Retenues sur salaire : 12 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/04599

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Retenues sur salaire : 12 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/04599

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU 12 JANVIER 2023

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/04599 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCDN5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Juin 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VILLENEUVE-SAINT-GEORGES – RG n° F18/00697

APPELANTE

Madame [E] [D]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Amanda GALVAN, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

MISSION LOCALE INTERCOMMUNALE DE [Localité 9] ET [Localité 8]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Béatrice FLEURIS, avocat au barreau de PARIS, toque : G303

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre

Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY

ARRET :

– CONTRADICTOIRE,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, et par Madame Marie-Charlotte BEHR, Greffière en stage de préaffectation sur poste à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROC »DURE ET PR »TENTIONS DES PARTIES

Mme [D] a été embauchée par la mission locale intercommunale de [Localité 9] -[Localité 8], par contrat à durée déterminée du 27 octobre 2015, en qualité d’assistante financière.

Par avenant du 14 avril 2016, Mme [D] a été embauchée par contrat à durée indéterminée.

La convention applicable est la convention nationale des missions locales et PAIO.

Par courrier du 29 août 2018, Mme [D] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 10 septembre 2018.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 13 septembre 2018, la Mission locale intercommunale de [Localité 9]-[Localité 8] a notifié à Mme [D] son licenciement pour faute grave.

Contestant le bien fondé du licenciement, Mme [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Villeneuve Saint Georges le 20 décembre 2018.

Par jugement contradictoire du 10 juin 2020, le conseil de prud’hommes a :

-fixé la rémunération mensuelle de Mme [D] à la somme de 2.097,65 euros calculée sur la base de la moyenne des trois derniers mois de rémunération ;

– constaté l’existence d’un préjudice relatif à l’attestation erronée destinée à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (C.P.A.M.) ;

– dit que le licenciement prononcé par le Groupement d’Intérêt Public Mission Locale Intercommunale de Villeneuve-Saint-Georges -[Localité 8] (VIVA), pris en la personne de son représentant légal, à l’encontre de Mme [D] ne repose pas sur une faute grave mais est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

-condamné le Groupement d’intérêt public mission locale intercommunale, pris en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [D] les sommes suivantes :

4.030,40 euros (quatre mille trente euros et quarante Centimes) à titre d’indemnité compensatrice de préavis :

403,04 Euros (quatre cent trois euros et quatre centimes) à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférente à l’indemnité compensatrice de préavis ;

3.221,18 Euros (trois mille deux cent vingt et un euros et dix-huit centimes) à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

1.000,00 Euros (mille Euros) en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

113,14 Euros (cent treize euros et quatorze centimes) à titre de remboursement des frais de citation engagés le 25 janvier 2019 auprès de la S.C.P. Xavier Blanc-Maximilien Grassin, huissiers de justice à [Localité 5] ;

-rappelé conformément aux dispositions de l’article R.1454-28 du Code du Travail, que les sommes allouées au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, de l’indemnité compensatrice de congés payés afférente à l’indemnité compensatrice de préavis, de l’indemnité légale de licenciement et de l’indemnité de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, sont exécutoires de droit à titre provisoire dans la limite de neuf mois de salaire, étant précisé que la moyenne des salaires perçus par Mme [D] calculée sur les trois derniers mois était de 2.097,65 Euros ;

-dit en application des dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du Code Civil, que les condamnations de nature salariale porteront intérêts légaux à compter de la réception par le Groupement d’Intérêt Public Mission Locale Intercommunale de Villeneuve-Saint-Georges- [Localité 8] (VIVA), pris en la personne de son représentant légal, de la convocation par citation d’huissier à la séance du bureau de conciliation et d’orientation, soit le 25 janvier 2019 et que les condamnations ayant un caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du lendemain suivant la réception par le Groupement d’intérêt Public Mission Locale Intercommunale de Villeneuve-Saint-Georges- [Localité 8] (VIVA), prise en la personne de son représentant légal, de la notification du présent jugement ;

-débouté le Groupement d’Intérêt Public Mission Locale Intercommunale de Villeneuve-Saint-Georges-[Localité 8] (VIVA), pris en la personne de son représentant légal, de sa demande reconventionnelle formulée en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

– rejeté pour le surplus toutes demandes plus amples ou contraires ;

– condamné le Groupement d’Intérêt Public Mission Locale Intercommunale de Villeneuve-Saint-Georges-[Localité 8] (VIVA), pris en la personne de son représentant légal, aux entiers frais et éventuels dépens de la présente instance y compris les frais éventuels d’exécution forcée de la présente décision.

Par déclaration notifiée par voie électronique le 15 juillet 2020, Mme [D] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par la voie électronique le 08 avril 2021, Mme [D] demande à la cour de :

-infirmer le jugement de première instance en ce qu’il a jugé que le licenciement de Mme [D] était fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

-infirmer le jugement de première instance en ce qu’il a jugé que Mme [D] n’avait pas fait l’objet de harcèlement moral ;

-confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a reconnu que Mme [D] avait subi un préjudice en raison de la remise tardive de l’attestation Pôle Emploi ;

Par conséquent, et statuant à nouveau :

-dire et juger que Mme [D] a fait l’objet de harcèlement moral ;

-dire et juger que le licenciement pour faute grave de Mme [D] est nul ;

-faire droit à l’ensemble des demandes de Mme [D], soit :

3.221,18 euros nets à titre d’indemnité de licenciement ;

4.030,40 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

403,04 euros bruts de congés payés afférents ;

495,99 euros bruts d’indemnité de congés payés imposés ;

67,05 euros bruts d’heures supplémentaires non rémunérées ;

6,70 euro bruts de congés payés afférents ;

25.171 euros de dommages et intérêts au titre de la nullité du licenciement (12 mois de salaire);

25.171 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral et non-respect de l’obligation de sécurité de résultat ;

2.000 euros de dommages et intérêts suite à la non-transmission par l’employeur de l’attestation de salaire à la CPAM ;

En tout état de cause :

-condamner la Mission locale à verser à Mme [D] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens à hauteur de 113,14 euros.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par la voie électronique le 11 janvier 2021, la Mission Locale Intercommunale de [Localité 9]-[Localité 8] (VIVA), demande à la cour de :

A titre principal :

-infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Villeneuve-Saint-Georges en ce qu’il a :

*jugé de l’existence d’un préjudice relatif à l’attestation erronée destinée à la CPAM,

*jugé que le licenciement de Mme [D] notifié le 13 septembre 2018 n’est pas fondé sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse,

*condamné la Mission Locale Intercommunale de Villeneuve-Saint-Georges ‘ [Localité 8] (VIVA) à payer à Mme [D] les sommes suivantes :

4.030,40 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

403,04 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférente à l’indemnité compensatrice de préavis,

3.221,18 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

1.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive de l’attestation destinée à la CPAM,

1.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

113,14 euros à titre de remboursement des frais de citation engagés le 25 janvier 2019 auprès de la SCP Xavier Blanc- Maximilien Grassin,

En conséquence :

-juger que Mme [D] n’a été victime d’aucun accident du travail,

-juger que le licenciement de Mme [D] notifié le 13 septembre 2018 est valablement fondé sur une faute grave,

-débouter Mme [D] de ses demandes, fins et conclusions.

A titre subsidiaire :

-confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Villeneuve-Saint-Georges le 10 juin 2020,

En conséquence :

-juger que Mme [D] n’a été victime d’aucun accident du travail,

-juger que le licenciement de Mme [D] notifié le 13 septembre 2018 est valablement fondé sur une cause réelle et sérieuse,

-débouter Mme [D] de ses demandes, fins et conclusions.

En tout état de cause :

-condamner Madame [D] à payer à la Mission Locale VIVA la somme de 3.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamner Mme [D] aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’instruction a été close le 15 juin 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le harcèlement moral et la violation de l’obligation de sécurité

Mme [D] fait valoir qu’elle a été victime de harcèlement moral caractérisé de la part de son employeur, en particulier par l’intermédiaire de Mme [R], directrice, qui lui a notifié deux avertissements injustifiés à son encontre le 10 mars 2017 et le 12 juin 2018, s’est abstenue régulièrement de répondre aux courriels qu’elle lui adressait, y compris pour des demandes de formation. Elle ajoute que les agissements de sa supérieure hiérarchique ont eu pour conséquences une dégradation de son état de santé. Elle affirme enfin que la mission locale a manifestement méconnu l’obligation de sécurité puisqu’elle a laissé son état de santé se dégrader sans prendre aucune mesure.

L’employeur réplique que les faits évoqués ne sont en rien constitutifs d’un harcèlement moral et qu’au contraire c’est le comportement de Mme [D] qui était répréhensible par son manque de respect vis-à-vis de sa supérieure hiérarchique en remettant en question ses compétences, son management.

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En vertu de l’article L.1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L.1152-1 à L.1152-3 et L.1153-1 à L.1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié soumet au juge des éléments qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L.1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Au titre des faits qu’il lui appartient d’établir, Mme [D] invoque les éléments suivants:

– deux avertissements;

– le ton agressif et condescendant de sa supérieure hiérarchique Mme [R] dans les courriels envoyés ;

– le refus de lui accorder un congé pour motif médical ;

– les réponses sèches à ses demandes d’information ou son absence de réponse, la mettant en difficulté pour effectuer ses tâches ;

– les reproches de Mme [R] sur son travail sans prendre la peine de vérifier, ce qui la contraignait à se justifier sans cesse ;

– l’interdiction qui lui était faite de lui envoyer des courriels de relance ;

-l’exécution à la demande de Mme [R] de tâches qui ne rentraient pas dans ses attributions contractuelles telles que faire du café pour les réunions et la formulation de reproches à cet égard.

Mme [D] s’est vu notifier un premier avertissement le 10 mars 2017 pour ne pas avoir envoyé le budget prévisionnel 2017 aux administrateurs de la structure avant la tenue de l’assemblée. Si Mme [D] admet ne pas avoir contesté cet avertissement, elle reconnaît qu’elle a envoyé le courriel mais non la pièce évoquée.

L’employeur établit par ailleurs par la production des échanges que la salariée n’a pas transmis les documents nécessaires, ce qui justifie l’avertissement.

Par courrier du 12 juin 2018, Mme [D] a reçu un deuxième avertissement pour avoir laissé au vu et au su de l’ensemble des salariés l’ensemble des salaires du personnel de la mission locale. Mme [D] a contesté cet avertissement dans une longue lettre en date du 6 juillet 2018 soulignant qu’elle était en congés payés à la date où des faits reprochés se sont produits et dénonçait à cette occasion « la volonté cachée de vouloir porter atteinte à sa personne et à son intégrité » et cela malgré ses courriers en recommandé pour signalement des propos et de l’attitude de dénigrement de la part de sa supérieure hiérarchique.

Il s’évince de cette analyse que la salariée a en conséquence contesté un avertissement. Les documents transmis font apparaître qu’elle n’était pas présente à la date des faits reprochés.

Ce fait est établi.

S’agissant des propos et attitude dont Mme [D] indique avoir été victime de la part de sa supérieure hiérarchique, elle produit les pièces suivantes :

– ses pièces 15 et 16 : il s’agit de courriers rédigés par ses soins et datés du 20 juin 2017 et 20 juillet 2017 et par lesquels elle conteste les reproches faits par sa supérieure hiérarchique et dénonce son attitude à son égard ainsi que des faits de harcèlement mais pour présenter sa propre version se trouvent dépourvus de force probante sauf à être corroborés par d’autres éléments;

– ses pièces 4 à 14, 17 à 23, 32 : il s’agit de nombreux courriels principalement écrits par Mme [D] à sa supérieure hiérarchique contestant les reproches faits et dénonçant des propos la rabaissant, le ton agressif employé à son égard depuis plusieurs mois, et d’échanges de courriels avec celle-ci.

A titre d’exemples, Mme [R] lui écrivait :

– le 1er juillet 2016 : « ce n’est pas parce que ledit contrat comporte une erreur stupide car elle m’a bien dit 1 et non 11 qu’il est faux !! [E]. Il faut faire attention à ce que vous dites et écrivez » ;

– le 23 novembre 2016 : « je fais suite à notre entretien d’hier.. Vous devez proratiser votre ancienneté du mois d’octobre. Je vous l’ai écrit le mois dernier au moment où je validais la paie et constate que ma consigne n’a pas été respectée » ;

– le 6 décembre 2016 : « Je ne devais pas le voir à 9 h 15 si je suis à [Localité 7] et à [Localité 6] au même moment !!! Sauf si vous avez décidé vous ou Mr [V] à mon insu » ;

– le 24 avril 2017 « quand je ne traite que les urgences ce genre de mail attend mon retour au bureau » ;

– le 24 mai 2017 : suite à une demande de congés émanant de la salariée « je ne souhaite pas que vous preniez un jour de congés, nous devons en effet préparer l’assemblée générale du 14 juin.. Vous me parlez d’un rendez-vous médical sans aucun justificatif ! Ledit rendez-vous exigerait votre présence toute la journée ‘ » et « j’ai demandé ce matin un justificatif, un rendez-vous médical ne doit pas prendre la journée entière » ;

– le 9 juin 2017 : « je profite de ce courriel pour vous faire observer que votre attitude au cours de cette journée de formation n’était pas professionnelle qui plus est en présence d’une personne étrangère à la structure » ou « dire devant la même personne que vous n’avez pas de retour de ma part sur les congés n’est pas professionnel.. Ce genre de remarques se disent en interne » ;

– le 27 septembre 2017 : «  Vous avez envoyé un document support me servant à préparer la réunion à la place du rapport d’activité !! J’attends vos explications » ;

– le 14 novembre 2017 : Bonjour [E] .. Faites un effort pour comprendre les docs du fse. Je passe mon temps à écrire et à vous expliquer. Relisez mes mails svp tout est expliqué » ;

– le 16 janvier 2018 « en réponse à votre courriel mon bureau est mitoyen au votre. Ce genre de demande se traite directement en venant me voir et en échangeant ensemble. Je ne suis pas contre l’envoi de courriels quand c’est nécessaire. Mais tout ne passe pas par ce canal; je souhaiterai qu’on travaille autrement en favorisant l’échange » ;

– le 13 avril 2018 : « jeudi 5 avril la Ratp devait animer l’atelier mobilité normalement vous devriez préparer le café pour accueillir les agents qui interviennent gracieusement auprès de nos jeunes . Je devais moi-même acheter les viennoiseries. J’ai constaté que le café n’était pas fait … En votre qualité d’assistante vous devez le faire naturellement sans que j’ai besoin de nous le demander. Je ne peux que déplorer votre refus de m’aider à accueillir nos partenaires » ;

– 14 mai et 15 mai 2018 « ni la cafetière ni les tasses n’étaient propres. Je trouve dommage que je sois obligée et contrainte de vous faire une observation sur les tâches et gouttes ne qui se voyaient vraiment sur la cafetière ». « Je constate tant sur le plan du travail que du comportement …des manquements parfois graves. Ces manquements portent préjudice au bon déroulement de votre mission. Plutôt que d’apprendre de vos erreurs et essayer d’améliorer votre travail et de corriger vos attitudes et votre manière de participer vous préférez m’accuser de harcèlement » ;

– le 27 juin 2018 : « vous perdez beaucoup de temps dans les courriels, temps que vous pourriez mettre à renforcer votre autonomie. Vous n’êtes pas sans savoir que la période est extrêmement chargée. J’ai des dossiers autrement plus sérieux. Je ne peux malheureusement pas répondre à vos questions à longueur de journée » je réponds de bonne grâce aux questions complexes nécessitant une certaine expertise ou une autorisation à vous comme aux autres collaborateurs. Mais je ne souhaite pas recevoir des courriels m’interrogeant sur des éléments dont vous avez connaissance » ;

– « c’est une erreur qui pourrait nous coûter cher. Ne l’avez-vous pas vue ‘ je pense important [E] de faire attention à la préparation des délibérations veiller à ce qu’elles soient conformes au compte ‘ Aussi je vous propose de vous occuper davantage de votre travail qualitativement et quantitativement et de consacrer moins de temps aux courriels que vous m’adressez. Ma boite mail vous sera reconnaissante ! » ;

– le 30 et 31 août 2018 : à propos d’une demande de congés de la salariée « vous venez de rentrer de congés, s’il n’y a pas de justificatifs je ne pourrais vous accorder cette demie journée. Nous avons de nombreux dossiers en attente », « les congés doivent être pris avec l’employeur et selon les nécessités de service », « si ce rendez-vous était pris depuis longtemps comme vous dites, pourquoi vous ne m’avez rien dit, nous aurions pu en parler ensemble » ;

La cour ne peut que constater à la lecture de ces courriels que la salariée ne rapporte pas la preuve de ce que sa supérieure hiérarchique se soit adressée à elle, en quelque circonstance que ce soit, de manière agressive et condescendante ou lui aurait fait des reproches l’obligeant à se justifier. En effet, le ton employé par la supérieure hiérarchique dans les courriels cités ci-avant ne traduit pas au-delà d’un certain agacement perceptible face aux nombreuses demandes et courriels de la salariée une agressivité particulière ou un ton condescendant ou un exercice anormal et abusif de son autorité dans ses réponses ou en lui demandant de faire à une reprise du café alors qu’elle-même apportait des viennoiseries pour l’accueil d’intervenants extérieurs ou en lui reprochant une fois des traces sur les tasses de café. Le refus d’accorder des congés relève par ailleurs du pouvoir de direction de l’employeur sans qu’il soit possible de caractériser des agissements de l’employeur révélateurs d’un exercice anormal et abusif par celui-ci de ses pouvoirs d’autorité, de direction, de contrôle et de sanction.

Mme [D] se réfère également à un courrier rédigé par ses soins à la médecine du travail dénonçant des faits de harcèlement moral daté du 5 juin 2018 et deux attestations de Mesdames [T] et [H] sans pièce d’identité jointe et qui font état du ton agressif utilisé par Mme [R] à l’égard de Mme [D], de cris ou de reproches sur le nettoyage de tasses de café ou sur sa tenue, de ce que cette dernière n’était pas invitée aux réunions d’équipe auxquelles les assistantes financières n’étaient pourtant pas conviées ou lorsqu’elle était présente était contredite par sa supérieure, du fait que Mme [R] convoquait Mme [D] très régulièrement pour lui reprocher des faits sans importance’ Mais ces témoignages, outre qu’ils ne sont pas réguliers en la forme, ne restituent que ce que la salariée a confiée, ne sont pas circonstanciés en ce qu’il n’apporte aucune précision de date, ou sur la teneur exacte des propos ou critiques prêtées à Mme [R] notamment sur la compétence de la salariée.

L’employeur justifie pour sa part que la posture et la tenue de Mme [D] avaient été jugées inappropriées pendant les formations, un témoin relatant par ailleurs qu’elle dénigrait sa direction ou surveillait l’émargement par sa supérieure hiérarchique des feuilles lors de réunions. Il rapporte également la preuve, pièces à l’appui, que le ton employé par Mme [D] à l’égard de sa supérieure hiérarchique traduit non pas seulement une contestation des reproches faits mais aussi une remise en question des directives et une constante accusation de harcèlement, de mensonge dans de nombreux courriers. C’est ainsi que Mme [D] répondait à sa supérieure dans un courriel du 1er juin 2018 à titre d’exemple « il est impossible de travailler correctement face à une direction qui ne répond pas et encore moins clairement aux questions » ou le 29 juin 2018 « la perte de temps se traduit par une direction en incapacité professionnelle de répondre simplement ».

Les faits ne sont pas établis.

Le compte rendu de consultation de souffrance au travail en date du 14 juin 2018 mentionne certes un syndrome anxio-dépressif avec une pelade et la nécessité pour la salariée de prendre un peu de recul avec son travail. Cependant, la cour observe que les termes de ce certificat ne font que reprendre les seules déclarations de la salariée qui, pour crédibles qu’elles aient pu apparaître au médecin rédacteur, ne peuvent conduire à considérer qu’elles étaient exactes sur le plan objectif puisqu’il est constant que ce dernier n’a personnellement constaté aucun fait survenu au temps et au lieu du travail de Mme [D]. Les mêmes observations doivent être faites au sujet des arrêts de travail produits et du certificat établi par le psychologue postérieurement au licenciement.

En synthèse, il est établi que la salariée a fait l’objet d’un avertissement qu’elle a contesté. Ce seul fait et des pièces médicales reposant sur ses seules déclarations ne permettent pas pris dans leur ensemble de présumer l’existence d’un harcèlement.

Mme [D] soutient également que l’employeur n’a pas pris de mesure efficace pour faire cesser le harcèlement qu’elle disait subir. Elle fait état des nombreux courriels envoyés à sa supérieure hiérarchique dans le contexte ci-avant décrit. Elle produit une lettre qui aurait été adressée par le médecin du travail à la mairie de [Localité 9]. Pour autant, ce courrier daté du 31 janvier 2018 faisait état, suite à l’examen médical du personnel, non pas de situation de harcèlement moral de Mme [D] mais du surmenage et du stress constaté chez une partie de personnel en rapport avec une surcharge de travail et en lien avec la charge mentale générée par la nature de leur activité de gestion de situations sociales de plus en plus difficiles.

Aux termes de l’article L 4121-1 du Code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

– Des actions de préventions des risques professionnels et de la pénibilité du travail, y compris ceux mentionnés à l’article L 4161-1 ;

– Des actions d’information et de formation ;

– La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes’.

Il sera constaté que même si les termes employés par Mme [D] à l’encontre de sa supérieure hiérarchique aient pu en grande partie alimenter le conflit, il n’en demeure pas moins que l’employeur a préféré ne pas régler autrement le problème qu’en laissant perdurer une situation délétère. La dénonciation du comportement de la salariée à l’égard de sa supérieure hiérarchique ayant d’ailleurs conduit à son licenciement ne pouvait l’exonérer eu égard au nombre des courriers de son obligation de sécurité.

Dans ces conditions, la demande présentée par la salariée au titre du manquement de l’obligation de sécurité sera accueillie. Une somme de 1500 euros sera allouée à ce titre à la salariée par infirmation du jugement déféré.

Sur la rupture du contrat de travail

Selon l’article L. 1226-7 du code du travail, le contrat de travail du salarié victime d’un accident du travail, autre qu’un accident de trajet, ou d’une maladie professionnelle est suspendu pendant la durée de l’arrêt de travail provoqué par l’accident ou la maladie.

Selon l’article L. 1226-9 du même code au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l’employeur ne peut rompre ce dernier que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie.

Les règles protectrices édictées par l’article L. 1226-9 du code du travail s’appliquent dès lors que la suspension du contrat de travail a pour origine, au moins partiellement, un accident du travail ou une maladie professionnelle et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

Mme [D] soutient que son contrat de travail était suspendu consécutivement à un accident du travail professionnel et revendique l’application de la législation protectrice.

La mission locale soutient que la salariée ne rapporte pas la preuve qu’elle a subi un accident du travail, qui n’a d’ailleurs pas été reconnu par la CPAM. Elle explique que celle-ci n’a apporté aucune précision quant aux circonstances dans lesquelles cet accident aurait eu lieu. Par courriel du 3 septembre 2018, la mission locale a demandé à Mme [D] de lui communiquer les informations nécessaires à la déclaration de cet accident sans obtenir une réponse.

En l’espèce, il ressort des éléments de la procédure et des pièces versées par les parties que:

– Mme [D] a été convoquée par courrier remis en mains propres le 29 août 2018 à un entretien préalable le 3 septembre 2018;

– l’accident du travail dont se plaint la salariée à l’origine de son arrêt de travail est survenu le 31 août 2018, arrêt qui s’est prolongé jusqu’au 2 novembre 2018 ;

– l’arrêt initial a été prescrit i pour accident du travail/ maladie professionnelle à compter du 31 août 2018 mentionnant ‘syndrome anxio-dépressif réactionnel à un choc psychotraumatique professionnel’ ;

– le 4 septembre suivant la directrice de la mission locale transmettait la déclaration d’accident du travail en émettant des réserves ;

– le 6 septembre 2018, Mme [D] répondait qu’elle était en arrêt pour accident du travail pour « état de stress post traumatique, souffrance au travail, traumatisme et harcèlement suite au dénigrement » ;

– l’employeur a notifié à la salariée son licenciement en retenant à son encontre une faute grave le 13 septembre 2018 ;

– Par lettre en date du 19 novembre 2019, la Caisse primaire d’assurance maladie indiquait ne pas reconnaître le caractère professionnel de l’accident déclaré en ces termes : » la réalité d’un fait accidentel anormal et soudain survenu sur le lieu et à l’occasion du travail le 31/08/2018 n’est pas étable ».

Il n’est donc pas contesté que l’employeur a eu connaissance de cet avis d’arrêt de travail avant que ne soit notifiée la lette de rupture.

Il est également constant que le médecin a établi l’avis d’arrêt de travail sur le formulaire Cerfa dédié aux accidents du travail et maladies professionnelles mentionnant ‘syndrome anxio-dépressif réactionnel à un choc psychotraumatique professionnel’.

La salariée a transmis cet arrêt de travail à l’employeur, qui tout en faisant des réserves, a établi la déclaration nécessaire.

Il résulte de cette chronologie des événements que l’employeur était dûment informé d’un arrêt de travail d’origine professionnelle, même s’il ne sera pas postérieurement au licenciement reconnu comme tel par la CPAM.

Dans ces conditions, le régime protecteur en matière de licenciement trouve à s’appliquer.

En l’espèce, la rupture est motivée aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige par la faute grave. En effet, la mission locale formule un certain nombre de griefs aux fins de justifier le licenciement pour faute grave de Mme [D], celle-ci contestant formellement les reproches qui lui étaient formulés et le bien-fondé de la rupture des relations contractuelles.

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l’employeur qui l’invoque d’en apporter la preuve.

Les griefs formulés par l’employeur concernent trois domaines :

– une insubordination caractérisée par des critiques répétées envers la directrice, supérieure hiérarchique, la remise en cause de la compétence de la directrice et sa méthode de management, le maintien d’une ambiance professionnelle conflictuelle avec la direction par des accusations et multiplication de courriels faisant fi des demandes et remarques de sa supérieure hiérarchique et une nuisance voire destruction du climat de confiance ; un manque de correction et de respect conduisant à une inversion du lien de subordination ;

– un manquement à l’obligation de loyauté par un dénigrement auprès des fournisseurs, membres de l’équipe et partenaire de la directrice; l’absence de communication d’information de l’employeur sur le prétendu accident du travail caractérisant une volonté de mettre l’employeur en difficulté dans le but de lui nuire ;

-des négligences et erreurs dans l’exécution du travail malgré des avertissements antérieurs.

L’examen de la lettre de licenciement fait apparaitre que l’employeur vise une répétition de faits dont les derniers auraient été pour certains commis moins de deux mois avant l’engagement de la procédure disciplinaire.

A l’appui des griefs évoqués datés du 29 juin 2018, 18 ou 19 juillet 2018, 26 juillet 2018, le 3 août 2018, l’employeur communique principalement des courriels adressés par Mme [D] à sa supérieure hiérarchique de janvier 2018 à juillet 2018. Les courriels pointés dans la lettre de licenciement ne sont cependant pas versés dans leur totalité.

Mme [D] conteste ces griefs alléguant qu’elle répondait aux reproches injustifiés de sa supérieure hiérarchique et que les éléments versés sont tronqués pour ne pas être communiqués dans leur totalité.

Les seuls éléments probants ayant trait à la prétendue insubordination de la salariée à l’encontre de sa direction sont deux courriels en date du 29 juin 2018 et du 19 juillet 2018 versés par la mission locale par lesquels Mme [D] répond à sa directrice en ces termes :

-le 29 juin 2018 : « la perte de temps se traduit par une Direction en incapacité professionnelle de répondre simplement et clairement aux mails malgré plusieurs années de gestion au sein de la mission locale Viva. Mais plutôt de rejeter celle-ci sur les salariés » ;

– le 19 juillet 2018 « je me pers aucunement dans l’écriture des mails et ne fait que vous faire remarquer et conteste vos propos insupportables ».

Le grief tenant à la remise en cause de la compétence de la supérieure hiérarchique est établi.

S’agissant de l’absence d’information concernant l’accident du travail, il s’évince des pièces versées que la mission locale a interrogé Mme [D] sur les circonstances de son accident de travail le 31 août 2018 et recevait les informations de la salariée par courrier recommandé du 6 septembre 2018 et courriel du 9 octobre 2018. Le grief n’est pas établi

A l’appui du grief ayant trait à la mauvaise exécution du contrat de travail, l’employeur fait état d’un défaut de transmission d’un document dont Mme [D] disposait. Il verse à cet égard les courriels émanant de Mme [R] reprochant à la salariée plusieurs erreurs n’ayant pas permis d’intégrer le parrainage au rapport d’activité (courriels du 7 juin et 26 juillet 2018) alors qu’elle disposait des documents, ce que la salariée a contesté.

En effet, Mme [D] a indiqué qu’elle n’avait jamais été destinataire de ce document dans un courriel en date du 27 juillet 2018.

Il est également reproché à Mme [D] l’absence de rangement des dossiers du personnel qui lui incombait en s’appuyant sur le courriel de Mme [M], agent d’accueil qui relate que le dossier d’un salarié n’était pas rangé au bon endroit et ce alors que la salariée avait déjà fait l’objet d’un avertissement le 12 juin précédent.

Mme [D] justifie cependant avoir été absente du 1er au 28 août 2018, donc au moment de la découverte du dossier mal rangé le 3 août 2018.

Enfin, l’employeur évoque des négligences de la part de la salariée dans la préparation et l’envoi des documents pour l’audit effectué par la région Ile de France. Il souligne que les documents réclamés par sa supérieure hiérarchique n’ont été adressés par Mme [D] que 6 jours plus tard malgré de nombreuses relances. Pour autant l’employeur ne justifie pas que ce retard qui caractérise une insuffisance professionnelle aurait porté un discrédit sur la gestion administrative de la mission locale auprès de la Région Ile de France.

L’employeur produit également deux attestations émanant de Mesdames [F] et [B].

C’est ainsi que Mme [F] relate que Mme [D] aurait demandé de vérifier l’émargement par sa directrice lors d’une session de formation en indiquant qu’elle se référait à la gouvernance car il « n’était pas normal que celle-ci présente des notes de frais alors qu’elle n’avait pas assisté aux réunions ». Mme [B] témoigne pour sa part de ce que « Mme [D] a durant les formations une posture et une tenue inappropriées qui ont fortement gêné l’un des consultants lors de la formation. Elle a constaté à plusieurs reprises que les services techniques ont subi du dénigrement de part de Mme [D] envers sa direction.

Ces témoignages ne sont pas circonstanciés en ce qu’ils n’apportent aucune précision de date sur les faits reprochés ou n’apporte aucune précision sur la teneur exacte de l’attitude reprochée.

En synthèse, seuls deux griefs sont retenus : l’un en lien à deux courriels écrits par la salariée remettant en cause la compétence de sa directrice et contestant ses reproches et la négligence dans l’exécution de certaines tâches.

Compte tenu du contexte évoqué, ces faits sont constitutifs d’un manquement de façon répétée de la salariée à ses obligations contractuelles.

En conséquence, pour l’ensemble de ces motifs, il sera considéré que le licenciement prononcé à l’encontre de Mme [D] repose sur une cause réelle et sérieuse au regard de son comportement fautif, lequel néanmoins ne constitue pas une faute grave eu égard aux échanges évoqués rendant impossible la poursuite du contrat de travail.

Dès lors, en l’absence de faute grave, le licenciement est nul puisqu’intervenu pendant la période de suspension du contrat de travail pour accident du travail.

Sur les demandes indemnitaires

Il convient de de confirmer le jugement en ce qu’il a fixé l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 4030, 40 euros, outre 403 ,04 euros à titre de congés payés afférents, et l’indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de 3221,18 euros.

Mme [D] sollicite la condamnation de l’employeur à lui verser une somme de 25 171 euros en réparation de son préjudice soit l’équivalent de 12 mois de salaire, étant observé que son salaire mensuel est fixé à la somme de 2097,40 euros.

L’article L1235-3-1du code du travail édicte que « l’article L. 1235-3 n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :

1° La violation d’une liberté fondamentale ;

2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4 ;

3° Un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4 ;

4° Un licenciement consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l’article L. 1144-3, ou à une dénonciation de crimes et délits ;

5° Un licenciement d’un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et L. 2412-1 en raison de l’exercice de son mandat ;

6° Un licenciement d’un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13.

L’indemnité est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu’il est dû en application des dispositions de l’article L. 1225-71 et du statut protecteur dont bénéficient certains salariés en application du chapitre Ier du Titre Ier du livre IV de la deuxième partie du code du travail, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, sans préjudice de l’indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle.

En considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge, à son ancienneté (3 ans), à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, du justificatif de ses recherches d’emploi, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer la réparation qui lui est due à la somme de 12.600 euros.

Sur les heures supplémentaires

L’article L 3171-4 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié au soutien de sa demande, le juge forge sa conviction, après avoir ordonné en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Mme [D] affirme qu’elle a accompli 3, 55 heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées et réclame la somme de 67, 05 euros bruts outre les congés payés afférents. Elle produit à l’appui de sa demande un tableau mentionnant les jours, les horaires et les heures supplémentaires accomplies dont elle a déduit « les heures de retard ».

Elle justifie ainsi d’éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur qui assure le contrôle des heures de travail effectuées d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

La mission locale se borne toutefois à indiquer que ce tableau est purement déclaratif sans pour autant justifier des heures accomplies par la salariée.

Il sera en conséquence fait droit à la demande de Mme [D] et la mission locale sera condamnée à lui verser la somme de 67, 05 euros, outre 6,70 euros au titre des congés payés afférents.

Sur le rappel de congés payés

La salariée réclame le remboursement de la retenue sur salaire opérée par l’employeur au titre des congés payés aux motifs que ses jours de congés lui ont été imposés alors qu’ils n’étaient pas encore acquis.

Sous réserve du respect des dispositions légales, la fixation de la date des congés payés constitue une prérogative de l’employeur et la combinaison des articles L. 3141-19 et L. 3141-31 du code du travail l’autorise à imposer des jours non travaillés à un salarié n’ayant pas encore acquis suffisamment de jours de congés, sous réserve qu’il ne dépasse pas vingt-quatre jours ouvrables et qu’il respecte un délai de prévenance de deux mois.

Pour autant Mme [D] ne justifie pas que les jours de congés pour lesquels elle réclame un rappel de salaire lui ont été imposés. En effet, l’employeur fait valoir à juste titre qu’à la date de la rupture de son contrat de travail Mme [D] a bénéficié de plus de 27 jours de congés payés qu’elle n’avait pas acquis ainsi qu’en atteste le bulletin de salaire d’août 2018 et ce à sa demande. En août 2018, le solde négatif de congés (-27,32 jours) selon les mentions portées sur le bulletin de salaire correspondant conduisait la mission locale à procéder à la régularisation du « trop perçu ».

Dans ces conditions, la demande présentée de ce chef sera par voie de confirmation du jugement rejetée.

Sur les dommages intérêts pour remise tardive de l’attestation destinée à la caisse primaire d’assurance maladie

Il est établi que la mission locale, qui a pourtant été relancée à de multiples reprises par la salariée, a tardé à remettre une attestation de salaire régulière. La salariée établit le préjudice subi compte tenu du retard de versement des indemnités la plaçant dans une situation financière difficile.

Le conseil de prud’hommes doit être approuvé en ce qu’il a retenu un préjudice qui sera exactement réparé par la somme de 1000 euros. Le jugement sera confirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les dispositions de première instance seront confirmées en ce qu’elles ont condamné la mission locale de [Localité 9] à verser à Mme [D] la somme de 1000 euros et 113, 14 euros à titre de remboursement de frais de citation.

Eu égard à l’issue du litige, la mission locale de [Localité 9] sera condamnée à verser à Mme [D] en application de l’article 700 du code de procédure civile une somme que l’équité commande de fixer à 1500 euros.

L’employeur sera débouté de sa demande d’indemnité de procédure et condamné aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu’il a dit que le licenciement prononcé par le Groupement d’intérêt public mission locale intercommunale de [Localité 9]-[Localité 8] (VIVA) pris en la personne de son représentant légal à l’encontre de Mme [E] [D] ne repose pas sur une faute grave mais est fondé sur une cause réelle et sérieuse et a débouté Mme [E] [D] de sa demande d’heures supplémentaires, de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité et de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

L’INFIRMANT de ces chefs,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT le licenciement de Mme [E] [D] nul ;

CONDAMNE le Groupement d’intérêt public mission locale intercommunale de [Localité 9]-[Localité 8] (VIVA),pris en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [E] [D] les sommes suivantes :

12.600 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

67, 05 euros à titre d’heures supplémentaires, outre 6,70 euros au titre des congés payés afférents ;

1500 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité ;

1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE le Groupement d’intérêt public mission locale intercommunale de [Localité 9]-[Localité 8] (VIVA) aux dépens ;

DÉBOUTE les parties de toute autre demande.

La greffière, La présidente.

 


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