SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 avril 2023
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 379 F-D
Pourvoi n° S 21-15.210
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 AVRIL 2023
La société Lancry protection sécurité, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 21-15.210 contre l’arrêt rendu le 5 novembre 2020 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l’opposant à M. [Y] [W], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Sornay, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Lancry protection sécurité, après débats en l’audience publique du 2 mars 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Sornay, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 5 novembre 2020), M. [W] a été engagé en qualité d’agent de sécurité affecté à la sécurité incendie le 1er avril 2009, puis son contrat de travail a été transféré à la société Arcade sécurité et, depuis le 1er février 2016 à la société Lancry protection sécurité (la société).
2. Le salarié a saisi le 3 avril 2017 la juridiction prud’homale d’une action en résiliation judiciaire de son contrat de travail et en paiement par l’employeur de diverses sommes au titre de l’exécution et la rupture de ce contrat.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. L’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer au salarié une somme à titre de rappel de salaire pour les retenues pour arrêt maladie, outre les congés payés afférents, d’ordonner la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts, de le condamner à payer au salarié des sommes à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, et d’indemnité légale de licenciement ainsi qu’une somme en application de l’article 700 du code de procédure civile, d’ordonner la remise par la société au salarié de bulletins de salaire, d’une attestation destinée à Pôle emploi et d’un certificat de travail conformes à l’arrêt, et de le condamner à payer les dépens de première instance et d’appel, alors :
« 1°/ que la retenue de salaire doit correspondre au temps exact de la cessation de travail ; qu’il s’ensuit que, lorsque, à la suite d’un accord de modulation, est appliqué dans l’entreprise un système de régularisation destiné à maintenir sur l’année entière un horaire moyen hebdomadaire de 35 heures, de telle sorte que les heures excédentaires accomplies en période de forte activité sont compensées par des heures de repos prises en période de faible activité, l’horaire à prendre en considération pour le calcul de la rémunération restant à la charge de l’employeur, en cas d’absence justifiée pour maladie, est l’horaire réellement accompli par le salarié ; qu’en l’espèce, il est constant qu’un accord de modulation a été conclu au sein de la société et que les salariés sont payés sur une base mensuelle de 151,67 h, et ce, même s’ils travaillent moins que cette durée ; que la cour d’appel a alors estimé que l’horaire à prendre en considération pour le calcul de la retenue sur salaire consécutive à l’absence du salarié justifiée par la maladie, est l’horaire moyen sur la base duquel est établie la rémunération mensuelle, soit 35 heures hebdomadaires ; qu’après avoir constaté que la société avait retenu 12h de vacations par jour de maladie sur la paie des mois de juillet, octobre et novembre 2016, elle a estimé qu’il y avait lieu d’accorder au salarié le paiement des heures retenues au-delà de la durée journalière de 7h pour les absences maladie des mois de juillet et d’octobre et qu’il devait en être de même pour l’absence pour congé sans solde du mois de novembre ; qu’en statuant ainsi, en tenant compte de l’horaire moyen et non de l’horaire réellement accompli, la cour d’appel a violé les articles L. 3122-9 et L. 3122-16 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, et l’accord d’entreprise relatif à la réduction et à l’aménagement du temps de travail du 15 octobre 2014, ensemble l’article 1134 du code civil, devenu les articles 1103 et 1104 du même code ;
2°/ que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce ; que la cassation s’étend également à l’ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; qu’ainsi, la cassation à intervenir du chef de dispositif relatif au rappel de salaire pour les retenues pour arrêt maladie entraînera la cassation du chef de dispositif relatif à la résiliation judiciaire et aux condamnations subséquentes ainsi qu’à la remise de bulletins de salaire, d’une attestation destinée à Pôle emploi et d’un certificat de travail. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
4. Il résulte de ce texte que la retenue de salaire doit correspondre au temps exact de la cessation de travail et doit être en principe égale au quotient du salaire mensuel par le nombre d’heures de travail dans l’entreprise pour le mois considéré.
5. Pour faire droit à la demande du salarié, après avoir relevé qu’un accord de modulation a été conclu en 2014 au sein de la société et que les salariés annualisés sont payés sur la base de 151,67 heures par mois, indépendamment des heures réellement effectuées, l’arrêt retient que, lorsqu’à la suite d’un tel accord de modulation, est appliqué dans l’entreprise un système de régularisation destiné à maintenir sur l’année entière un horaire moyen hebdomadaire de 35 heures, de telle sorte que les heures excédentaires accomplies en période de forte activité sont compensées par des heures de repos prises en période de faible activité, l’horaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité revenant au salarié, en cas d’absence justifiée par une maladie, est l’horaire de 35 heures, que l’absence du salarié ait correspondu à une période de forte activité ou à une période de faible activité.
6. Il en déduit que l’horaire à prendre en considération pour le calcul de la retenue sur salaire consécutive à l’absence du salarié justifiée par la maladie, est l’horaire moyen sur la base duquel est établie la rémunération mensuelle, soit 35 heures hebdomadaires. Il relève que la société a retenu douze heures de vacations par jour de maladie sur la paie des mois de juillet, octobre et novembre 2016, soit plus que la durée journalière moyenne de sept heures.
7. En statuant ainsi, alors qu’il lui appartenait, pour chacun des mois au cours desquels le salarié avait été en situation d’absence pour maladie, de rechercher l’horaire de travail au sein du service auquel il était affecté et de déterminer la retenue sur salaire à ce titre en multipliant la rémunération horaire par le nombre d’heures de travail que le salarié aurait dû réellement effectuer durant ces absences, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’autre moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne la société Lancry protection sécurité à payer à M. [W] la somme de 1 076,04 euros à titre de rappel de salaires pour les retenues pour arrêt maladie, outre 107,60 euros de congés payés afférents, en ce qu’il prononce la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur, en ce qu’il condamne ce dernier à payer au salarié les sommes de 5 050 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 3 209,70 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 320,97 euros de congés payés afférents, de 2 567,76 euros à titre d’indemnité légale de licenciement et de 1 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en ce qu’il condamne l’employeur aux dépens de première instance et d’appel et à remettre au salarié des bulletins de salaire, une attestation destinée à Pôle emploi et un certificat de travail conforme à l’arrêt, l’arrêt rendu le 5 novembre 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée ;
Condamne M. [W] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-trois.