Sur les recherches de reclassement
Aux termes de l’article L. 1226-2 du code du travail en sa rédaction en vigueur du 1er mai 2008 au 1er janvier 2017, lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.
En l’espèce, le salarié s’est vu notifier son licenciement dans les termes suivants :
‘Nous vous avions, par lettre recommandée (…) du 25 avril 2016, convoqué le vendredi 6 mai 2016 à 10h00, à l’entretien préalable en vue d’un licenciement.
Vous ne vous êtes pas présenté à cet entretien, aussi nous vous exposons ci-dessous les motifs de la mesure envisagée.
Nous vous informons que notre impossibilité de reclassement suite à votre inaptitude à votre poste de travail nous contraints à vous licencier.
En effet, le médecin du travail, par avis médicaux du 25 novembre 2015 et du 9 décembre 2015, vous a déclaré inapte à votre poste de travail.
Ses conclusions ont été les suivantes :
‘Inapte au poste – 2ème visite Art. R4624-31 du Code du Travail.
1 – Inapte au poste de distributeur de l’entreprise MEDIAPOST de la ville d’Ecquevilly.
2 – Contre-indication médicale : aux manutentions (porter, tirer, pousser) de charges de plus de 10 kg ; aux montées et descentes répétées d’escalier, à la marche sur terrain accidenté, aux montées et descentes répétées de véhicule ; à la station debout prolongée au-delà de 20 mn d’affilée : aux flexions et torsions du tronc donc inapte au poste tel qu’il est conçu habituellement.
3- Etude de poste pour proposition d’aménagement technique et/ou organisationnel faite le 10/06/2015, toujours valable selon l’employeur le 25/11/2015. D’après l’étude de poste et compte tenu de l’état de santé du salarié, aucun aménagement technique ou organisationnel n’est proposable.
4 – Proposition de reclassement dans l’entreprise (ou le groupe) : serait médicalement apte à un poste d’un autre service ou site, à tout nouveau poste, à toute formation en vue d’un poste respectant les contre-indications du point 2.’.
Soucieux d’aboutir à votre reclassement, nous avons recherché au sein de l’entreprise, ainsi qu’au sein des autres entités du groupe La Poste, toutes les possibilités de transformation, d’aménagement et de reconfiguration de postes permettant votre reclassement.
Nous avons interrogé l’ensemble des établissements du groupe afin de recenser les postes disponibles et compatibles aux préconisations du médecin du travail ainsi qu’à vos compétences professionnelles, ceci dans le but de vous proposer un reclassement.
Cette recherche de reclassement n’a malheureusement pas pu aboutir et nous vous avons alors informé par lettre recommandée (…) de l’absence de poste disponible et compatible.
Nous vous avons ensuite convoqué par courrier recommandé (…) daté du 25 avril 2016, à un entretien fixé au 6 mai 2016.
Nos recherches de reclassement n’ayant pu aboutir en raison de l’absence de poste disponible et compatible, nous sommes aujourd’hui dans l’impossibilité de vous reclasser, ce qui nous contraint à prononcer votre licenciement’.
La cour relève que la citation des conclusions médicales d’inaptitude du salarié à son poste de travail contenue dans la lettre de licenciement est conforme au contenu de l’avis rédigé par le médecin du travail à l’issue de la visite médicale du 9 décembre 2015.
L’intimée fait valoir qu’elle a interrogé, d’une part, ‘[s]es services RH internes, étant précisé qu’il ne s’agi[ssai]t pas d’interroge[r] chaque établissement (plate-forme) mais chaque région où se trouv[ai]ent les services RH’ et, d’autre part, ‘l’ensemble des sociétés du groupe’ (lequel comprenait notamment l’ensemble des services de La Poste, les services du réseau banque…).
Cela étant, au soutien de ses affirmations, elle se borne à verser aux débats des courriers de réponses négatives à des demandes de possibilité de reclassement du salarié émanant de différentes entités.
En dépit de leur nombre (120), ces courriers ne fournissent aucune information utile quant au caractère suffisant des recherches de reclassement entreprises au regard de la dimension très importante du groupe d’appartenance de la société.
Par ailleurs, le salarié indique qu’il était titulaire d’un diplôme de niveau Bac + 4 et qu’il disposait de compétences en informatiques. Il justifie par ailleurs avoir exercé un stage et occupé différents emplois dans le secteur informatique, de niveau ingénieur.
Par conséquent, l’employeur ne saurait valablement faire valoir, en se référant au demeurant à
dix-huit extraits de registres uniques du personnel de plusieurs entités qu’il a unilatéralement sélectionnés, que les ’emplois vacants susceptibles de correspondre aux compétences’ du salarié consistaient en des fonctions de distributeur ou de magasinier qu’il ne pouvait occuper au vu des préconisations du médecin du travail.
Au regard de ces éléments, il n’est pas établi que l’employeur a diligenté des recherches sérieuses et loyales de reclassement avant de procéder au licenciement du salarié.
Le non-respect par l’employeur de son obligation de reclassement l’oblige à réparer le préjudice subi par le salarié du fait de la perte injustifiée de son emploi qui a résulté.
Compte tenu des circonstances de la rupture, de son salaire mensuel moyen (586,61 euros), de son ancienneté d’un an, cinq mois et cinq jours et de son âge (52 ans) au moment de son licenciement, le salarié sera justement indemnisé par le versement d’une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Le jugement déféré sera donc infirmé sur ces points.
Sur la demande au titre du non-respect de la procédure de licenciement :
Aux termes de l’article L. 1235-2 du code du travail, l’employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l’objet de la convocation. L’entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.
N’est pas irrégulier le licenciement d’un salarié qui n’a pu se rendre à l’entretien préalable, l’employeur n’étant pas tenu de faire droit à sa demande d’une nouvelle convocation.
En l’espèce, il est constant que le salarié n’a réceptionné les deux courriers recommandés avec accusé de réception comportant sa convocation à un entretien préalable de licenciement que le 7 mai 2017, lendemain du jour de fixation dudit entretien.
Toutefois, les avis de réception desdits courriers produits par l’employeur démontrent qu’ils ont été présentés les 26 et 28 avril 2016 au salarié.
Pour justifier de son absence à son domicile au moment de la présentation des courriers et de leur retrait tardif, le salarié argue de ce qu’il a subi une intervention chirurgicale le 22 avril 2016 et de ce que celle-ci s’est suivie de complications.
Cela étant, la prescription d’un traitement par un médecin du pôle odontologie d’un hôpital et les échanges de courriers électroniques par lesquels il informait manifestement son médecin ou son dentiste de douleurs postérieures à cette intervention ne sauraient suffire à justifier son impossibilité d’accuser réception des courriers de convocation avant le 7 mai 2016.
Dans ce contexte, l’appelant n’est pas fondé à reprocher à l’employeur de ne pas avoir procédé à un report de son entretien préalable de licenciement (en tout état de cause, le courrier du 7 mai 2016 qu’il a envoyé à son employeur après avoir réceptionné les courriers litigieux, s’il évoque de façon prospective la tenue de l’entretien préalable de licenciement, ne comporte aucune demande expresse de report).
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il le déboute de sa demande au titre du non-respect de la procédure de licenciement.
Sur le harcèlement allégué :
Selon l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L’article L. 1154-1 du code du travail en sa rédaction en vigueur du 1er mai 2008 au 10 août 2016 prévoit que lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
En l’espèce, au soutien de ses allégations selon lesquelles il aurait fait l’objet d’un harcèlement moral au travail, le salarié fait valoir que :
– la société a multiplié les manoeuvres pour lui faire signer un contrat à temps partiel de 16 heures par semaine alors qu’il imaginait conclure un contrat à temps partiel de 24 heures ;
– la société n’a pas respecté son obligation de sécurité en n’organisant aucune visite médicale d’embauche, en ne lui fournissant pas l’équipement professionnel adéquat pour lui permettre d’être identifié en tant que salarié et en lui imposant de travailler alors qu’il justifiait de douleurs importantes ;
– la société a exécuté le contrat de travail de façon déloyale en falsifiant ses bulletins de salaires, en imputant des jours d’arrêt de travail pour maladie sur son crédit de congés payés, en ne mettant pas tout en oeuvre pour procéder à son reclassement et en procédant à un licenciement expéditif qui ne lui a pas permis d’être présent à son entretien préalable et en le privant d’un conseiller lors de cet entretien ;
– ses conditions de travail se sont continuellement dégradées entre les mois de janvier et novembre 2015, au vu des feuilles de route qu’il verse aux débats, lesquelles laissent apparaître une augmentation du chargement de sa voiture, une baisse des ses éléments de salaires, de ses temps de repère conventionnel et de ses frais de déplacement ;
– l’employeur a procédé à des retenues abusives sur ses bulletins de salaires à hauteur de 194,32 euros pour les mois de mars et avril 2015, sans lui apporter d’explication malgré ses contestations ;
– la société n’a pas réagi à ses alertes s’agissant des humiliations qu’il lui a rapportées et des difficultés dont il lui a fait part, en ne lui apportant aucune réponse argumentée au courrier de contestation qu’il lui a adressé.
Il a été montré précédemment que le salarié avait lui-même sollicité la possibilité de travailler moins de 24 heures par semaine, de sorte qu’il ne saurait reprocher à la société de l’avoir engagé à hauteur de 16 heures par semaine.
Par ailleurs, il n’est nullement établi que la société lui a imposé de ‘travailler alors qu’il justifiait de douleurs importantes’.
De même, le salarié ne saurait faire grief à l’employeur de ne pas lui avoir permis d’être présent à son entretien préalable, dès lors qu’il a été montré qu’il l’avait dûment convoqué par courrier recommandé avec accusé de réception (les courriers de convocation indiquant par ailleurs la possibilité de bénéficier d’une assistance lors de l’entretien).
Enfin, le courrier produit par le salarié daté du 9 novembre 2015 (mais dont la date d’envoi est inconnue) démontre qu’il a fait part à la société de ce qu’il subissait des ‘comportements d’humiliation de la part des responsables’ de cette dernière.
Cela étant, ce courrier repose uniquement sur ses déclarations, de sorte qu’il ne saurait suffire à établir la matérialité des faits dont il fait état.
En tout état de cause, une réponse à ce courrier a été envoyé par l’intimée le 28 décembre 2015.
En revanche, si le salarié ne peut valablement faire valoir que la société a ‘falsifié ses bulletins de salaire’, il a été démontré que son bulletin de salaire du mois de décembre 2015 comportait des mentions erronées, en ce qui concerne notamment l’exercice de ses droits à congés payés.
Il est pareillement démontré que le salarié n’a bénéficié d’aucune visite médicale d’embauche.
Il n’est par ailleurs pas établi, d’une part, que la société a effectivement remis au salarié une tenue de travail et une carte de salarié (sans pour autant qu’un quelconque lien puisse être établi entre ce manquement et l’agression qu’il a subie) et, d’autre part, qu’elle a dûment déclaré l’accident du travail qu’il a subi.
En outre, la société ne conteste pas que le salarié a contesté, par courrier du 12 mai 2015 (tel qu’il le verse aux débats), une retenue sur salaire sur son bulletin de paie du mois d’avril 2015 et qu’elle ne lui a pas apporté de réponse.
L’examen des trois feuilles route produites par le salarié démontre ensuite qu’entre les mois de janvier et novembre 2015, le chargement de sa voiture a augmenté pour passer de 145,21 à 212,16 kg, que ses éléments de rémunération ont diminué de 111,38 euros à 73,21 euros, que son temps de repère conventionnel est passé de 11 heures 35 à 7 heures 35 et que ses frais de déplacement, initialement fixés à 8,92 euros, ont été réduits à 1,02 euros.
Il est au surplus démontré que l’employeur a manqué à son obligation de reclassement, en ce qu’il n’est pas établi qu’il a procédé à des recherches sérieuses et loyales à cette fin avant de procéder au licenciement de l’appelant.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, si la matérialité de différents manquements commis par l’employeur est caractérisée au même titre que l’augmentation de la charge de travail de l’appelant corrélativement à la baisse de sa rémunération, les éléments retenus comme établis, pris en leur ensemble ne laissent pas supposer l’existence d’agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il déboute le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.
Sur la nullité du licenciement
Il ne résulte pas de ce qui précède que la nullité du licenciement soit encourue.
Sur les intérêts
Les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Sur les dépens et l’indemnité de procédure
La société, qui succombe partiellement, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et sera déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement rendu le 24 septembre 2019 par le conseil de prud’hommes de Poissy, sauf en ce qu’il déboute Monsieur [R] [E] de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation de reclassement ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :
Dit le licenciement de Monsieur [R] [E] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société par actions simplifiée à associé unique Mediapost à payer à Monsieur [R] [E] la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation de reclassement, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Déboute la société par actions simplifiée à associé unique Mediapost de sa demande d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne la société par actions simplifiée à associé unique Mediapost aux dépens de première instance et d’appel.
– Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Juliette DUPONT, Greffier en Pré-affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,