SOC.
HA
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er février 2023
Rejet non spécialement motivé
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10050 F
Pourvoi n° U 21-21.882
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER FÉVRIER 2023
Mme [H] [E] épouse [R], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 21-21.882 contre l’arrêt rendu le 30 juin 2021 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l’opposant à la société [F] avocats, société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [R], de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société [F] avocats, après débats en l’audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [R] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme [R]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Madame [H] [E], épouse [R], reproche à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le jugement entrepris et d’avoir par conséquent rejeté sa demande de nullité de l’avertissement du 16 novembre 2017 et sa demande en paiement de dommages et intérêts pour sanction nulle ;
1° ALORS QU’il appartient, en cas de contestation d’une sanction disciplinaire, à l’employeur de fournir au juge les éléments retenus pour prendre la sanction ; qu’en énonçant, pour dire que l’avertissement du 16 novembre 2017 était justifié, que « l’employeur produisait divers éléments (pièces n° 16 à 22) retraçant un retour défavorable du tribunal de commerce de Lisieux, des échanges de courriels entre la salariée et Madame [C] et des lettres adressées à diverses sociétés qui retraçaient les manquements reprochés » quand la lecture des pièces relatives à un retour défavorable du tribunal de commerce de Lisieux ne permettait pas d’identifier le dossier concerné et de justifier que Madame [E] avait ce dossier en charge, de sorte que le document manquant ne pouvait être imputé à sa responsabilité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1333-1 du code du travail ;
2° ALORS QU’il appartient, en cas de contestation d’une sanction disciplinaire à l’employeur de fournir au juge les éléments retenus pour prendre la sanction ; qu’en énonçant, pour dire que l’avertissement du 16 novembre 2017 était justifié, que « l’employeur produisait divers éléments (pièces n° 16 à 22) retraçant un retour défavorable du tribunal de commerce de Lisieux, des échanges de courriels entre la salariée » quand la lecture des pièces relatives à un retour défavorable du tribunal de commerce de Lisieux, qui étaient datées du 20 novembre 2017, démontrait qu’elles ne pouvaient avoir présidé à l’avertissement infligé du 16 novembre 2017, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1333-1 du code du travail ;
3° ALORS QU’il appartient, en cas de contestation d’une sanction disciplinaire à l’employeur, de fournir au juge les éléments retenus pour prendre la sanction ; qu’en énonçant, pour dire que l’avertissement du 16 novembre 2017 était justifié, que « l’employeur produisait divers éléments (pièces n° 16 à 22) retraçant un retour défavorable du tribunal de commerce de Lisieux », sans rechercher, comme elle y était invitée, si l’avertissement du 16 novembre 2017, qui était principalement fondé sur un courrier du greffe en date du 20 novembre 2017, permettait d’établir la réalité du manquement sanctionné dans la mesure où l’employeur ne pouvait pas lui reprocher par lettre du 16 novembre un fait dont il avait eu connaissance postérieurement à la lettre d’avertissement, soit après le 20 novembre 2017 (cf. prod n° 3, p. 9 § 1er et 7), la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1333-1 du code du travail ;
4° ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que par des écritures demeurées sans réponse, Madame [E] faisait valoir qu’elle « verse un mail du 3 novembre 2017, adressé à Madame [C], dans lequel elle précise qu’elle a bien rédigé les actes de sa société selon les statuts que cette dernière lui avaient remis. De sorte que si une erreur avait été relevée, celle-ci était due au fait que les statuts fournis n’étaient pas à jour. Pour preuve, par retour de mail, Mme [C] s’excusait au motif que Mme [E] avait « parfaitement raison » et reconnaissait qu’elle ne lui avait pas adressé les documents nécessaires et adéquats. (pièce 15 et pièce adverse 18). Le cabinet [F] produit en outre un autre échange de mails en date du 8 décembre 2017, dans lequel Mme [C] remercie Mme [E]. (pièce adverse 29). Elle lui témoigne, en outre, sa confiance, en lui précisant qu’elle compte revenir vers elle dès qu’elle aura pu remettre de l’ordre dans ses dossiers aux fins d’archivage. (pièce adverse 29). Cet échange est en parfaite contradiction avec la lettre adressée 4 jours plus tard, soit le 12 décembre 2017, au cabinet [F], dans laquelle elle se plaint d’un prétendu comportement déplacé de la part de Mme [E]. (pièce adverse 30). Les propos pour le moins contradictoires de Mme [C] sont de nature à jeter un doute sur leur véracité, doute de nature à profiter à Mme [E], conformément à l’article L. 1333-1 du code du travail » (cf. prod n° 3, p. 10 § 1er à 6) ; qu’en retenant néanmoins que l’employeur établissait des éléments de nature à justifier l’avertissement notamment par la production d’échanges de courriels avec Madame [C] sans même s’expliquer sur le moyen déterminant développé par la salariée, la cour d’appel a privé sa décision de motifs en violation de l’article 455 du code de procédure civile ;
5° ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que, par des écritures demeurées sans réponse, Madame [E] faisait valoir que « pour une parfaite information de la Cour, les pièces versées au débat par Mme [E] démontrent qu’elle n’adressait jamais un dossier au greffe sans l’avoir préalablement soumis à la validation de M. [F] » (cf. prod n° 3, p. 10 § 9) ; qu’en ne répondant pas à ce moyen péremptoire, la cour d’appel a privé sa décision de motifs en violation de l’article 455 du code de procédure civile
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
Madame [H] [E], épouse [R], reproche à l’arrêt attaqué d’avoir infirmé le jugement entrepris et de l’avoir, par conséquent, déboutée de sa demande en paiement d’un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires ;
1° ALORS QU’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu’après avoir rappelé que la salariée fournissait un décompte précis des heures supplémentaires revendiquées, la cour d’appel a énoncé que « L’employeur indique qu’il n’a jamais demandé à la salariée d’accomplir ces heures et se reporte à diverses attestations pour soutenir que la salariée n’a jamais respecté les heures de travail mentionnées au contrat de travail, travaillant moins que ce qui était prévu. Ces attestations (pièces n° 34 à 37, 40 et 41) indiquent que la salariée quittait le lieu de travail vers 16 heures 45 ou 17 heures au plus tard et Madame [D] affirme que la salariée n’a jamais effectué d’heures supplémentaires et qu’elle ne partait jamais après 17 heures. Il résulte des éléments produits par l’employeur et contredisant les décomptes communiqués, que la demande de paiement de rappel d’heures supplémentaires sera rejetée » ; qu’en statuant ainsi, quand il ressortait de ses propres constatations, d’une part, que la salariée avait présenté à l’appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle prétendait avoir accomplies afin de permettre à l’employeur d’y répondre, et d’autre part, que celui-ci n’avait fourni aucun élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par la salariée, la cour d’appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé l’article L. 3171-4 du code du travail.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
Madame [H] [E], épouse [R], reproche à l’arrêt attaqué d’avoir infirmé le jugement entrepris et d’avoir, par conséquent, dit que son licenciement reposait sur une faute grave et de l’avoir déboutée de ses demandes indemnitaires et salariales subséquentes ;
1° ALORS QU’il appartient à l’employeur de rapporter la preuve de la faute grave qu’il impute au salarié ; qu’en retenant que l’employeur rapportait la preuve de la faute grave imputée à la salariée en ce qu’elle n’aurait pas respecté les horaires de travail sans rechercher, comme elle y était invitée, s’il « ne résulte d’aucun élément versé aux débats que le Cabinet [F] ait eu à se plaindre de retards ou de pauses-déjeuners trop longues, étant fait observer à la Cour que les bulletins de salaire de Mme [E] ne font état d’aucune retenue sur salaire et qu’aucun reproche n’a jamais été fait à Mme [E] quant à un prétendu non-respect de ses horaires de travail : pas le moindre mail, pas l’ombre d’une preuve matérielle d’un quelconque rappel au respect de ses horaires » (cf. prod n° 3 p. 13 § dernier), la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1225-4 et L. 1232-1, L. 1234- 1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
2° ALORS QU’il appartient aux juges du fond de se livrer à une appréciation in concreto du fait tenu pour fautif, en tenant compte du contexte, mais également de l’ensemble des circonstances propres à l’espèce, qui seraient de nature à atténuer la gravité des faits reprochés à l’intéressé ; que Madame [E] faisait valoir qu’elle « verse au débat la copie de son agenda dans lequel elle mentionne les heures suppleìmentaires qu’elle a effectuées et qui indique qu’elle terminait régulièrement sa journée à 19h00 (pièce 18). Elle produit également un mail professionnel en date du 30 novembre 2017, indiquant qu’il a étéì envoyé à 17h12, ce qui contredit l’ensemble des attestations sus-visées affirmant que Mme [E] quittait ses fonctions à 16h45 (pièce 25). Enfin, le contrat de travail de Madame [E] indique les horaires de travail suivants :8h45- 12h00 et 14h00-18h00. Or, Mme [E] démontre qu’elle commençait souvent son travail une demi-heure voire trois quarts d’heure avant l’horaire indiqué. (pièce 16) » (cf. conclusions d’appel p. 15) ; qu’en estimant que la salariée avait commis une faute grave sans même prendre en compte ces circonstances dénoncées par la salariée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1225-4 et L. 1232-1, L. 1234- 1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
3° ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que par des écritures demeurées sans réponse, Mme [E] faisait valoir concernant les dossiers [I] et [P] que « La société ne démontre nullement que sa salariée avait engagé des discussions avec ce client sans convenir des honoraires. Aucun élément n’est produit à l’appui de cette affirmation purement gratuite. Quant au conseil donné par Mme [E], le cabinet [F] produit l’attestation du client, qui n’est autre qu’un ami de M. [F], lequel affirme que cette dernière aurait préconisé une SARL, alors que M. [F] a conseillé la constitution d’une SAS. (pièce adverse 39). Nonobstant, il ne saurait être reproché à Mme [E] d’avoir conseillé la constitution d’une SARL plutôt que la SAS finalement prescrite par M. [F]. En effet, en tant que juriste, elle est susceptible d’avoir un avis différent de celui de son employeur, sans pour autant que cela ne constitue une faute. Au demeurant, le Cabinet [F] ne démontre aucunement en quoi le conseil de créer une SARL plutôt qu’une SAS constituait alors une faute. Il sera rappelé qu’en tant qu’associé, il revient à M. [F] de définir et trancher les choix stratégiques, ses décisions s’imposant à sa salariée, Mme [E]. Le cabinet [F] reproche en outre à Mme [E] de ne pas lui avoir parlé de ce dossier. Pourtant, il ne justifie aucunement de ce reproche que celle-ci conteste entièrement. Au contraire, elle démontre qu’elle rendait compte systématiquement à M. [F] de ses rendez-vous et échanges avec les clients du cabinet. A cet égard, Mme [E] verse aux débats des éléments qui en attestent et démontrent également que M. [F] effaçait régulièrement les mails de Mme [E] sans les lire (pièces 22 à 24). Dans ces conditions, M. [F] ne saurait valablement lui reprocher de ne pas communiquer avec lui sur les dossiers, alors même qu’il ne prend pas le temps de lire les informations qu’elle lui adresse » (cf. prod n° 3 p. 18) ; qu’en ne s’expliquant pas sur ce moyen, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
4 ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que par des écritures demeurées sans réponse, Mme [E] faisait valoir qu’« En outre, dans un courrier au Bâtonnier du barreau de Compiègne, voisin et locataire de M. [F], M. [O] reproche à Mme [E] d’avoir pénétré dans son bureau, et fouillé dans ses tiroirs et son armoire, sans pour autant avoir été présent et témoin de ces prétendus faits (pièce adverse 13). Dès lors, sa description des prétendus agissements de Mme [E] ne peut que lui avoir été dictée par M. [F] lui-même » (cf. prod n° 3, p. 21 § 8 et 9) ; qu’en omettant de répondre à ce moyen, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procedure civile.