Retenues sur salaire : 10 mars 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/03177

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Retenues sur salaire : 10 mars 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/03177

10/03/2023

ARRÊT N°129/2023

N° RG 21/03177 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OJCY

AB/AR

Décision déférée du 01 Juillet 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( F18/01869)

[G] [F]

C/

E.U.R.L. SAV HABITAT

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 10 03 2023

à Me Caroline LAPLAZE

Me Frédérique BELLINZONA

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU DIX MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANT

Monsieur [G] [F]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Caroline LAPLAZE de la SCP KARKOUR-LAPLAZE, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

E.U.R.L. SAV HABITAT

Prise en la personne de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège sis [Adresse 2]

Représentée par Me Frédérique BELLINZONA, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffier, lors des débats : K. SOUIFA faisant fonction de greffier

ARRET :

– Contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [G] [F] a été embauché suivant contrat de travail à durée indéterminée du 11 janvier 2016 par l’EURL SAV Habitat, en qualité de technico-commercial.

La convention collective nationale des ETAM du bâtiment est applicable.

Par lettre du 17 mars 2018, M. [F] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 27 mars 2018, avec mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre du 3 avril 2018, M. [F] était licencié pour faute grave.

Par requête en date du 19 novembre 2018, M. [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins de contester son licenciement.

Par jugement du 1er juillet 2021, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :

– dit que le licenciement repose sur une faute grave,

En conséquence :

– débouté M. [G] [F] de sa demande d’annulation de sa mise à pied conservatoire,

– débouté M. [F] de sa demande de requalification de son licenciement,

– rejeté l’ensemble des demandes de M. [F],

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

– mis les dépens à charge de M. [F].

M. [F] a relevé appel de ce jugement le 15 juillet 2021.

Par une ordonnance d’incident en date du 11 janvier 2022, le conseiller chargé de mise en état a dit n’y avoir lieu à caducité de la déclaration d’appel.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 septembre 2022, auxquelles il est expressément fait référence, M. [F] demande à la cour de :

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 1er juillet 2021 en ce qu’il a débouté M. [F] de ses demandes,

– juger que la mise à pied conservatoire est injustifiée,

– juger que le licenciement de M. [F] ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,

– juger que M. [F] a réalisé de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées,

– juger que M. [F] n’a pas été rempli de ses droits au regard de ses commissions,

– juger que M. [F] s’est vu opérer des retenues sur salaires pour absence injustifiée totalement infondées.

En conséquence :

– condamner la SARL unipersonnelle SAV Habitat, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à régler à M. [F] les sommes suivantes :

* 3 044 euros au titre de la mise à pied conservatoire injustifiée,

* 943,49 euros à titre d’indemnité de licenciement,

* 3 485,16 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

* 348,51 euros au titre des congés payés afférents,

* 6 099,03 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 842,22 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

* 84,22 euros au titre des congés payés afférents,

* 17 481,38 euros au titre des heures supplémentaires,

* 1 748,13 euros au titre des congés payés afférents,

* 10 446,04 euros à titre de rappel de salaire sur commissions,

* 1 044,60 euros au titre des congés payés afférents,

* 141,14 euros au titre de la retenue sur salaire injustifiée,

* 14,14 euros au titre des congés payés afférents,

– condamner la société unipersonnelle SAV Habitat prise en la personne de son représentant légal en exercice, à régler à M. [F] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société unipersonnelle SAV Habitat prise en la personne de son représentant légal en exercice, aux dépens de la présente instance.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 13 janvier 2022, auxquelles il est expressément fait référence, la société SAV Habitat demande à la cour de :

-constater que le licenciement pour motif personnel de M. [F] repose sur une faute grave,

– constater que M. [F] ne rapporte aucune preuve à l’appui de l’ensemble de ses prétentions,

– confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions,

– condamner M. [F] à verser à la société universelle SAV Habitat la somme de 2000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– le condamner à supporter les entiers dépens.

MOTIFS :

Sur la demande de rappel de commissions :

Le contrat de travail de M. [F] prévoit un système de commissionnement sur le chiffre d’affaires réalisé par le salarié, avec des pourcentages de commissions applicables par tranche de chiffre d’affaires.

M. [F] réclame un rappel de commissions sur un dossier [M] qu’il aurait apporté à l’entreprise, à hauteur de 10 446,04 € (17% de 61 447,28 €).

Il a vainement formulé cette réclamation auprès de l’EURL SAV Habitat par courrier du 5 mars 2018.

Au soutien de sa demande, il produit l’attestation de Mme [W] née [M], indiquant avoir recommandé M. [F] auprès de son frère et sa belle-soeur afin d’effectuer des travaux chez eux, et que M. [L] (salarié et frère de la gérante de l’entreprise) a signé tous les contrats chez les consorts [M] à l’insu de M. [F] afin de le priver de son droit à commission.

Il est également produit l’attestation de M. [W] confirmant ces faits.

L’EURL SAV Habitat produit de son côté les éléments permettant de constater que les époux [M] étaient déjà clients de la société plusieurs mois avant l’embauche de M. [F], notamment une facture du 11 septembre 2015.

M. [U], ancien collègue de travail de M. [F], atteste par ailleurs que M. [M] était un client personnel de M. [L] et non de M. [F].

Il existe donc un doute sur le fait que le client [M] ait été ‘apporté’ par M. [F] à l’entreprise, et en tout état de cause, il est constant que les contrats n’ont pas été signés par M. [F] mais par M. [L], il ne s’agit donc pas d’un chiffre d’affaires ‘réalisé’ par M. [F] au sens du contrat de travail.

La demande de rappel de commissions sera donc rejetée par confirmation du jugement déféré.

Sur le préjudice subi en raison du non paiement de congés payés par la caisse des congés payés du bâtiment :

M. [F] affirme que l’EURL SAV Habitat n’a pas régulièrement cotisé à la caisse des congés payés du bâtiment, de sorte qu’il n’aurait pas été rempli de ses droits au titre des congés payés.

Or il résulte des pièces qu’il produit que l’EURL SAV Habitat a connu des difficultés pour se tenir à jour de ses cotisations auprès de la caisse des congés payés du bâtiment, mais que le salarié a été réglé de ses droits pour 2017, puis pour le premier trimestre 2018 avec retard, au fil des cotisations versées par l’entreprise selon un échéancier conclu avec la caisse.

M. [F] ne démontre pas que l’entreprise ne serait pas à jour de ses cotisations actuellement, il n’est donc pas fondé à présenter des demandes en paiement de congés payés sur les sommes revendiquées par ailleurs.

Par ailleurs, il ne chiffre pas sa demande indemnitaire dans le dispositif de ses conclusions, demandant à la cour dans ses écritures de tenir compte de son préjudice dans l’évaluation des dommages-intérêts qu’il réclame pour la rupture du contrat de travail, ce qui ne saurait être le cas en tout état de cause puisqu’il n’objective pas l’existence d’un préjudice issu du retard de paiement des congés payés.

Sur les retenues de salaire pour absences injustifiées :

M. [F] réclame le paiement des journées des 23 et 28 février 2018, comptabilisées par l’employeur comme absences injustifiées et ayant motivé une retenue sur salaire, alors qu’il indique avoir effectué de la prospection commerciale ces jours-là et produit son agenda mentionnant les activités et rendez-vous pour ces journées.

L’EURL SAV Habitat ne verse aux débats aucun élément sur les prétendues absences injustifiées de M. [F] alors que la charge de la preuve lui en incombe, de sorte que les retenues sur salaire ne sont pas fondées.

L’EURL SAV Habitat sera ainsi condamnée, par infirmation du jugement entrepris, à payer à M. [F] les sommes de 141,14 € au titre de la retenue sur salaire injustifiée, en revanche la demande de congés payés afférents sera rejetée puisque M. [F] relève de la caisse des congés payés du bâtiment.

Sur les heures supplémentaires :

Aux termes de l’article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n’incombe ainsi spécialement à aucune des parties, et si l’employeur doit être en mesure de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir effectuées afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En l’espèce, M. [F], dont il est constant qu’il relève du droit commun du temps de travail, soutient avoir effectué de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées.

Il produit aux débats :

-la copie de ses agendas pour les années 2016, 2017, 2018

-un décompte hebdomadaire et mensuel des heures effectuées.

Ces éléments sont suffisamment précis sur les heures supplémentaires alléguées et mettent en mesure l’employeur d’y répondre par ses propres éléments.

En l’espèce, l’EURL SAV Habitat estime que les éléments versés ne font pas preuve d’heures supplémentaires effectuées, et que M. [F] exerçait d’autres activités parallèles, mais ne verse aux débats strictement aucun élément sur les horaires réellement effectués par le salarié et ne satisfait donc pas à la charge de la preuve qui est la sienne.

Par ailleurs, les ‘activités parallèles’ évoquées par l’EURL SAV Habitat et auxquelles se serait livré M. [F] ne sont pas établies au regard des pièces produites.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il a rejeté la demande de M. [F], et l’EURL SAV Habitat sera condamnée à lui payer la somme de 17 481,38 € bruts au titre des heures supplémentaires, en revanche la demande de congés payés afférents sera rejetée puisque M. [F] relève de la caisse des congés payés du bâtiment.

Sur le licenciement pour faute grave :

Il appartient à l’EURL SAV Habitat qui a procédé au licenciement pour faute grave de M. [F] de rapporter la preuve de la faute grave qu’elle a invoquée à l’encontre de son salarié, étant rappelé que la faute grave se définit comme un manquement ou un ensemble de manquements qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise; la cour examinera les motifs du licenciement énoncés dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.

En l’espèce, M. [F] a été licencié pour faute grave le 3 avril 2018 par courrier motivé comme suit :

‘Monsieur,

Nous avons à déploré des comportements inadaptés qui justifient votre licenciement pour faute grave.

Les explications recueillies lors de l’entretien préalable du 27 mars 2018 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.

Je suis donc contrainte de vous notifier, par la présente, votre licenciement qui prend effet immédiatement.

Les griefs évoqués lors de l’entretien qui motivent cette décision sont les suivants :

Je viens d’apprendre par l’une de nos clientes, une dame âgée, que vous avez adopté avec elle une attitude totalement inadaptée dans le cadre de vos fonctions.

Vous avez réalisé une vente d’un store et d’un volet roulant à son domicile qu’elle estime forcée. Nous avons d’ailleurs dû annuler la pose du volet roulant. Mais cela n’a pas suffi puisque vous avez décidé de revenir plusieurs fois pour lui proposer des services qui n’ont rien à voir avec nos prestations. Elle se plaint de harcèlement et de comportement malhonnête.

Dans le même sens, vous donnez à vos collègues des instructions inquiétantes, je cite vos sms: « dis à [J] [D] (90 ans) de cacher dans sa chambre l’enveloppe que je lui ai donnée avec les trois feuilles de l’enveloppe» ou encore: « remets là en place fermement si elle t’agace».

Une autre cliente nous a également contactés pour faire cesser le harcèlement dont elle faisait l’objet de votre part pour la réalisation de travaux. Elle se plaint de votre attitude insistante.

Ces comportements sont inacceptables, ils ne peuvent perdurer au sein de l’entreprise. Ils entachent son image et sont de nature à nuire à notre activité.

A cela s’ajoute un désengagement dans votre activité qui se manifeste notamment par votre retard récurrent le matin.

Vous avez l’obligation d’être présent à 9h le matin au siège de l’entreprise pour une réunion sur les prospections à réaliser. Je ne cesse de déplorer vos retards et absences injustifiées et plutôt que de changer d’attitude et faire l’effort d’être présent à l’heure, vous persistez au prétexte qu’il ya trop de trafic pour pouvoir être présent à 9h.

Cette résistance délibérée aux règles de travail est inacceptable. Elle constitue une insubordination.

Enfin, vous n’avez jamais accepté de remettre un rapport mensuel de votre activité alors que vous, vous y êtes engagé dans votre contrat de travail. Nous avons mis en place des outils de report d’informations que vous refusez de compléter : le rapport hebdomadaire, les études personnalisées pour les clients, avec date de visite, double du devis et les feuilles de prospection ne font pas partie des obligations auxquelles vous entendez vous soumettre.

D’une manière générale vous n’acceptez pas de rendre compte de votre activité commerciale et de suivre les instructions qui vous sont données, alors même que vous ne parvenez toujours pas à réaliser le chiffre d’affaires de 25 000 euros mensuel convenu contractuellement lors de votre embauche.

Toutes nos tentatives pour vous faire entendre raison se soldent par des revendications salariales injustifiées doublées de menaces de saisine le conseil de prud’hommes.

Compte tenu de la gravité des faits qui sont reprochés, votre maintien, même temporaire, dans l’entreprise s’avère impossible et le licenciement prend donc effet immédiatement à ta date du 3 avril 2018, sans indemnité de préavis ni de licenciement.

Nous vous, rappelons qu’à la fin de votre contrat de travail, vous pouvez conserver le bénéfice du régime de prévoyance et de couverture des frais médicaux en vigueur au sein de votre entreprise, selon les modalités qui vous seront adressées prochainement dans le cadre d’une notice.

Enfin, vous faites l’objet d’une mise à pied à titre conservatoire. Par conséquent la période non travaillée du 19/03/2018 au 22/03/2018 nécessaire pour effectuer la procédure de licenciement ne sera pas rémunérée…’.

En l’espèce, il est donc reproché à M. [F] :

-un comportement inacceptable avec des clients, et notamment de la vente forcée et du harcèlement à l’égard de personnes âgées,

-des absences injustifiées et retards récurrents,

-le refus de rendre compte de son activité,

-l’absence d’atteinte des objectifs en termes de chiffre d’affaires.

Ces faits de diverse nature sont contestés du salarié, lequel, en outre, soulève la prescription de certains faits non datés mais anciens.

-Sur le comportement inacceptable avec les clients, la vente forcée et le harcèlement à l’égard de personnes âgées :

Pour reprocher à M. [F] un tel comportement, l’employeur évoque dans la lettre de licenciement trois événements : le premier est relatif à la pose d’un store et d’un volet roulant après vente forcée chez une cliente indéterminée, à une date indéterminée, le deuxième concerne un SMS qualifié ‘d’instructions inquiétantes’ que M. [F] aurait envoyé à un collègue au sujet d’une cliente âgée, Mme [D], également à une date indéterminée, et le troisième est relatif à la plainte, non datée, d’une cliente indéterminée sur une attitude insistante et harcelante de M. [F] pour la réalisation de travaux.

L’EURL SAV Habitat verse aux débats :

-une attestation de Mme [D] permettant de comprendre qu’elle est la cliente à laquelle M. [F] aurait vendu ‘à son insu’ le volet roulant et le store ‘durant 2017″ soit au moins deux mois et demi avant l’engagement de la procédure de licenciement intervenu le 16 mars 2018, laquelle est contredite par une autre attestation de Mme [D] versée aux débats par le salarié, cette dame âgée se plaignant de pressions de M. [L] (frère de la gérante de l’EURL SAV Habitat) pour attester faussement contre M. [F],

-des copies d’écran de téléphone portable montrant des SMS adressés par M. [F] à un interlocuteur non identifié, ces SMS dont la teneur est reprise dans la lettre de licenciement concernent la cliente Mme [D] et sont en date des 30 juin 2017 et 31 octobre 2017, soit de nombreux mois avant l’engagement de la procédure de licenciement,

-une copie d’écran de téléphone portable montrant un SMS signé de Mme [B] [E], se plaignant à un interlocuteur non identifié de l’insistance de M. [F] pour faire des travaux chez elle ; ce SMS est daté du 7 septembre 2016 soit un an et demi avant l’engagement de la procédure de licenciement.

Ainsi ces faits visés de manière imprécise à la lettre de licenciement sont, au regard des pièces produites, prescrits comme étant antérieurs de plus de deux mois à l’engagement de la procédure de licenciement, étant précisé qu’il n’est pas établi un retard dans connaissance de ces faits par l’employeur, de nature à reporter le point de départ du délai de prescription.

En tout état de cause, l’employeur avait déjà épuisé son pouvoir disciplinaire en délivrant au salarié un avertissement le 26 février 2018, soit bien après la connaissance de ces faits. En effet, ce courrier, compte tenu de sa formulation, constitue une sanction disciplinaire même s’il n’est pas

expressément qualifié d’avertissement par l’employeur. M. [F] a d’ailleurs contesté cet avertissement par courrier du 5 mars 2018.

-Sur les absences injustifiées et retards récurrents :

Les absences et retards récurrents reprochés à M. [F] ne sont pas davantage circonstanciés dans le temps par la lettre de licenciement, et M. [F] soutient que l’EURL SAV Habitat ne justifie pas d’horaires qui lui auraient été imposés, étant précisé qu’aucun horaire n’est mentionné sur son contrat de travail, que M. [F], commercial, était souvent en prospection, et qu’il produit des échanges avec l’employeur en dehors d’horaires collectifs applicables dans l’entreprise.

Compte tenu de l’avertissement précédemment évoqué du 26 février 2018, il appartient à l’EURL SAV Habitat de démontrer la survenance de nouveaux retards et d’absences injustifiées après le 26 février 2018, et de caractériser les retards par rapport à un horaire imposé à M. [F].

A cette fin, l’EURL SAV Habitat produit l’attestation d’un salarié, M.[Y], indiquant que M. [F] était en retard les matins des 12 et 13 mars 2018 pour être arrivé après 9h, et absent les 14 et 15 mars 2018 ; il est également produit un SMS de M. [F] le 14 mars matin prévenant de son absence à 9h car se trouvant au laboratoire d’analyses jusqu’à 9h15.

Il s’en déduit que M. [F] admettait lui-même devoir être présent à 9h puisqu’il prenait la peine de prévenir son employeur le 14 mars. L’employeur produit d’ailleurs les horaires collectifs de travail affichés dans l’entreprise, comme étant 9h-12h30, 14h-17h30.

Ainsi, il sera retenu que sont caractérisés deux retards et deux absences injustifiées sur les quatre derniers jours avant la mise à pied de M. [F].

-Sur le refus de rendre compte de son activité :

Sur ce point, l’employeur ne démontre pas la survenance de nouveaux faits après le 26 février 2018, alors qu’il avait, à cette date, épuisé son pouvoir disciplinaire en reprochant à M. [F] de faire un compte rendu journalier par mail ou SMS au lieu d’un compte rendu verbal ou manuscrit à 18h, étant précisé que le contrat de travail ne prévoyait qu’un reporting mensuel, et qu’il n’est pas établi que ce reporting mensuel était effectivement mis en place entre les parties, l’employeur n’ayant jamais sollicité le salarié sur ce point en quatre ans.

Ce grief ne peut donc être retenu.

-Sur l’absence d’atteinte des objectifs :

Il est reproché à M. [F], dans le cadre du licenciement disciplinaire, la non-atteinte d’objectifs fixés à 25 000 € de chiffre d’affaires mensuel, alors qu’un tel grief relève de l’insuffisance professionnelle, sauf à démontrer une volonté délibéré du salarié de ne pas répondre aux attentes de l’employeur en termes d’objectifs, ce qui n’est pas allégué en l’espèce.

Au demeurant, l’EURL SAV Habitat produit aux débats un document dactylographié et un document manuscrit réalisés par ses soins, destinés à établir le chiffre d’affaires insuffisant réalisé par M. [F] ; or ces éléments ne sont corroborés par aucune pièce comptable et sont, à eux seuls, dénués de toute valeur probante.

Par ailleurs, la cour relève que l’EURL SAV Habitat reproche à M. [F], dans ses écritures, l’exercice d’une activité parallèle pendant ses heures de travail consistant en la vente de produits de beauté à des clients de l’EURL SAV Habitat, alors que ces faits ne sont pas expressément visés par la lettre de licenciement qui circonscrit le litige.

En effet, le courrier de licenciement ne vise que le cas d’une cliente vers laquelle le salarié aurait ‘décidé de revenir plusieurs fois pour lui proposer des services qui n’ont rien à avoir avec nos prestations’ ce qui est totalement imprécis.

En définitive, seuls sont établis deux retards et deux absences injustifiées sur lesquels M. [F] ne s’explique pas véritablement, hormis par la production d’échanges antérieurs avec l’employeur faisant état des difficultés de circulation rencontrées par M. [F].

Il s’agit bien de faits fautifs, et il sera retenu que M. [F] avait été averti préalablement sur ses retards, peu de temps avant la procédure de licenciement.

En revanche, les faits prescrits relatifs au comportement du salarié à l’égard des clients étant de nature différente, ceux-ci ne peuvent être retenus à l’appui de ces griefs.

La cour estime donc que ces faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement ; en revanche ils ne sont pas d’une gravité telle qu’ils imposaient la rupture immédiate du contrat de travail. Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il a considéré le licenciement fondé sur une faute grave, et débouté M. [F] de ses demandes d’indemnité compensatrice de préavis, de congés payés y afférents, d’indemnité de licenciement, ainsi que de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire.

Il sera en revanche confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts de M. [F] au titre de la rupture, le licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse.

M. [F] avait acquis 2 ans et 3 mois d’ancienneté lors du licenciement, et percevait un salaire moyen de 1742,58 € bruts ; il est fondé à obtenir les indemnités de rupture suivantes, dont les calculs ne sont pas discutés par l’employeur :

-3485,16 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

-943,49 € à titre d’indemnité de licenciement.

Il lui sera également alloué un rappel de salaire de 842,22 € bruts sur la période de mise à pied conservatoire, le jugement étant infirmé en ce sens.

En revanche M. [F] ne justifie pas d’un préjudice distinct de celui réparé par ce rappel de salaire assorti des intérêts moratoires, à raison de la mise à pied conservatoire injustifiée, de sorte que sa demande indemnitaire sera rejetée par confirmation du jugement.

De plus, les demandes de congés payés sur l’indemnité compensatrice de préavis et sur le rappel de salaire seront rejetées puisque M. [F] relève de la caisse des congés payés du bâtiment.

Sur le surplus des demandes :

L’EURL SAV Habitat, succombante au principal, sera condamnée aux dépens de première instance par infirmation du jugement déféré ainsi qu’aux dépens d’appel, et à payer à M. [F] la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel, le jugement étant infirmé en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a :

-débouté M. [F] de sa demande de rappel de commissions et de congés payés y afférents,

-débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-débouté M. [F] de sa demande de dommages-intérêts pour mise à pied conservatoire injustifiée,

L’infirme sur le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et, y ajoutant,

Dit que le licenciement de M. [F] repose sur une cause réelle et sérieuse, mais non sur une faute grave,

Condamne l’EURL SAV Habitat à payer à M. [F] les sommes suivante :

* 3485,16 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 943,49 € à titre d’indemnité de licenciement,

* 842,22 € bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

* 17 481,38 € bruts à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires,

* 141,14 € bruts au titre de la retenue sur salaire injustifiée,

* 1500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [F] de ses demandes d’indemnités de congés payés afférents à l’indemnité compensatrice de préavis, au rappel de salaire pour heures supplémentaires, au rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, et au rappel pour retenue sur salaire injustifiée,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne l’EURL SAV Habitat aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Catherine BRISSET, présidente, et par Arielle RAVEANE, greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Arielle RAVEANE Catherine BRISSET

 


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