Retenues sur salaire : 14 février 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 20/01348

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Retenues sur salaire : 14 février 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 20/01348

14 FEVRIER 2023

Arrêt n°

ChR/NB/NS

Dossier N° RG 20/01348 – N° Portalis DBVU-V-B7E-FO3A

Association AGEPAPH IME

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[Z] [D]

jugement au fond, origine conseil de prud’hommes – formation paritaire de vichy, décision attaquée en date du 21 septembre 2020, enregistrée sous le n° f19/00047

Arrêt rendu ce QUATORZE FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Frédérique DALLE, Conseiller

Mme Sophie NOIR, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

Association AGEPAPH IME

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Remy MASSET de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de CUSSET/VICHY

APPELANTE

ET :

Mme [Z] [D]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Isabelle VERDEAUX-KERNEIS de l’AARPI JURIS LITEM AARPI, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMEE

Après avoir entendu M. RUIN, Président en son rapport, les représentants des parties à l’audience publique du 28 Novembre 2022, la Cour a mis l’affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

L’association AGEPAPH (association pour la gestion des personnes âgées et handicapées) gère plusieurs établissements localisés dans le département de l’Allier (03), dont l’institut médico éducatif (IME) ‘[4]’, situé à [Localité 5], qui est une structure accueillant des enfants et des adolescents souffrant de troubles moteurs, sensoriels, de la personnalité, de la communication, constituant un handicap intellectuel (agrément de 32 places pour des jeunes de 0 à 20 ans), avec deux unités (MAGENTA et INDIGO) dédiées au sein de l’IME à l’accompagnement des enfants autistes.

Les IME sont financés par le système de l’assurance maladie en tenant compte du prix de journée et après agrément de l’Agence Régionale de Santé, dans le cadre des dispositions de la loi du 2 janvier 2002. Ils sont en outre régis par les dispositions de l’annexe XXIV du décret n° 89-798 du 27 octobre 1989 codifié au sein du code de l’action sociale et des familles. Chaque enfant accueilli au sein d’un IME, dans le cadre d’un contrat de séjour, bénéficie d’un projet personnalisé d’accompagnement mené par une équipe pluridisciplinaire, éducative, rééducative et médicale.

Madame [Z] [D], née le 29 mars 1986, a été embauchée par l’association AGEPAPH à compter du 10 avril 2012, en qualité d’aide médico psychologique, dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet. La convention collective applicable à la relation de travail est celle des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.

Par courrier recommandé daté du 20 septembre 2018, l’association AGEPAPH a convoqué Madame [Z] [D] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 4 octobre suivant et lui a signifié sa mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier recommandé daté du 12 octobre 2018 (présenté le 13 octobre), Madame [Z] [D] a été licenciée pour faute grave.

Le 15 mars 2019, Madame [Z] [D] a saisi le conseil de prud’hommes de VICHY aux fins notamment de voir juger que son licenciement est abusif et dépourvu de cause réelle et sérieuse, obtenir l’annulation de la mise à pied disciplinaire qui lui a été notifiée, outre obtenir diverses sommes à titre de rappel de salaires et indemnitaire.

L’audience devant le bureau de conciliation et d’orientation s’est tenue en date du 13 mai 2019 (convocation notifiée au défendeur le 20 mars 2019) et, comme suite au constat de l’absence de conciliation, l’affaire été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement rendu contradictoirement le 21 septembre 2020 (audience du 8 juin 2020), le conseil de prud’hommes de VICHY a :

– débouté l’association AGEPAPH IME de sa demande de sursis à statuer ;

– condamné l’association AGEPAPH IME pour non-respect de l’obligation d’information et formation sur les risques pour la santé et la sécurité et à payer à Madame [Z] [D] la somme nette de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts ;

– condamné l’association AGEPAPH IME à payer à Madame [Z] [D] la somme de 1.500 euros net pour déloyauté dans l’exécution du contrat de travail ;

– dit que le licenciement de Madame [Z] [D] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et est abusif ;

– annulé la mise à pied à titre conservatoire ;

– condamné l’association AGEPAPH IME à payer à Madame [Z] [D] les sommes de :

* 3.964,28 euros au titre de l’indemnité de préavis, outre 396,42 euros au titre des congés payés sur préavis ;

* 6.441,95 euros au titre de l’indemnité de licenciement ;

* 3.000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

*10.000 euros au titre de l’indemnité de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

* 433,05 euros au titre de l’annulation de la mise à pied à titre conservatoire, outre 43,30 euros au titre de l’indemnité de congés payées afférente ;

* 850 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure Civile ;

– ordonné à l’employeur de remettre à la salariée ses bulletins de salaire rectifiés, conformes au présent jugement ;

– dit n’y avoir lieu à astreinte ;

– fixé le salaire de référence mensuel brut à la somme de 1.982,14 euros ;

– dit que des sommes ci-dessus énoncées en brut devront éventuellement être déduites les cotisations salariales précomptées et reversées aux organismes sociaux par l’employeur ;

– dit que les sommes nettes s’entendent -net- de toutes cotisations et contributions sociales ;

– ordonné, le licenciement étant intervenu sans cause réelle et sérieuse dans une entreprise comptant plus de dix salariés et à l’encontre d’une salariée ayant plus de deux ans d’ancienneté, le remboursement par l’employeur au Pôle Emploi AUVERGNE, en application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail, des indemnités chômage qui ont pu être versées à la salariée pour une durée de six mois ;

– débouté l’association AGEPAPH IME de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné l’association AGEPAPH aux dépens.

Le19 octobre 2020, l’association AGEPAPH IME a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne morale le 23 septembre 2020.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 18 octobre 2022 par Madame [Z] [D].

Vu les conclusions notifiées à la cour le 28 octobre 2022 par l’association AGEPAPH IME,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 31 octobre 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, l’association AGEPAPH conclut à l’infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, demande à la cour de :

– débouter Madame [Z] [D] de l’ensemble de ses demandes au titre de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et de la mise à pied à titre conservatoire, dire bien fondé le licenciement pour faute grave ;

– juger qu’elle a respecté son obligation de formation et d’information ainsi que son obligation de sécurité de résultat et, en conséquence, débouter Madame [Z] [D] de sa demande de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

– juger qu’elle a exécuté loyalement le contrat de travail de Madame [Z] [D] et la débouter en conséquence de sa demande indemnitaire de 5.000 euros ;

– débouter Madame [Z] [D] de sa demande à ce qu’il soit ordonné le remboursement par l’employeur aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités ;

– débouter Madame [Z] [D] de sa demande de communication sous astreinte de 100 euros par jour à compter du 5ème jour suivant la notification de l’arrêt à intervenir, ses salaires rectifiés ;

– débouter Madame [Z] [D] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouter Madame [Z] [D] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires ;

– condamner Madame [Z] [D] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

L’association AGEPAPH expose que le 14 septembre 2018, Madame [JO] [J], salariée de l’association, a alerté le directeur de la structure de la commission par Mesdames [Z] [D] et [E] [V], ses collègues de travail, de faits de violence physique et morale à l’encontre d’enfants autistes pris en charge par la structure.

A la suite de cette dénonciation, l’association a alors procédé à des investigations, en liaison avec le CHSCT, au cours de laquelle les salariés en contact avec les enfants concernés par ces faits ont été entendus, lesquels ont confirmé les agissements imputés à ces deux salariés au terme de déclarations concordantes, étant précisé qu’ils ont réitéré leurs déclarations dans le cadre de leurs auditions respectives par les services de gendarmerie en suite de la plainte qu’elle a déposée contre X le 25 septembre 2018 pour des faits de violence avec les circonstances aggravantes suivantes : leur commission sur des personnes vulnérables et sur des mineurs de moins de quinze ans. Elle objecte à cet égard que le classement sans suite de la plainte qu’elle a déposée, non assimilable à une décision de relaxe quant à ses effets notamment sur une instance prud’homale connexe, est sans incidence sur le présent litige dès lors que la validité du licenciement n’est pas impactée par un tel événement dès l’instant où l’employeur justifie, comme elle prétend le faire en l’espèce, de la réalité et de la gravité des griefs reprochés. Elle souligne en outre que cette décision de classement sans suite a été assortie de la mention suivante : ‘ infraction insuffisamment caractérisée’.

Elle considère que les agissements de maltraitance reprochés aux deux salariées sont particulièrement graves et intolérables, et ce d’autant plus qu’elle a vocation à accueillir des enfants ou adolescents fragilisés et vulnérables, nécessitant qu’une attention et des soins particuliers leur soient apportés.

Elle conclut ainsi au bien fondé du licenciement notifié pour faute grave à la salariée dès lors que ceux-ci ont à l’évidence rendu impossible le maintien de son contrat de travail, ainsi qu’à son débouté s’agissant de l’ensemble des demandes indemnitaires et de rappel de salaires qu’elle formule du chef de la prétendue absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, en ce compris celles afférentes à la contestation de la mise à pied conservatoire qui s’avère parfaitement justifiée en l’espèce au regard des circonstances du litige. En tout état de cause, elle rappelle que la validité du barème MACRON s’agissant de l’indemnisation du licenciement.

Elle réfute ensuite avoir contrevenu à son obligation de formation et d’information à la santé et à la sécurité et, plus largement, à son obligation de sécurité. Elle explique, à l’aune de la fiche métier qu’elle indique produire aux débats, que le métier d’aide médico psychologique, qui s’entend de l’accompagnement et du soutien au quotidien des personnes en difficultés souffrant de handicap physique ou psychologique, s’avère être un métier particulièrement éprouvant humainement qui requiert une formation particulière acquise dans le cadre d’une formation initiale appropriée clôturée par l’obtention d’un diplôme d’Etat accompagnement éducatif et social (DEDAES). Elle en déduit que la salariée avait nécessairement connaissance des difficultés inhérentes à sa fonction. Elle indique toutefois avoir pris diverses mesures pour faciliter au mieux tant l’exercice de leurs fonctions par les salariés de la structure, que la prise en charge des jeunes accueillis. Elle précise ainsi avoir mobilisé différents moyens destinés à la mise en oeuvre de son obligation de prévention de sécurité en mettant régulièrement en oeuvre des actions de prévention (réunions d’équipe, entretien psychologique, réunion d’analyse mensuelle de la pratique professionnelle animée par un professionnel extérieur, réunion clinique tous les deux mois avec le psychiatre pour IME, protocoles spécifiques de prise en charge individuelle, etc…). Concernant le cas précise de la résidente [W], une jeune fille autiste, dont elle ne conteste pas le caractère difficile, elle soutient avoir mobilisé de nombreux moyens supplémentaires destinés à sa prise en charge en conformité avec l’évolution de sa pathologie., notamment une unité dédiée et la création d’un binôme dédié au maximum une heure, par rotation, information régulière du CHSCT, mobilisation d’équipes de pédopsychiatres ainsi que de l’équipe EMA 03 et réunions spécifiques dédiées.

Elle conteste ne pas avoir exécuté déloyalement le contrat de travail de la salariée. Elle rappelle que les salariés qui ont attesté du comportement des deux salariés auprès de l’employeur ont réitéré leurs propos devant les services de gendarmerie, étant considéré de la sorte qu’aucune dénonciation calomnieuse ne serait être imputée à l’association. Elle souligne que les premiers juges l’ont condamnée, sur le fondement de la déloyauté contractuelle, une seconde fois pour non respect de l’obligation de formation et d’information à la santé et la sécurité et au manquement à l’obligation de sécurité. Elle sollicite ainsi l’infirmation du jugement entrepris de ce chef.

Dans ses dernières écritures, Madame [Z] [D] demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il :

* reconnu le défaut de formation et d’information à la santé et à la sécurité de l’employeur ;

* annulé la mise à pied à titre conservatoire ;

* jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse et abusif;

* jugé que l’employeur a exécuté déloyalement le contrat de travail ;

* condamné l’employeur à lui payer les sommes de 3.964,28 euros au titre de l’indemnité de préavis outre 396,42 euros au titre des congés payés afférents ainsi que 6.441,95 euros au titre de l’indemnité de licenciement ;

Infirmer pour le surplus et statuant à nouveau ;

– condamner l’employeur à lui payer les sommes de :

* 8.000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de formation et d’information à la santé et sécurité, et du manquement à l’obligation de sécurité ;

* 1.299,14 euros au titre de l’annulation de la retenue sur salaire (mise à pied), outre 129,91 euros au titre des congés payés afférents;

* 13.874,98 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 15.000 euros à titre d’indemnité complémentaire pour licenciement abusif ;

* 5.000 euros à titre d’indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail ;

– indiquer le salaire de référence en application de l’article R. 1454-28 du code du travail ;

– ordonner le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé du présent jugement, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié concerné ;

– ordonner à l’employeur de lui remettre ses bulletins de salaire rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 5ème jour suivant la notification de la décision à intervenir ;

– condamner l’employeur à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance outre 3.000 euros en cause d’appel ;

– condamner l’employeur aux dépens.

Madame [Z] [D] excipe du non-respect par l’employeur de son obligation de formation et d’information à la santé et la sécurité des salariés et, plus largement de son obligation de sécurité. Elle explique avoir été victime d’un accident du travail à la suite d’une agression physique de la part d’une adolescente autiste, [W], prise en charge par la structure défenderesse. Elle indique avoir alerté à de nombreuses reprises le CHSCT des dangers encourus par le personnel compte tenu de la dangerosité comportementale de certains jeunes, et prétend que l’employeur n’a pourtant pris aucune mesure pour prévenir la survenance de tout risque, tels notamment l’organisation de formation concernant les techniques et gestes à accomplir pour pallier les risques pour leur santé et leur sécurité. Elle précise ainsi avoir, par acte du 19 juin 2019, saisi Monsieur le Procureur de la République d’une plainte considérant que l’accident dont elle a été victime dans l’exercice de ses fonctions était imputable aux manquements de l’employeur en matière de santé et de sécurité au travail. Elle souligne l’existence d’un nouveau signalement en provenance de la DIRECCTE 03 consécutif à une nouvelle réunion du CHSCT, ayant conduit à la saisine de Monsieur Le Procureur de la République le 21 novembre 2019. Elle considère avoir de la sorte été victime de conditions de travail inacceptables, qu’elle qualifie de dangereuses, et qu’elle considère être à l’origine de son accident du travail.

Elle fait ensuite valoir, au soutien de la contestation du bien fondé de son licenciement, que l’employeur échoue à établir la matérialité des actes de maltraitance qui lui sont imputés et qu’elle conteste avoir commis. Elle se prévaut à cet égard du classement sans suite de la plainte déposée par l’employeur pour considérer que son licenciement s’en trouve de facto privé de cause réelle et sérieuse dès lors que les faits dont a été saisi le parquet sont strictement identiques à ceux mentionnés au sein du courrier de notification du licenciement. Elle indique en tout état de cause que les éléments versés par l’employeur sont dénués de toute force objective, certains ayant même été obtenus sous la contrainte, et se prévaut de diverses attestations démontrant ses qualités professionnelles et humaines. Elle conclut ainsi à l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement et à son caractère abusif. Elle sollicite en conséquence, au visa de l’article 1780 du code civil, l’indemnisation du préjudice en fonction de son étendue réelle, soit deux indemnités distinctes, l’une résultant du défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement, l’autre de son caractère abusif étant précisé que cette dernière n’est pas encadrée par le barème MACRON. Elle réclame en outre un rappel de salaire sur mise à pied conservatoire qu’elle considère subséquemment injustifiée.

Madame [Z] [D] fait valoir l’exécution déloyale du contrat de travail de la part de l’employeur, au vu de l’ensemble des manquements exposés précédemment, et sollicite une indemnité de 5.000 euros.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

– Sur l’exécution du contrat de travail –

Madame [Z] [D] a été embauchée par l’association AGEPAPH à compter du 10 avril 2012 en qualité d’aide médico-psychologique. Elle travaillait au sein de l’IME ‘[4]’ à [Localité 5] et avait pour tâche principale d’accompagner et d’assister des enfants et des adolescents, lourdement handicapés, pensionnaires de la structure. À compter de mars 2018, Madame [Z] [D] a accepté son transfert au sein du service UV3 de l’IME ‘[4]’. Madame [Z] [D] formait un binôme de travail avec Madame [E] [V], également aide médico-psychologique.

Le 10 janvier 2018, Madame [Z] [D] a été agressée sur son lieu de travail par une jeune pensionnaire. Elle a consulté le 11 janvier 2018 un médecin qui a constaté un traumatisme à l’épaule gauche ainsi qu’un choc psychologique. Madame [Z] [D] a été en situation d’arrêt de travail du 11 janvier au 4 février 2018.

Par courrier recommandé daté du 20 septembre 2018, l’association AGEPAPH a convoqué Madame [Z] [D] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 4 octobre suivant et lui a signifié sa mise à pied à titre conservatoire.

Le 25 septembre 2018, l’association AGEPAPH saisissait le procureur de la République de CUSSET d’une plainte à l’encontre de Madame [Z] [D] ainsi que de Madame [E] [V], toutes deux salariées de l’association, pour violences volontaires à l’encontre d’enfants autistes accueillis par la structure.

Après avoir reçu sa convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement, Madame [Z] [D], par courrier recommandé du 2 octobre 2018 adressé au directeur de l’IME (Monsieur [Y]), rappelait qu’elle avait été agressée physiquement en janvier 2018 par une jeune fille pensionnaire, qu’elle avait alerté sur les dangers encourus pas le personnel compte tenu de la violence de cette demoiselle [W] [F]. La salariée dénonçait l’absence de mesures prises par l’employeur pour remédier à la situation de danger à laquelle étaient exposés les salariés dans l’exercice de leurs fonctions. Elle adressait une copie de cette correspondance à l’inspection du travail.

Par courrier recommandé daté du 12 octobre 2018 (présenté le 13 octobre), Madame [Z] [D] a été licenciée pour faute grave.

Après avoir reçu notification de son licenciement, Madame [E] [V], par courrier recommandé du 24 octobre 2018 adressé à l’inspecteur du travail, a contesté les griefs invoqués par l’employeur.

Par courrier recommandé daté du 12 novembre 2018, Madame [Z] [D] et Madame [E] [V] ont saisi le procureur de la République de CUSSET d’une plainte des chefs de harcèlement moral, dénonciation calomnieuse, établissement et usage d’attestations faisant état de faits matériellement inexacts.

Le 15 novembre 2018, deux agents de l’inspection du travail de l’Allier établissaient un procès-verbal, suite à des transports à l’IME les 4 et 16 octobre 2018, et faisaient état des constatations suivantes :

– à la seule lecture des registres et cahiers de liaison, les salariés affectés à l’UV3 subissent des violences très nombreuses et multiformes (notamment coups de poing et de pied, gifles, cheveux arrachés, tentative d’étranglement…), avec au moins huit agressions commises sur les salariés du 11 décembre 2017 au 13 janvier 2018 ;

– les salariés interrogés, ceux chargés de l’accompagnement des jeunes pensionnaires comme de l’entretien, font état d’un contexte de grande violence physique au sein de l’UV3, avec une détérioration sensible de la situation depuis l’été 2017 et des agressions régulières sur les salariés intervenant dans ce service, engendrant des conditions de travail très difficiles et des arrêts de travail, sans que le personnel dédié au suivi des jeunes pensionnaires de l’UV3 comme à l’entretien n’ait reçu de formation particulière pour se protéger de ces violences ;

– ce risque de violence n’est pas mentionné sur le document unique d’évaluation des risques (daté du 13 janvier 2018) ;

– Monsieur [Y], directeur de l’IME, seul à bénéficier au sein de la structure d’une délégation de l’employeur en matière de santé et sécurité au travail, a reconnu être au courant des violences subies par les salariés mais fait état d’une dégradation de la situation depuis août 2018 et conteste un manquement à l’obligation de sécurité, notamment en matière de formation et d’information.

Ce rapport de l’inspection du travail de l’Allier rappelle que précédemment, à l’issue d’une réunion du CHSCT du 14 mars 2017, l’inspection avait, dans une lettre d’observations et de rappel à la réglementation adressée à l’association AGEPAPH, relevé que les salariés étaient exposés à des risques importants d’agression que l’employeur devait évaluer concrètement afin de prendre des mesures de prévention adaptées et efficaces (rappel à l’obligation de sécurité). Il est noté que lors de la réunion du 14 mars 2017, le médecin du travail avait également alerté le CHSCT sur le risque lié à ces agressions et leurs conséquences sur le personnel, soulignant l’importance de ne pas banaliser la situation.

Ce rapport de l’inspection du travail de l’Allier conclut à une violation de son obligation de sécurité par l’association AGEPAPH, notamment en matière d’information et de formation s’agissant du risque de violence pesant sur les salariés.

L’inspection du travail de l’Allier a adressé au procureur de la République de CUSSET un signalement sur cette situation au sein de l’UV3 de l’IME ‘[4]’.

Par courrier recommandé daté du 19 juin 2019, Madame [Z] [D] a porté plainte auprès du procureur de la République de CUSSET pour des faits de violence physique subis sur son lieu de travail le 11 janvier 2018, les estimant imputables aux manquements de l’employeur en matière de santé et de sécurité au travail. Le 29 novembre 2019, le procureur de la République de CUSSET indiquait à l’avocat de Madame [Z] [D] qu’il avait classé sans suite cette plainte le 17 octobre 2019 mais qu’il avait reçu un nouveau signalement le 21 novembre 2019 qui l’avait conduit à faire poursuivre les investigations.

Le 12 novembre 2019, plusieurs salariés de l’IME ‘[4]’ ont exercé leur droit de retrait, dont des aides médico-psychologiques de l’UV3.

Dans un rapport daté du 12 novembre 2019, le CHSCT de l’IME ‘[4]’a relevé 3 agressions physiques ou autres accidents du travail imputables à la même jeune fille sur des salariés intervenant dans l’UV 3 en 2016, 5 agressions physiques ou autres accidents du travail en 2017, 16 agressions physiques ou autres accidents du travail en 2018 et 23 agressions physiques ou autres accidents du travail en 2019, sans compter les ‘événements indésirables’.

Le 26 avril 2020, la plainte déposée par l’association AGEPAPH était classée sans suite pour infraction insuffisamment caractérisée.

S’agissant de l’exécution du contrat de travail, Madame [Z] [D] forme deux demandes de condamnation de l’employeur à dommages-intérêts, la première au titre d’une violation de l’obligation de sécurité, la seconde pour exécution déloyale du contrat de travail.

– Sur l’obligation de sécurité –

Aux termes des dispositions alors applicables de l’article L. 4121-1 du code du travail : ‘L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2° Des actions d’information et de formation ; 3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.’.

Aux termes des dispositions alors applicables de l’article L. 4121-2 du code du travail : ‘L’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1° Eviter les risques ; 2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3° Combattre les risques à la source ; 4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ; 5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ; 6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-2 et L. 1152-3 ; Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ; 9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.’.

Selon l’article L. 4121-3 du code du travail, l’employeur , compte tenu de la nature des activités de l’établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l’aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail. Cette évaluation des risques tient compte de l’impact différencié de l’exposition au risque en fonction du sexe. A la suite de cette évaluation, l’employeur met en oeuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il intègre ces actions et ces méthodes dans l’ensemble des activités de l’établissement et à tous les niveaux de l’encadrement.

Aux termes des dispositions alors applicables de l’article L. 4141-1 du code du travail :

‘L’employeur organise et dispense une information des travailleurs sur les risques pour la santé et la sécurité et les mesures prises pour y remédier.

Il organise et dispense également une information des travailleurs sur les risques que peuvent faire peser sur la santé publique ou l’environnement les produits ou procédés de fabrication utilisés ou mis en ‘uvre par l’établissement ainsi que sur les mesures prises pour y remédier.’

Aux termes des dispositions alors applicables de l’article L. 4141-2 du code du travail :

‘L’employeur organise une formation pratique et appropriée à la sécurité au bénéfice :

1° Des travailleurs qu’il embauche ;

2° Des travailleurs qui changent de poste de travail ou de technique ;

3° Des salariés temporaires, à l’exception de ceux auxquels il est fait appel en vue de l’exécution de travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité et déjà dotés de la qualification nécessaire à cette intervention ;

4° A la demande du médecin du travail, des travailleurs qui reprennent leur activité après un arrêt de travail d’une durée d’au moins vingt et un jours.

Cette formation est répétée périodiquement dans des conditions déterminées par voie réglementaire ou par convention ou accord collectif de travail.’

Aux termes des dispositions alors applicables de l’article L. 4141-3 du code du travail : ‘L’étendue de l’obligation d’information et de formation à la sécurité varie selon la taille de l’établissement, la nature de son activité, le caractère des risques qui y sont constatés et le type d’emploi des travailleurs.’

Aux termes des dispositions alors applicables de l’article L. 4141-4 du code du travail : ‘Le financement des actions de formation à la sécurité est à la charge de l’employeur.’

L’employeur est tenu vis-à-vis de ses salariés d’une obligation de sécurité dans le cadre ou à l’occasion du travail. Cette obligation spécifique a été consacrée par la jurisprudence de la Cour de cassation qui a désormais abandonné le fondement contractuel de l’obligation de sécurité de l’employeur pour ne retenir que le fondement légal, tiré notamment des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, interprété à la lumière de la réglementation européenne concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs. Cette obligation de sécurité dont doit répondre l’employeur s’applique à toute situation de risque en matière de sécurité et de protection de la santé physique et mentale des travailleurs.

Tenu d’une obligation de sécurité, il appartient donc à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en justifiant, d’une part, avoir pris toutes les mesures de prévention prévues notamment par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et, d’autre part, dès qu’il est informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un atteinte à la sécurité ou la santé, physique et mentale d’un salarié, avoir pris les mesures immédiates propres à les faire cesser.

Si la juridiction prud’homale est seule compétente pour statuer sur l’existence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité à l’occasion d’un litige portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail, en revanche, relève de la compétence exclusive de la juridiction de sécurité sociale l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, qu’ils soient ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

Tous les employeurs de droit privé sont tenus de respecter les règles de santé et de sécurité prescrites par le code du travail. Les règles de santé et de sécurité au travail bénéficient à l’ensemble des salariés, quelle que soit la nature de leur contrat de travail, ainsi qu’aux intérimaires et aux stagiaires.

L’employeur doit exécuter son obligation de sécurité (conditions cumulatives) : – de façon générale vis-à-vis de tous ses salariés par les actions en matière d’évaluation, de prévention, de formation, d’information, d’adaptation (prévention du risque) ; – de façon particulière dès qu’il est informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un atteinte à la sécurité ou la santé, physique et mentale d’un salarié, en prenant les mesures immédiates propres à les faire cesser (cessation du risque).

La responsabilité de l’employeur est engagée vis-à-vis des salariés (ou du salarié) dès lors qu’un risque pour la santé ou la sécurité des travailleurs (du travailleur) est avéré. Il n’est pas nécessaire que soit constaté une atteinte à la santé, le risque suffit.

L’obligation de sécurité de l’employeur, ou obligation pour celui-ci de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, couvre également les problèmes de stress ou mal-être au travail, plus généralement la question des risques pyscho-sociaux liées aux conditions de travail, aux relations de travail ou à l’ambiance de travail. Dans ce cadre, il appartient à l’employeur de mettre en place des modes d’organisation du travail qui ne nuisent pas à la santé physique et mentale des salariés et de réagir de façon adaptée en cas de risque avéré.

La jurisprudence qualifie l’obligation de sécurité de l’employeur d’obligation de résultat. Selon la Cour de cassation, cette obligation de sécurité est désormais de résultat non au regard du risque effectivement encouru par le salarié, ou de l’atteinte à sa santé subi par le salarié, mais de son objet (prévention et cessation du risque). Le résultat attendu de l’employeur est de prévenir, par des moyens adaptés, tout risque lié non seulement à l’exécution de la prestation de travail mais également à l’environnement professionnel dans lequel elle est délivrée. Il s’agit pour l’employeur de prévenir, de former, d’informer et de mettre en place une organisation et des moyens adaptés. Le résultat dont il est question dans la notion d’obligation de résultat n’est pas l’absence d’atteinte à la santé physique et mentale, mais l’ensemble des mesures prises de façon effective par l’employeur dont la rationalité, la pertinence et l’adéquation sont analysées et appréciées par le juge.

L’employeur ne peut échapper à la mise en cause de sa responsabilité pour manquement à l’obligation de sécurité qu’à la condition de démontrer qu’il a pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne peut s’exonérer qu’en apportant la preuve qu’il a pris dans ce cadre des mesures de prévention concrètes, individualisées et suffisantes. Ainsi, en cas de risque avéré ou réalisé pour la santé ou la sécurité du travailleur, l’employeur engage sa responsabilité, sauf s’il démontre qu’il a pris les mesures générales de prévention nécessaires et suffisantes pour l’éviter, ce qu’il appartient aux juges du fond d’apprécier souverainement.

Au titre de son obligation de sécurité, il appartient à l’employeur de repérer les situations de danger, ou même de tension, et, le cas échéant, d’ouvrir rapidement une enquête. L’inertie de l’employeur en présence d’une situation professionnelle susceptible d’être qualifiée d’insécure, ou de souffrance au travail, dont il a connaissance, alors qu’il est tenu légalement d’assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés et d’exécuter de bonne foi le contrat de travail, engage nécessairement sa responsabilité, quand bien même il ne serait pas l’auteur des faits dénoncés.

Le salarié peut solliciter des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

En l’espèce, s’agissant du risque de subir des violences physiques dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail, les dires de Madame [Z] [D] sont confortés par les constatations de l’inspection du travail et du CHSCT mais également par des témoignages de salariés de l’IME ‘[4]’.

Il en résulte que le personnel de l’IME ‘[4]’ était exposé à un risque important de violence physique du fait des pathologies et comportements de certaines jeunes pensionnaires de l’établissement. Ce risque était encore majoré au sein de l’UV3, notamment du fait de la présence de l’adolescente [W] [F]. Les agressions physiques commises sur le personnel de l’IME ont sensiblement augmenté fin 2017 début 2018, particulièrement au sein de l’UV3. Madame [Z] [D] a elle-même été victime d’une agression physique en janvier 2018.

L’association AGEPAPH ne pouvait ignorer la dégradation des conditions de travail des salariés du fait de ce contexte de violence. L’employeur en a d’ailleurs été avisé formellement dès mars 2017 par le médecin du travail, le CHSCT et l’inspection du travail.

Reste qu’au delà de l’annonce de mesures dans les rapports de CHSCT (favoriser l’admission de certains pensionnaires dans un autre établissement, augmenter le personnel dédié, réduire le nombre de pensionnaires par service, déplacer les moyens en fonction des besoins, rester vigilant etc.) et d’une note non signée, ni apparemment diffusée, de Monsieur [U] sur un protocole de prise en charge de [W] [F], l’employeur ne justifie d’aucune action concrète, adaptée et suffisante, ni de mesures prises de façon effective pour protéger les salariés, dont Madame [Z] [D], du risque de subir des violences physiques sur le lieu de travail. Il est également fait état par l’employeur de réunions régulières d’analyse de situation avec le personnel mais sans justification.

L’association AGEPAPH ne justifie d’aucune action d’information et de formation du personnel, et ce notamment au bénéfice de Madame [Z] [D], face au risque très important de violence physique au travail, pas même à l’égard des salariés affectés à l’UV3.

L’appelante ne saurait s’exonérer de sa responsabilité en relevant qu’une aide médico-psychologique est nécessairement formée à ce genre de situation difficile ou doit logiquement s’attendre à être confrontée régulièrement à de la violence physique de la part de jeunes pensionnaires présentant de lourds handicaps.

C’est donc à bon droit que le premier juge a relevé un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité vis-à-vis de ses salariés, manquement ayant causé un préjudice à Madame [Z] [D] qui a connu une dégradation sensible de ses conditions de travail, a subi un risque très important de violence physique au travail et a été victime d’une agression physique en janvier 2018.

Madame [Z] [D] ayant dû supporter pendant plusieurs années, dans le cadre de son emploi au sein de l’IME ‘[4]’, un risque important pour sa santé et sa sécurité sans que l’employeur n’évalue correctement ce risque ni ne prenne de mesures concrètes, suffisantes et adaptées, pour réduire ce risque ou mettre la salariée en mesure de faire face à des actes réguliers de violence physique, la réparation du préjudice subi est évaluée à la somme de 5.000 euros.

En conséquence, l’association AGEPAPH sera condamnée à payer à Madame [Z] [D] la somme de 5.000 euros, à titre de dommages-intérêts, au titre du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité. Le jugement déféré sera réformé en ce sens.

– Sur l’obligation de loyauté –

Aux termes de l’article L. 1222-1 du code du travail : ‘Le contrat de travail est exécuté de bonne foi.’.

L’employeur est tenu d’exécuter le contrat de travail de bonne foi. L’employeur doit respecter les dispositions du contrat de travail et, en particulier, fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution, et lui payer le salaire convenu. L’employeur est tenu à une obligation de sécurité. L’employeur doit éviter tout comportement humiliant ou vexatoire à l’égard de ses salariés et faire en sorte que ses salariés aient une attitude respectueuse entre eux. L’employeur peut voir sa responsabilité civile engagée en cas de non-respect de ses obligations, comme en cas de manquement à l’exécution de bonne foi du contrat de travail, dont la preuve incombe au salarié.

Madame [Z] [D] soutient que l’association AGEPAPH a organisé, dans l’intention manifeste de lui nuire, une véritable campagne de dénigrement pour obtenir des témoignages à son encontre, et a proféré des accusations calomnieuses, reproches injustifiés qui ont porté préjudice à son honneur et à sa réputation.

Madame [Z] [D] ne procède que par voie d’affirmation sans démontrer, hors le préjudice déjà indemnisé au titre du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, l’existence d’un préjudice spécifique en relation avec une exécution déloyale du contrat de travail de la part de l’employeur.

Madame [Z] [D] n’est pas fondée à invoquer la procédure de licenciement, la plainte de l’association AGEPAPH à son encontre, les accusations de l’employeur ou d’autres circonstances relatives à la rupture du contrat de travail (cf infra) pour demander la condamnation de l’association AGEPAPH à lui verser des dommages-intérêts pour déloyauté dans l’exécution du contrat de travail.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce que le conseil de prud’hommes a condamné l’association AGEPAPH à payer à Madame [Z] [D] la somme de 1.500 euros net pour déloyauté dans l’exécution du contrat de travail.

– Sur la rupture du contrat de travail –

Le courrier de notification du licenciement de Madame [Z] [D] est ainsi libellé :

‘Nous avons le regret par la présente de vous notifier votre licenciement pour faute grave.

Les griefs soutenant cette mesure que nous vous avons exposée lors de l’entretien préalable du 4 octobre 2018 sont des actes insupportables de maltraitance commise envers deux enfants dont vous aviez la charge, [K] et [W].

Vos agissements, quasi-quotidiens depuis des mois, viennent en effet d’être portés à notre connaissance, ainsi vous pratiquez régulièrement sur les enfants des tapes violentes sur les mains et derrière la tête que vous nommez « étapes éducatives », vous en avez fait une véritable méthode de travail.

Le 6 septembre dernier, vous avez poussé [K] avec une violence telle qu’il est tombé.

Au cours de ce même mois de septembre, lors du temps calme et selon vos dires, pour le calmer, vous avez tiré l’oreille d'[K].

Il est avéré sur cette même période que, régulièrement, vous avez menacé les jeunes avec cette formule reprise par les témoins « si tu bouges, je t’en mets une ».

Il est également avéré que sur les deux derniers mois précédant l’engagement de la procédure débutée à votre encontre, vous avez régulièrement saisi [W], violemment, par la nuque pour l’emmener au WC ou dans sa chambre.

Sur cette même période récente, vous avez poussé cette même [W] avec une violence telle qu’elle est passée par-dessus son fauteuil et est tombée au sol qu’elle a heurté tout aussi violemment !!!

Rien ne peut justifier une telle agression publique et d’une violence inouïe dirigée vers une enfant fragile, totalement vulnérable est atteinte d’une pathologie lourde. Émanant d’une personne ayant autorité sur elle et dont elle attend protection et affection les conséquences peuvent être terribles, ce n’est pas tolérable.

Nous ne pouvons pas non plus passer sous silence les violences faites et plus anciennes sur [XX] et [K] qui m’ont été révélés récemment, exemple : « [XX] étant allongé au sol ma collègue Melle [D] l’a tiré par le haut de son casque pour qu’il se déplace, ce qui a provoqué un étranglement par les sangles du casque et fait déplacer [XX]. » Vous lui faisiez aussi régulièrement des clés de bras. Concernant [K], vous l’avez poussé en avril 2016 entraînant sa chute qui a eu pour conséquence qu’il se casse deux dents.

À la violence physique vous ajoutez la violence verbale, ainsi le 12 septembre 2018, vos propos auprès d'[W] ont été les suivants : « tu es folle, complètement hystérique ».

Vous avez aussi en septembre tenu des propos tout aussi violents à l’endroit de [GG] « de toute façon ça ne sert à rien [GG] ne comprend rien ».

Ceci alors qu’en votre qualité d’aide médicopsychologique spécialement formée, il vous appartenait d’être en permanence attentive au bien-être des enfants que vous encadrez.

Les griefs, ci-dessus, caractérisent un comportement professionnel totalement insupportable et bien entendu incompatible avec les exigences de votre poste, avec l’éthique et les responsabilités qui incombent à notre établissement, vous mettez en danger la sécurité et la santé physique et mentale des jeunes qui nous sont confiés, votre maintien dans notre association n’est, de ce fait, plus possible.

Votre demande de bénéficier d’une rupture conventionnelle ne peut connaître aucune

suite compte tenu de la gravité des griefs qui vous sont imputables.

Par conséquent, votre licenciement prendra effet dès envoi du présent courrier sans préavis ni indemnité de licenciement. [‘].»

Le licenciement correspond à une rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige sur la cause du licenciement, ce qui interdit à l’employeur d’invoquer de nouveaux ou d’autres motifs ou griefs par rapport à ceux mentionnés dans la lettre de licenciement.

Pour que la rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur soit justifiée ou fondée, en tout cas non abusive, la cause du licenciement doit être réelle (faits objectifs, c’est-à-dire précis et matériellement vérifiables, dont l’existence ou matérialité est établie et qui constituent la véritable raison du licenciement), mais également sérieuse, c’est-à-dire que les faits invoqués par l’employeur, ou griefs articulés par celui-ci, doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement.

Le licenciement pour motif personnel est celui qui est inhérent à la personne du salarié. Un licenciement pour motif personnel peut être décidé pour un motif disciplinaire, c’est-à-dire en raison d’une faute du salarié, ou en dehors de tout comportement fautif du salarié (motif personnel non disciplinaire). Il ne doit pas être discriminatoire.

Si l’employeur peut sanctionner par un licenciement un acte ou une attitude du salarié qu’il considère comme fautif, il doit s’agir d’un comportement volontaire (action ou omission). À défaut, l’employeur ne peut pas se placer sur le terrain disciplinaire. La faute du salarié correspond en général à un manquement aux obligations découlant du contrat de travail. Elle ne doit pas être prescrite, ni avoir déjà été sanctionnée. Les faits reprochés au salarié doivent lui être personnellement imputables. Un salarié ne peut pas être licencié pour des faits imputables à d’autres personnes, même proches.

En cas de licenciement disciplinaire, le juge doit vérifier que le motif allégué constitue une faute. Selon sa gravité, la faute commise par le salarié emporte des conséquences plus ou moins importantes. Si les faits invoqués, bien qu’établis, ne sont pas fautifs ou constituent une faute légère mais non sérieuse, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, donc abusif. En cas de licenciement fondé sur une faute constituant une cause réelle et sérieuse, le salarié a droit au règlement de l’indemnité compensatrice de congés payés, de l’indemnité de licenciement, du préavis ou de l’indemnité compensatrice de préavis (outre les congés payés afférents).Le licenciement pour faute grave entraîne la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement. Le licenciement pour faute lourde, celle commise par le salarié avec l’intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise, entraîne également pour le salarié la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement, avec possibilité pour l’employeur de réclamer le cas échéant au salarié réparation du préjudice qu’il a subi (dommages-intérêts). Dans tous les cas, l’indemnité compensatrice de congés payés reste due.

La sanction disciplinaire prononcée par l’employeur, y compris une mesure de licenciement, ne pas doit être disproportionnée mais doit être proportionnelle à la gravité de la faute commise par le salarié. Le juge exerce un contrôle de proportionnalité en matière de sanction disciplinaire et vérifie en conséquence que la sanction prononcée par l’employeur à l’encontre du salarié n’est pas trop sévère compte tenu des faits reprochés.

Le code du travail ne donne aucune définition de la faute grave. Selon la jurisprudence, la faute grave se définit comme étant celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations qui résultent du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et la poursuite du contrat de travail pendant la durée du préavis.

La faute grave suppose une action délibérée ou une impéritie grave, la simple erreur d’appréciation ou l’insuffisance professionnelle ne pouvant ouvrir droit à une sanction disciplinaire. La gravité d’une faute n’est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est résulté. La commission d’un fait isolé peut justifier un licenciement disciplinaire, y compris pour faute grave, sans qu’il soit nécessaire qu’il ait donné lieu à avertissement préalable.

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail sans préavis, en tout cas une rupture immédiate du contrat de travail avec dispense d’exécution du préavis. Elle peut justifier une mise à pied conservatoire, mais le prononcé d’une telle mesure n’est pas obligatoire. La faute grave ne saurait être admise lorsque l’employeur a laissé le salarié exécuter son préavis au salarié. En revanche, il importe peu que l’employeur ait versé au salarié des sommes auxquelles il n’aurait pu prétendre en raison de cette faute, notamment l’indemnité compensatrice de préavis ou les salaires correspondant à une mise à pied conservatoire.

En cas de faute grave, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs, mais le maintien du salarié dans l’entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises.

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement ne pèse pas plus particulièrement sur l’employeur (la Cour de cassation juge que la preuve du caractère réel et sérieux du motif de licenciement n’incombe spécialement à aucune des parties), il incombe à l’employeur, en revanche, d’établir la faute grave ou lourde. Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Dans tous les cas, en matière de bien-fondé du licenciement disciplinaire, le doute doit profiter au salarié.

Aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail : ‘Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.’.

Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires (date de convocation à l’entretien préalable ou de prononcé d’une mise à pied conservatoire / date de présentation de la lettre recommandée ou de remise de la lettre simple pour une sanction ne nécessitant pas un entretien préalable) au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié.

Si un fait fautif ne peut plus donner lieu à lui seul à une sanction disciplinaire au-delà du délai de deux mois, ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en considération de faits antérieurs à deux mois dès lors que le comportement du salarié s’est poursuivi ou s’est réitéré dans ce délai, l’employeur pouvant ainsi invoquer une faute prescrite lorsqu’un nouveau fait fautif est constaté, à condition toutefois que les deux fautes procèdent d’un comportement identique. Toutefois, aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l’engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l’appui d’une nouvelle sanction.

En l’espèce, vu les termes de la lettre de licenciement, l’association AGEPAPH a relevé la faute grave de Madame [Z] [D] en ce que la salariée aurait commis des faits de violence verbale à l’égard d’enfants handicapés dont elle avait la charge mais également des faits de violence physique à l’encontre d’au moins trois jeunes pensionnaires, [K] [HY], [XX] [P] et [W] [F].

Il existe un principe selon lequel l’autorité de la chose jugée au pénal s’impose au juge civil relativement aux faits constatés qui constituent le soutien nécessaire de la décision pénale. En conséquence, les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l’action publique ont au civil autorité absolue, à l’égard de tous, en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l’existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l’innocence de ceux auxquels le fait est imputé, et il n’est pas permis au juge civil de méconnaître ce qui a été jugé par le tribunal répressif. L’autorité de la chose jugée au pénal s’étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef de dispositif prononçant la décision, elle s’impose au juge civil relativement aux faits constatés qui constituent le soutien nécessaire de la condamnation pénale. Mais l’autorité au civil de la chose jugée au pénal ne s’attache qu’à ce qui a été nécessairement et certainement jugé.

S’agissant de l’appréciation par le juge prud’homal des griefs invoqués par l’association AGEPAPH pour justifier le licenciement disciplinaire de Madame [Z] [D], la décision de classement sans suite, pour infraction insuffisamment caractérisée, prise par le procureur de la République de CUSSET n’a ni autorité ni incidence particulière.

Sont versées aux débats les copies des auditions de témoins effectuées par les militaires de la compagnie de gendarmerie de [Localité 6] au cours d’une enquête préliminaire ouverte à la demande du procureur de la République de CUSSET. Dans ce cadre, plusieurs salariés ([O] – [S] – [I] – [H] – [L] – [B] – [T] – [A] – [X] – [M] – [N] – [C] – [G] – [J]) ayant travaillé avec Madame [Z] [D] et Madame [E] [V] au sein de l’IME ‘[4] ont été entendus.

Ces témoignages, circonstanciés et recueillis dans des conditions procédurales incontestables, concordent en ce que, de 2016 à septembre 2018, Madame [Z] [D] et Madame [E] [V] ont eu des comportements inadaptés, et parfois assimilables à des actes de maltraitance vis-à-vis des pensionnaires [K] [HY], [XX] [P] et [W] [F], dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions au sein de l’IME ‘[4]’.

De nombreux témoins ont déclaré avoir constaté que Madame [Z] [D] et Madame [E] [V] se comportaient de façon trop autoritaire, voire brutale, vis-à-vis des jeunes pensionnaires de l’IME, les bousculant ou houspillant de façon excessive et inadaptée, leur parlant mal, ne manifestant pas la patience et la tolérance nécessaires à l’exercice de la fonction d’aide médico-psychologique dans une structure accueillant des enfants lourdement handicapés, agissant sans tendresse ni même bienveillance à l’égard des enfants qu’elles accompagnaient.

De façon concordante, certains des témoins susvisés relèvent avoir constaté directement que Madame [Z] [D] avait commis des actes de violence physique, tapant [K] [HY] derrière la tête ([I]) et lui tirant l’oreille ([B]), saisissant au cou et étranglant [XX] [P] à plusieurs reprises pour le relever ([S] – [L] – [B] – [A] – [N] – [J]), poussant violemment [W] [F] au sol ([S]), menaçant les pensionnaires ([B]), prodiguant des tapes derrière la tête pour calmer certaines jeunes ([T]), poussant violemment [K] [HY] ([C] – [J]), rejetant et maintenant ensuite violemment [W] [F] dans un fauteuil ([A]), poussant violemment des jeunes au point que certains convulsaient ([M]).

De façon concordante, certains des témoins susvisés relèvent également avoir constaté directement que Madame [E] [V] avait commis des actes de violence physique, plaquant violemment au sol [XX] [P] en lui faisant taper la tête par terre ([S] – [B] – [J]), tapant [K] [HY] derrière la tête ([I]), menaçant les pensionnaires ([B] – [M]), assénant des tapes derrière la tête pour calmer certaines jeunes ([T]), rejetant et maintenant ensuite violemment [W] [F] dans un fauteuil ([A]), attrapant [W] [F] par les cheveux pour la plaquer contre le mur de la douche ([X]), tirant l’oreille de [XX] [P] ([X]), frappant violemment sur les mains de [R] B ([M]), donnant un grosse claque limite coup de poing à [W] [F] ([M]).

Plusieurs témoins font état de comportements violents commis ensemble par Madame [Z] [D] et Madame [E] [V], qui étaient ‘complices’ et en accord pour exercer une autorité rigoureuse et brutale afin que les enfants se tiennent tranquilles, ces aides médico-psychologiques pratiquant notamment la tape ‘éducative’ derrière la tête lorsqu’un jeune était en crise ou se comportait mal. Des témoins ont déclaré également de façon concordante que des jeunes pensionnaires de l’IME, particulièrement [W] [F] (réactions de défense ou protection à leur vue), craignaient Madame [Z] [D] et Madame [E] [V].

Parmi les témoins entendus par la gendarmerie, Monsieur [O], éducateur coordinateur chef de service, supérieur hiérarchique des deux aides médico-psychologiques incriminées, n’a pas relevé de comportement inadapté de la part de Madame [Z] [D] et Madame [E] [V] et n’a rien signalé à ce titre à l’employeur.

Il apparaît que l’employeur n’a été informé des faits précités qu’en septembre 2018 lorsque Madame [J], indiquant qu’elle ne pouvait plus supporter la situation ni continuer à garder le silence, a fait part le 13 septembre 2018, à Madame [G], psychologue au sein de la structure, de comportements inadmissibles imputables à Madame [Z] [D] et Madame [E] [V].

Une fois avisé, l’employeur a diligenté rapidement une enquête interne pour évaluer la situation. Madame [G] a notamment entendu plusieurs salariés à propos du comportement de Madame [Z] [D] et de Madame [E] [V]. L’employeur a alors pu mesurer l’ampleur ainsi que la gravité des événements, et il a décidé d’engager une procédure de licenciement à l’encontre de mesdames [Z] [D] et [E] [V], avec notification d’une mise à pied conservatoire, et de porter plainte.

Il n’est nullement établi que les salariés ayant relevé les comportements inadaptés de Madame [Z] [D] et Madame [E] [V] auraient subi des pressions ou menaces de la part de l’employeur. Les témoins, à l’exception de Madame [J], ont indiqué qu’ils n’avaient pas dénoncé spontanément les agissements de Mesdames [Z] [D] et [E] [V], et certains ont même précisé aux gendarmes qu’ils n’avaient parlé que sur invitation de l’employeur dans le cadre de l’enquête interne, mais aucun n’est revenu sur son témoignage. Les copies de SMS produits par l’intimée, textes imprécis émanant d’auteurs non identifiables par la cour, et donc de faible valeur probante, ne permettent pas de caractériser l’existence d’un témoignage mensonger devant les gendarmes.

Certains témoins relèvent que Madame [Z] [D] et Madame [E] [V] étaient appréciées par la direction du fait notamment du calme relatif qui régnait dans l’unité lorsque ces deux salariées étaient de service, mais aucun témoignage ou autre élément d’appréciation ne vient établir que l’employeur pouvait être au courant avant septembre 2018 des actes de violences physique commis par ces salariées ou que l’employeur aurait toléré des pratiques assimilables à de la maltraitance.

Pour le surplus, Madame [Z] [D] produit de nombreux témoignages faisant état, de façon générale, de ses qualités humaines et compétences professionnelles. Certains témoins précisent n’avoir jamais vu Madame [Z] [D] avoir un comportement inadapté dans le cadre de ses fonctions d’aide médico-psychologique, mais de tels témoignages lapidaires ne réduisent ni n’annulent les témoignages circonstanciés et concordants révélant des comportements inadaptés imputables à Madame [Z] [D].

Madame [Z] [D] fait état des jalousies et des divisions du personnel de l’IME pour réfuter les témoignages qui lui sont défavorables. Certains témoins ont relevé que Madame [Z] [D] et Madame [E] [V] avaient une position un peu particulière au sein du personnel en ce qu’elles s’estimaient dotées d’une compétence et d’une autorité supérieures par rapport aux autres salariés, et en ce qu’elles impressionnaient certains collègues par leur assurance sur le plan professionnel et la crainte inspirée aux pensionnaires, mais aucun témoin n’est revenu sur la narration des faits qu’il indique avoir constatés directement.

Il est établi que Madame [Z] [D] a commis des faits de violence, psychologique et physique, à l’encontre de plusieurs pensionnaires de l’IME, notamment vis-à-vis de [K] [HY], [XX] [P] et [W] [F].

Les faits de violence décrits par les témoins comme commis entre 2016 et septembre 2018 par Madame [Z] [D] ne sont pas prescrits alors que l’employeur n’a pu être informé de la situation qu’à compter du 13 septembre 2018.

L’employeur, tenu d’une obligation de sécurité vis-à-vis de son personnel comme à l’égard des jeunes handicapés qui lui sont confiés, a fait diligence en effectuant une enquête interne rapide et en engageant ensuite sans délai une procédure de licenciement pour motif disciplinaire, avec mise à pied conservatoire, dès le 20 septembre 2018.

Incontestablement, le travail au sein de l’IME, particulièrement s’agissant de l’UV3, était difficile pour les intervenants, notamment les aides médico-psychologiques, qui devaient faire face régulièrement aux comportements ‘indésirables’ (cf registre), parfois violents, de jeunes pensionnaires lourdement handicapés sur le plan intellectuel et/ou moteur. Reste que la difficulté du métier ne saurait excuser des comportement violents totalement inadaptés de la part d’une aide médico-psychologique expérimentée.

De même, le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité (cf supra) n’est pas de nature à excuser ou réduire la responsabilité de Madame [Z] [D] en ce qu’elle a commis des actes de violence, physique, verbale et psychologique, à l’encontre de jeunes particulièrement fragiles et démunis sur le plan intellectuel, incapables de se maîtriser comme de se défendre, et qui ne sont pas en mesure de comprendre en quoi ils pouvaient être inadaptés et pourquoi ils étaient maltraités. Confrontée régulièrement à la violence de certains jeunes pensionnaires, Madame [Z] [D] était légitime à défendre son intégrité corporelle mais nullement à user de la violence de façon excessive et inadaptée afin d’asseoir son autorité.

La cour juge que les griefs invoqués dans la lettre de licenciement sont matériellement établis, non prescrits et constitutifs d’une faute grave imputable à Madame [Z] [D], les faits commis rendant impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise et la poursuite du contrat de travail pendant la durée du préavis, et justifiant que l’association AGEPAPH engage rapidement une procédure de licenciement pour motif disciplinaire avec mise à pied conservatoire.

Le licenciement pour faute grave de Madame [Z] [D] étant jugé régulier et bien-fondé, le jugement déféré sera infirmé en ce que le conseil de prud’hommes a : – dit que le licenciement de Madame [Z] [D] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et est abusif ; – annulé la mise à pied à titre conservatoire ; – condamné l’association AGEPAPH IME à payer à Madame [Z] [D] les sommes de 3.964,28 euros au titre de l’indemnité de préavis, outre 396,42 euros au titre des congés payés sur préavis, 6.441,95 euros au titre de l’indemnité de licenciement, 3.000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, 10.000 euros au titre de l’indemnité de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, 433,05 euros au titre de l’annulation de la mise à pied à titre conservatoire, outre 43,30 euros au titre de l’indemnité de congés payées afférente ; – ordonné à l’employeur de remettre à la salariée ses bulletins de salaire rectifiés conformes au présent jugement ; – ordonné le remboursement par l’employeur au Pôle Emploi AUVERGNE des indemnités chômage qui ont pu être versées à la salariée pour une durée de six mois.

Madame [Z] [D] sera déboutée de toutes ses demandes en rapport avec la rupture du contrat de travail.

– Sur les dépens et frais irrépétibles –

Le jugement sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.

En cause d’appel, il n’y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

– Réformant, condamne l’association AGEPAPH à payer à Madame [Z] [D] la somme de 5.000 euros, à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice causé par le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ;

– Infirme le jugement en ce que l’association AGEPAPH a été condamnée à payer à Madame [Z] [D] la somme de 1.500 euros net pour déloyauté dans l’exécution du contrat de travail, et, statuant à nouveau de ce chef, déboute Madame [Z] [D] de sa demande à ce titre ;

– Infirme le jugement en ce que le conseil de prud’hommes a : – dit que le licenciement de Madame [Z] [D] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et est abusif ; – annulé la mise à pied à titre conservatoire ; – condamné l’association AGEPAPH IME à payer à Madame [Z] [D] les sommes de 3.964,28 euros au titre de l’indemnité de préavis, outre 396,42 euros au titre des congés payés sur préavis, 6.441,95 euros au titre de l’indemnité de licenciement, 3.000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, 10.000 euros au titre de l’indemnité de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, 433,05 euros au titre de l’annulation de la mise à pied à titre conservatoire, outre 43,30 euros au titre de l’indemnité de congés payées afférente ; – ordonné à l’employeur de remettre à la salariée ses bulletins de salaire rectifiés conformes au présent jugement ; – ordonné le remboursement par l’employeur au Pôle Emploi AUVERGNE des indemnités chômage qui ont pu être versées à la salariée pour une durée de six mois, et, statuant à nouveau de ces chefs, dit bien-fondé le licenciement pour faute grave et déboute Madame [Z] [D] de toutes ses demandes en rapport avec la rupture du contrat de travail ;

– Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions non contraires ;

– Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens d’appel ;

– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN

 


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