RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 9
ARRÊT DU 14 DÉCEMBRE 2022
(n° , 14 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/12073 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBC4O
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Octobre 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 18/06772
APPELANT
Monsieur [Z] [N]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Jean-Christophe GUY, avocat au barreau de PARIS, toque : A324
INTIMÉE
SAS NAKO
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président, et M. Fabrice MORILLO, conseiller, chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Philippe MICHEL, président de chambre
Mme Valérie BLANCHET, conseillère
M. Fabrice MORILLO, conseiller
Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour.
– signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2017, faisant suite à une convention de prestation de services conclue entre les mêmes parties pour une durée de 6 mois à compter du 1er mars 2017, M. [N] a été engagé en qualité de directeur administratif et financier, statut cadre, par la société NAKO, celle-ci employant habituellement au moins 11 salariés et appliquant la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987.
Invoquant l’existence de manquements graves de la société NAKO dans l’exécution du contrat de travail et s’estimant insuffisamment rempli de ses droits, M. [N] a saisi la juridiction prud’homale le 12 septembre 2018 aux fins, notamment, d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur.
Après avoir fait l’objet d’une mise à pied conservatoire et été convoqué, suivant courrier recommandé du 5 septembre 2018, à un entretien préalable fixé au 12 septembre 2018, M. [N] a été licencié pour faute grave suivant courrier recommandé du 10 octobre 2018.
Par jugement du 28 octobre 2019, le conseil de prud’hommes de Paris a :
– requalifié le licenciement de M. [N] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,
– condamné la société NAKO à payer à M. [N] les sommes suivantes :
– 21 450 euros au titre de l`indemnité compensatrice de préavis,
– 2 145 euros au titre des congés payés afférents,
– 5 199,99 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,
– 519,99 euros au titre des congés payés afférents,
avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation, le 21 septembre 2018, ces condamnations étant exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire, soit 7 150 euros,
– 750 euros au titre de l`article 700 du code de procédure civile,
– ordonné la mise à disposition, au demandeur par le défendeur, des documents sociaux quérables conformes, bulletins de paye et certificat de travail, en ce y compris l’attestation Pôle Emploi correspondante, cette décision étant exécutoire de droit à titre provisoire conformément à l’article R. 1454-28 du code du travail,
– débouté M. [N] du surplus de ses demandes,
– débouté la société NAKO de ses demandes et l’a condamnée aux dépens.
Par déclaration du 5 décembre 2019, M. [N] a interjeté appel du jugement lui ayant été notifié le 9 novembre 2019.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 26 février 2020, M. [N] demande à la cour de :
– dire que son ancienneté remonte au 16 février 2017 et requalifier en contrat de travail la relation contractuelle engagée à compter du mois de février 2017 sous couvert de contrat de prestation de service,
– fixer son salaire de référence à la somme de 7 150 euros bruts mensuels, subsidiairement à la somme de 6 500 euros bruts mensuels,
– prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur et, subsidiairement, dire sans cause réelle et sérieuse son licenciement,
– condamner la société NAKO à lui payer les sommes suivantes :
– 7 150 euros, subsidiairement 6 500 euros, pour violation de l’interdiction du travail en cours d’arrêt maladie,
– 886,35 euros à titre de rappel de salaire pour le mois d’août 2018 outre 88,63 euros au titre des congés payés afférents,
– 41 185,61 euros, subsidiairement 37 441,47 euros, à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires pour l’année 2017 outre 4 118,56 euros, subsidiairement 3 744,14 euros, au titre des congés payés afférents,
– 27 791,92 euros, subsidiairement 25 265,39 euros, à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires pour l’année 2018 outre 2 779,19 euros, subsidiairement 2 526,53 euros, au titre des congés payés afférents,
– 22 827,64 euros, subsidiairement 20 751,82 euros, à titre de rappel de salaire pour dépassement du forfait-jours en 2017 outre 2 282,76 euros, subsidiairement 2 075,18 euros, au titre des congés payés afférents,
– 3 784,84 euros, subsidiairement 3 104,83 euros, à titre de rappel de salaire pour dépassement du forfait-jours en 2018 outre 378,48 euros, subsidiairement 310,48 euros,
au titre des congés payés afférents,
– 31 957,53 euros, subsidiairement 29 052,30 euros, à titre d’indemnité compensatrice de repos compensateur,
– 42 900 euros, subsidiairement 39 000 euros, à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
– 21 450 euros, subsidiairement 19 500 euros, à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 2 145 euros, subsidiairement 1 950 euros, au titre des congés payés afférents,
– 5 199,99 euros, subsidiairement 4 727,27 euros, à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire outre 519,99 euros, subsidiairement 472,72 euros, au titre des congés payés y afférents,
– 85 800 euros, subsidiairement 78 000 euros, à titre d’indemnité contractuelle de licenciement,
– 28 600 euros à titre d’indemnité pour préjudice moral lié aux conditions de la rupture,
– 70 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 7 150 euros, subsidiairement 6 500 euros, à titre d’indemnité pour violation de la procédure de licenciement,
en tout état de cause,
– débouter la société NAKO de l’intégralité de ses demandes indemnitaires formulées à titre reconventionnel,
– condamner la société NAKO au paiement de la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonner la régularisation et la remise de l’ensemble des bulletins de paie afin de lui permettre de faire valoir ses droits auprès des organismes sociaux.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 17 août 2020, la société NAKO demande à la cour de :
– confirmer le jugement sauf en ce qu’il a écarté la faute grave, en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes reconventionnelles et en ce qu’il l’a condamnée au paiement d’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et, statuant à nouveau,
– dire que le licenciement pour faute grave est justifié,
– condamner M. [N] à lui rembourser les sommes versées au titre de la requalification de la faute grave en cause réelle et sérieuse,
– condamner M. [N] à lui payer les sommes suivantes :
– 8 499 euros au titre des pénalités diverses du fait du non-respect des délais légaux,
– 240 euros au titre des frais d’huissier,
– 10 000 euros au titre du surcoût annoncé par l’expert-comptable au titre de la reprise des comptabilités,
– 20 000 euros à titre de somme indûment perçue,
– 4 000 euros au titre des frais irrépétibles outre les dépens.
L’instruction a été clôturée le 28 juin 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 14 septembre 2022.
MOTIFS
Sur la résiliation judiciaire
L’appelant fait valoir que la résiliation judiciaire de son contrat de travail est justifiée par des manquements graves de l’employeur portant sur :
– l’ancienneté de la relation contractuelle, en ce que la réalité du lien de subordination juridique remonte au 16 février 2017 ou, subsidiairement, au 1er mars 2017,
– le montant de son salaire de référence, en ce qu’une partie du salaire étant dissimulée par le recours au paiement de prétendus « frais professionnels » à hauteur de 650 euros par mois,
– sa rétrogradation et la modification unilatérale du contrat de travail par l’employeur,
– le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité en ce qu’il l’a fait travailler ou a toléré qu’il travaille pendant la suspension de son contrat de travail pour maladie,
– la retenue sur salaire injustifiée au titre du mois d’août 2018,
– l’inopposabilité de la convention de forfait annuel en jours,
– l’existence d’un travail dissimulé.
L’intimée réplique que, d’une part, elle n’a pas manqué gravement à ses obligations contractuelles contrairement à ce qui tente d’être affirmé, et, d’autre part, que le salarié, par son maintien dans les lieux dans l’entreprise, ne justifie dès lors pas sa demande de voir résilier son contrat.
Selon les dispositions des articles 1227, 1228 et 1229 du code civil dans leur rédaction applicable au litige, la résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice, le juge pouvant, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts, la résolution mettant fin au contrat et prenant effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l’assignation en justice.
En application de ces dispositions, les manquements de l’employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail. Lorsque les manquements sont établis et d’une gravité suffisante, la résiliation judiciaire prononcée produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La fourniture du travail et le paiement de la rémunération convenue constituent des obligations essentielles de l’employeur, dont la violation justifie la résiliation judiciaire du contrat de travail.
Sur le début de la relation contractuelle et la demande de requalification du contrat de prestation de services en contrat de travail
Le conseil de prud’hommes n’a pas statué sur cette demande.
Il y a contrat de travail lorsqu’une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la subordination d’une autre, moyennant rémunération, le lien de subordination étant caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, le travail au sein d’un service organisé pouvant constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail.
En l’espèce, il résulte des différentes pièces versées aux débats par les parties qu’une convention de prestation de services a été conclue entre M. [N] et la société NAKO pour une durée ferme de 6 mois courant à compter du 1er mars 2017, moyennant une rémunération d’un montant global, forfaitaire et définitif de 24 000 euros à titre d’honoraires, la mission du prestataire consistant à assister le client dans les domaines suivants (la liste étant non exhaustive) :
– suivi de la comptabilité,
– suivi de la gestion commerciale,
– gestion des relations bancaires.
Or, au vu des différents échanges de mails produits par l’appelant au soutien de sa demande de requalification du contrat de prestation de services en contrat de travail, il sera relevé que les différentes prestations et missions accomplies par ce dernier, notamment en matière comptable, financière et bancaire, sont conformes aux stipulations contractuelles précitées, le seul fait qu’il apparaisse comme destinataire d’un unique mail en tant que « [Z] [N] – NAKO DAF » ou qu’il ait été convié à participer à une photographie de l’ensemble des collaborateurs de la société intimée, de surcroît à des dates antérieures à celle qu’il allègue lui-même comme début de la relation de travail, étant manifestement inopérants de ce chef.
Il sera de même observé, à la lecture des seuls mails produits, que l’appelant ne justifie pas, mises à part ses propres affirmations de principe, que, dès le 16 février 2017, il aurait été purement et simplement intégré à l’équipe de salariés de l’entreprise et qu’il aurait dès cette période exécuté des fonctions de directeur administratif et financier en recevant des instructions du président de la société ainsi qu’en rendant compte de son travail à ce dernier.
S’agissant par ailleurs des allégations réciproques des parties concernant la question de savoir qui a pris l’initiative de solliciter la conclusion d’une telle convention de prestation de services, l’appelant accusant l’intimée d’avoir ainsi voulu économiser le paiement des charges sociales patronales durant la période litigieuse, l’intimée soulignant pour sa part que la conclusion de cette convention, couplée avec la création d’une société, a permis à l’appelant de bénéficier de l’aide à la reprise ou à la création d’entreprise versée par Pôle Emploi à la suite de la rupture de son précédent contrat de travail, outre le fait que les seuls éléments produits ne permettent pas de déterminer, comme l’affirme l’appelant, que ce serait effectivement la société intimée, animée d’une volonté d’éluder les cotisations sociales, qui l’aurait contraint à accepter un tel montage, la cour ne peut par ailleurs que rappeler que l’existence d’une relation de travail ne dépend en toute hypothèse ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs.
Dès lors, au vu de l’ensemble des développements précédents, l’appelant ne justifiant pas suffisamment de l’existence d’une rémunération salariale lui étant versée par la société intimée ni d’un lien de subordination résultant de l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui avait le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements, les éléments constitutifs d’un contrat de travail n’apparaissant ainsi pas établis en l’espèce, il convient de le débouter de ses demandes afférentes à la requalification du contrat de prestation de services en contrat de travail et à la fixation de son ancienneté salariale à une date antérieure au 1er septembre 2017.
Sur le montant du salaire de référence
Il résulte de l’article 6 du contrat de travail liant les parties qu’en contrepartie de ses services, le salarié « percevra une rémunération annuelle brute de 78 000 euros correspondant à 218 jours travaillés par an. Cette rémunération correspond à un salaire mensuel brut de 6 500 euros. »
Or, il résulte des relevés de compte bancaire de l’appelant que l’intimée lui versait en outre chaque mois, par virement bancaire, une somme fixe de 650 euros.
Si l’employeur affirme que cette somme correspondait à des remboursements de frais forfaitisés et qu’ils ne sauraient être considérés comme des éléments de salaire, la cour relève toutefois qu’il ne justifie, au vu des seuls éléments produits et mises à part ses propres déclarations et affirmations, ni de la nature ni de l’évaluation de ces remboursements de frais, étant de surcroît noté que le montant précité de 650 euros correspond à celui fixé dans le cadre du contrat de prestation de services précité, cette même somme de 650 euros étant alors qualifiée de note de frais kilométriques forfaitaires.
Au vu de ces éléments, la cour retient que le salaire mensuel de référence de l’appelant doit être fixé à la somme globale brute de 7 150 euros, le jugement devant être confirmé de ce chef.
Sur la rétrogradation et la modification unilatérale du contrat de travail
La cour constate qu’alors que l’appelant exerçait les fonctions de directeur administratif et financier avec statut cadre depuis le 1er septembre 2017, le président de la société intimée a soudainement indiqué, suivant mail du 14 avril 2018, que « […] nous allons effectuer des modif d’organisation. Je voudrais que [Z] [[N]] et [L] puissent avancer plus sur nos comptabilités, beaucoup plus arriver à ce que nos tableaux de bord puissent être en accord avec les chiffres comptables (10 à 20 % max de décalage), vous recentrer sur cet objectif, avancer sur les intéressements des différentes structures, transformation de structures aussi.
Pour arriver à faire tout ce travail, Asima va reprendre toute la partie sociale : gestion complète des salariés pour le groupe […]
Asima reprendra aussi les relations avec nos banques, de dépôts et pour les financements, où elle suivra les commerciaux pour s’assurer que les fonds soient au plus vite sur nos comptes.
Il faut qu’au plus vite je puisse avoir des tableaux de bord par société et pour le groupe, interface et archimatiques arrivent dans le groupe très vite et nous sommes déjà en retard sur ces sujets.
Pour arriver à gagner du temps pour [L] et [Z] il faut aussi très vite mettre en place le scan des factures fournisseurs. […]».
Il résulte des termes clairs et dépourvus de toute ambiguïté de ce mail, dont la mise en oeuvre n’est pas contestée par les parties, que l’appelant s’est ainsi vu retirer ses attributions et responsabilités afférentes à la gestion sociale ainsi qu’aux relations avec les établissements bancaires, lesdites missions ayant alors été transférées à une autre salariée exerçant les fonctions d’assistante de gestion à temps partiel, avec statut employé, occupant dès lors une position hiérarchique inférieure à celle de l’appelant.
Il apparaît également à la lecture de ce mail que l’évolution litigieuse découle d’une décision unilatérale de l’employeur, l’appelant ayant été mis devant le fait accompli et s’étant dès lors retrouvé cantonné en pratique à un simple rôle basique de comptable, notamment en charge de la tenue et du suivi de « tableaux de bord », étant observé que l’autre salariée (« [L] ») également mentionnée dans le mail précité exerçait quant à elle effectivement, et ce à la différence de l’appelant, les seules fonctions de comptable au sein d’une filiale de la société intimée.
Il convient ainsi de relever que ce nouveau positionnement, découlant de la perte d’une grande partie de ses fonctions et de ses responsabilités associées au poste de directeur administratif et financier, ledit positionnement ayant manifestement impacté le périmètre d’intervention ainsi que le contenu de l’activité de l’appelant et entraîné un appauvrissement de ses missions et de ses responsabilités, doit effectivement s’analyser à tout le moins comme un déclassement professionnel, la société intimée ne justifiant pas, mises à part ses propres affirmations et au vu des seuls éléments produits en réplique, du maintien à l’identique des responsabilités de l’intéressé ou du fait que cette nouvelle répartition devait lui permettre de se concentrer sur ses activités de directeur administratif et financier, et ce alors qu’elle aboutissait manifestement à un résultat inverse.
Il résulte des développements précédents que l’évolution litigieuse des fonctions du salarié doit s’analyser, non pas comme un simple changement des conditions de travail, mais comme une modification unilatérale du contrat de travail par l’employeur. Si l’intimée affirme que l’appelant a continué à exercer ses fonctions sans se plaindre ou contester cette nouvelle répartition avant la saisine de la juridiction prud’homale, la cour ne peut cependant que rappeler que l’acceptation par un salarié de la modification de son contrat de travail ne peut résulter de la seule poursuite par lui du travail, étant de surcroît relevé que l’intéressé avait fait part de sa désapprobation et de son incompréhension de ce chef dès le 16 avril 2018, se plaignant notamment, dans le cadre de messages SMS échangés avec l’expert-comptable, du fait que le président de la société le fuyait et refusait de lui parler.
Sur l’obligation de sécurité et le travail durant la période d’arrêt maladie
Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d’information et de formation ainsi que la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
Il est constant que le salarié est dispensé de son obligation de fournir sa prestation de travail durant la période d’arrêt de travail pour maladie et qu’il ne saurait être tenu, durant cette période, de poursuivre une collaboration avec l’employeur.
En l’espèce, au vu des différentes pièces versées aux débats par le salarié et notamment des mails et messages échangés dans le cadre de l’exercice de son activité professionnelle, la cour relève qu’alors que l’intéressé était en arrêt de travail pour maladie du 3 au 30 juillet 2018, l’employeur a cependant continué à le solliciter pour travailler durant cette période ou a, à tout le moins, toléré que ce dernier (même à retenir qu’il agissait de sa propre initiative et sans contrainte) travaille en période de suspension du contrat de travail pour cause de maladie alors qu’il lui appartenait de tirer les conséquences de cette suspension, le fait que l’employeur ait été ou non informé de la qualité de travailleur handicapé de l’appelant étant sans aucune incidence de ce chef.
Dès lors, la cour retient que l’employeur ne justifie pas avoir effectivement pris les différentes mesures nécessaires prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail pour assurer la sécurité du salarié et protéger sa santé physique et mentale.
Par conséquent, la société intimée ayant ainsi manqué à son obligation de sécurité, ledit manquement ayant causé au salarié un préjudice spécifique compte tenu des répercussions sur son état de santé, l’intéressé ayant notamment été victime le 11 juillet 2018, alors qu’il se trouvait dans les locaux de l’entreprise pour participer à une réunion, d’un oedème au genou ayant nécessité qu’il se rende à l’hôpital, la cour lui accorde, par infirmation du jugement, la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Sur le salaire du mois d’août 2018
Au vu du bulletin de paie du mois de septembre 2018 faisant état d’une déduction de salaire pour congés payés du 23 au 24 août 2018 à hauteur de 3 jours, et ce sur la base de 250 euros par jour, l’appelant indiquant qu’il n’a jamais pris les jours de congés payés litigieux mais qu’il lui avait alors été demandé de ne pas venir travailler compte tenu du conflit avec son employeur ainsi que cela résulte d’un nouvel échange de SMS avec l’expert-comptable de la société le 23 août 2018 (« Pour info selon Asima, [P] ne souhaite pas que tu continues à bosser sur les dossiers du groupe, tant que votre affaire n’est pas résolue… d’ici là, [P] maintient ton salaire, c’est ce qu’il m’a confirmé »), l’employeur s’abstenant pour sa part de justifier en réplique du fait que le salarié aurait effectivement posé des jours de congés payés à ces dates, la cour lui accorde, par infirmation du jugement, un rappel de salaire de ce chef d’un montant de 750 euros outre 75 euros au titre des congés payés y afférents.
Sur la convention de forfait et les heures supplémentaires
Il résulte de l’article 5 (durée du travail) du contrat de travail liant les parties que l’appelant était soumis à un forfait annuel en jours, la durée du travail étant fixée à 218 jours travaillés par an (journée de solidarité incluse).
En application des dispositions des articles L. 3121-63, L. 3121-64 et L. 3121-65 du code du travail ainsi que de celles de l’article 4 du chapitre II de l’accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail pris en application de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, dans leur version résultant de l’avenant du 1er avril 2014, étant rappelé qu’il incombe à l’employeur de rapporter la preuve qu’il a respecté les dispositions légales et conventionnelles destinées à assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés soumis au régime du forfait en jours, la qualité de directeur administratif et financier du salarié étant sans aucune incidence de ce chef, la cour relève en l’espèce qu’il n’est pas établi par la société intimée que, dans le cadre de l’exécution de la convention de forfait en jours litigieuse, l’appelant a bien été soumis à des mesures de décompte et de contrôle du temps de travail ainsi que du nombre de journées travaillées, ni qu’elle s’est effectivement assurée du suivi régulier de l’organisation du travail de l’intéressé, de sa charge de travail et de l’amplitude de ses journées de travail, cette amplitude et cette charge de travail devant permettre au salarié de concilier vie professionnelle et vie privée, ni, surtout, que l’intéressé a effectivement bénéficié au minimum deux fois par an, ainsi qu’en cas de difficulté inhabituelle, d’un entretien individuel spécifique au cours duquel ont été évoquées sa charge individuelle de travail, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie privée ainsi que sa rémunération, et ce conformément aux dispositions susvisées. Il en résulte que l’employeur ne démontre dès lors pas avoir pris les dispositions nécessaires de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, la convention de forfait en jours litigieuse étant en conséquence privée d’effet et dès lors inopposable au salarié, de sorte que ce dernier est fondé à revendiquer le décompte de son temps de travail selon le droit commun et à réclamer, le cas échéant, le paiement d’heures supplémentaires.
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, au vu des pièces communiquées par l’appelant et notamment du décompte précis et détaillé de ses jours et de son temps de travail, des tableaux récapitulatifs corrigés des heures supplémentaires réclamées au titre de la période litigieuse ainsi que des courriels échangés dans le cadre de son activité professionnelle, il apparaît que l’intéressé présente à l’appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il indique avoir accomplies pour permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
L’employeur se limitant en réponse à contester les demandes formées par l’appelant et à critiquer les pièces produites par ce dernier en affirmant que les décomptes établis ne permettent pas de justifier les heures supplémentaires annoncées en ce que ceux-ci ne mentionnent pas les temps passés à titre personnel dans l’amplitude horaire exprimée, que ces mêmes décomptes comportent des erreurs et que les heures sollicitées sont totalement infondées, tout en mettant en avant son salaire beaucoup plus élevé que celui de la convention collective, les 12,5 jours de RTT lui ayant été octroyés, l’absence d’alerte pendant toute la durée de la collaboration, les nombreuses diligences personnelles effectuées pendant le temps qui devait être consacré à la société ainsi que les diligences effectuées pour le compte de sa propre société et rémunérées par ses propres clients, la cour relève que l’intimée ne fournit donc pas d’éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par son salarié, les seules attestations (établies par le cabinet d’expertise comptable de l’entreprise) produites en réplique par la société, qui se bornent à faire une estimation théorique et abstraite (« d’après nos normes ») du temps mensuel nécessaire pour accomplir une saisie de comptabilité ou une déclaration de TVA pour en déduire une absence d’heures supplémentaires, étant manifestement insuffisantes et inopérantes de ce chef..
Dès lors, au vu de l’ensemble de ces éléments et au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées, après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, la cour retient la réalisation d’heures supplémentaires rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié, dans une moindre mesure toutefois qu’allégué, et accorde en conséquence à l’appelant la somme totale de 25 520 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires pour les années 2017 et 2018 outre 2 552 euros au titre des congés payés y afférents, le salarié étant par ailleurs en droit d’obtenir, compte tenu du dépassement du contingent annuel de 220 heures supplémentaires, la somme de 11 824 euros à titre d’indemnité compensatrice de contrepartie obligatoire en repos pour heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel, en ce compris les congés payés y afférents, et ce par infirmation du jugement.
S’agissant des demandes de rappel de salaire pour dépassement du forfait annuel en jours, le salarié ayant sollicité et obtenu que sa convention de forfait en jours soit privée d’effet et lui soit dès lors déclarée inopposable, lui permettant ainsi de revendiquer le décompte de son temps de travail selon le droit commun et de réclamer le paiement d’heures supplémentaires, il s’en déduit que l’intéressé ne peut aucunement solliciter dans le même temps l’application du même forfait annuel en jours pour arguer de son dépassement et obtenir le paiement d’un rappel de rémunération à ce titre. Le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a débouté de ses demandes de ce dernier chef.
Sur le travail dissimulé
En application des dispositions des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, étant relevé, ainsi que cela résulte des développements précédents, que la société intimée a réglé à l’appelant au titre de la période contractuelle litigieuse, une somme mensuelle de 650 euros à titre de remboursement de frais représentant en réalité un complément de rémunération déguisée, et ce en violation des dispositions précitées, lesdits éléments, et notamment la persistance et le caractère fixe du paiement litigieux, permettant d’établir le caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi alléguée, la cour accorde à l’appelant, par infirmation du jugement, la somme de 42 900 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
Sur la résiliation judiciaire
Par conséquent, au vu de l’ensemble des développements précédents, l’employeur ayant manqué à ses obligations en matière d’exécution du contrat de travail, lesdits manquements apparaissant, compte tenu de l’importance de leurs conséquences financières pour le salarié ainsi que de la réduction de son périmètre d’intervention et de l’appauvrissement concomitant de ses missions et de ses responsabilités, d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la cour, par infirmation du jugement, prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur, et ce au 10 octobre 2018, date d’envoi de la lettre de licenciement, la résiliation judiciaire devant en l’espèce produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, étant enfin observé que les demandes subsidiaires respectives des parties afférentes au licenciement pour faute grave prononcé à l’encontre de l’appelant sont sans objet compte tenu de la résiliation judiciaire prononcée.
Sur les conséquences financières de la rupture
S’agissant des indemnités de rupture, en application des dispositions du code du travail ainsi que de celles de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, sur la base de la rémunération de référence précitée de 7 150 euros, la cour confirme le jugement en ce qu’il a accordé au salarié les sommes de 5 199,99 euros à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire outre 519,99 euros au titre des congés payés y afférents ainsi que de 21 450 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis (correspondant à un préavis d’une durée de 3 mois) outre 2 145 euros au titre des congés payés y afférents.
S’agissant de l’indemnité de licenciement, l’appelant fait valoir que, postérieurement au premier contrat de travail à durée indéterminée signé le 19 janvier 2017, les parties ont régularisé un nouveau contrat de travail à durée indéterminée le 1er mars 2017 afin d’intégrer à l’article 6 (rémunération) la mention suivante : « il est convenu expressément que toute rupture de la part de l’employeur entraînera de plein droit à une indemnité de 12 (douze) mois de salaire », et ce afin de compenser les conditions défavorables de son recrutement, les risques de précarité auxquels il était exposé ainsi que le fait qu’il avait « consommé » les droits acquis au titre du chômage au seul bénéfice de l’intimée durant la période du contrat de prestation de services. L’intimée réplique que l’appelant cherche à obtenir l’application d’un contrat qu’il a pris le soin de modifier à son avantage, le seul exemplaire du contrat de travail en sa possession ne comportant pas la clause litigieuse.
Au vu des deux contrats de travail à durée indéterminée respectivement datés des 19 janvier et 1er mars 2017 versés aux débats par l’appelant, outre le fait que l’intimée ne justifie pas avoir effectivement déposé une plainte pour faux et usage de faux au titre du second contrat, la cour ne peut également que relever que le contrat daté du 1er mars 2017 a été régulièrement paraphé et signé par les parties, la signature du président de la société apposée sur ledit contrat n’apparaissant pas être un copier-coller de celle figurant sur le premier contrat, contrairement aux affirmations de l’intimée à ce titre. Il sera par ailleurs observé que le seul fait que l’expert-comptable de la société affirme qu’il est exclusivement fait appel à ses services pour l’établissement des contrats de travail et des avenants depuis le 1er janvier 2016, n’est en lui-même pas de nature à établir que les parties n’ont pas pu décider d’établir elles-mêmes le second contrat, sans recourir aux services de l’expert-comptable, compte tenu de la simplicité de la seule modification à apporter. De même, il sera relevé que le fait que l’article 6 ne soit pas grisé dans le second contrat est inopérant pour établir l’existence d’une falsification en ce que, contrairement aux affirmations de l’intimée, tous les articles figurant sur cette même 4ème page du contrat sont dépourvus de l’aspect grisé.
En outre, il apparaît que le fait que le salarié ait adressé des copies du premier contrat de travail après la date de signature du second est en lui-même insuffisant pour en déduire l’existence d’un faux, de même que le fait que la question de l’existence d’un faux ait été soulevée dans le cadre d’un litige commercial postérieur impliquant la société de l’appelant, et ce alors que, dans cette autre procédure et à la différence du présent litige, c’est lui qui a conclu à l’existence d’un faux compte tenu de la discordance des documents contractuels produits, l’intéressé justifiant de surcroît d’un dépôt de plainte en ce sens.
Dès lors, aucun élément versé aux débats par l’intimée, et ce mises à part ses propres allégations et affirmations de principe, ne permettant de remettre en cause la validité, la régularité et la véracité du contrat de travail signé par les parties le 1er mars 2017, il convient de faire application de la clause précitée et d’accorder à l’appelant, par infirmation du jugement, une indemnité contractuelle de licenciement d’un montant de 85 800 euros.
En application de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, eu égard à l’ancienneté dans l’entreprise en années complètes (1 an), à l’âge du salarié (33 ans) et à la rémunération de référence précitée (7 150 euros) lors de la rupture du contrat de travail et compte tenu des éléments produits concernant sa situation personnelle et professionnelle postérieurement à ladite rupture, l’intéressé justifiant notamment avoir perçu l’allocation d’aide au retour à l’emploi du mois d’octobre 2018 jusqu’au mois de juin 2019, la cour, à qui il appartient seulement d’apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l’indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par les dispositions précitées du code du travail (soit en l’espèce entre 1 mois et 2 mois de salaire brut), lui accorde la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ce par infirmation du jugement.
Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral lié aux conditions de la rupture
L’appelant fait valoir qu’il a subi un préjudice moral compte tenu des conditions vexatoires et de la brutalité de la rupture du contrat de travail, outre la durée excessive de la procédure l’ayant placé dans l’expectative pendant près d’un mois.
Cependant, au vu des seules pièces versées aux débats et mises à part les propres affirmations du salarié, la cour ne peut que relever que ce dernier ne démontre pas l’existence d’une faute ou d’un manquement de l’intimée à ses obligations en sa qualité d’employeur s’agissant des circonstances de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement litigieuse, l’intéressé ne justifiant de surcroît pas du principe et du quantum du préjudice allégué ni en toute hypothèse de son caractère distinct des seuls effets de la rupture déjà réparés par l’attribution des sommes et indemnités précitées.
Dès lors, la cour confirme le jugement en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts formée de ce chef.
Sur la demande de dommages-intérêts pour violation de la procédure de licenciement
L’appelant fait valoir qu’il a subi un préjudice en ce qu’il n’a pas bénéficié du délai légal de cinq jours ouvrables entre la présentation de la lettre de convocation à l’entretien préalable et la tenue de l’entretien, cette violation du délai de convocation ne lui ayant pas permis de se faire assister lors de l’entretien préalable.
Cependant, en application des articles L. 1232-2 et L. 1235-2 du code du travail ainsi que des articles 1227, 1228 et 1229 du code civil, étant rappelé que l’indemnité prévue en cas de non-respect de la procédure de licenciement ne peut être allouée que lorsque le contrat de travail a été rompu par un licenciement, ce qui n’est pas le cas en l’espèce en ce que le contrat faisant l’objet du présent litige a été rompu par une décision de résiliation judiciaire, la cour confirme le jugement en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de ce chef.
Sur les demandes reconventionnelles de remboursement
L’employeur soutient qu’il est fondé à solliciter la condamnation de son salarié à lui rembourser les conséquences financières de ses agissements fautifs (pénalités diverses du fait du non-respect des délais légaux, frais d’huissier, surcoût annoncé par l’expert-comptable au titre de la reprise des comptabilités, versement d’une somme ne correspondant à rien).
Le salarié réplique que l’employeur ayant décidé de procéder à un licenciement pour faute grave, les demandes de ce dernier sont par principe irrecevables, celles-ci étant en outre totalement injustifiées et ne traduisent en réalité que l’hostilité de la société à son égard.
Au vu des développements précédents, le salarié n’ayant pas été licencié pour faute lourde et l’existence d’une intention de nuire de l’appelant n’étant en toute hypothèse ni alléguée ni justifiée par l’intimée, et ce alors que seule la faute lourde permet d’engager la responsabilité pécuniaire du salarié ainsi que de fonder une action à l’encontre de ce dernier, l’existence d’un détournement de fonds par le salarié n’étant pas plus rapportée, la cour ayant de surcroît prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur compte tenu des manquements graves de ce dernier empêchant la poursuite du contrat de travail, la résiliation judiciaire produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté lesdites demandes.
Sur les autres demandes
Il convient d’ordonner la remise au salarié d’un bulletin de paie récapitulatif, d’un certificat de travail ainsi que d’une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision.
En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, il y a lieu de rappeler que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes pour les créances salariales et, pour les créances indemnitaires, à compter du jugement pour les montants confirmés et du présent arrêt pour le surplus.
En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, l’employeur sera condamné à verser au salarié, au titre des frais exposés en cause d’appel non compris dans les dépens, la somme supplémentaire de 2 500 euros, la somme accordée en première instance étant confirmée.
L’employeur, qui succombe, supportera les dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement en ce qu’il a fixé le salaire mensuel de référence de M. [N] à la somme brute de 7 150 euros, condamné la société NAKO à payer à M. [N] les sommes de 21 450 euros au titre de l`indemnité compensatrice de préavis outre 2 145 euros au titre des congés payés afférents, 5 199,99 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire outre 519,99 euros au titre des congés payés afférents et 750 euros au titre de l`article 700 du code de procédure civile, en ce qu’il a débouté M. [N] de ses demandes de rappel de salaire pour dépassement du forfait annuel en jours ainsi que de dommages-intérêts pour préjudice moral lié aux conditions de la rupture et pour violation de la procédure de licenciement et en ce qu’il a débouté la société NAKO de ses demandes reconventionnelles et a condamné celle-ci aux dépens ;
L’infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Prononce la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur du contrat de travail liant M. [N] et la société NAKO, et ce à la date du 10 octobre 2018 ;
Dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société NAKO à payer à M. [N] les sommes suivantes :
– 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,
– 750 euros à titre de rappel de salaire pour le mois d’août 2018 outre 75 euros au titre des congés payés y afférents,
– 25 520 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires pour les années 2017 et 2018 outre 2 552 euros au titre des congés payés y afférents,
– 11 824 euros à titre d’indemnité compensatrice de contrepartie obligatoire en repos pour heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel,
– 42 900 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
– 85 800 euros à titre d’indemnité contractuelle de licenciement,
– 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Rappelle que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la société NAKO de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes pour les créances salariales et, pour les créances indemnitaires, à compter du jugement pour les montants confirmés et du présent arrêt pour le surplus ;
Condamne la société NAKO à payer à M. [N] la somme supplémentaire de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne à la société NAKO de remettre à M. [N] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail ainsi qu’une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision ;
Déboute M. [N] du surplus de ses demandes ;
Déboute la société NAKO du surplus de ses demandes reconventionnelles ;
Condamne la société NAKO aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT