DLP/CH
S.A.R.L. LABEL’TOUR
C/
[H] [Z]
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 12 MAI 2022
MINUTE N°
N° RG 20/00293 – N° Portalis DBVF-V-B7E-FQJ7
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DIJON, section ENCADREMENT, décision attaquée en date du 27 Juillet 2020, enregistrée sous le n° F 19/00360
APPELANTE :
S.A.R.L. LABEL’TOUR
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Stéphane CREUSVAUX de la SCP BEZIZ-CLEON – CHARLEMAGNE-CREUSVAUX, avocat au barreau de DIJON, et Me Olivier CHENEDE de la SELARL CAPSTAN OUEST, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉE :
[H] [Z]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Jean-Philippe SCHMITT, avocat au barreau de DIJON
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 05 Avril 2022 en audience publique devant la Cour composée de :
Olivier MANSION, Président de chambre, Président,
Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,
qui en ont délibéré,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,
ARRÊT rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
Mme [Z] a été engagée, par contrat du 6 mars 2009, par la SARL Label’Tour en qualité de VRP multi-cartes sur 10 départements (52,10, 89, 45, 58, 71, 21, 39, 25, 70) avec une rémunération sous forme de commissions.
Le contrat faisait mention de 5 autres cartes de VRP dont la salariée était titulaire.
Par avenant du 24 novembre 2009, le secteur de prospection de la salariée a été étendu à 8 autres départements (18, 54, 55, 57, 67, 68, 88, 90).
Par un nouvel avenant du 30 mai 2014, Mme [Z] est devenue responsable commerciale et marketing, en sus de son statut VRP, avec un salaire en partie fixe et en partie variable (commissionnement sur le chiffre d’affaires), à effet du 1er juin 2014.
Le contrat faisait alors mention de 6 autres cartes de VRP dont la salariée était titulaire. Celle-ci a ensuite mis fin à 3 cartes VRP.
La salariée a fait l’objet d’un avertissement le 23 juin 2016.
Le 7 novembre 2016, elle a vainement sollicité de son employeur qu’il l’autorise à reprendre 2 nouvelles cartes de VRP (les cartes North and South et Etienne d’Alensac). Elle a réitéré une demande de nouvelle carte (Impact et stratégie) le 24 septembre 2017, ainsi que le 6 octobre 2018 (Asa Toys, à l’exclusion de la marque Bambam), que l’employeur a également refusée.
La salariée a alors saisi, le 14 novembre 2018, la formation de référé du conseil de prud’hommes aux fins d’être autorisée à prendre la nouvelle carte de VRP Asa Toys et d’obtenir le remboursement d’une retenue sur salaire de janvier 2017, outre le paiement de congés payés sur commissions de janvier 2017.
Par lettre du 26 novembre 2018, Mme [Z] a été convoquée à un entretien préalable, fixé au 6 décembre 2018, puis a été licenciée par courrier du 10 décembre 2018, pour cause réelle et sérieuse, l’employeur lui reprochant un dénigrement de la société auprès des clients et de ses collègues, un non-respect de la politique commerciale et un manque de prospection.
La société Label’Tour a dispensé la salariée de l’exécution de son préavis de trois mois, qui lui a été rémunéré, et a renoncé à l’application de la clause de non-concurrence.
Mme [Z] s’est désistée de son action en référé puis a, par requête du 22 mai 2019, saisi le conseil de prud’hommes aux fins de voir juger que son licenciement était nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse. Elle a sollicité le paiement de diverses indemnités ainsi que des dommages et intérêts pour refus abusif de nouvelles cartes, le remboursement d’une retenue indue sur salaire en janvier 2017 (sur le bulletin de paie de mai 2017), le paiement d’un solde de commissions sur décembre 2018 et janvier 2019 et d’un solde de l’indemnité de clientèle (déduction faite de l’indemnité de licenciement versée en mars 2019).
Par jugement du 27 juillet 2020, le conseil de prud’hommes :
– dit et juge que le licenciement de Mme [Z] est nul,
– condamne la société Label’Tour à payer à Mme [Z] la somme de 27 319,92 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
– condamne la société Label’Tour à payer à Mme [Z] les sommes suivantes :
* 11 457,26 euros bruts à titre de rappel de salaire sur commissions,
* 1 145,73 euros au titre des congés payés afférents au rappel de salaire sur commissions,
* 149,76 euros bruts à titre de rappel de congés payés,
* 915,66 euros nets à titre de remboursement de frais de déplacement,
* 11 474,36 euros à titre de solde d’indemnité de clientèle (après déduction déjà versée au titre de l’indemnité de licenciement),
– ordonne à la société Label’Tour de remettre à Mme [Z] les documents légaux rectifiés conforme au jugement (bulletin de paie et attestation Pôle emploi),
– ordonne à la société Label’Tour de rembourser les indemnités chômage effectivement versées à Mme [Z] dans la limité de 6 mois d’indemnisation,
– condamne la société Label’Tour à payer à Mme [Z] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– déboute la société Label’Tour de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit qu’en application des dispositions de l’article R. 1454-14 du code du travail, les demandes visées à l’article R. 1454-28 du même code sont exécutoires de droit dans la limite de 9 mois de salaire,
– fixe la moyenne des salaires des trois derniers mois à 4 553,32 euros bruts,
– déboute Mme [Z] du surplus de ses demandes,
– déboute la société Label’Tour du surplus de ses demandes,
– précise que, conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les condamnations emportent intérêt au taux légal :
* à compter de la demande de réception de la convocation du défendeur devant le bureau de jugement pour les sommes de nature salariale,
* à compter du prononcé du jugement pour toutes autres sommes.
Par déclaration enregistrée le 17 août 2020, la société Label’Tour a relevé appel de cette décision.
Dans le dernier état de ses conclusions notifiées par voie électronique le 1er mars 2022, elle demande à la cour de :
– infirmer la décision entreprise quant à sa condamnation au paiement à Mme [Z] :
* de la somme brute de 149,77 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur la somme qui lui a été prélevée en janvier 2017, correspondant à sa période d’absence, d’une contre-valeur brute de 1 497,66 euros, alors même que cette période d’arrêt maladie ne correspond pas à un temps de travail effectif (article L 3141-3 du code du travail), malgré son remboursement partiel en juin 2017,
* de dommages et intérêts pour licenciement nul, soit la somme nette de 27 319,92 euros, soit 6 mois de son salaire mensuel brut, sur la base d’un salaire mensuel moyen brut de 4 453 euros,
* du remboursement de ses frais de déplacement engagés lors de son entretien préalable qui s’est déroulé à [Localité 5] le 6 décembre 2018, soit la somme justifiée de 915,66 euros nets,
* du paiement d’un rappel de commission infondé, correspondant à sa période de préavis, sur la base de 11 459,26 euros bruts et les congés payés y afférant,
* d’une indemnité de clientèle d’un montant net de 11 474,36 euros,
– confirmer la décision entreprise quant au rejet de sa demande de condamnation au paiement à Mme [Z] relatif :
* à la demande d’indemnité d’un montant de 10 000 euros pour refus d’attribution d’une nouvelle carte de prospection fin 2018,
* à la demande de remboursement de la somme nette de 207,76 euros, qui a été défalquée sur sa paie du mois de janvier 2017 et non remboursée sur sa paie du mois de juin 2017,
En tout état de cause :
– rejeter l’ensemble des demandes de Mme [Z],
– dire et juger justifié et régulier son licenciement pour motif personnel et cause réelle et sérieuse,
– rejeter ses demandes de rappels de salaires,
– rejeter ses demandes indemnitaires,
– condamner Mme [Z] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [Z] aux dépens.
Par ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 26 janvier 2022, Mme [Z] demande à la cour de :
– déclarer la société Label’Tour mal fondée en son appel et la débouter de ses demandes,
– dire et juger qu’elle est recevable et bien fondée en ses demandes,
– réformer partiellement le jugement,
– dire et juger son licenciement nul et, à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse,
– condamner la société Label’Tour à lui payer les sommes suivantes :
* 10 000 euros de dommages et intérêts pour refus abusif de nouvelles cartes,
* 207,76 euros nets de remboursement de la retenue indue de janvier 2017 (sur bulletin de paie de mai 2017),
* 45 532,20 euros nets de CSG et CRDS de dommages et intérêts pour licenciement nul et/ou sans cause réelle et sérieuse,
* 149,77 euros bruts de congés payés sur commissions de janvier 2017,
* 915,66 euros nets de frais professionnels pour l’entretien préalable du 6 décembre 2018,
* 11 457,26 euros bruts de solde de commission sur décembre 2018 et janvier 2019,
* 1 145,73 euros bruts de congés payés afférents,
* 26 406,54 euros nets de solde d’indemnité de clientèle (déduction déjà faite de l’indemnité de licenciement versée en mars 2019),
* 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en sus des 1 000 euros alloués en première instance,
– dire et juger que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du dépôt de la requête prud’homale,
– ordonner à la société Label’Tour de lui remettre les documents légaux rectifiés (bulletins de paie et attestation Pôle emploi),
– condamner la société Label’Tour aux dépens d’instance.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR LE REFUS ABUSIF DE NOUVELLES CARTES DE PROSPECTION
Mme [Z], VRP multi-cartes, soutient que le refus réitéré de son employeur de lui attribuer de nouvelles cartes VRP est abusif et déloyal et qu’il lui a occasionné un préjudice (entrave à la liberté du travail, perte de l’opportunité de compléter sa rémunération et de disposer d’un meilleur train de vie).
En réponse, la société Label’Tour prétend avoir respecté les termes du contrat de travail, que la demande adverse est infondée et qu’elle porte atteinte au pouvoir de direction de l’employeur ainsi qu’à sa liberté d’entreprendre.
En vertu de l’article L. 7313-6 du code du travail, le contrat de travail peut, pour sa durée, prévoir l’interdiction pour le voyageur, représentant ou placier, de représenter des entreprises ou des produits déterminés. Lorsque le contrat de travail ne prévoit pas cette interdiction, il comporte, à moins que les parties n’y renoncent par une stipulation expresse, la déclaration des entreprises ou des produits que le voyageur, représentant ou placier, représente déjà et l’engagement de ne pas prendre en cours de contrat de nouvelles représentations sans autorisation préalable de l’employeur.
Ici, le contrat de travail du 6 mars 2009 indique qu’en sus de la société Label’Tour, la salariée représente 5 autres cartes, en l’occurrence Lebrun (vaisselle, cadeaux, déco), Prodige (senteurs, compositions florales), [Localité 4] (savons, senteurs), Cadr’aven (cadres) et Les petites Marie (peluches). Le contrat ajoute en son article 4 : « Le représentant ne pourra pendant toute la durée du présent contrat prendre d’autres représentations, sous quelque forme que ce soit, sans avoir obtenu l’autorisation préalable du représenté. En aucun cas, le représentant ne pourra proposer à une clientèle des produits susceptibles de concurrencer les produits qui font l’objet de la présente représentation ».
L’avenant du 24 novembre 2009 n’a pas apporté de modification autre que celle du secteur de prospection.
L’avenant du 30 mai 2014 confiant à Mme [Z] le poste de responsable commerciale et marketing « en complément de son emploi de VRP » (article 4) précise en son article 9 que la salariée ne pourra « avoir une autre activité professionnelle, même non susceptible de concurrencer les activités de la société, qu’avec l’autorisation expresse et écrite de sa direction ». Il rappelle également les 6 autres cartes représentées à cette date par la salariée (Horticash, Cadr’aven, Le blanc, Prodige, Siretex et Brandani).
Il ressort de ces dispositions, conformes aux dispositions légales précitées, que Mme [Z] ne peut prendre aucune autre carte sans l’accord préalable de son employeur, formulé par écrit et ce, que les produits vendus soient ou non concurrents, comme en dispose le dernier contrat liant les parties.
Mme [Z] explique avoir réduit, en mai 2014, son portefeuille à 3 cartes (Horticash, [Localité 4] et Prodige), en plus de celle de Label’Tour, afin de lui permettre d’assumer sa mission de responsable commerciale. Elle ajoute que son employeur a mis fin à sa mission de responsable commerciale en juin 2016 et que c’est pour combler la perte du fixe en résultant et la perte des 3 cartes qu’elle avait résiliées qu’elle a alors sollicité l’autorisation de reprendre d’autres cartes concernant, selon elle, des produits non concurrents, courant octobre 2016, (North and South et Etienne d’Alensac), septembre 2017 (Impact et stratégie) et octobre 2018 (Asa Toys sans la marque Bambam). Elle estime que l’avenant du 30 mai 2014 ne trouvait plus application et qu’il a fait place aux dispositions du contrat d’origine ne prévoyant la nécessité de solliciter l’autorisation de l’employeur qu’en cas de cartes concurrentes, ce qui n’était pas le cas, selon elle, des cartes réclamées. Elle estime que le motif des trois refus opposés par son employeur (produits en concurrence, baisse du chiffre d’affaires de la salariée, baisse du taux de commissionnement en contrepartie de l’autorisation de l’employeur) ne sont ni légitimes, ni sérieux et qu’ils sont abusifs. Elle se prévaut par ailleurs d’une discrimination à son endroit au regard de l’autorisation donnée aux commerciaux exclusifs de développer leur chiffre d’affaires en se voyant distribuer de nouvelles cartes.
Il sera liminairement précisé que Mme [Z] a bien formé, auprès de son employeur, des demandes d’autorisation préalables écrites aux fins d’obtenir de nouvelles cartes et que la société Label’Tour lui a répondu formellement par la négative. Le refus de l’employeur ne saurait s’analyser comme une modification du contrat de travail dès lors qu’il n’est justifié d’aucune renonciation expresse des parties à cette demande d’autorisation préalable. Il sera également rappelé que l’atteinte au pouvoir de direction alléguée par l’employeur ne saurait s’appliquer qu’aux décisions légitimes et non abusives de la part de ce dernier.
S’agissant de la discrimination dont se prévaut la salariée, la cour rappelle qu’il appartient à cette dernière de présenter des éléments de fait susceptibles de caractériser une situation de discrimination directe ou indirecte ou une situation de rupture du principe d’égalité. Il revient ensuite à l’employeur de renverser cette présomption et de démontrer que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute situation de discrimination.
Ici, Mme [Z] expose que des VRP exclusifs ont obtenu de l’employeur l’autorisation de distribuer de nouvelles cartes qui ne lui ont pas été confiées. Or, elle ne produit aucun élément laissant présumer l’existence d’une discrimination à son endroit alors que la décision de la société Label’Tour a concerné des salariés dont le statut était différent de celui de l’intimée et des marques que Mme [Z] n’avait pas elle-même sollicitées. Le moyen tiré de la discrimination doit donc être écarté.
En revanche, la cour relève que la société Label’Tour ne pouvait conditionner l’accord d’une ou plusieurs cartes à une baisse du commissionnement sur la vente de ses produits, étant précisé que l’article 6 du contrat de travail initial, non modifié sur ce point par les avenants suivants, fixe le commissionnement mensuel pour la fonction de VRP multi-cartes et ne conditionne aucunement sa révision, notamment sa baisse, à l’obtention d’autres cartes par le VRP. Cet article 6 intitulé « rémunération » est par ailleurs indépendant de l’article 4 dénommé « autres représentations ». Les propositions de l’employeur de baisser la commission à 12% en 2016 et 2017, et à 10% en 2018, sont illégitimes et constituent clairement un moyen de pression sur l’attribution de cartes, concurrentes ou non, contre une réduction du commissionnement. La société appelante ne peut tenter de justifier sa position par la recherche d’un équilibre financier en invoquant, sans l’établir, les « conditions royales » octroyées à la salariée « avec des taux de commissionnement très élevés » et sa volonté de « ne pas créer de rente de situation ».
De plus, la logique économique invoquée par la société Label’Tour, à savoir que la prospection de nouveaux clients aurait laissé moins de place aux siens, qu’ils soient ou non concurrents, n’est pas un motif recevable dès lors que la société a elle-même autorisé la distribution de nouvelles cartes à d’autres VRP (Le Toy Van et Mimi et Lula). En outre, la prétendue baisse du chiffre d’affaires en 2019 et « la capacité de nuisance commerciale totale » de la salariée ne sont pas établis, étant observé que la baisse alléguée du chiffre d’affaires est postérieure au licenciement de Mme [Z].
S’agissant, ensuite, des produits vendus, l’employeur qui se prévaut de l’interdiction de vendre des produits concurrents ne démontre pas que les produits commercialisés avec les nouvelles cartes sollicitées par Mme [Z] entraient en concurrence avec les siens. Il n’établit pas davantage que l’intimée lui aurait caché le nombre de cartes à sa disposition et n’a, au demeurant, jamais pris de sanction à son encontre de ce chef.
Quant à la baisse du chiffre d’affaires de la salariée sur son secteur, il sera observé que l’ajout de cartes n’est pas subordonné au respect d’objectifs et que l’intimée justifie de l’existence d’autres difficultés pouvant expliquer cette baisse (problèmes récurrents de livraison, ventes en ligne sur showroom-privé avec des réductions pouvant aller jusqu’à 70%, référencement dans plusieurs chaînes de magasin, mécontentement de certains clients se plaignant de la politique commerciale contre-productive de la société – pièces 26, 27, 29 de l’intimée).
Les éléments qui précèdent, pris dans leur ensemble, caractérisent le refus fautif de l’employeur de distribuer de nouvelles cartes de VRP à Mme [Z]. Cependant, l’octroi d’une indemnisation à ce titre est subordonnée à la preuve d’un préjudice en résultant pour la salariée laquelle est défaillante à cet égard. Mme [Z] se contente en effet d’invoquer une perte de chance « de compléter sa rémunération et de disposer d’un meilleur train de vie » alors qu’elle ne démontre pas avoir perdu, de façon certaine, cette éventualité favorable, de même qu’elle n’établit aucun préjudice au titre d’une entrave à la liberté de travail.
En conséquence, sa demande indemnitaire à hauteur de 10 000 euros, qui n’est fondée sur aucune pièce probante, doit, par substitution de motifs du jugement déféré, être rejetée.
SUR LA RETENUE SUR SALAIRE
Sur le remboursement des IJSS
Mme [Z] expose qu’après avoir été en arrêt maladie durant 9 jours en janvier 2017, l’employeur a retiré de son bulletin de paie de janvier ses commissionnements relatifs au mois de décembre 2016 à hauteur de 1 497,66 euros bruts, correspondant à 6 jours d’absence maladie et à 249,61 euros par jour. Or, elle estime qu’en sa qualité de VRP multi-cartes et ne percevant aucun salaire fixe, sa rémunération ne pouvait être amputée de la sorte, que son absence ne pouvait impacter que les commissionnements à venir et non pas ceux des affaires réalisées précédemment qui lui étaient définitivement acquises.
La société Label’Tour rétorque que la salariée ne pouvait cumuler sur sa période d’absence son salaire à 100% et des indemnités journalières. Elle explique avoir toutefois réintégré la retenue de 1 497,66 euros dans le salaire de mai 2017, tout en déduisant 207,76 euros nets au titre des indemnités journalières perçues par Mme [Z].
Il est constant que l’employeur ne peut valablement réduire le montant de la rémunération ou opérer une retenue sur salaire qu’en cas d’absence injustifiée du salarié, de congé sans solde demandé et autorisé, de mise à pied conservatoire ou disciplinaire. Il ne peut, en tout état de cause, réduire le nombre d’heures prévu au contrat de travail sans l’accord du salarié.
En l’espèce, le fait que la salariée ait perçu des indemnités journalières ne peut impacter son droit à commissions dues avant son arrêt maladie en janvier 2017, ce que l’employeur rappelle du reste dans la lettre de son conseil du 15 janvier 2018 en indiquant que, pendant l’arrêt maladie de Mme [Z], des règlements avaient eu lieu sur ses commandes précédentes, ce qui a généré des commissions à son profit au titre de ce mois (pièce 16 de l’intimée).
La société Label’Tour qui n’a pas maintenu le salaire de Mme [Z] doit donc, par réformation du jugement entrepris, être condamnée à lui verser la somme de 207,76 euros indûment retenue sur son salaire.
Sur l’indemnité de congés payés sur le rappel de commissions versées
Mme [Z] explique que les commissions réintégrées sur mai 2017 à hauteur de 1 497,66 euros n’ont pas été assorties des congés payés afférents.
La société Label’Tour répond que ces congés payés ne sont pas dus puisque Mme [Z] n’a pas travaillé sur la période concernée.
Il sera néanmoins rappelé que lesdites commissions étaient acquises à la salariée avant son arrêt de janvier 2017 de sorte que cette dernière devaient bénéficier des congés payés y afférents.
Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a condamné la société Label’Tour à verser à Mme [Z] la somme de 149,76 euros à ce titre.
SUR LE BIEN-FONDÉ DU LICENCIEMENT
Mme [Z] conclut, à titre principal, à la nullité de son licenciement pour atteinte à sa liberté fondamentale d’ester en justice et, subsidiairement, à son absence de cause réelle et sérieuse.
En réponse, la société Label’Tour soutient que le licenciement est totalement étranger à l’action en justice introduite par Mme [Z] et affirme qu’il est parfaitement justifié, en l’occurrence par son insuffisance professionnelle.
I – Mme [Z] expose que son licenciement n’est autre qu’une mesure de représailles prise à son encontre en ce qu’il serait en lien avec sa saisine du juge des référés le 14 novembre 2018. Elle fait observer que seulement 12 jours séparent la saisine du conseil de prud’hommes de sa convocation à entretien préalable et que les problèmes soumis au juge des référés rejoignent ceux visés dans la lettre de licenciement.
La salariée a saisi le juge des référés par requête du 14 novembre 2018 pour obtenir la nouvelle carte de VRP Asa Toys et le remboursement de la retenue sur salaire de janvier 2017, outre les congés payés sur commissions de janvier 2017.
Elle a été convoquée à un entretien préalable par lettre du 26 novembre 2018, soit 12 jours après cette saisine, puis licenciée pour motif personnel par courrier du 10 décembre 2018.
Le motif du licenciement est, selon l’employeur, l’insuffisance professionnelle de Mme [Z]. Il vise plus précisément :
– son dénigrement permanent de l’entreprise auprès de la clientèle,
– son non-respect de la politique commerciale de la société,
– son manque de prospection.
Il convient de constater que la procédure de licenciement a été régulièrement suivie, que la lettre de licenciement ne contient aucune référence à l’action engagée par la salariée, qu’elle est motivée en ce qu’elle contient un exposé de faits circonstanciés, dont il appartient à la cour d’apprécier le bien-fondé.
Le contenu de cette lettre n’est donc pas de nature à laisser présumer une atteinte de l’employeur à une liberté fondamentale exercée par la salariée.
Selon l’article L. 1134-4 du code du travail, est nul et de nul effet le licenciement d’un salarié faisant suite à une action en justice engagée par ce salarié ou en sa faveur, sur le fondement des dispositions du chapitre II, lorsqu’il est établi que le licenciement n’a pas de cause réelle et sérieuse et constitue en réalité une mesure prise par l’employeur en raison de cette action en justice.
Ainsi, le seul fait qu’une action en justice exercée par le salarié soit contemporaine d’une mesure de licenciement ne fait pas présumer que celle-ci procède d’une atteinte à une liberté fondamentale d’agir en justice. Le juge apprécie souverainement les éléments de la cause et, par suite, le lien entre l’action judiciaire et le licenciement, la charge de la preuve ne pesant pas plus spécialement sur l’une des parties que sur l’autre. Toutefois, lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient au salarié de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à une action en justice introduite pour faire valoir ses droits.
Il convient, dès lors, de déterminer si les faits allégués par l’employeur au soutien du licenciement présentent un caractère réel et sérieux.
II – Il résulte des dispositions des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, et qu’en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi, l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables. Par contre, s’il invoque une faute grave pour justifier le licenciement, l’employeur doit en rapporter la preuve.
a) En l’espèce, il convient liminairement de relever que le premier grief relatif au dénigrement permanent de l’entreprise auprès des clients et de ses collègues par Mme [Z] est en réalité d’ordre disciplinaire. Or, les mails de clients ou collègues invoqués par l’appelante font référence à des faits qui sont prescrits au visa de l’article L. 1332-4 du code du travail, puisque datant de plus de deux mois avant l’engagement de la procédure de licenciement.
De plus, la salariée rapporte la preuve contraire par les pièces qu’elle verse aux débats (pièces 44 et 46), étant rappelé que le doute doit lui profiter.
Ce grief sera donc écarté.
b) S’agissant du second grief relatif au non-respect de la politique commerciale, la société Label’Tour prétend en justifier par ses pièces 60, 63, 73, 24 à 29. Il s’agit d’attestations de M. [T] (responsable commercial), de Mme [P] (responsable grands comptes), de Mme [M] (commerciale sur la région Rhône-Alpes) et de Mme [F] (nouvelle responsable commerciale).
L’employeur reproche en réalité à l’intimée de critiquer en permanence les décisions qu’elle prend, ce qui rendrait le pilotage de l’activité très compliqué car « vous êtes en permanence dans l’opposition et n’en faîtes que selon votre bon vouloir ». Il n’est à ce titre cité que le salon de [Localité 6], de septembre 2018.
Or, le témoignage de M. [T] n’est pas circonstancié (aucune date, ni fait précis). L’attestation de Mme [P] ne vient, quant à elle, aucunement étayer le grief visé dans la lettre de licenciement puisqu’elle se contente d’indiquer, s’agissant du salon de [Localité 6], que ‘les clients du secteur dont elle a la charge ne discutaient qu’avec elle’. Le témoignage de Mme [M] n’est pas davantage probant car reprenant les dires d’une de ses anciennes collègues, tandis que Mme [F], qui atteste avoir été embauchée par l’appelante le 30 décembre 2019 se contente de mentionner : ‘nous ne pouvons que constater la difficulté que les commerciaux ont à retravailler avec les clients anciennement gérés par Mme [Z]’.
Mme [Z] produit, quant à elle, de nombreux témoignages de clients (pièces 50 à 81) qui viennent contredire les attestations produites par l’appelante et démentir sa prétendue obstruction au travail de ses collègues. En tout état de cause, le doute doit là encore lui profiter.
Ce grief n’est donc pas suffisamment établi.
c) S’agissant, enfin, du grief tenant au manque de prospection, il ressortit pleinement de l’insuffisance professionnelle de la salariée. L’employeur reproche à cette dernière de subir plus de fermetures de boutiques que d’ouvertures de nouveaux comptes, avec chute subséquente de son chiffre d’affaires, au contraire de celui global de l’entreprise. Il déplore de ne pouvoir faire adhérer Mme [Z] à ses perspectives d’évolution. Au soutien de ce grief, il s’appuie sur ses pièces 48, 108, 109 et 121.
Il sera rappelé qu’en tant que VRP multi-cartes, Mme [Z] n’avait aucun objectif chiffré et que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, n’évoque que la baisse d’ouvertures de comptes.
La salariée justifie, en ses pièces 88 à 90, avoir ouvert 30 comptes en 2015, 32 en 2016, 35 (validés) en 2017 et 30 (validés) au 4 décembre 2018. Ces éléments ne caractérisent pas une baisse des ouvertures de comptes.
De plus, l’appelante ne justifie pas avoir défini des objectifs spécifiques en ce domaine ni, à supposer les manquements établis, avoir donné les moyens à sa salariée de satisfaire à son obligation d’ouverture de comptes, étant ajouté qu’elle lui a refusé la distribution de nouvelles marques et que l’intimée justifie d’un contexte économique difficile tenant à des défaillances de l’entreprise (livraisons tardives de commandes, distribution de produits sur des sites tels que Showroom-privé, essoufflement de la gamme principale de l’entreprise – pièce 97 et attestations de clients). Au surplus, l’employeur ne peut se prévaloir de chiffres postérieurs au licenciement pour légitimer la rupture du contrat de travail.
Ce grief n’est donc pas établi, étant encore rappelé qu’en cas de doute, celui-ci doit profiter au salarié.
III – Il ressort de ce qui précède que le licenciement n’a pas de cause réelle et sérieuse. Or, il est contemporain à l’action en justice introduite par Mme [Z] devant la juridiction des référés, celle-ci lui étant antérieure, et aucun élément du dossier ne vient démontrer l’opportunité du lancement de cette procédure le 26 novembre 2018. La société Label’Tour prétend, sans en justifier, que le licenciement de l’intimée « était à l’ordre du jour depuis longtemps dans l’entreprise, du fait de son comportement » et que « la date a été choisie car elle correspond à la fin de la période de prospection intense des commerciaux liée aux fêtes de fin d’année ».
Le premier juge a justement relevé que le seul événement objectivement incontestable est celui de la saisine du conseil de prud’hommes le 14 novembre 2018.
Il convient donc de considérer que le licenciement constitue une mesure prise par l’employeur en raison de cette action en justice et d’en déduire, par confirmation du jugement critiqué, que le licenciement litigieux est nul.
IV – La barémisation des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, instituée par l’article 2 de l’ordonnance nº 2017-1387 du 22 septembre 2017, n’est pas applicable en la présente espèce, comme le prévoit l’article L. 1235-3-1 al.2 1° du code du travail, le licenciement de Mme [Z] étant nul en raison de la violation d’une liberté fondamentale.
Compte tenu de l’ancienneté de la salariée (10 ans) dans une entreprise employant plus de onze salariés, des circonstances de la rupture, du montant de sa rémunération (4 453,32 euros bruts), de son âge (58 ans au moment du licenciement), de ses difficultés à trouver un nouvel emploi eu égard à son âge, des conséquences du licenciement, tel qu’il résulte des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer la somme de 45 000 euros en réparation du préjudice qu’elle a subi en raison de son licenciement abusif.
SUR LES RÉCLAMATIONS AU TITRE DU SOLDE DE TOUT COMPTE
Sur les frais de déplacement liés à l’entretien préalable
Mme [Z] sollicite le remboursement de ses frais de déplacement pour se rendre à l’entretien préalable qui s’est tenu le 6 décembre 2018 au siège de l’entreprise à [Localité 3] dans le département 44. Elle réclame la somme correspondante de 915,66 euros.
La société Label’Tour s’y oppose au motif que le contrat de travail met l’ensemble des frais à la charge de la salariée du fait d’un taux de commissionnement élevé en tant que VRP. En outre, sa dépense aurait eu une vocation professionnelle.
Or, il est acquis aux débats que l’entretien préalable s’est tenu en dehors de la zone de prospection de Mme [Z] et il n’est pas démontré que les frais engagés pour ce déplacement ont été exposés dans le cadre de son activité commerciale couverte par les commissions sur le chiffre d’affaires. Il sera donc fait droit à la demande puisque les dépenses occasionnées par un tel déplacement, sans relation avec la prospection de la clientèle dont était chargée la salariée, ne pouvaient être incluses dans le commissionnement au titre des frais professionnels. Constituant des débours exposés par Mme [Z] dans l’intérêt de l’entreprise, cette dernière devait les prendre en charge.
En conséquence, la société Label’Tour est condamnée au paiement des frais justifiés qui s’élèvent à la somme réclamée de 915,66 euros, le jugement étant confirmé sur ce point.
Sur le solde de commissions
Mme [Z] prétend que son employeur ne lui a pas réglé toutes les commissions qui lui étaient dues sur le chiffre d’affaires de décembre 2018 et janvier 2019, alors que des affaires avaient été réalisées et restaient à être commissionnées. Elle produit des décomptes à l’appui de sa demande en paiement de la somme de 11 457,26 euros et considère que les tableaux de l’appelante n’ont pas repris l’ensemble des factures de sorte que seules les pièces qu’elle verse aux débats doivent être retenues.
En réponse, la société Label’Tour conteste devoir quelque somme que ce soit à ce titre et expose avoir réglé le préavis sur la base de la moyenne mensuelle des commissions des 12 derniers mois. Elle verse aux débats des tableaux de calcul (pièces 32, 33 et 133) et en déduit que la salariée a finalement perçu au-delà de ce qui lui était réellement dû pendant la période concernée, sur la base d’un préavis moyen plutôt qu’au réel de ses commissions basées sur un chiffre d’affaires encaissé.
Or, Mme [Z] peut prétendre au paiement des commissions acquises avant le licenciement (payables le mois suivant en fonction des règlements des clients) et au maintien de ses salaires pendant le préavis dispensé. Contrairement à ce que soutient l’employeur, il n’y a pas lieu de faire un « parallèle avec le régime de l’activité partielle » qui prévoit la prise en compte de la moyenne des 12 mois pour la part variable dès lors que la salariée ne s’est pas trouvée en situation de chômage partiel.
En vertu du contrat de travail, le rappel de commissions correspond à un pourcentage dû sur des ventes antérieures au 10 décembre 2018. Mme [Z] justifie de toutes les factures établies (pièces 42 et 43) pour les ventes réalisées de septembre à mi-décembre 2018. Il en ressort qu’elle a fait un chiffre d’affaires de 43 119,98 euros pour décembre 2018 et de 40 743,28 euros pour janvier 2019. Pour la période postérieure au 10 décembre 2018, elle a bénéficié d’un préavis de 3 mois qui a été dispensé d’exécution et qui lui ouvre droit au règlement d’un salaire forfaitaire par l’employeur. Les sommes réclamées à ces deux titres par la salariée concernent donc des périodes distinctes, contrairement à ce que prétend la société Label’Tour qui évoque, à tort, la perception d’un double préavis. La somme réclamée par l’intimée à titre de rappel de commissions ne peut donc être amputée de 3 326,42 euros.
De plus, l’employeur n’a pas repris, dans son calcul, toutes les factures dont justifie l’intimée et n’établit pas que les factures non reprises auraient été annulées.
Il s’ensuit que le jugement critiqué sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Label’Tour au paiement de la somme de 11 457,26 euros, outre les congés payés afférents.
Sur l’indemnité de clientèle
Mme [Z] réclame la somme de 26 406,54 euros à ce titre, déduction faite de l’indemnité de licenciement qui lui a été versée à hauteur de 11 393,70 euros.
La société Label’Tour rétorque que la salariée ne justifie d’aucun préjudice à ne pas continuer à exploiter la clientèle qui lui a été retirée du fait de son licenciement, que postérieurement à celui-ci, elle a pu continuer à exploiter sa clientèle, étant libérée de sa clause de non-concurrence, avec de nouveaux produits liés à ses nouvelles cartes.
En vertu de l’article L. 7313-13 du code du travail, en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l’employeur, en l’absence de faute grave, le VRP a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l’importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui. Cette indemnité dite de clientèle s’assimile à des dommages et intérêts en ce qu’elle répare le préjudice subi par le VRP. Elle ne se cumule pas avec l’indemnité de licenciement. Son montant est soumis à l’appréciation souveraine des juges du fond qui doivent rechercher l’importance en nombre et en valeur qui revenait personnellement au représentant dans l’augmentation de la clientèle.
L’indemnité de clientèle a ainsi pour but d’assurer au représentant, dont le contrat a été résilié par suite de circonstances indépendantes de sa volonté, la réparation du préjudice que lui cause son départ en lui faisant perdre pour l’avenir le bénéfice de la clientèle apportée, créée ou développée par lui.
S’il appartient au salarié d’établir l’existence d’une clientèle apportée, créée ou développée par lui et de justifier avoir personnellement contribué en nombre et en valeur au développement de la clientèle de l’employeur, la preuve de l’absence de préjudice incombe à l’employeur. Il est, à cet égard, tenu compte du fait que le VRP multi-cartes continue après la rupture à visiter la même clientèle pour des produits similaires pour le compte d’une autre société qu’il représentait ainsi que, notamment, des rémunérations spéciales accordées en cours de contrat pour le même objet.
En l’espèce,le contrat de travail précise en son article 20 qu’ « à ce jour, le représenté reconnaît qu’il n’existe aucun client et que le chiffre d’affaires est nul sur le secteur géographique du représentant ». Il en ressort que l’intimée, qui n’est partie de rien et a apporté à la société un portefeuille de clients sur son secteur et généré ainsi un chiffre d’affaires, a nécessairement personnellement contribué en nombre et en valeur au développement de la clientèle de son secteur. Elle justifie, du reste, de la croissance significative du nombre des clients de son portefeuille et d’un total de commissions de 108 000 euros sur la période de décembre 2016 à novembre 2018 (pièces 20 et 40), dont à déduire un forfait de 30% de frais professionnels, soit une moyenne mensuelle de 3 150 euros nets. Le droit à l’indemnité de clientèle est donc acquis, sauf à l’employeur à établir l’inexistence d’un préjudice.
Il doit, à cet égard, être relevé, avec la société Label’Tour, que l’intimée a été libérée de sa clause de non-concurrence et qu’elle a, dès lors, continué à exploiter sa clientèle avec de nouveaux produits liés à ses nouvelles cartes. L’appelante produit le listing des clients suivis par la salariée de 2017 à 2020 (pièce 107), soit 36 clients, parmi lesquels seulement 8 ont continué à commander chez la société Label’Tour et non 21 comme le prétend Mme [Z] (pièce 139 de l’employeur).
Ainsi, au-delà du développement en nombre et en valeur de la clientèle sur la zone géographique dépendant de Mme [Z], il apparaît que cette dernière a pu continuer à prospecter après la rupture de son contrat de travail et qu’elle a ensuite acquis 4 nouvelles cartes (Asa Toys, Impact et stratégie, Lovely tribu, Les artistes Paris maxili), en sus de l’exploitation de ses anciennes cartes (SAS Leblanc, Horti cash) sur la même clientèle qu’elle n’a donc pas totalement perdue. En outre, s’agissant de la part personnelle de la salariée dans l’importance de la clientèle, elle doit être relativisée par la notoriété de la marque, la publicité qui a été faite et les réductions consenties.
Il s’ensuit que l’indemnité de clientèle reste due, Mme [Z] ayant incontestablement participé à l’augmentation de la clientèle de l’appelante, mais dans une proportion qui doit tenir compte des éléments qui précèdent et qui permettent à la cour d’évaluer son préjudice à la somme de 12 000 euros. Mme [Z] ayant perçu une somme de 11 393,70 euros au titre de l’indemnité de licenciement, il lui reste due une somme de 606,30 euros, outre 60,63 euros de congés payés afférents.
Le jugement querellé sera réformé sur le quantum de la somme allouée à ce titre.
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
La décision attaquée sera confirmée en ses dispositions relatives :
– aux intérêts légaux,
– à la remise des documents légaux rectifiés, sauf à préciser qu’elle se fera conformément aux dispositions du présent arrêt,
– à la condamnation de l’employeur à rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à Mme [Z] dans la limite de 6 mois d’indemnisation,
– à la fixation de la moyenne des salaires (4 553,32 euros bruts),
– à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
La société Label’Tour, qui succombe pour l’essentiel, doit prendre en charge les dépens d’appel et supporter le paiement d’une indemnité au visa de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement entrepris, sauf à préciser que la remise des documents légaux rectifiés se fera conformément aux dispositions du présent arrêt, et sauf en ce qu’il a rejeté la demande en paiement au titre de la retenue sur salaire et en ce qui concerne le montant des sommes allouées à Mme [Z] à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et à titre d’indemnité de clientèle,
Statuant à nouveau dans cette limite,
Condamne la société Label’Tour à payer à Mme [Z] les sommes suivantes :
– 207,76 euros au titre de la retenue sur salaire en janvier 2017,
– 45 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
– 606,30 euros au titre de l’indemnité de clientèle, outre 60,63 euros de congés payés afférents,
Y ajoutant,
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Label’Tour et la condamne à payer complémentairement en cause d’appel à Mme [Z] la somme de 2 000 euros,
Condamne la société Label’Tour aux dépens d’appel.
Le greffierLe président
Frédérique FLORENTINOlivier MANSION