ARRET
N°
[T]
C/
S.A.S. [F] [Y]
copie exécutoire
le 14/09/2022
à
SCP FRISON
SELARL DELAHOUSSE
LDS/IL/SF
COUR D’APPEL D’AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE
ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2022
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N° RG 21/04147 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IGGC
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AMIENS DU 07 JUILLET 2021 (référence dossier N° RG 19/00541)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Madame [V] [T]
née le 16 Février 1964 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée, concluant et plaidant par Me Christine HAMEL de la SCP FRISON ET ASSOCIÉS, avocat au barreau D’AMIENS
ET :
INTIMEE
S.A.S. [F] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée, concluant et plaidant par Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocat au barreau D’AMIENS
DEBATS :
A l’audience publique du 08 juin 2022, devant Madame Laurence de SURIREY, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :
– Madame Laurence de SURIREY en son rapport,
– les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.
Madame Laurence de SURIREY indique que l’arrêt sera prononcé le 14 septembre 2022 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Laurence de SURIREY en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,
Mme Fabienne BIDEAULT, conseillère,
Mme Marie VANHAECKE-NORET, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 14 septembre 2022, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.
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DECISION :
Mme [T], née le 16 février 1964, a été embauchée par la société [F] [Y] (la société ou l’employeur) à compter du 1er février 2000 par contrat à durée indéterminée en qualité de responsable salariée du magasin situé à [Adresse 5]. Par avenant, elle a été affectée au poste de vendeuse dans les locaux du magasin situé [Adresse 7] à compter du 22 juin 2009. Par un autre avenant du 24 septembre 2015, elle a été transférée au magasin situé [Adresse 8] toujours en qualité de vendeuse à compter du 1er décembre 2015.
Son contrat est régi par la convention collective nationale de la confiserie chocolaterie.
La société emploie quinze salariés.
Le 10 décembre 2018, elle a été placée en arrêt de travail.
Le 31 mai 2019, le médecin du travail a rendu un avis d’inaptitude à son égard en ces termes : « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ».
La salariée a été convoquée par la société [F] [Y], à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, fixé au 2 juillet 2019.
Par courrier du 5 juillet 2019, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Mme [T] a saisi le conseil de prud’hommes d’Amiens, le 18 novembre 2019, afin de contester le licenciement dont elle a fait l’objet.
Le conseil, par jugement du 7 juillet 2021, a :
– dit que le harcèlement moral de Mme [T] du fait du comportement de la SAS [Y] n’était pas caractérisé ;
– débouté Mme [T] de sa demande tendant à dire son licenciement nul et de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
– dit que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement prononcé le 5 juillet 2019 était justifié ;
– condamné la SAS [Y] à verser à Mme [T] la somme de 90 euros au titre du remboursement de la somme indûment retenue sur la paie du mois de décembre 2018 ;
– ordonné à la SAS [Y] de remettre à Mme [T] le bulletin de paie du mois de décembre 2018 rectifié conformément à la décision, et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 31ème jour suivant la notification de la décision ;
– condamné la SAS [Y] à verser à Mme [T] la somme de 500 euros au titre de la demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté la société de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société aux entiers dépens de l’instance.
Par conclusions remises le 25 mai 2022, Mme [T], qui est régulièrement appelante de ce jugement, demande à la cour de :
– la dire recevable et bien fondée en son appel et en l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
Y faisant droit,
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Amiens du 7 juillet 2021 ;
Par conséquent,
– déclarer nul le licenciement en date du 5 juillet 2019 ;
Par conséquent,
– condamner la société [Y] prise en la personne de son représentant légal à lui payer :
– 41 800 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
– 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi ;
– 4 180 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 418 euros au titre des congés payés sur préavis ;
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Amiens en ce qu’il a condamné la société [Y] prise en la personne de son représentant légal à lui payer :
– 90 euros à titre du remboursement de la somme indûment retenue sur la paie du mois de décembre 2018 ;
– 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Amiens du 7 juillet 2021 et ordonner la remise, sous astreinte non comminatoire de 200 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, de l’ensemble des documents de fin de contrat et bulletins de paie conformes à ladite décision ;
– débouter la société [Y] de ses demandes au titre de l’appel incident tendant à solliciter l’infirmation du jugement dont appel en ce qu’il l’a condamnée au versement des sommes de 90 euros à titre de remboursement du prélèvement indû sur le salaire du mois de décembre 2018 et 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de son préjudice ;
– écarter la demande subsidiaire de la société [Y] tendant à solliciter d’elle le paiement d’une somme de 90 euros au titre des achats de Noël de l’année 2018 alors même qu’aucun achat n’a été réalisé de ce chef puisqu’il s’agissait du panier de Noël ;
– condamner la société [Y] prise en la personne de son représentant légal à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure devant la cour, ainsi qu’aux entiers dépens ;
– débouter la société [Y] prise en la personne de son représentant légal de toute demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions remises le 24 mai 2022, la société [F] [Y] demande à la cour de :
– la juger recevable et bien fondée en ses moyens de défense et en son appel incident ;
– débouter Mme [T] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
En conséquence, et y faisant droit,
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Amiens du 7 juillet 2021 en ce qu’il a dit que le harcèlement moral de Mme [T] du fait de son comportement n’était pas caractérisé, en ce qu’il a débouté Mme [T] de ses demandes tendant à dire son licenciement nul et à obtenir des dommages et intérêts pour préjudice moral, et en ce qu’il a dit que le licenciement de Mme [T] pour inaptitude et impossibilité de reclassement prononcé le 5 juillet 2019 était justifié ;
Sur l’appel incident,
– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il l’a condamnée à verser à Mme [T] la somme de 90 euros au titre du remboursement de la somme indûment retenue sur la paie du mois de décembre 2018, en ce qu’il a ordonné la remise, sous astreinte, du bulletin de paie du mois de décembre 2018 rectifié conformément au jugement, et en ce qu’il l’a condamnée à verser à Mme [T] la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
En tout état de cause,
– condamner Mme [T] au paiement de la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles de l’instance d’appel ;
Très subsidiairement,
– si la cour de céans devait confirmer le jugement dont appel en ce qu’il l’a condamnée à verser à Mme [T] la somme de 90 euros au titre du remboursement de la somme indûment retenue sur sa paie du mois de décembre 2018, il conviendrait dans cette hypothèse de condamner Mme [T] à lui verser la somme de 90 euros au titre de ses achats de noël sur l’année 2018 ;
Encore plus subsidiairement,
– si par impossible la cour de céans devait estimer que le licenciement de Mme [T] s’avère nul ou ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, réduire à de plus justes proportions les réclamations financières de Mme [T] et la débouter, en tout état de cause, de sa demande de dommages et intérêts complémentaire pour préjudice moral ;
– statuer ce que de droit quant aux dépens.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
EXPOSE DES MOTIFS :
1/ Sur la demande au titre du remboursement de la somme de 90 euros :
L’employeur fait valoir que la somme de 90 euros déduite de la paie de décembre 2018 correspond aux achats de Noël de Mme [T] et non pas à un cadeau de l’entreprise et qu’il était bien fondé en l’absence de paiement à opérer une retenue sur le salaire.
Mme [T] rétorque que l’employeur n’était pas en droit d’opérer cette déduction, la somme de 90 euros correspondant au colis de Noël dont elle aurait dû bénéficier comme l’ensemble des collaborateurs de l’entreprise. Elle conteste les allégations de l’employeur selon lesquelles il s’agirait d’un achat à prix préférentiel non réglé et dénonce la fausseté des attestations en ce sens.
La société produit deux attestations qui confirment ses allégations, l’une de Mme [X], comptable de l’entreprise, l’autre de Mme [U], collègue de travail de Mme [T]. Or, la sincérité du témoignage d’un salarié au profit de son employeur peut être discutée compte tenu de son état de subordination et de dépendance économique mais il ne doit pas être considéré, en soi, comme servile ou mensonger, dès lors qu’aucun élément objectif ne permet de l’affirmer et Mme [T] n’apporte pas d’élément permettant de considérer que ces témoignages ont été extorqués à leur auteur ou ont été suscités par la peur.
L’article L. 3251-1 du code du travail dispose que l’employeur ne peut opérer une retenue de salaire pour compenser des sommes qui lui seraient dues par le salarié pour fournitures diverses, quelle qu’en soit la nature.
Cette disposition ne s’applique pas en l’espèce contrairement à ce qu’a jugé le conseil de prud’hommes, puisque les chocolats ne constitue pas des fournitures au sens de cet article. L’employeur était donc en droit de retenir la somme litigieuse sur la paie de Mme [T].
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné la société à payer à Mme [T] la somme de 90 euros.
2/ Sur le harcèlement moral :
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de direction mises en ‘uvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l’article L. 1154-1 du même code, dans sa version applicable à la cause, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L.1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
En l’espèce la salariée présente les faits suivants :
– un management par la terreur : elle soutient que depuis son accession au poste de PDG de la société à la suite du retrait de son père M. [E] [Y], en 2017, M. [S] [Y] fait régner la terreur dans l’entreprise, ne tolérant aucune absence ni aucune contradiction ; qu’il n’a eu de cesse de proférer à son encontre des propos haineux et méchants ; que ce comportement a trouvé son paroxysme le 8 décembre 2018 quand M. [Y] est arrivé en furie sur son lieu de travail l’a traitée de fainéante et a crié qu’il « en avait marre des vieilles » et que cet épisode a provoqué chez elle une angoisse intolérable qui a conduit à son arrêt de travail continu jusqu’à son licenciement,
– une sanction financière prohibée : elle fait valoir que l’employeur a abusivement retenu sur sa paie de décembre 2018 la somme de 90 euros correspondant, non pas à un achat remisé comme il le prétend, mais au colis de Noël auquel elle avait droit comme ses collègues,
– un acharnement contre les témoins : elle allègue que chaque auteur d’attestation est systématiquement l’objet de représailles de la part de l’employeur consistant en un dénigrement dans les conclusions de son conseil. Elle dénonce « la volonté perverse de l’employeur à vouloir dénaturer les termes des attestations versées aux débats » ce qui démontre selon elle « l’acharnement dont M. [Y] sait être capable »,
– des menaces de sanctions infondées : elle soutient que la lettre du 6 juillet 2017, aux termes de laquelle il lui est reproché les résultats catastrophiques du magasin dont elle avait la responsabilité et son affectation a été modifiée, constitue une pratique punitive.
Elle affirme que ces faits sont à l’origine d’une grave dépression alors qu’elle n’avait précédemment aucun antécédent en la matière contrairement à ce que prétend l’employeur.
Elle soutient qu’elle n’a pu obtenir d’attestation et a dû anonymiser les messages de soutien reçus tant ses collègues craignent le directeur et les conséquences que pourrait avoir leur témoignage sur leur emploi et que les attestations produites par l’employeur sont mensongères car inspirées par la crainte.
Elle se prévaut :
– des fiches médicales de préreprise mentionnant que son état de santé est incompatible avec la reprise du travail et son avis d’inaptitude,
– de plusieurs documents médicaux : une lettre de sa psychiatre, du 2 mai 2019, adressée à son médecin traitant aux termes de laquelle elle lui fait part de ce qu’elle a reçue Mme [T] en consultation, qu’elle présente un état d’anxiété et de désarroi moral autour de sa situation professionnelle très anxiogène, de ce qu’en l’état l’incapacité à retourner sur place apparaît avérée, une lettre adressée par le psychiatre au médecin du travail l’informant notamment de ce que Mme [T] n’avait aucun antécédent dépressif, que l’état de stress est totalement dépassé, que ceci impacte sa santé psychologique ainsi que sa santé physique et qu’il existe une phobie totale de tout nouveau contact avec ce qui touche à l’entreprise,
– d’une attestation de M. [A] selon laquelle il a travaillé plusieurs années aux côtés de Mme [T] au cours desquelles il a pu constater une envie de faire toujours mieux pour le magasin et que lui-même est tombé à deux reprises en burnout dans ses dernières activités à cause du comportement de son patron qui trouvait toujours un motif pour le rabaisser et bien d’autres employés sont dans le même cas mais n’osent pas parler,
– d’une attestation de Mme [H] [R], ancienne collègue de travail également licenciée pour inaptitude et à propos de laquelle la cour, par un arrêt du 11 mai 2022, a jugé qu’elle avait été victime de harcèlement moral de la part de l’employeur, affirmant que Mme [T] avait subi bousculades, brimades et humiliations de la part de M. [S] [Y] et s’est souvent plainte auprès d’elle des agissements de ce dernier,
– d’une attestation de M. [B] relatant il a été lui-même exposé à des remarques désobligeantes, des propos dévalorisants et des demandes contradictoires de la part du PDG ce qui a altéré sa santé,
– des échanges de SMS à des dates inconnues avec une ou des personnes dont le nom a été masqué, qui l’assurent de leur soutien face au comportement de M. [Y] à son égard décrit comme harcelant et comme de l’acharnement sur sa personne, faisant référence au fait que paraît-il il n’aime pas « les vieilles »,
– d’un constat d’huissier de justice du 7 août 2017 rédigé dans le cadre de la procédure prud’homale opposant sa collègue Mme [R] à l’employeur, aux termes duquel il apparaît que M. [S] [Y] exerçait des menaces téléphoniques à l’encontre de celle-ci alors qu’elle était en congé maladie y compris auprès de son mari sur son lieu de travail ainsi que l’arrêt de la cour d’appel du 11 mai 2022 précité,
– de son bulletin de paie de décembre 2018 sur lequel apparaît une retenue de 90 euros au titre du colis de Noël,
– d’un courrier du 6 janvier 2017 aux termes duquel l’employeur l’a informée qu’au vu des résultats catastrophiques de l’année 2016 et de nombreuses erreurs en approvisionnement, gestion et horaires, elle réintégrait un autre magasin après avoir fait l’inventaire du magasin dont elle avait la responsabilité,
– d’une attestation de Mme [X], comptable de l’entreprise, produites par l’employeur, qui indique qu’étant absente à Noël elle n’a pas disposé du colis offert chaque année par la direction à cette occasion car elle n’est pas revenue dans l’entreprise pour le retirer,
– de plusieurs attestations selon lesquelles sa dépression est uniquement due aux faits de harcèlement dont elle a été victime au travail.
La société conteste la matérialité des faits du 8 décembre 2018 et de manière générale l’existence d’un comportement inapproprié de son PDG à l’égard de Mme [T].
Elle soutient qu’aucun élément factuel précis n’est invoqué s’agissant des propos haineux, méchants et humiliants régulièrement proférés par M. [S] [Y] lequel n’est pas PDG depuis le 1er janvier 2017 mais depuis 2008, que ces allégations sont démenties par ses propres pièces, que les allégations concernant des faits qui se seraient produits le 8 décembre 2018 ne sont étayées d’aucune pièce.
Elle conteste la valeur probante des certificats médicaux et attestations produites par la salariée au motif notamment que leurs auteurs ne peuvent rien avoir personnellement constaté, de même que des SMS anonymes et non datés.
Elle affirme encore que rien dans le dossier ne permet de faire le lien entre son état de santé et un prétendu comportement harcelant de la part de M. [Y].
Il convient d’ores et déjà d’écarter comme non probants les SMS dont les auteurs et même le destinataire sont inconnus et qui ne sont pas datés, à défaut de pouvoir s’assurer de leur authenticité, étant observé que l’employeur justifie de ce que certains de ces mêmes échanges ont été produits dans le cadre d’un autre procès l’opposant à une autre salariée.
S’agissant du comportement habituellement humiliant et méchant de M. [Y] à l’égard de Mme [T], la cour constate qu’aucun fait précis n’est rapporté ni par la salariée elle-même, ni par les personnes qui ont attesté pour elle.
L’employeur démontre que Mme [R], qui atteste en faveur de Mme [T], ne peut avoir été témoin de faits qui se seraient produits après le 29 juillet 2017 puisqu’elle a été absente de l’entreprise de manière continue à partir de cette date or, la salariée situe le début de son harcèlement début 2017, ce qui affaiblit encore ce témoignage.
Il produit, en revanche, les attestations de quatre salariées relatant ne jamais avoir constaté de comportement harcelant de M. [Y] envers Mme [T].
À cet égard, le fait que l’employeur ait pu être condamné précédemment à indemniser une autre salariée pour harcèlement moral n’implique pas que le même comportement puisse lui être imputé à l’égard de Mme [T], ce d’autant que cette condamnation repose sur des faits précis qui n’ont pas concerné l’appelante.
De même, les certificats médicaux sont impuissants à établir la matérialité de faits qui n’ont pu être constatés par les médecins qui ne font que retranscrire les propos de la patiente.
Mme [T] ne produit pas non plus de pièce permettant de corroborer ses allégations concernant les faits qui se seraient produits le 8 décembre 2018.
La matérialité de l’existence d’un management par la terreur n’est donc pas établie.
Le fait que dans ses conclusions l’employeur mette en cause l’impartialité et la véracité des témoignages produits par la salariée, qui plus est dans des termes mesurés, ne constitue pas un acharnement contre les témoins, ni une volonté perverse de les dénigrer mais le libre exercice des droits de la défense.
Il a déjà été dit que la retenue sur salaire ne constituait pas une pénalité financière prohibée mais le paiement par compensation d’une commande de chocolats.
La lettre du 6 juillet 2017 mettant fin à ses fonctions au sein du magasin de la rue Duméril qui n’a jamais été contestée constitue donc un fait isolé et ancien.
En l’état des explications et des pièces fournies, la matérialité d’éléments de faits significatifs, précis et concordants laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral n’était pas établie.
Les demandes tendant à voir dire le licenciement nul reposant sur l’existence d’un harcèlement moral, ne peuvent qu’être rejetées.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la salariée de ses demandes de ce chef.
3/ Sur les frais et dépens :
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné la société aux dépens de première instance et au paiement d’une somme au titre des frais irrépétibles.
Mme [T], qui perd le procès en appel, doit en supporter les dépens.
Elle sera déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La disparité des situations économiques des parties conduit à rejeter la demande présentée sur le même fondement par la société.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
infirme le jugement en ce qu’il a condamné la société [F] [Y] à payer à Mme [T] la somme de 90 euros au titre du remboursement de la somme retenue sur la paie du mois de décembre 2018 et 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens, et ordonné à la société de remettre à Mme [T] un bulletin de paie rectifié sous astreinte,
le confirme pour le surplus,
statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
déboute Mme [T] de sa demande au titre du remboursement de la somme de 90 euros,
rejette les demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
condamne Mme [T] aux dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.