Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre sociale
ARRET DU 12 AVRIL 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 20/04823 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OXT6
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 30 SEPTEMBRE 2020
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER N° RG F18/00952
APPELANT :
Monsieur [G] [I]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me ANDRE avocat pour Me Véronique REGNARD de la SCP BRUNEL/PIVARD/REGNARD, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
S.A.R.L. TRIADE AVENIR SUD
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER
Représentée par Me GARCIA avocat pour Me Emmanuelle SAPENE de la SCP PECHENARD & Associés, avocat au barreau de PARIS
Ordonnance de clôture du 20 Janvier 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 FEVRIER 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller, et devant Mme Véronique DUCHARNE Conseillère
Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère, faisant fonction de Président en l’absence du Président empêché
Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller,
Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère,
Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL
ARRET :
– contradictoire;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère, et par M.Philippe CLUZEL greffier
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [G] [I] a été engagé à compter du 1er avril 2007 par la SARL Triade Avenir Sud en qualité de chauffeur poids-lourds, statut ouvrier, niveau II, échelon A, coefficient 160, selon les dispositions de la convention collective nationale des industries et du commerce de la récupération et du recyclage, moyennant un salaire mensuel brut de 1443,33 euros pour 151,67 heures de travail par mois, outre une prime de vacances d’un montant maximum équivalent à un treizième mois et versé en deux mensualités : la première en juin selon les dispositions conventionnelles et la seconde, en décembre au prorata du temps de présence pour le solde restant sous condition de présence au 31 décembre et d’une ancienneté minimale de six mois.
À compter du 4 octobre 2010, et par avenant au contrat de travail, le salarié était affecté aux fonctions de « chauffeur de parc (avec des tâches de démantèlement) » tout en conservant la même classification.
Le 27 juillet 2015, le salarié a été victime d’un accident du travail et il a été placé en arrêt de travail jusqu’au 31 mars 2017.
À compter du 1er avril 2017 le salarié était placé en arrêt de travail pour maladie jusqu’au 31 mai 2018 en raison d’une algodystrophie du genou droit.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 8 novembre 2017, l’employeur convoquait le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement initialement prévu au 22 novembre 2017 puis fixé au 30 novembre 2017.
Le 2 octobre 2017, la société Triade Avenir Sud a engagé Monsieur [C] [K] par contrat de travail à durée indéterminée en qualité de chauffeur manutentionnaire. Aux termes du contrat de travail il est spécifié qu’il n’est pas prévu de période d’essai, celle-ci étant considérée comme ayant été effectuée dans le cadre d’un précédent contrat dont il est précisé que le salarié garde le bénéfice de l’ancienneté acquise depuis le 2 juillet 2017.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 5 décembre 2017, l’employeur notifiait au salarié son licenciement au motif d’une absence prolongée ayant nécessité son remplacement définitif.
Par requête du 19 septembre 2018, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Montpellier aux fins de condamnation de l’employeur à lui payer différentes sommes au titre d’une rupture abusive de la relation de travail ainsi qu’à titre de rectification du solde de tout compte.
Par jugement du 30 septembre 2020, le conseil de prud’hommes de Montpellier a débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 25 novembre 2020, Monsieur [G] [I] conclut à l’infirmation du jugement rendu par le conseil de prud’hommes et sollicite en définitive la condamnation de l’employeur à lui payer les sommes suivantes :
‘1362,44 euros à titre de rectification du solde de tout compte,
‘4813 euros à titre de complément d’indemnité spéciale de licenciement,
‘3317,24 euros au titre de l’indemnité de préavis, outre 331,72 euros au titre des congés payés afférents,
‘2500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions, notifiées par RPVA le 19 février 2021, la SARL Triade Avenir Sud conclut à la confirmation du jugement rendu par le conseil de prud’hommes, au débouté du salarié de l’ensemble de ses demandes ainsi qu’à sa condamnation à lui payer une somme de 2500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture était rendue le 20 janvier 2023.
SUR QUOI
L’article L.1132-1 du Code du travail qui fait interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, ne s’oppose pas au licenciement motivé, non par l’état de santé du salarié, mais par la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l’absence prolongée ou les absences répétées du salarié.
Le salarié ne peut toutefois être licencié que si les perturbations entraînent la nécessité pour l’employeur de procéder à son remplacement définitif par l’engagement d’un autre salarié, lequel doit intervenir à une date proche du licenciement ou dans un délai raisonnable après celui-ci, en tenant compte des spécificités de l’entreprise et de l’emploi concerné, ainsi que des démarches faites par l’employeur en vue d’un recrutement.
En l’espèce, la SARL Triade Avenir Sud soutient qu’indépendamment de la période antérieure où le salarié a été absent au titre d’un accident du travail pendant près de deux ans, l’absence de Monsieur [I] à son poste de chauffeur pendant plus de sept mois jusqu’à son licenciement était à l’origine de perturbations entraînant la nécessité de procéder à son remplacement définitif dans la mesure où la société comptait vingt-huit salariés, que la majorité des salariés sont des agents de démantèlements qui font du tri de déchets manuels, que le reste des salariés occupe des postes de chauffeur ou de cariste et que compte tenu de cette organisation l’absence d’un chauffeur est particulièrement difficile à gérer puisque la société ne dispose d’aucun chauffeur ou agent de réserve. L’employeur ajoute que Monsieur [I] n’était pas un chauffeur manutentionnaire parmi d’autres car les chauffeurs-manutentionnaires conduisent des camions-remorque alors que le chauffeur de parc conduit un camion benne, que le poste de chauffeur de parc constituait donc une catégorie plus spécifique puisqu’il nécessitait une bonne connaissance de l’activité outre la technicité de la manipulation d’un bras ampliroll et alors que les chauffeurs-manutentionnaires qui avaient tous une tournée à réaliser ne pouvaient remplacer Monsieur [I] pendant son absence, si bien que l’absence prolongée du seul chauffeur de parc de l’entreprise était donc extrêmement problématique et perturbait le bon fonctionnement l’entreprise, qu’en outre la société est régie par les dispositions de l’article L5213-3 du code du travail si bien que la quasi-totalité de l’effectif est constituée de travailleurs handicapés et qu’il est par conséquent particulièrement difficile d’embaucher de manière temporaire des salariés pour remplacer un salarié absent, que l’aide au poste forfaitaire est minorée lorsque le travailleur handicapé est en arrêt maladie, et qu’en raison à la fois des problématiques financières liées aux statuts de l’entreprise et de la spécificité du poste de chauffeur de parc elle a dû embaucher à compter du 2 octobre 2017 Monsieur [C] [K] au poste de chauffeur-manutentionnaire.
Or tandis que monsieur [I] conteste que son poste ait comporté une spécificité telle que son absence prolongée aurait entraîné des perturbations dans le bon fonctionnement de l’entreprise, l’employeur qui, au soutien de sa thèse, ne verse aux débats que le document de négociation annuelle obligatoire 2018, le contrat de travail de Monsieur [K] et la fiche de poste d’agent de démantèlement, ne justifie en aucune manière d’une perturbation de la situation objective de l’entreprise au regard à la fois de son effectif de 28 salariés et du fait, qu’au delà de ses allégations, il ne ne justifie par aucun élément utile que les fonctions de « chauffeur de parc (avec des tâches de démantèlement) » aient comporté une spécificité particulière pouvant expliquer que le fonctionnement de l’entreprise ait pu être perturbé par l’absence prolongée du salarié, puisqu’il ressort des pièces versées aux débats que depuis deux ans et demi l’entreprise avait fonctionné en ayant recours à des contrats à durée déterminée, Monsieur [K] ayant au demeurant été recruté en qualité de chauffeur manutentionnaire après un contrat à durée déterminée sans qu’il ne soit justifié de la moindre formation complémentaire qui aurait pu lui être nécessaire pour remplacer Monsieur [I] à propos duquel il n’est pas davantage justifié de la qualification qui aurait pu le distinguer des autres salariés de l’entreprise, la fiche de poste de ce dernier se limitant à une énumération de tâches générales sans référence à la mise en oeuvre d’une technicité particulière, pas plus qu’il n’est justifié d’un recrutement complémentaire pour remplacer Monsieur [K] au poste qu’il occupait jusqu’à son embauche définitive. Partant l’employeur, qui au delà de son affirmation sur le préjudice financier de l’entreprise en raison d’un déficit de travailleurs handicapés dans l’effectif du fait de l’absence prolongée de Monsieur [I], ne produit pas d’élément permettant de l’objectiver sur la seule base du document de négociations annuelles obligatoire, échoue à rapporter la preuve d’une situation objective de l’entreprise dont l’absence prolongée de Monsieur [I] aurait perturbé le fonctionnement pour rendre nécessaire son remplacement définitif par l’engagement d’un autre salarié.
C’est pourquoi, infirmant en cela le jugement entrepris il convient de dire le licenciement de Monsieur [G] [I] par la SARL Triade Avenir Sud sans cause réelle et sérieuse.
À la date de la rupture du contrat de travail, le salarié était âgé de cinquante et un ans et il avait une ancienneté de dix années révolues dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés. Il bénéficiait d’un salaire moyen brut de 1658,62 euros. Il justifie d’un arrêt de travail pour maladie jusqu’au 28 mai 2019 et du bénéfice d’une pension d’invalidité de 925 euros bruts par mois depuis le 1er avril 2020 mais ne produit pas d’élément sur sa situation ultérieure. Au regard des éléments produits aux débats sur la situation du salarié, la cour dispose par conséquent d’éléments suffisants pour fixer à la somme de 16 000 euros le montant de l’indemnité réparant le préjudice causé par la perte injustifiée de l’emploi. La rupture du contrat de travail intervenue dans ces conditions ouvre également droit pour le salarié au bénéfice des indemnités de rupture ainsi qu’au bénéfice d’une indemnité compensatrice de préavis. Il résulte en effet de l’article L. 1234-5 du code du travail que lorsque le licenciement, prononcé pour absence prolongée désorganisant l’entreprise et rendant nécessaire le remplacement définitif de l’intéressé, est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le juge doit accorder au salarié, qui le demande, l’indemnité de préavis et les congés payés afférents nonobstant son arrêt de travail pour maladie au cours de cette période. Il convient par conséquent de faire droit à la demande d’indemnité de préavis correspondant à deux mois de salaire, soit une somme de 3317,24 euros, outre 331,72 euros au titre des congés payés afférents.
En revanche, l’indemnité spéciale de licenciement n’est due que dans le cas du licenciement prononcé en raison de l’impossibilité de reclassement du salarié déclaré inapte par le médecin du travail, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, si bien que le salarié doit être débouté de sa demande de complément d’indemnité spéciale de licenciement.
Monsieur [I] prétend que la retenue sur salaire de 1362,44 euros opérée sur son bulletin de salaire de février 2018 est injustifiée. Toutefois, il ressort des pièces produites qu’il est précisément sorti des effectifs de l’entreprise au 5 février 2018, si bien que la retenue sur salaire pour la période du 6 au 27 février 2018 n’est pas injustifiée. D’où il suit qu’il y a lieu, en l’état de ce qui précède, de débouter Monsieur [I] de sa demande à ce titre.
Compte tenu de la solution apportée au litige la SARL Triade Avenir Sud conservera la charge des dépens ainsi que de ses propres frais irrépétibles et elle sera également condamnée à payer au salarié qui a du exposé des frais pour faire valoir ses droits une somme de 2000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Montpellier le 30 septembre 2020 sauf en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de rectification du solde de tout compte et de sa demande de complément d’indemnité spéciale de licenciement;
Et statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne la SARL Triade Avenir Sud à payer à Monsieur [G] [I] les sommes suivantes :
’16 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
‘3317,24 euros à titre d’indemnité de préavis, outre 331,72 euros titrent des congés payés afférents.
Condamne la SARL Triade Avenir Sud à payer à Monsieur [G] [I] d’une somme de 2000 € titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SARL Triade Avenir Sud aux dépens;
LE GREFFIER P/LE PRESIDENT EMPECHE