Retenues sur salaire : 1 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/01846

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Retenues sur salaire : 1 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/01846

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRET DU 01 JUIN 2022

(n° 2022/ , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/01846 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBRFA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Janvier 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° 17/03812

APPELANTE

SAS SCOOTBOOST2, nom commercial SAINT MICHEL MOTO devenu KYMCO [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Laetitia BRAHAMI, avocat au barreau de PARIS, toque : F01

INTIME

Monsieur [I] [T]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Sophie ECHEGU-SANCHEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : E1130

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 avril 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Anne BERARD, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Anne BERARD, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Anne BERARD, Présidente de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Dans le cadre de la préparation de son baccalauréat professionnel ‘maintenance des véhicules automobiles et motocycles’, M. [I] [T] a été embauché par la société Scootboost2 exerçant alors sous l’enseigne Saint Michel Moto le 1er septembre 2014 par contrat d’apprentissage, en qualité de mécanicien.

M. [T] a saisi le conseil de prud’hommes en référé qui par ordonnance du 28 décembre 2016 a prononcé la résiliation judiciaire du contrat d’apprentissage à la date du 4 octobre 2016, dit n’y avoir lieu à référé sur l’imputabilité de la rupture, donné acte à la SAS Saint Michel Moto de ce qu’elle reconnaissait devoir à M. [T] 78,11€ au titre du salaire du mois de mars 2016 et 476,65€ au titre des congés payés acquis, ordonné le paiement en tant que de besoin et ordonné à la SAS Saint Michel Moto de remettre à M. [T] un bulletin de paie conforme et une attestation Pôle Emploi.

M. [T] a saisi le Conseil de Prud’hommes de Paris le 19 mai 2017 qui, par jugement de départage du 24 janvier 2020, a condamné la SAS Saint Michel Moto à payer à M. [I] [T] les sommes suivantes:

– 10.486,30 euros à titre d’indemnité pour rupture anticipée du contrat d’apprentissage aux torts de l’employeur ;

– 183,09 euros à titre de rappel de salaire ;

– 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné à la SAS Saint Michel Moto de remettre à M. [I] [T] les bulletins de paie des mois d’avril, juillet, août et septembre 2016 ainsi q’un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation Pôle Emploi établis conformément au jugement,

– débouté M. [I] [T] du surplus de ses demandes,

– débouté la société Saint Michel Moto de ses demandes reconventionnelles et l’a condaméne aux dépens.

Le 28 février 2020, la société Scootboots2 a interjeté appel.

Par conclusions remises au greffe et transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 29 septembre 2021, auxquelles il est expressément fait référence, la société Scootboots2 exerçant sous le nom commercial Saint Michel Moto demande à la cour de :

Déclarer la SAS Saint Michel Moto recevable et bien fondée en son appel ;

– Débouter M. [T] de l’ensemble de ses demandes ;

– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– condamné la SAS Saint Michel Moto à payer à M. [I] [T] les sommes suivantes:

– 10.486,30 euros à titre d’indemnité pour rupture anticipée du contrat d’apprentissage aux torts de l’employeur ;

– 183,09 euros à titre de rappel de salaire ;

– 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Débouté la SAS Saint Michel Moto de ses demandes reconventionnelles ;

– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [I] [T] du surplus de ses demandes,

En conséquence,

– Juger que la rupture du contrat d’apprentissage est imputable à M. [T] ;

– Condamner M. [T] à payer à la SAS Saint Michel Moto les sommes suivantes :

o 10.486,30 à titre de restitution de l’indemnité pour rupture anticipée du contrat d’apprentissage,

o 183,09 euros à titre de restitution du rappel de salaire,

o 2.000 euros à titre de restitution de l’article 700 du code de procédure civile,

o 5.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la procédure abusive ;

o 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner M. [T] aux entiers dépens qui comprendront l’intégralité des frais de signification et d’exécution de l’arrêt à intervenir que pourrait avoir à engager la SAS Saint Michel Moto dans le cadre de la présente instance.

– Juger que les intérêts courront à compter de la notification de l’arrêt à intervenir.

– Ordonner la capitalisation des intérêts par application de l’article 1343-2 du code civil.

Par conclusions remises au greffe et transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 7 octobre 2021, auxquelles il est expressément fait référence, M. [T] demande à la cour de :

– Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Paris en ce qu’il a condamné la SARL Saint Michel Moto à verser à M. [I] [T] les sommes de :

– 10.486,30 € représentant les salaires d’octobre 2016 à août 2017 inclus ;

– 183,09 € à titre de rappel de salaire (solde) mars 2016 ;

– 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

– Infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Paris en ce qu’il a débouté M. [I] [T] du surplus de ses demandes ;

En conséquence,

– Débouter la SARL Saint Michel Moto de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– Condamner la SARL Saint Michel Moto à verser à M. [T] la somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral ;

– Ordonner l’exécution provisoire la décision à intervenir ;

– Assortir les condamnations prononcées des intérêts aux taux légaux ;

– Ordonner la remise des documents de fin de contrat et d’un bulletin de salaire conforme à la décision à intervenir sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 8ème jour suivant le prononcé du jugement à intervenir ;

– Ordonner la remise des fiches de paie des mois d’avril, juillet, août et septembre 2016 sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 8 ème jour suivant le prononcé du jugement à intervenir ;

– Condamner la SARL Saint Michel Moto à verser à M. [I] [T] la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, en cause d’appel ;

– Condamner la SARL Saint Michel Moto aux entiers dépens.

La clôture a été prononcée par ordonnance en date du 8 février 2022.

Lors de l’audience du 11 avril 2022 il a été constaté que l’intimé n’avait pas transmis à l’appelant son bordereau de communication de pièces et ses pièces.

Celle-ci ont donc été écartées des débats sur le fondement des articles 15,16 et 906 du code de procédure civile.

MOTIFS

Il sera observé à titre liminaire que la personne morale concernée par la procédure est la société Scootboots 2 même si c’est sous son nom commercial Saint Michel Moto qu’elle est désignée par le conseil de prud’hommes et les parties à de multiples reprises.

Au vu de son dernier Kbis, cette société exerce désormais sous un autre nom commercial, Kymco [Localité 5].

Sur l’imputabilité de la rupture

Aux termes de l’article L.6222-18 du code du travail dans sa version applicable aux faits du litige: « Le contrat d’apprentissage peut être rompu par l’une ou l’autre des parties jusqu’à l’échéance des quarante-cinq premiers jours, consécutifs ou non, de formation pratique en entreprise effectuée par l’apprenti.

Passé ce délai, la rupture du contrat, pendant le cycle de formation, ne peut intervenir que sur accord écrit signé des deux parties. A défaut, la rupture du contrat conclu pour une durée limitée ou, pendant la période d’apprentissage, du contrat conclu pour une durée indéterminée, ne peut être prononcée que par le conseil de prud’hommes, statuant en la forme des référés, en cas de faute grave ou de manquements répétés de l’une des parties à ses obligations ou en raison de l’inaptitude de l’apprenti à exercer le métier auquel il voulait se préparer ».

M. [T] et la société Scootboots 2 s’imputent mutuellement la responsabilité de la rupture du contrat.

M. [P], maître d’apprentissage et gérant de la société, convient dans un échange de courriels avec M. [C] [T], père de [I] [T], que lorsque le planning de septembre 2016 a été établi, il a demandé à l’apprenti d’être présent au sein de l’entreprise le lundi 26 septembre, alors que celui-ci avait école ce jour-là.

Il est établi que par sms du samedi 24 septembre 2016 à 22h03, M. [I] [T] a indiqué à son maître d’apprentissage qu’après avoir bien réfléchi, il irait à l’école le lundi.

Si M. [T] impute à son employeur de lui avoir dit que dans ces conditions, il était inutile de se présenter le 3 octobre 2016 sur son lieu de travail, l’employeur justifie que dans l’échange de courriel du 29 septembre qu’il a eu avec son père, qui lui demandait de le confirmer, M. [P] a répondu ne pas comprendre sa démarche et précisé ‘je l’attends comme le prévoit sa formation lundi 3 octobre au sein de notre garage’, tout en stigmatisant le manque de sérieux de son fils caractérisé par son désistement tardif et la désorganisation engendrée.

Il résulte d’un document manuscrit établi par M. [I] [T] que celui-ci s’est présenté le 3 octobre sur son lieu de travail.

Dans ce même document il écrit ‘ suite à un désaccord professionnel je préfère quitter les lieux aux fins de démarches administratives. J’aviserai mon centre de formation ce jour des faits précités’.

S’il résulte de son propre écrit qu’il a pris l’initiative de quitter son lieu de travail, ce document n’établit nullement une volonté d’abandonner son poste.

La société convient dans ses écritures que la démarche administrative de l’apprenti a été de faire une main courante au commissariat dans la perspective de l’engagement d’une procédure devant le conseil de prud’hommes.

Ainsi, si par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 3 octobre 2016 reçue le 4 octobre 2016, M [P] a pris acte du courrier de M. [T] et de sa décision de quitter l’entreprise, le comportement de l’apprenti consistant le 3 octobre à faire un dépôt de main courante au commissariat et consulter un avocat, puis de saisir en référé le conseil de prud’hommes aux fins de résiliation judiciaire caractérise une intention de voir reconnaître le comportement de l’employeur comme rendant impossible la poursuite de la relation de travail.

La société impute au comportement de l’apprenti la responsabilité de la rupture.

C’est cependant vainement que l’employeur établit la mesure de son absentéisme à l’INCM dans un contexte où à l’audience du conseil de prud’hommes, ainsi qu’en fait état le jugement, ‘il a expressément reconnu que les périodes de formation n’étaient pas nécessairement respectées’. Il en va de même de l’existence d’une exclusion temporaire du CFA ayant donné lieu à avertissement le 12 juin 2015 alors que la fiche de suivi du jeune en entreprise en date du 15 mars 2016 établit que M. [I] [T] était un élève très appliqué et investi dans sa formation au sein du garage Saint-Michel Moto.

Il est constant que les événements du 3 octobre s’inscrivent chronologiquement dans les suites de l’incident du 26 septembre 2016. Or, l’annonce de son absence, même tardive, ne peut être imputé à faute à l’apprenti dès lors que son maître de stage n’aurait pas dû le programmer un jour où il devait se rendre au lycée et a eu un comportement fautif dans l’exécution du contrat d’apprentissage en faisant venir M. [T] sur son temps scolaire, peu important qu’elle ait sollicité à chaque fois son accord.

L’employeur accrédite la volonté de M. [T] de mettre un terme à son apprentissage par la production d’attestations dactylographiées de M. [F] et de Mme [H], salariés de l’entreprise, qui indiquent que M. [T] s’est présenté après l’ouverture du magasin le 3 octobre, mais ne s’est pas mis en tenue de mécanicien et est resté sur un banc à attendre le responsable en repos le lundi.

Mme [H] précise que M. [T] lui a indiqué être fatigué et vouloir arrêter la mécanique. Elle affirme avoir alors appelé M. [P] au téléphone pour le prévenir, celui-ci lui ayant répondu qu’il arrivait. Elle précise que M. [T] a alors demandé un papier et un crayon et a établi le document sus évoqué avant de partir sans attendre M. [P].

Mme [H] ajoute que M. [T] est revenu accompagné le 4 octobre pour reprendre ses affaires au vestiaire en lui déclarant qu’il ne reviendrait pas.

La cour ne peut cependant accorder de valeur probante à l’attestation dactylographiée et non datée de M. [F], qui n’explique pas comment il pouvait être présent au sein de la société à la date du 3 octobre 2016, puisqu’il ne faisait pas encore partie des effectifs de l’entreprise figurant sur le livre des entrées et sorties du personnel produit par l’entreprise comme n’ayant été recruté que le 4 octobre 2016.

La Cour ne peut davantage accorder de valeur probante à l’attestation dactylographiée de Mme [H] établie le 2 décembre 2020, qui n’explique pas comment elle pouvait être présente en sa qualité de salariée les 3 et 4 octobre 2016 alors qu’à la lecture du registre du personnel, elle était sortie des effectifs le 20 janvier 2015 et n’a été réengagée que le 1er septembre 2018.

En conséquence, le conseil de prud’hommes a justement considéré que la preuve d’un abandon de poste par M. [T] n’était pas rapportée et le jugement entrepris qui a jugé que la rupture était imputable à la société sera confirmé sur ce point ainsi qu’en ce qu’il l’a condamnée à verser à M. [T] une somme de 10.486,30€ à titre d’indemnité pour rupture anticipée du contrat d’apprentissage aux torts de l’employeur et a débouté M. [T] de sa demande de dommages et intérêts au titre d’un préjudice distinct, celui-ci ne versant aucune pièce pour le démontrer.

Sur le rappel de salaire

L’employeur ne justifie pas du bien fondé de la retenue sur salaire de 75,14€ pour absences non indemnisées du 28 au 31 mars 2016, ni de la légitimité d’une retenue sur salaire de 107,95€ pour un achat de pièces que M. [T] conteste au demeurant.

Le jugement entrepris qui a condamné la société à verser à M. [T] une somme de 183,09 euros à titre de rappel de salaire sera confirmé de ce chef.

Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive

M. [T] ayant usé sans en abuser de son droit d’ester en justice, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société de sa demande de dommages et intérêts.

Sur la remise de documents sous astreinte

Le Conseil a condamné la société à remettre à M. [T] des bulletins de paie des mois d’avril, juillet, août et septembre 2016 sans faire droit à la demande d’astreinte. M. [T]

demande que cette délivrance soit ordonné sous astreinte en affirmant que depuis le jugement la société n’a pas remis les documents.

La société Scootboots2 affirme que l’astreinte n’est pas justifiée sans pour autant justifier de la délivrance des documents.

En conséquence, cette astreinte sera ordonnée.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La société Scootboots2 sera condamnée aux dépens de l’instance et conservera la charge de ses frais irrépétibles.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Scootboots2 à payer une somme de 2.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile, laquelle sera condamnée à verser à M. [T] une somme de 1.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile aux titre des frais irrépétibles en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il n’a pas fait droit à la demande d’astreinte ;

Et statuant à nouveau,

ORDONNE la remise par la société Scootboots 2 exerçant alors sous le nom Saint Michel Moto des fiches de paie des mois d’avril, juin, juillet, août et septembre 2016, d’un certificat de travail, d’un solde de tout compte et d’une attestation Pôle Emploi conformes au jugement du 24 janvier 2020 dans le délai d’un mois du prononcé de l’arrêt, sous astreinte de 50 € par jour de retard passé ce délai ;

CONDAMNE la société Scootboots 2 exerçant alors sous le nom Saint Michel Moto aux dépens;

CONDAMNE la société Scootboots 2 exerçant alors sous le nom Saint Michel Moto à payer à M. [I] [T] la somme de 1.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société Scootboots 2 exerçant alors sous le nom Saint Michel Moto de sa demande présentée au titre des frais irrépétibles.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE

 


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