Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre sociale
ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2022
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 19/01492 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OBNQ
ARRET N°
Décision déférée à la Cour :
Arrêt du 06 FEVRIER 2019
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE N° RG F17/00200
APPELANT :
Monsieur [S] [O]
[Adresse 3]
[Localité 2] / FRANCE
Représenté par Me Xavier LAFON de la SCP LAFON PORTES, avocat au barreau de BEZIERS
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/004485 du 24/04/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONTPELLIER)
INTIMEE :
SAS CASINO DE [Localité 1]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Frédéric PINET de la SELARL SELARL PINET ET ASSOCIES, avocat au barreau de NARBONNE
Ordonnance de clôture du 19 Avril 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 MAI 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère, chargé du rapport.
Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Jean-Pierre MASIA, Président
Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère
Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère
Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL
ARRET :
– contradictoire.
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.
*
**
FAITS ET PROCÉDURE
M. [S] [O] a travaillé au profit de la SAS Casino de [Localité 1] dans le cadre de plusieurs contrats de travail à durée déterminée :
– contrat du 24 septembre 2015 à effet au 28 septembre 2015 (une journée), en qualité de serveur,
– contrat du 1er octobre 2015 jusqu’au 31 octobre 2015 en qualité de serveur, prolongé par avenants des 1er novembre et 1er décembre 2015 et 28 janvier 2016 jusqu’au 31 mars 2016.
Par avenant du 1er avril 2016, la relation de travail s’est poursuivie à durée indéterminée et à temps complet, au poste de chef de table moyennant une rémunération mensuelle de 1 537,08 € brut.
Le 1er septembre 2016, le salarié a été victime d’une agression physique devant son domicile et a été placé en arrêt de travail pour accident du travail jusqu’au 8 septembre 2016. Cet arrêt de travail a été régulièrement prolongé jusqu’au 8 janvier 2017 inclus, le certificat final fixant une reprise à temps complet au 9 janvier 2017.
Entre-temps, le 5 décembre 2016, la Caisse primaire d’assurance maladie de l’Aude (CPAM) avait notifié au salarié son refus de prise en charge de l’accident du 1er septembre 2016 au titre de la législation relative aux risques professionnels.
Le 11 janvier 2017, le salarié a été déclaré apte à la reprise de son poste.
Par lettre du même jour, l’employeur lui a adressé une proposition de rupture conventionnelle de son contrat de travail en se référant à leur entretien téléphonique et l’a convoqué à un entretien fixé le 16 janvier 2017.
Le même jour encore, le salarié a signé une demande de congés payés portant sur la période comprise entre le 9 janvier et le 16 janvier 2017.
Le 17 février 2017, il a été de nouveau placé en arrêt de travail jusqu’au 31 mars 2017, pour « rechute » d’accident du travail. Cet arrêt a été prolongé jusqu’au 30 avril 2017 inclus.
Le 2 mai 2017, le salarié a été déclaré inapte temporaire, le médecin du travail estimant qu’il relevait encore de soins et qu’une prolongation de l’arrêt devait être ordonné par le médecin traitant.
Par requête du 18 mai 2017, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Béziers aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Le 7 juin 2017, il a été déclaré inapte en un seul examen au visa de l’article R4624-42 du Code du travail.
Par courrier du 23 juin 2017, l’employeur lui a notifié son impossibilité de le reclasser.
Par courrier du 26 juin 2017, il l’a convoqué à un entretien préalable à une mesure de licenciement, fixé au 6 juillet 2017.
Par courrier du 11 juillet 2017, il lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Par jugement du 13 juillet 2017, le conseil de prud’hommes s’est déclaré territorialement incompétent pour statuer sur les demandes du salarié et a renvoyé les parties devant le conseil de prud’hommes de Narbonne tout en réservant les dépens et l’article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement du 6 février 2019, le conseil de prud’hommes a
– dit et jugé que M. [S] [O] n’avait pas été victime de harcèlement moral de la part de la SAS Casino de [Localité 1],
– dit et jugé qu’il n’y avait pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail,
– dit et jugé que le licenciement était régulier,
– débouté le salarié de l’intégralité de ses prétentions,
– dit qu’il n’y avait pas lieu de faire application de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamné le salarié aux entiers dépens.
Par déclaration enregistrée au RPVA le 28 février 2019, M. [S] [O] a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 24 mai 2019, M. [S] [O] demande à la Cour,
Au principal, de :
-Dire et juger qu’il a été victime de harcèlement moral,
-Condamner la SAS Casino de [Localité 1] à lui verser la somme de 8.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,
-Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts et griefs exclusifs de la SAS Casino de [Localité 1],
-Dire et juger que la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d’un licenciement nul à la date du 11 juillet 2017,
En conséquence,
-Condamner la SAS Casino de [Localité 1] à lui payer :
*12.000 € à titre d’indemnité pour licenciement nul,
*1.552,45 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
*155,24 € à titre de congés payés afférents,
A titre subsidiaire, si la Cour devait considérer qu’il n’a pas été harcelé moralement, de
-Dire et juger que la SAS Casino de [Localité 1] a exécuté de façon déloyale son contrat de travail,
-Dire et juger que l’exécution déloyale du contrat de travail constitue un grave manquement de l’employeur rendant impossible la poursuite de la relation de travail,
-Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts et griefs exclusifs de l’employeur,
-Dire et juger que la résiliation judiciaire du contrat de travail produira les effets d’un licenciement nul à la date du 11 juillet 2017,
-En conséquence,
-Condamner la SAS Casino de [Localité 1] à lui payerles mêmes sommes,
A titre infiniment subsidiaire, de :
-Dire et juger que l’inaptitude a été directement déterminée par manquement de la SAS Casino de [Localité 1],
-Dire et juger son licenciement nul,
-En conséquence,
-Condamner la SAS CASINO DE [Localité 1] à lui payer les mêmes sommes,
En tout état de cause, de :
Condamner la SAS Casino de [Localité 1] à lui remettre un bulletin de paie, une attestation destinée à Pôle emploi et un certificat de travail rectifiés et conformes à l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document manquant ou erroné, qui commencera à courir passé un délai de 15 jours suivant la date de signification dudit arrêt,
La condamner à lui payer la somme de 1.800 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
La condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 10 juillet 2019, la SAS Casino de [Localité 1] demande à la Cour de:
-Rejeter l’intégralité des demandes, fins et conclusions de M. [S] [O],
-Confirmer le jugement dont appel dans toutes ses dispositions et plus précisément en ce qu’il a :
oRejeté les demandes formulées au titre du harcèlement moral prétendu, en ce compris la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail,
oDit et jugé parfaitement régulier et motivé le licenciement pour inaptitude avec impossibilité de reclassement intervenu,
-Rejeter la demande subsidiaire nouvelle fondée sur l’exécution prétendument déloyale du contrat de travail par l’employeur, à défaut de preuve de quelque manquement que ce soit de leur part,
-Condamner M. [S] [O] à lui verser la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 CPC,
Pour l’exposé des prétentions des parties et leurs moyens, il est renvoyé, conformément à l’article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 19 avril 2022.
MOTIFS
Sur le harcèlement moral.
Selon l’article L.1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En cas de litige, l’article L.1154-1 du même Code prévoit que le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l’espèce, le salarié fait valoir que l’employeur l’a harcelé moralement après l’agression du 1er septembre 2016 survenue lors d’une coupure au cours du trajet entre le lieu de travail et son domicile, ce qui a entraîné une dégradation de son état de santé déjà fragilisé par l’agression et a compromis son avenir professionnel :
-1) en ne manifestant aucune empathie à son égard,
-2) en contestant le caractère professionnel de son trajet,
-3) en lui refusant une reprise à mi-temps thérapeutique,
-4) en l’isolant en le mettant d’office en congé payé (20 jours),
-5) en lui proposant une rupture conventionnelle dès son retour d’arrêt de travail sans négociations tout en faisant pression sur lui afin de rompre son contrat de travail,
-6) en ne lui remettant pas les plannings de travail à l’exception de celui concernant le mois de février 2017, remis le 10 février 2017 pour une prise de poste le jour-même, et en répondant à ses demandes « les plannings sont en cours »,
-7) en le considérant en absence injustifiée et en lui retirant son salaire correspondant, alors qu’il lui avait demandé de rester à son domicile.
Au soutien de ses prétentions, le salarié verse aux débats les pièces suivantes :
– le refus de prise en charge de l’accident du 1er septembre 2016 par la CPAM au titre de la législation relative aux risques professionnels,
– le certificat médical du 5 décembre 2016 du docteur [T], psychiatre psychothérapeute, mentionnant que son état de santé permet une reprise d’activité professionnelle dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique ainsi que l’avis du médecin du travail du 11 janvier 2017 concluant à son aptitude, sans réserve,
– le bordereau de demande de congés du 11 janvier 2017 signé par lui-même et l’employeur dont il résulte qu’il a sollicité 8 jours de congés payés du 9 au 16 janvier 2017,
– le bulletin de salaire de février 2017 dont il résulte qu’il a été considéré
en congés payés 2 jours les 1er et 2 février,
en absence injustifiée 6 jours du 4 au 9 février,
en congés payés 16 jours du 13 au 28 février 2017,
– des échanges écrits relatifs à son absence injustifiée en février 2017 et à la rupture conventionnelle :
* un courrier du 11 janvier 2017 de l’employeur lui proposant la mise en oeuvre d’une procédure de rupture conventionnelle du contrat de travail et un entretien fixé le 16 janvier 2017,
* la photographie du document de rupture conventionnelle non signé,
* son courrier manuscrit du 2 février 2017 dont il résulte pour l’essentiel qu’il s’est présenté à l’entretien le matin-même, a préféré ne pas signer la proposition de rupture conventionnelle anti-datée au 16 janvier 2017 en raison du faible montant de l’indemnité non discutée (500 €), qu’il est en congés payés à la demande de l’employeur, qu’il veut rester en bons termes avec l’établissement et le directeur et qu’il est d’accord avec une rupture conventionnelle sous réserve d’une part, que les mois de janvier et février 2017 soient payés alors qu’il restera à son domicile et d’autre part, que sa date de sortie soit fixée au 1er mars 2017,
* un courrier du 7 février 2017 (daté par erreur du 7 janvier) aux termes duquel l’employeur relève notamment que malgré sa demande de rupture conventionnelle présentée par courriel le 30 août 2016, le salarié n’a pas honoré le rendez-vous fixé le 6 février 2017 avec la directrice des ressources humaines, en sorte que les absences du salarié sont injustifiées et ne seront pas payées,
* son courrier manuscrit du 8 février 2017 accusant réception d’un SMS, dont il résulte que l’employeur a accepté de le payer en février 2017 jusqu’à sa sortie des effectifs et réitérant sa demande d’augmentation du montant de l’indemnité de rupture,
* son courrier du 9 février 2017 aux termes duquel il demande à l’employeur des nouvelles de la rupture amiable et de remplir son obligation de lui fournir du travail,
* son courrier du 17 février 2017 reprenant ses précédents écrits, mentionnant qu’il est sans nouvelles de la procédure de rupture conventionnelle, que l’employeur lui interdit tout accès à son poste, que le planning de février 2017 ne lui a été remis que le 10 février 2017 pour le travail du même jour à 18h00,
* son courrier du 19 avril 2017 aux termes duquel il indique à l’employeur notamment être en permanence sur le qui-vive depuis son agression dont le caractère professionnel a été contesté par celui-ci,
* des SMS échangés en janvier et février 2017 dont il résulte que le salarié était tout à fait d’accord pour signer une rupture conventionnelle d’autant qu’il avait d’autres projets pour lesquels il souhaitait être conseillé par la directrice des ressources humaines (DRH), sous réserve toutefois qu’il soit payé pour les mois de février et mars 2017, que l’employeur a accepté ses conditions et lui a accordé tous les congés non pris afin de lui permettre de percevoir les indemnités de chômage immédiatement après la rupture, que l’entretien de janvier 2017 en vue de la rupture conventionnelle a bien été tenu mais en l’absence de la DRH et que selon l’employeur, les plannings de février 2017 de tous les services étaient faits et en cours, y compris celui du salarié,
– son planning de janvier 2017 le positionnant en accident du travail (« AT ») du 1er au 8 janvier inclus, en repos (« R ») du 10 au 12 inclus et en congés payés (« CP ») du 13 au 31 inclus,
– les avis de travail, de reprise et d’aptitude ainsi que les certificats médicaux suivants :
* certificat médical du 2 septembre 2016 rédigé le lendemain de l’agression dont il résulte que le patient présente « un hématome sous orbitaire droit, un hméatome sous orbitaire gauche, une douleur de toue le maxillaire supérieur avec oedème généralisé de la face + douleurs du nez » et que « le scanner montre une fracture de la partie antérieure du sinus maxillaire droit », ce qui entraîne une ITT de 8 jours,
* certificat médical du 5 décembre 2016 du psychiatre indiquant que l’état de santé du patient « permet une reprise d’activité professionnelle, dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique »,
* certificat médical du 29 mai 2017 du psychiatre attestant du suivi de l’intéressé depuis le 8 novembre 2016 et précisant que celui-ci présente « un état de stress post-traumatique, aggravé d’angoisses et d’un stress important lié à des pressions qu’il subirait sur son lieu de travail », ce qui « ne le rend pas apte à reprendre son emploi », ceci pouvant provoquer « une aggravation de ses troubles ».
Aucun élément objectif ne permet de corroborer et d’établir les griefs liés à l’absence d’empathie de la part de l’employeur après l’agression subie par le salarié et au refus d’accorder à ce dernier une reprise à mi-temps thérapeutique. En effet, sur ce dernier point, si le médecin psychiatre assurant le suivi du salarié a proposé une reprise dans ces conditions, le médecin du travail l’a déclaré apte sans aucune réserve à la reprise de son poste et cet avis n’a fait l’objet d’aucun recours.
De même, aucun élément autre que les propres SMS du salarié, ne permet de confirmer que l’employeur aurait imposé au salarié de prendre des congés payés pendant les discussions portant sur la rupture conventionnelle.
De même encore, le contenu des SMS établit que des discussions ont eu lieu sur les conditions de la rupture conventionnelle, l’employeur acceptant les conditions posées par le salarié s’agissant du paiement des mois de janvier et février 2017 malgré son absence au travail ; ce qui ne démontre pas l’existence de pressions, ce d’autant qu’aucune rupture conventionnelle n’a finalement été signée entre les parties.
La contestation du caractère professionnel de l’aggression subie n’est pas un fait constitutif de harcèlement moral, le salarié produisant dans le même temps le courrier de refus par la CPAM de prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels, refus dont il n’est pas allégué qu’il aurait été contesté.
La non-remise du planning de février 2017 en début de mois alors qu’il était initialement convenu au vu des SMS produits par le salarié que celui-ci ne travaillerait pas durant ce mois-ci et la réponse de l’employeur à la demande de remise du planning de février 2017 ne sauraient constituer des faits faisant présumer un harcèlement moral.
En revanche, pris dans leur ensemble, les éléments produits par le salarié relatifs à son absence injustifiée du 4 au 9 février 2017 du fait de son absence à un rendez-vous fixé le 6 février 2017 en vue de la signature de la rupture conventionnelle et à la retenue sur salaire correspondante, en ce compris les éléments médicaux, laissent présumer une situation de harcèlement moral.
L’employeur, qui conteste tout harcèlement moral, verse aux débats son courrier du 7 février 2017 également produit par le salarié aux termes duquel il évoque l’arrêt de travail du salarié depuis le 1er septembre 2016 jusqu’au dimanche 8 janvier 2017 puis les congés payés du 8 janvier au jeudi 2 février 2017 ainsi que l’absence du salarié le lundi 6 février 2017 alors qu’il avait rendez-vous avec la DRH ; ce qui l’amène à considérer injustifiées ses absences.
Cette décision de l’employeur, réitérée du 4 au 9 février 2017 au vu du bulletin de salaire correspondant, apparaît en totale contradiction avec les échanges de SMS produits dans le cadre des négociations en vue de la rupture conventionnelle -lesquels montrent que les deux parties s’étaient finalement accordées sur le fait que le salarié ne travaillerait pas en février 2017 mais serait payé – et n’est explicitée par aucun courrier demandant clairement au salarié de reprendre le travail en raison de l’échec des négociations en vue d’une rupture conventionnelle.
Toutefois, les éléments médicaux produits aux débats ne mettent pas en évidence un lien de causalité entre ces faits et la dégradation de l’état de santé du salarié, lequel a été de nouveau placé en arrêt de travail le 17 février 2017 jusqu’au 30 avril 2017.
En effet, il ressort de l’avis d’arrêt de travail qualifié alors de « rechute » par le médecin traitant, daté du 17 février 2017, que le patient présente une « récidive de vertiges (post traumatisme facial) avec état d’anxiété généralisée ».
De même, l’avis de prolongation du 27 mars 2017 mentionne les « vertiges en cours de rééducation + syndrome anxieux post fracture maxillaire droit (trajet travail) ».
L’analyse de ces pièces montre que la dégradation de l’état de santé du salarié est exclusivement en lien de causalité directe avec l’agression d’ordre privée survenue à son préjudice devant son domicile le 1er septembre 2016.
Dès lors, le harcèlement moral n’est pas établi. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande d’indemnisation à ce titre.
Sur l’exécution déloyale du contrat de travail.
L’article L 1222-1 du Code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
En l’espèce, le salarié expose que dans l’hypothèse où le harcèlement moral ne serait pas retenu, il y aurait lieu de retenir l’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur au regard de ses manquements graves.
Au vu de ce qui précède, l’employeur a en effet manqué à son obligation d’exécution loyale du contrat de travail en décidant que du fait de son absence au rendez-vous fixé le 6 février 2017 dans le cadre des pourparlers en vue d’une rupture conventionnelle, le salarié était en absence injustifiée du 4 au 9 février 2017 alors même qu’il était convenu entre eux que le mois de février 2017 ne serait pas travaillé mais serait payé et qu’il ne ressort d’aucune pièce du dossier que l’employeur aurait demandé au salarié, en amont de sa décision, de reprendre le travail en raison de l’échec des pourparlers en vue d’une rupture conventionnelle.
Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail pour manquement à l’obligation de sécurité et, à titre subsidiaire, pour exécution déloyale du contrat de travail.
Lorsqu’un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail est justifiée par des manquements de l’employeur d’une gravité suffisante de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail et, dans le cas contraire, doit se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur.
En l’espèce, le salarié a introduit l’instance prud’homale le 18 mai 2017 et son licenciement est intervenu le 11 juillet 2017. Il y a lieu en conséquence d’analyser en premier lieu la demande au titre de la résiliation judiciaire.
Pour obtenir la résiliation judiciaire d’un contrat de travail, le salarié doit faire état de manquements de l’employeur, d’une gravité suffisante, et de l’impossibilité de poursuivre la relation de travail. Ce manquement peut concerner son obligation de sécurité prévue par l’article L 4121-1 du Code du travail, lequel dispose que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
En l’espèce, le salarié fait valoir à titre principal, que l’employeur a manqué gravement à son obligation de sécurité du fait du harcèlement moral subi et à titre subsidiaire, qu’il a manqué à son obligation d’exécution loyale du contrat de travail, que chacun de ces manquements est grave et rendait impossible la poursuite de la relation contractuelle ; ce qui justifie la résiliation judiciaire du contrat de travail.
Il résulte de ce qui précède que le harcèlement moral n’est pas caractérisé, en sorte que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail présentée à titre principal sur ce fondement doit être rejetée.
Il résulte en revanche des développements précédents que l’employeur a manqué gravement à son obligation d’exécution loyale du contrat de travail en reprochant au salarié son absence à son poste et en refusant de le payer pour les jours suivant son refus de signer la rupture conventionnelle alors même qu’il n’avait pas clairement été mis fin aux discussions en cours destinées à parvenir à une telle rupture. Ce manquement grave faisait obstacle à la poursuite des relations contractuelles, en sorte que la résiliation judiciaire doit être prononcée et qu’elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande au titre du harcèlement moral mais infirmé en ce qu’il l’a également débouté de sa demande au titre du manquement à l’exécution déloyale du contrat de travail et de ses demandes subséquentes liées à la résiliation judiciaire et aux demandes financières.
Sur les conséquences pécuniaires de la rupture.
Compte tenu de l’âge du salarié (né le 14/11/1972), de son ancienneté à la date du licenciement (1 an 9 mois et 10 jours), du nombre de salariés habituellement employés (au moins 11 salariés), de sa rémunération mensuelle brut non discutée (1552,45 €) et de l’absence de tout justificatif relatif à situation actuelle, il convient de fixer les sommes suivantes à son profit :
– 1 552,45 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 1 552,45 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis (1 mois),
– 155,24 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférents.
Sur les demandes accessoires.
L’employeur devra délivrer au salarié un bulletin de salaire, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi, rectifiés conformément aux dispositions du présent arrêt, sans qu’il soit nécessaire de prononcer une astreinte.
Il est équitable de condamner l’employeur à payer au salarié la somme de 1500€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles non compris dans les dépens, exposés en première instance et en cause d’appel.
L’employeur sera tenu aux entiers dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt mis à disposition au greffe ;
CONFIRME le jugement du 6 février 2019 du conseil de prud’hommes de Narbonne en ce qu’il a
– dit et jugé que M. [S] [O] n’avait pas été victime de harcèlement moral de la part de la SAS Casino de [Localité 1],
– dit n’y avoir lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail du fait de ce manquement ;
L’INFIRME pour le surplus,
DIT que la SAS Casino de [Localité 1] a manqué gravement à son obligation d’exécution loyale du contrat de travail de M. [S] [O] ;
PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [S] [O] à la date du 11 juillet 2017 et DIT qu’elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la SAS Casino de [Localité 1] à payer à M. [S] [O] les sommes suivantes :
– 1 552,45 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 1 552,45 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 155,24 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférents ;
CONDAMNE la SAS Casino de [Localité 1] à délivrer à M. [S] [O] un bulletin de salaire, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiés conformément aux dispositions du présent arrêt ;
DIT n’y avoir lieu de prononcer une astreinte ;
CONDAMNE la SAS Casino de [Localité 1] à payer à M. [S] [O] la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile;
CONDAMNE la SAS Casino de [Localité 1] aux entiers dépens de l’instance ;
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT