Retenues sur salaire : 1 juin 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 19/01147

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Retenues sur salaire : 1 juin 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 19/01147

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

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ARRÊT DU : 01 JUIN 2022

PRUD’HOMMES

N° RG 19/01147 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-K4U5

SASU ADREXO

c/

Monsieur [K] [V]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 janvier 2019 (R.G. n°F 17/01054) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d’appel du 27 février 2019,

APPELANTE :

SASU Adrexo, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 315 549 352

représentée par Me Pauline MAZEROLLE, avocat au barreau de BORDEAUX

substituant Me Stéphanie BERTRAND de la SELARL STEPHANIE BERTRAND AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉ :

Monsieur [K] [V]

né le 19 Juillet 1966 de nationalité Française Profession : Commercial(e), demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Pierre BURUCOA, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 mars 2022 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Catherine Rouaud-Folliard et Monsieur Rémi Figerou, conseiller chargé d’instruire l’affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Monsieur Rémi Figerou, conseiller

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [K] [V], né en 1966, a été engagé en qualité de distributeur par la SASU Adrexo, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2006, avec reprise d’ancienneté au 15 mai 1991, suite à une fusion entre son premier employeur, la société Kicible, avec la société Adrexo. Le dernier poste occupé était celui de commercial.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la distribution directe.

Le 22 février 2007, M. [V] a été désigné délégué syndical.

M. [V] a reçu un premier avertissement le 25 juin 2007 motivé par la non-atteinte des objectifs fixés.

Il a reçu un deuxième avertissement le 25 février 2008, l’employeur lui reprochant alors de ne pas suivre les directives de ses supérieurs hiérarchiques.

M. [V] a ensuite reçu une mise à pied disciplinaire de 5 jours du 26 au 30 mai 2008 pour insubordination au motif qu’il refusait de restituer à son supérieur hiérarchique des dossiers de clients qu’il ne gérait plus depuis le début de l’année.

Par lettre datée du 24 septembre 2008, M. [V] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 9 octobre 2008, puis déplacé au 16 octobre 2008.

L’employeur a sollicité l’autorisation de l’inspecteur du travail pour pouvoir licencier M. [V], salarié protégé, en raison de son opposition à la politique commerciale de l’entreprise, de ses mauvais résultats et de son refus de suivre les directives émises par ses supérieurs hiérarchiques.

Par décision du 23 décembre 2008, l’inspecteur du travail a refusé d’autoriser le licenciement.

Sur recours de l’employeur, le tribunal administratif de Marseille a confirmé ce refus par jugement du 25 janvier 2011.

Dans l’intervalle, M. [V] avait pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 avril 2009 dont l’employeur a accusé réception par lettre datée du 5 juin 2009, la rupture du contrat ayant pris effet au 7 mai 2009.

A la date de la rupture, M. [V] avait une ancienneté de 17 ans et 11 mois et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Demandant que la prise d’acte de la rupture soit prononcée aux torts exclusifs de l’employeur en raison de la discrimination qu’il aurait subie et sollicitant le paiement de diverses sommes, M. [V] a saisi le 17 février 2009 le conseil de prud’hommes de Bordeaux qui, après plusieurs radiations et réinscriptions de l’affaire, a, par jugement rendu le 25 janvier 2019 :

– jugé que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de M. [V] est intervenue pour des faits de discrimination syndicale et dit que le licenciement doit être considéré comme nul,

– condamné la société à verser à M. [V] les sommes suivantes :

* 13.200 euros à titre de rappel de commissions,

* 1.320 euros à titre de congés payés sur commissions,

* 3.292,86 euros à titre d’indemnité de préavis,

* 329,29 euros à titre de congés payés sur préavis,

* 7.655,90 euros à titre d’indemnité de licenciement,

* 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

* 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société à rembourser à Pôle Emploi les allocations de chômage versées au salarié dans la limite de six mois sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail,

– condamné la société à remettre à M. [V] les bulletins de salaire correspondant aux condamnations prononcées et les documents sociaux rectifiés,

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit conformément à l’article R1454-28 du code du travail, dans la limite de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois,

– débouté la société de sa demande reconventionnelle et l’a condamnée aux dépens et frais éventuels d’exécution du jugement.

Dans les motifs de cette décision, M. [V] a été débouté de sa demande au titre de la violation du statut protecteur mais il a été fait droit à sa demande de dommages et intérêts pour discrimination syndicale à hauteur de la somme de 27.000 euros, éléments non repris dans le dispositif de la décision.

Par déclaration du 27 février 2019, la société Adrexo a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 14 février 2022, la société Adrexo demande à la cour d’infirmer, de réformer et d’annuler le jugement du conseil de prud’hommes de Bordeaux du 29 janvier 2019 en ce qu’il a :

* déclaré M. [V] recevable en ses demandes,

* dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de M. [V] est intervenue pour des faits de discrimination syndicale et jugé qu’elle doit produire les effets d’un licenciement nul,

* constaté que M. [V] a subi une discrimination,

* condamné la société à verser à M. [V] les sommes de :

– 13.200 euros à titre de rappel de commissions,

– 1.320 euros à titre de congés payés sur commissions,

– 3.292,86 euros à titre d’indemnité de préavis,

– 329,29 euros à titre de congés payés sur préavis,

– 7.655,90 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

– 27.000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale [condamnation figurant aux motifs du jugement mais non reprise dans le dispositif de celui-ci],

– 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* condamné la société à rembourser à Pôle Emploi les allocations chômage versées au salarié dans la limite de six mois, sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail,

* condamné la société à remettre à M. [V] les bulletins de salaires correspondant à la condamnation et les documents sociaux rectifiés,

* débouté la société de sa demande reconventionnelle et condamné la société aux dépens et frais éventuels d’exécution du jugement.

Statuant à nouveau, la société Adrexo demande à la cour de :

– dire que la prise d’acte de la rupture du contrat de M. [V] est infondée et injustifiée et doit produire les effets d’une démission,

– dire que M. [V] ne rapporte la preuve d’aucune discrimination,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande d’annulation des sanctions disciplinaires et de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice subi et pour violation du statut protecteur,

– prendre acte de ce que M. [V] s’en remet au jugement prud’homal et limite ses demandes de dommages et intérêts au titre du préjudice moral du fait de son licenciement nul à la somme de 20.000 euros et de dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale à la somme de 27.000 euros,

– débouter M. [V] de son appel incident et donc de l’intégralité de ses demandes indemnitaires et salariales,

– le condamner au paiement de la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre aux dépens de l’instance.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 10 février 2022, M. [V] demande à la cour de déclarer la société recevable mais mal fondée en son appel limité, de le déclarer recevable et bien fondé en son appel incident et de :

– infirmer le jugement rendu en ce qu’il a :

* condamné la société à lui verser les sommes suivantes :

– 13.200 euros à titre de rappel de commissions,

– 1.320 euros à titre de congés payés sur commissions,

– 3.292,86 euros à titre d’indemnité de préavis,

– 329,29 euros à titre de congés payés sur préavis,

– 7.655,90 euros à titre d’indemnité de licenciement,

* débouté M. [V] des demandes suivantes :

– prononcer la nullité des sanctions suivantes : avertissement du 25 juin 2007, avertissement du 25 février 2008 et mise à pied disciplinaire du 21 mai 2008,

– condamner la société à régler à M. [V] la somme de 5.000 euros nets au titre du préjudice afférent,

– condamner la société à régler à M. [V] la somme de 48.573 euros nets à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur,

– dire que les condamnations prononcées porteront intérêts au taux légal à compter du 17 février 2009, date de la saisine du conseil de prud’hommes ;

– le confirmer pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

– fixer le salaire mensuel moyen de M. [V] à 2.759,43 euros bruts,

– prononcer la nullité des sanctions suivantes :

* avertissement du 25 juin 2007,

* avertissement du 25 février 2008,

* mise à pied disciplinaire du 21 mai 2008,

– condamner la société à régler à M. [V] les sommes suivantes :

* 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour sanctions disciplinaires nulles,

* 35.616 euros bruts à titre de rappel de commissions,

* 3.561,60 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférente,

* 62.970,35 euros bruts au titre de l’indemnité pour violation du statut protecteur,

* 5.163,62 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

* 516,36 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférente,

* 11.982,18 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

– ordonner à la société de communiquer à M. [V] les bulletins de salaire, solde de tout compte, certificat de travail et attestation destinée à Pôle Emploi rectifiés,

– dire que les condamnations de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 17 février 2009, date de la saisine du conseil de prud’hommes,

– rappeler que les condamnations de nature indemnitaire prononcées par le conseil de prud’hommes porteront intérêts au taux légal à compter du jugement du 25 janvier 2019,

– rappeler que les condamnations de nature indemnitaire prononcées par la cour porteront intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir,

– condamner la société à verser à M. [V] la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter la société de l’intégralité de ses demandes,

– condamner la société aux dépens dont distraction au profit de Maître Pierre Burucoa, avocat au barreau de Bordeaux.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 février 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 21 mars 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

M. [V] demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail reposerait sur des faits de discrimination syndicale, prise d’acte devant dès lors produire les effets d’un licenciement nul.

La société Adrexo poursuit la réformation du jugement sur ce point, considérant que la prise d’acte n’est pas fondée car il n’existe pas en l’espèce de discrimination syndicale à l’encontre de M. [V].

***

La prise d’acte de la rupture du contrat par un salarié produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués par le salarié sont établis et caractérisent des manquements suffisamment graves de l’employeur à ses obligations empêchant la poursuite de la relation contractuelle. A défaut, la prise d’acte de la rupture produit les effets d’une démission.

Lorsque, comme en l’espèce, le salarié reproche à l’employeur des agissements discriminatoires en lien avec la prise d’acte, celle-ci peut alors produire les effets d’un licenciement nul.

Sur la discrimination syndicale

La société Adrexo rappelle que les élections professionnelles se sont déroulées au cours du mois de mars 2006 soit avant la fusion avec la société Kicible et qu’elle n’a eu connaissance de l’activité syndicale de M. [V] que lorsque celui-ci a été désigné en qualité de délégué syndical, le 22 février 2007, et non antérieurement, soulignant que son dossier professionnel ne mentionnait en aucun cas un quelconque mandat.

C’est ainsi, selon la société appelante, que c’est la date du 22 février 2007 qui doit être retenue comme celle à laquelle l’employeur a eu connaissance de l’activité syndicale du salarié.

La société Adrexo souligne que l’existence d’une discrimination ne peut pas seulement reposer sur la décision de l’inspecteur du travail, confirmée par le tribunal administratif.

Elle considère qu’en réalité, M. [V] s’est obstiné à refuser de respecter la politique commerciale et la nouvelle organisation de l’entreprise

Ainsi, dès le 19 juillet 2006, M. [V] faisait part de son opposition sur les futurs changements de son secteur géographique et de son portefeuille-clients que pourrait entraîner la fusion des deux sociétés.

Par la suite le 30 août 2006, il refusait de signer un avenant à son contrat de travail.

La société Adrexo en prenait acte et lui précisait alors qu’il poursuivrait ses fonctions conformément à son contrat de travail en cours mais qu’il devrait se conformer à la nouvelle organisation commerciale sur le périmètre de prospection, sur le secteur géographique et sur la répartition des clients entre les équipes commerciales.

Selon l’appelante, les faits allégués par M. [V] pour démontrer une prétendue discrimination syndicale sont en réalité étrangers à la personne de l’intimé, et pleinement justifiés au regard de la nécessaire réorganisation de l’entreprise à la suite de la fusion réalisée.

M. [V] rappelle qu’il avait adhéré dès 2001 au syndicat FO au sein de la société Kicible puis au syndicat FILPAC-CGT à la suite du rapprochement des sociétés Kicible et Adrexo en 2006 et soutient que son activité revendicative était nécessairement connue de ses employeurs successifs.

Notamment, le 25 juillet 2006, il avait assisté en qualité de conseiller du salarié un collègue muté de [Localité 3] à [Localité 7] et qui, dans le cadre de la fusion, s’était vu proposer, soit une nouvelle mutation sur [Localité 4] sans aucune contrepartie, soit un licenciement négocié pour abandon de poste.

En outre dans sa lettre du 8 décembre 2006, il avait expressément fait état de la discrimination syndicale dont il était l’objet, informant ainsi son employeur de sa qualité, mentionnant dans ce courrier : « ‘j’ai ressenti une certaine discrimination de votre part’.mon appartenance à un syndicat n’a fait qu’amplifier le phénomène’ ».

Aussi, la société Adrexo ne peut sérieusement feindre n’avoir découvert son appartenance syndicale que le 22 février 2007.

Il considère que sa désignation en qualité de délégué syndical, le 22 février 2007, a précipité la discrimination dont il était déjà victime qui a touché tous les aspects de sa vie. Il invoque 80 faits de discrimination.

Sur la date à laquelle la société Adrexo n’a pu ignorer l’activité syndicale de M. [V]

Si par le passé, M. [V] avait déjà eu des mandats syndicaux, et notamment celui de délégué du personnel suppléant en 2001 au sein de la société Distri G, aucune pièce n’établit qu’il avait été clairement notifié à la société Adrexo l’appartenance syndicale ou les mandats syndicaux de M. [V].

La lettre du 24 février 2006 versée aux débats par M. [V] (pièce 110) par laquelle le syndicat CGT aurait écrit à la société Kicible pour l’informer notamment que M. [V] était candidat au 2éme collège aux élections du comité d’entreprise, n’est pas accompagnée d’une preuve de sa réception par l’employeur de ce courrier.

De même, le seul fait qu’il ait assisté un salarié le 25 juillet 2006, soit avant la fusion, ne permet pas plus de retenir la connaissance par l’employeur des mandats ou de l’activité syndicale du salarié.

Le 30 octobre 2006 , M. [V] a écrit à son employeur, en réponse : «’. Lors d’une réunion organisée avec les équipes de Kicible et d’Adrexo, M. [U] me dit lors du déjeuner : « chez Adrexo nous n’aimons pas les syndicats et les personnes syndiquées», et le même jour, M. [R] me souhaita bonne chance pour les élections qui se déroulaient chez Kicible. » ( pièce n° 10 et 11 de l’appelante). Toutefois cette relation des faits émane du seul intimé, et ne démontre nullement que l’employeur ne pouvait ignorer à cette date l’activité syndicale de M. [V].

De même si dans sa lettre du 8 décembre 2006, il a également écrit à son employeur : «depuis mes premiers contacts, j’ai ressenti une certaine discrimination de votre part à mon égard. Si j’avais quelques doutes au départ sur vos intentions envers moi, c’est maintenant une certitude mon appartenance à un syndicat n’a fait qu’amplifier le phénomène », cette présentation des faits est insuffisante pour considérer qu’elle valait information de l’employeur de son statut protecteur ( pièce n° 13 de l’appelante).

En revanche, lorsque la société Adrexo a écrit à M. [V], le 21 décembre 2006 : «nous vous avons intégré et impliqué dans la nouvelle structure au même titre que vos collègues, et il n’a jamais été question d’une quelconque discrimination syndicale ou autre », elle n’ignorait plus la protection dont il bénéficiait alors, et les conséquences d’une telle protection.

En conséquence, ce n’est pas lorsque M. [V] a été désigné en qualité de délégué syndical le 22 février 2007, que la société Adrexo a été informée de son statut protecteur, mais antérieurement et, au moins à compter du 8 décembre 2006.

C’est donc cette date du 21 décembre 2006 qui doit être retenue pour apprécier la discrimination alléguée.

Sur les éléments de faits présentés par Monsieur [V] au titre de sa discrimination

Aux termes de l’article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L.3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de ses activités syndicales et l’article L. 1132-4 sanctionne par la nullité toute disposition ou tout acte discriminatoire.

L’article L.1134-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels, il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

M. [V] avance notamment les éléments suivants :

– son déménagement imposé et la tentative de l’employeur de lui faire signer un avenant léonin durant l’été 2006. : ces faits se sont déroulés avant la date retenue pour apprécier la discrimination ;

– son contrat de travail a été modifié unilatéralement au cours de l’année 2007, puis en 2009 ;

– de nombreuses erreurs vont affecter sa rémunération, en juin 2007 et en juillet 2008 ;

– il a subi des pressions et vexations en 2007 et 2008 ;

– il a été progressivement mis à l’écart en 2007 et 2008 ;

– il a fait l’objet de sanctions illicites ;

– l’employeur a tenté de le licencier pour faute en 2008.

S’agissant du dernier de ces faits, l’inspecteur du travail a rejeté la demande d’autorisation de licenciement présentée par l’employeur en raison du lien de cette demande avec le mandat du salarié, décision confirmée par le tribunal administratif, si bien qu’il résulte de ces éléments, soutien nécessaire de la décision administrative et s’imposant au juge judiciaire, l’existence d’éléments laissant supposer une discrimination en raison des activités syndicales de M. [V].

S’agissant des autres faits, l’employeur réplique que les changements intervenus ayant affecté le contrat de travail de M. [V] ne le visaient pas spécialement puisque du fait de la fusion, tous les salariés de l’entreprise ont connu des changements notables commandés par la nouvelle organisation de l’entreprise et la nouvelle politique commerciale ; ces faits sont ainsi pleinement justifiés.

Or, M. [V] se serait montré hostile à ces changements, en refusant de déménager, si bien qu’il ne pourrait se plaindre des conséquences de son opposition , en refusant de reconnaître ses objectifs, pourtant établis sur la base de son propre prévisionnel et qui ne représentaient en outre qu’un quart du potentiel de sa zone.

Dans la mesure où la société Adrexo conteste tout fait de discrimination, il convient de reprendre chacun des faits invoqués par M. [V].

Sur la modification du contrat de travail de M. [V] en 2007 et 2009

Il résulte des pièces produites que, progressivement à partir de l’année 2007, le portefeuille clients de M. [V] a été modifié et que celui-ci a vu diminuer le nombre de ses clients grands comptes pour lesquels il était plus facile de réaliser des chiffres d’affaires importants. M. [V] a ainsi perdu toute la grande distribution (pièces n° 27, 28, 29, et 30 de l’intimé).

Par ailleurs, l’employeur a proposé à M. [V] une zone géographique plus étendue (sa pièce n° 30).

De fait, la réalisation d’un chiffre d’affaires nécessitait plus d’efforts par la multiplication de petits comptes à gérer sur une zone géographique plus étendue, alors que M. [V] bénéficiait auparavant d’une zone géographique plus restreinte avec des grands comptes.

Or, si le contrat de travail de M. [V] permettait un changement des secteurs géographiques et des clients qui lui étaient confiés, et si la société Adrexo affirme que ces changements affectaient l’ensemble de ses salariés, elle ne justifie pas que ces derniers aient vu les conditions d’exercice de ces derniers, devenir plus exigeantes.

Notamment, elle ne s’explique pas en pratique sur le fait de remplacer dans le portefeuille d’un salarié protégé des clients grands comptes, par plus de clients mais réalisant des petits chiffres d’affaires, alors que M. [V] avait conservé son poste d’attaché technico-commercial.

Même si ce poste n’existait plus dans la nomenclature d’Adrexo, cela ne l’autorisait pas à modifier la consistance de son portefeuille.

Or, si en définitive, l’employeur a accepté le 26 février 2008 que M. [V] conserve son secteur géographique de 2006, celui-ci avait néanmoins été amputé des grands comptes qu’il comportait alors (pièces n° 32, 33, 34, 35 de l’intimé).

Cette modification, compte tenu du statut de salarié protégé de M. [V], ne pouvait lui être imposée.

Sur les pressions et vexations en 2007 et 2008

L’intimé soutient qu’à partir de l’année 2007, son employeur s’est montré suspicieux et l’a contraint à justifier de son activité de manière tatillonne et que de plus, il n’était informé qu’au dernier moment des réunions qui le concernaient et ses points hebdomadaires ont été fréquemment annulés.

Par ailleurs ses demandes de congés payés ou de RTT n’ont pas été validées dans les temps, sous différents prétextes.

En outre, on lui a imposé des augmentations de tarifs pour l’un de ses plus gros clients, sans lui laisser la moindre marge de man’uvre.

Il se plaint encore d’avoir été contraint d’établir des rapports d’activité, quand ceux-ci n’étaient pas demandés aux autres salariés.

Enfin, il fait valoir qu’un challenge régional de prospection avait été gagné, lequel permettait de participer à un week-end à Center Park, que l’information ne lui était parvenue qu’indirectement, et que malgré tout, lorsqu’il s’était inscrit pour participer à ce week-end festif, il s’était aperçu toujours indirectement qu’il avait été désinscrit.

La société Adrexo conteste de telles pressions et vexations. Elle précise notamment que conformément aux ordres de transmission des courriels, les responsables commerciaux grands comptes (RCGC) étaient directement destinataires des courriels de la direction à charge pour eux de les relayer aux attachés commerciaux (ATC).

***

La cour constate que si M. [V] a dû donner des explications sur son emploi du temps à son supérieur hiérarchique, le 20 juillet 2007 (pièce n° 45), il n’est pas démontré que ces demandes d’explications étaient « tatillonnes » et qu’elle n’avaient pas eu cours par le passé.

De la même manière, il n’est pas démontré que les explications demandées par son supérieur hiérarchique sont abusives dès lors qu’il est de l’essence de tout supérieur hiérarchique de demander à ses subordonnés toutes précisions sur les éléments de son activité (pièces n° 46, 47, 48, et 54 de M. [V]).

En outre, si M. [V] n’avait pas accès au mot de passe protégeant les informations commerciales, il n’établit pas de différence à ce sujet par rapport à ses autres collègues (pièce n°50).

De même, les deux pièces qu’il verse aux débats sont insuffisantes pour affirmer que ses demandes de congés payés ou de RTT n’étaient jamais validées dans les temps (pièces n° 49 et 54).

Par ailleurs, M. [V] ne s’est plaint qu’une fois de la charge de travail relative au « reporting » (pièce n° 59).

En revanche, la société Adrexo ne donne pas d’explication sur l’annulation des points hebdomadaires de M. [V] du lundi matin, sur l’augmentation des tarifs qui a été imposée au salarié pour l’un de ses clients, ou encore sur l’absence de participation de celui-ci au week-end Center Park (pièces n°48, 53, 58, 85, 86, 87, et 88 de M. [V]) et n’établit pas que ces faits seraient justifiés par des éléments objectifs extérieurs à toute discrimination.

Sur les erreurs relatives à la rémunération de M. [V] et les sanctions financières subies

M. [V] expose que pour la période concernée, il va, à tort, ne plus percevoir la prime relative au prix moyen de vente prévue contractuellement ainsi que la prime de nouveaux clients.

Par ailleurs à partir du mois de juillet 2008, les détails de la facturation ne correspondent plus au montant indiqué sur les tableaux des missions des primes.

Il rappelle qu’il a toujours refusé la nouvelle grille de rémunération, si bien qu’il devait être commissionné sur la base de la rémunération contractuelle (pièce n° 38), ce que son employeur avait accepté (pièce n° 7 de l’appelante).

Il considère que son employeur a refusé de reconnaître cette grille de rémunération contractuelle, en décidant d’appliquer la nouvelle grille de rémunération qu’il n’avait pas acceptée soulignant la gravité de cette discrimination qui atteignait ses moyens de subsistance.

M. [V] affirme par ailleurs, que le 16 juillet 2017, son employeur a considéré à tort qu’il avait perçu une prime de nouveaux clients qui ne lui était pas due. Il considère au contraire qu’il bénéficiait bien de cette prime au titre de son contrat de travail au sein de la société Kicible qui était toujours en cours, alors que son employeur a prétendu le contraire sans aucune explication.

Il ajoute qu’en septembre 2007, son employeur a tardé à lui rembourser des frais de déplacement, au motif qu’il devait remplir un formulaire spécial qui n’avait jamais été mis à sa disposition.

De plus, le 26 mars 2008, une retenue sur salaire de 310 euros a été opérée sans explication de son employeur.

Enfin, son bulletin de salaire d’octobre 2008 comportait une erreur flagrante puisque son salaire ne s’élevait qu’à la somme de 532,20 euros, situation le plaçant en grande difficulté financière.

La société Adrexo répond que M. [V] ne peut pas prétendre au paiement de ces primes au motif qu’il devait rentrer au minimum trois nouveaux clients par semaine pour pouvoir les percevoir.

***

Si M. [V] verse aux débats l’annexe sur la rémunération variable mise en application à partir du 1er janvier 2005, laquelle prévoit notamment les conditions d’octroi d’une prime sur le chiffre d’affaires et une prime nouveau client, il communique ses courriers de réclamations mais pas les bulletins de salaire pour les périodes considérées (ses pièces n° 38, 39, 41).

De même, si M. [V] se plaint qu’à compter du mois de juillet 2008, les détails de facturation ne correspondraient plus aux montants indiqués sur les tableaux d’émission des primes (ses pièces 42, 43, 44) il ne communique aucune pièce sur la réalité de ce fait.

Ce grief ne peut donc être valablement retenu.

En revanche, les erreurs répétées sur l’établissement des bulletins de salaire de M. [V], sur le paiement de la rémunération et le retard dans le remboursement des frais doivent être retenus, l’employeur ne donnant aucune explication et ne démontrant pas qu’ils seraient justifiés par des éléments objectifs extérieurs à toute discrimination.

Sur la mise à l’écart de M. [V] en 2007 et 2008

M. [V] fait valoir qu’il s’est vu progressivement écarter de toutes les formations et réunions commerciales.

En avril 2007, alors qu’il avait répondu favorablement pour participer à une opération de prospection à [Localité 6], il n’a reçu aucune réponse (ses pièces n° 68 et 69).

Par ailleurs, alors qu’il était convié à une réunion prévue le 25 septembre 2007, le matin même, il sera informé qu’en définitive il n’était pas convoqué à cette réunion, ainsi que l’une de ses collègues, Mme [W], mais pour celle-ci, cela s’expliquait car elle était en cours de préavis (pièces de l’appelante n° 25 et 26).

Comme seul justificatif, il lui sera précisé que cette réunion était réservée aux commerciaux gérant le client Carrefour, ce qu’il conteste (pièce de l’appelante n° 27).

Il ajoute qu’à la suite du départ de Mme [W] en septembre 2007, le portefeuille de celle-ci sera redistribué mais qu’il a été exclu de la répartition (sa pièce n° 72).

Par ailleurs, il n’a plus été associé à la réalisation des budgets prévisionnels et ainsi ne sera pas convoqué à la réunion du 9 octobre 2007.

De même à partir de l’année 2007, il ne sera plus convié à la moindre formation interne ou externe (sa pièce n° 73).

De plus, alors qu’il était convié à une conférence téléphonique le 16 novembre 2007, son supérieur hiérarchique lui avait transmis un mauvais numéro de téléphone ce qui a retardé sa participation (sa pièce n° 73)

De même s’il avait reçu, avec une semaine de retard, le 26 novembre 2007, un courriel daté du 19 novembre 2007, portant convocation à une réunion téléphonique prévue le 27 novembre 2007, prévenu trop tard, il n’a pas pu y participer, ce que son supérieur hiérarchique lui reprochera.

Le 3 décembre 2007, alors qu’il avait cinq minutes de retard, en raison des embouteillages, son supérieur hiérarchique l’a appelé sur son téléphone portable pour lui reprocher ce retard de manière virulente.

En juin 2008, alors que l’un de ses clients cherchait à le joindre et appelait le numéro national d’Adrexo, il lui était répondu que M. [V] ne fait pas partie des effectifs.

Le 18 juillet 2008, son invitation à la grande réunion commerciale de rentrée a été en définitive annulée.

Le 19 décembre 2008, son nom n’apparaissait plus sur la liste du personnel pour l’attribution du cadeau de fin d’année.

A cette même date, alors que ses collègues avaient reçu les nouveaux contrats à faire signer aux clients pour l’année 2009, lui-même ne les avait pas reçus et son supérieur hiérarchique lui indiqua alors qu’il ne les aurait pas édités.

Il aurait constaté également qu’il ne figurait pas dans le classement des vendeurs pour l’année 2008. Dans l’annuaire des dépôts diffusés le 13 février 2009, il apparaissait comme étant attaché au dépôt de [Localité 5].

La société Adrexo explique que M. [V] ne pouvait prétendre à participer à des événements qui étaient réservés à un rang hiérarchique supérieur au sien.

***

Si M. [V] ne démontre pas que par le passé il participait à la réalisation des budgets prévisionnels, réunions auxquelles il n’était plus associé à partir de l’année 2007, et ne justifie pas ne plus avoir été convié aux formations internes et externes depuis l’année 2007, pour les autres faits, la société Adrexo n’apporte pas une réponse adaptée.

En effet, pour la plupart des réunions litigieuses, l’appelante ne dit pas pourquoi M. [V] avait été convoqué s’il ne devait pas y participer, et pas davantage pourquoi il recevait tardivement ses convocations à certaines réunions, comme pour celle du 27 novembre 2007, ni davantage pourquoi il lui était demandé tardivement de ne plus participer à certaines.

Par ailleurs, l’employeur n’explique pas pourquoi M. [V] n’avait pas été associé au partage du portefeuille de Mme [W], alors que comme lui, elle était attachée commerciale.

L’appelante n’explique pas davantage pourquoi M. [V] n’apparaissait plus sur la liste des personnels pour les cadeaux de Noël, ou pourquoi il apparaissait comme étant attaché à l’entrepôt de [Localité 5], ni encore pourquoi il n’avait pas été associé à l’opération commando sur le chéquier été.

Aussi, elle ne démontre pas que les faits présentés par M. [V] seraient étrangers à une discrimination syndicale.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que la société Adrexo a agi vis-à-vis de M. [V] de manière discriminatoire, en modifiant ses conditions de travail et de sa rémunération, pour des raisons qui ne sont pas justifiées par des motifs étrangers à sa qualité de délégué syndical.

Sur les demandes au titre de l’annulation des sanctions disciplinaires

M. [V] sollicite l’annulation des trois sanctions disciplinaires dont il a été l’objet.

Aux termes des dispositions de l’article L. 1333-1 du code du travail, en cas de litige sur une sanction disciplinaire, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction et forme sa conviction au vu des éléments retenus par l’employeur pour prononcer la sanction et de ceux fournis par le salarié à l’appui de ses allégations. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Par ailleurs, aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de 2 mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance.

Sur l’avertissement du 25 juin 2007

M. [V] expose que quelques semaines après sa désignation en qualité de délégué syndical, il s’est vu notifier un avertissement pour non-atteinte de ses objectifs au cours des mois de janvier, février, avril, et mai 2007.

Or, les résultats étaient erronés car ils ne prenaient pas en compte le fait que certains clients qu’il aurait dû se voir affecter avaient été attribués à d’autres commerciaux, ce qu’il avait fait valoir à M. [P] par courriel du 2 mai 2007 (sa pièce n°89).

Il justifie des chiffres d’affaires réalisés pour ces clients aux dates litigieuses qui démontrent que si leurs chiffres avaient été affectés sur son compte, il aurait bien réalisé ses objectifs (ses pièces n° 90, et 91).

En outre, il considère que ce grief relèverait de l’insuffisance professionnelle et ainsi pas du pouvoir disciplinaire de son employeur et que les faits étaient prescrits au jour de la sanction.

La société Adrexo soutient que les chiffres d’affaires étaient atteignables et avaient été acceptés par M. [V].

***

La non-atteinte de ses objectifs a été reprochée au salarié à raison de sa persistance pendant plusieurs mois, en sorte que le grief n’était pas prescrit.

Cependant, sauf à démontrer la volonté du salarié de s’efforcer de réaliser des résultats inférieurs aux objectifs qui lui avaient été fixés, ce que la société Adrexo n’établit pas, les reproches contenus dans la lettre du 25 juin 2007 relèvent éventuellement d’une insuffisance professionnelle du salarié et ne peuvent à ce titre faire l’objet d’une sanction disciplinaire.

En outre, l’employeur affirme péremptoirement que les objectifs imposés à son salarié étaient facilement atteignables, mais sur la foi de ses propres calculs, et sans comparaison avec l’activité extérieure, et alors que le portefeuille des clients de M. [V] avait changé.

En conséquence, l’avertissement du 25 juin 200l doit être annulé.

Sur l’avertissement du 25 février 2008

M. [V] expose qu’aux termes de l’avertissement du 25 février 2008, il lui a été reproché facilement de ne pas avoir transféré certains clients à ses collègues et de ne pas avoir accepté les nouveaux.

Il considère que le redécoupage de son secteur géographique et la redistribution de la clientèle relevaient d’une mesure discriminatoire, étant intervenus à son détriment, ce qu’il a expliqué à son supérieur hiérarchique, par courriel du 7 mai 2008.

La société Adrexo explique qu’elle a été contrainte de sanctionner le salarié pour non-respect des directives données malgré des relances de ses supérieurs hiérarchiques. Elle ajoute qu’à trois reprises, elle avait proposé à M. [V] de signer un avenant à son contrat de travail, ce qu’il avait refusé, notamment au début du mois de février 2008.

***

Un salarié doit exécuter les instructions reçues de son supérieur hiérarchique, quitte à les contester par les voies de droit qui lui sont ouvertes.

En l’espèce, M. [V] ne pouvait pas se contenter de refuser d’appliquer les directives qu’il avait reçues, même s’il entendait en contester le bien fondé.

En conséquence, il n’y a pas lieu d’annuler l’avertissement du 25 février 2008.

Sur la mise à pied du 21 mai 2008

Il a été reproché à M. [V] d’avoir, le 4 avril 2008, fait preuve d’insubordination en refusant de remettre à son supérieur hiérarchique, M. [P], les dossiers de clients qui ne lui appartenaient plus.

M. [V] conteste avoir eu à cette occasion un comportement agressif, expliquant son refus par le fait qu’il travaillait précisément à ce moment-là sur ce dossier qu’il souhaitait mettre à jour avant de le restituer.

La société Adrexo considère que la sanction était justifiée d’autant que M. [V] s’était montré agressif envers M. [P].

***

L’attitude de M. [V] qui a refusé de remettre à son supérieur hiérarchique, malgré la demande épistolaire précédente de celui-ci, un dossier qui ne lui appartenait pas constitue une faute, si bien qu’il n’y a pas lieu de déclarer nulle la mise à pied prononcée

Sur la prise d’acte de la rupture du contrat

La cour d’appel a jugé ci-avant que M. [V] a été l’objet d’une discrimination syndicale et a ainsi confirmé le jugement entrepris sur ce point.

Dès lors la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié est justifiée par l’existence d’un manquement grave de la société Adrexo ayant empêché la poursuite de la relation contractuelle.

Sur les demandes indemnitaires de M. [V]

Sur le rappel de commissions et les congés payés y afférents

Devant les premiers juges, M. [V] avait sollicité la somme de 18.000 euros au titre des commissions qu’il aurait dû percevoir en raison du retrait discriminatoire de ses clients.

Il a chiffré sa demande devant la cour à la somme de 35.616 euros, considérant qu’il aurait connu une perte mensuelle de 1.113 euros pendant 32 mois, non pas sur la base de l’avenant du 31 mars 2006 qu’il n’a pas signé, mais sur celui du 31 janvier 2005, qui serait seul applicable, en retenant un objectif de principe atteint de 100 % pour les primes relatives au chiffre d’affaires, au prix moyen de vente, et au titre des prospectus signés (à raison de 3 par mois pour cette dernière).

La société Adrexo s’oppose à cette demande faisant valoir que M. [V] n’a pas rempli ses objectifs, et qu’aux termes de ses calculs, il obtient une rémunération qu’il n’a jamais eue par le passé. Elle ajoute que la base de calcul est erronée car elle inclut des rappels de commissions injustifiées aboutissant à doubler sa rémunération moyenne réelle.

***

La cour constate que les parties n’ont pas jugé utile de communiquer l’ensemble des bulletins de salaire de M. [V], notamment antérieurement à son statut de salarié protégé.

En tenant compte des seuls bulletins de salaire communiqués, soit ceux de novembre 2008, décembre 2008, janvier 2009, février 2009, avril 2009, mai 2009, intitulés «bulletins de paie de M. [V] » (pièce n°1), celui d’octobre 2008 (pièce n° 66) et de ceux de décembre 2002, décembre 2003, décembre 2004, décembre 2005, et décembre 2006, M. [V] percevait en moyenne :

– 2002 : salaire annuel brut 26.974,18 : 12 = 2.247,84 – (salaire différencié : 82,68, + ancienneté : 59,66) – salaire fixe (1.243,63 euros) : 861,87 euros

– 2003 : salaire annuel brut 27.334,31 : 12 = 2.277,85 – ( salaire différencié : 82,68, + ancienneté : 65,08) – salaire fixe (1.243,63 euros) : 886,46 euros

– 2004 : salaire annuel brut : 32.872,04 : 12= 2.739,33 – (prime ancienneté :59,68) – salaire fixe : 1.326, 31= 1.353,34 euros

– 2005 : salaire annuel brut : 29.053 : 12 = 2.421,13 – (prime d’ancienneté : 118,29) – salaire fixe : 1.326,31= 976,53 euros

– 2006 : salaire annuel brut : 19.271,24 : 12 = 1.605,93 – (prime ancienneté : 124,10) -salaire fixe : 1.326, 31) : 155,52 .

En conséquence, la moyenne des commissions perçues par M. [V] avant l’année 2007 doit être fixée à la somme de 846,74 euros et il sera alloué à ce dernier la somme de 13.356 euros à titre de rappel et celle de 1.335,60 euros au titre des congés payés y afférents.

Sur le salaire mensuel moyen

M. [V] demande à la cour d’appel de fixer à la somme de 2.759,43 euros son salaire mensuel moyen.

Il indique en page 2 de ses écritures que son dernier salaire brut mensuel s’élevait, hors rémunération variable, à la somme de 1.468,81 euros. En page 69 de ces mêmes écritures, il prétend que son salaire brut moyen s’élèverait à la somme de 2.581,81 euros en additionnant à son salaire de base d’un montant de 1.326,31 euros, sa prime d’ancienneté d’un montant de 142,50 euros et ses commissions d’un montant de 1.113,00 euros (après avoir indiqué en page 68 de ces mêmes écritures que la moyenne de ces commissions s’élevait à la somme de 1.007,35 euros) quand la société Adrexo estime ce salaire à la somme de 1.646, 43 euros, sur la base des douze derniers mois, somme par ailleurs retenue par le conseil de prud’hommes dans son jugement du 29 avril 2014.

***

Le contrat de travail de M. [V] comportait une rémunération fixe et une rémunération variable.

La cour d’appel considère en outre que le salaire mensuel moyen ne peut être calculé pour la partie variable, sur la dernière année alors qu’elle a retenu que cette partie variable avait été affectée, au détriment du salarié, par une modification du secteur géographique et de la consistance du portefeuille client de M. [V].

L’appelante ne verse aux débats aucun élément tangible quant à la dernière rémunération du salarié.

L’intimé ne verse pour sa part que des éléments parcellaires (ses pièces 1, 66, et 109).

En conséquence, la cour retiendra au titre des salaires de M. [V], une partie fixe de 1.468,81 euros, et une partie variable, sur la foi des résultats de l’année 2005 de 976,53 euros, soit un revenu brut moyen de 2.445,34 euros.

Sur l’indemnisation de M. [V] à la suite de l’annulation de l’avertissement du 25 juin 2007

La cour a annulé le seul avertissement du 25 juin 2007.

M. [V] qui a ainsi été sanctionné pour des faits qui ne pouvaient recevoir une sanction disciplinaire a connu un préjudice qu’il convient d’indemniser en lui allouant la somme de 150 euros à titre de dommages intérêts.

Sur l’indemnisation au titre de la violation du statut protecteur

Aux termes des articles L 2411-1 et suivants du code du travail, applicables au litige, et des articles L 2411-3 et L 2142-1-2 du même code, que le représentant de section syndicale qui ne demande pas la poursuite du contrat de travail illégalement rompu a droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu’il aurait perçue depuis son éviction jusqu’à l’expiration de la période de protection dans la limite de 30 mois, durée de la protection minimale légale du mandat des représentants élus du personnel augmenté de six mois. Par ailleurs, le mandat de délégué syndical prend fin lors du renouvellement des institutions représentatives dans l’entreprise

La société se limite à conclure au rejet de la demande à ce titre, incluant des rappels de commissions injustifiées.

M. [V] a été désigné délégué de section syndicale le 22 février 2007 (pièce n°2 de l’intimé). Son contrat a été rompu le 7 mai 2009.

Le premier tour des élections professionnelles ayant suivi la rupture a été organisé le 19 novembre 2010 en sorte que la période de protection a expiré le 19 mai 2011.

Il convient donc de fixer l’indemnité due à la somme de 60.466,59 euros.

Sur l’indemnisation au titre de la discrimination syndicale

Dans le dispositif de ses écritures, cette demande n’est pas expressément reprise par M. [V] qui sollicite ‘la confirmation du jugement pour le surplus’.

La société Adrexo sollicite la réformation de la décision déférée en ce qu’elle a alloué à M. [V] la somme de 27.000 euros, condamnation qui ne figure pas au dispositif du jugement.

Au regard des éléments ci-avant retenus par la cour, il sera alloué à M. [V] la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts , l’existence d’un préjudice supérieur n’étant pas établi.

Sur les demandes au titre de la rupture du contrat

Sur l’indemnité au titre du préavis et les congés payés y afférents

En application de l’article 16 de la convention collective applicable, M. [V] avait droit à deux mois de préavis, ce qui représente la somme de 2.445,34 euros x 2 mois soit la somme de 4.890.68 euros outre celle de 489,07 euros au titre des congés payés y afférents.

Sur l’indemnité conventionnelle de licenciement

L’article 16.1 de la convention collective dispose que les salariés ayant une ancienneté d’au moins un an dans l’entreprise ont droit à une indemnité de licenciement représentant 20 % de la moyenne mensuelle des trois dernières rémunérations mensuelles perçues par lui ou de la moyenne de sa rémunération mensuelle rapportée sur les 12 derniers mois par année complète de présence jusqu’à cinq ans d’ancienneté, outre 25 % pour chaque année comprise entre 5 et 10 ans, et 30 % par année au-delà de 10 ans d’ancienneté.

Au jour de la rupture de son contrat de travail, l’intimé avait une ancienneté de 17 ans et 11 mois soit, augmentée de la durée du préavis, 18 ans et 1 mois.

En conséquence, l’indemnité conventionnelle de licenciement doit être fixée à la somme de 11.432 euros.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement nul

M. [V] sollicite la confirmation de la condamnation prononcée par le jugement déféré à hauteur de 20.000 euros.

La société Adrexo sollicite le débouté de M. [V] à ce titre.

***

Aucune explication ni pièce ne sont fournies quant à la situation du salarié après la prise d’acte de la rupture de son contrat.

Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [V], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 15.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, étant relevé que les dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail ne sont pas applicables au litige, s’agissant d’une prise d’acte produisant les effets d’un licenciement datée du 27 avril 2009.

Sur les autres demandes

Il sera ordonné à la société Adrexo de délivrer à M. [V] un bulletin de salaire récapitulatif, un solde de tout compte, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés en considération des condamnations prononcées par le présent arrêt et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision.

Il n’y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

La société Adrexo, partie perdante à l’instance et en son recours, sera condamnée aux dépens ainsi qu’à verser à M. [V], la somme complémentaire de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles qu’il a dû exposer en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a jugé que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de M. [K] [V] produit les effets d’un licenciement nul comme étant justifiée par des faits de discrimination syndicale et en ce qu’il a condamné la société Adrexo à verser à M. [K] [V] la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

REFORME le jugement déféré pour le surplus et statuant à nouveau,

CONDAMNE la SAS Adrexo à payer à M. [K] [V] les sommes suivantes :

– 150 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l’annulation de l’avertissement du 25 juin 2007,

– 13.356 euros à titre de rappel de commissions outre 1.335,60 euros au titre des congés payés afférents,

– 4.890,68 euros à titre d’indemnité de préavis outre 489,07 euros pour les congés payés afférents,

– 11.432 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 60.466,59 euros à titre d’indemnité pour violation du statut protecteur,

– 3.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la discrimination syndicale subie,

– 15.000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement nul,

– 1.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,

RAPPELLE que les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le conseil de prud’hommes et qu les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant,

ORDONNE à la société Adrexo de délivrer à M. [V] un bulletin de salaire récapitulatif, un solde de tout compte, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés en considération des condamnations prononcées par le présent arrêt et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision,

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE la SAS Adrexo aux dépens dont distraction au profit de Me Burucoa, avocat à Bordeaux.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard

 


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