La S.A.R.L FTPH, spécialisée dans le terrassement, a commandé des marchandises à la S.A.S. Frans Bonhomme pour un montant de 57’086,69 euros, nécessaires à un marché public. Les livraisons se sont faites entre le 12 et le 28 novembre 2019. FTPH a contesté le montant des factures, arguant d’un retard de livraison, et a refusé un avoir proposé par Frans Bonhomme. Cette dernière a assigné FTPH en paiement, et le tribunal a reconnu une créance de 41’372,48 euros en faveur de Frans Bonhomme, tout en rejetant les demandes de pénalités et d’intérêts. FTPH a interjeté appel, demandant la reconnaissance de son préjudice lié aux retards. Frans Bonhomme a également formé un appel incident, réclamant des sommes supplémentaires. La cour a finalement confirmé partiellement le jugement initial, condamnant FTPH à payer 25’503,43 euros à Frans Bonhomme, avec des intérêts, et a décidé que chaque partie supporterait ses propres dépens d’appel.
|
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 8 OCTOBRE 2024
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 22/06322 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PUVI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 07 NOVEMBRE 2022
TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER
N° RG 2021 006265
APPELANTE :
S.A.R.L. FTPH prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Mickaël POILPRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
Représentée par Me Maïthe SAIMBUIS, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant
INTIMEE :
S.A.S. FRANS BONHOMME prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Denis BERTRAND, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 13 Août 2024
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 SEPTEMBRE 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre
M. Thibault GRAFFIN, conseiller
M. Fabrice VETU, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Audrey VALERO, greffière.
La S.A.R.L FTPH exerce une activité de terrassement, et la S.A.S. Frans Bonhomme celle de distributeur pour les professionnels du bâtiment et des travails publics.
Le 7 novembre 2019, la société FTPH a commandé à la société Frans Bonhomme des marchandises nécessaires à l’exécution d’un marché qu’elle avait obtenu sur la commune de [Localité 4] pour un prix de 57’086,69 euros.
Les matériaux commandés ont été livrés de façon échelonnée entre le 12 et le 28 novembre 2019.
Estimant que la société Frans Bonhomme devait lui livrer l’intégralité de la marchandise le 12 novembre 2019 comme elle estimait en avoir convenu avec elle, la société FTPH a fait valoir un préjudice résultant d’un retard de livraison des matériaux et a contesté le montant des factures réclamées par la société Frans Bonhomme.
Le 12 février 2021, la société Frans Bonhomme a proposé «’à titre commercial’» à la société FTPH un avoir de 18’000 euros que cette dernière a refusé.
La société Frans Bonhomme a ensuite vainement réclamé le 26 mars 2021 le paiement par la société FTPH de la somme de 59’942,96 euros correspondant au bon de commande.
Par exploit d’huissier du 10 mai 2021, la société Frans Bonhomme a assigné société FTPH en paiement devant le tribunal de commerce de Montpellier qui, par jugement contradictoire du 7 novembre 2022, a’:
– établit la créance de la société Frans Bonhomme à 41’372,48 euros ;
– condamné la société FTPH à payer la somme de 41’372,48 euros à la société Frans Bonhomme ;
– rejeté les demandes de la société Frans Bonhomme portant sur l’application de la clause pénale et des intérêts de retard comme infondées et injustifiées;
– rejeté les demandes reconventionnelles de la société FTPH comme infondées et injustifiées ;
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit’;
– et condamné la société FTPH à payer à la société Frans Bonhomme la somme de 1’500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par déclaration du 16 décembre 2022, la société FTPH a relevé appel limité de ce jugement quant à son exception d’inexécution et sa demande de réparation du fait des retards de livraison.
Par conclusions du 22 décembre 2023, elle demande à la cour, au visa des articles 1103, 1231-1 et suivants, 1347 et 1383 et suivants du code civil, de l’article L. 441-10 du code de commerce et des articles 564 et suivants du code de procédure civile, de :
– rejeter l’appel incident de la société Frans Bonhomme comme étant irrecevable et infondé ;
– confirmer au contraire partiellement le jugement entrepris en ce qu’il a fixé et limité le quantum de la créance de cette dernière à 41’372,48 euros (sauf à parfaire des règlements intervenus depuis) et rejeté ses autres demandes, y compris de clause pénale et de pénalités de retard ;
– déclarer, en revanche, recevable et bien fondé, l’appel principal qu’elle a interjeté ;
ce faisant
– reformer et infirmer partiellement le jugement attaqué en ce qu’il l’a condamné à payer à la société Frans Bonhomme les sommes de 41’372,48 euros au titre du solde du prix de ses marchandises, la somme de 1’500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens et a rejeté ses demandes reconventionnelles sur le fondement de l’exception d’inexécution et à titre indemnitaire comme infondées et injustifiées ;
statuant à nouveau
– condamner la société Frans Bonhomme à réparer le préjudice qu’elle a subi du fait de sa mauvaise exécution contractuelle, en particulier de ses retards de livraison, et à lui payer la somme de 41 372,48 euros à titre d’indemnité ;
à titre subsidiaire et si par exceptionnel la cour devait limiter la réalité du montant de son préjudice
– condamner la société Frans Bonhomme au paiement d’une indemnité qui ne saurait être moindre que celle déjà offerte par l’intimée à titre de réduction de prix, soit 18’000 euros ;
en tout état de cause
– ordonner la compensation, à due proportion, des sommes respectivement dues entre les parties dans le cadre des comptes à faire suite à l’arrêt d’appel’;
– et condamner la société Frans Bonhomme à lui verser la somme de 5’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Elle expose principalement au soutien de son appel que :
– l’ensemble des pièces qu’elle verse aux débats démontre clairement que la société Frans Bonhomme s’était engagée à livrer tous les matériaux commandés le 12 novembre suivant’;
– or, cette dernière n’a pas respecté ce délai, de sorte qu’elle est parfaitement en droit d’obtenir en indemnisation de son préjudice, soit la somme de 41’372,48 euros qui correspond aux frais engendrés par les retards de livraisons (salaires, immobilisations des engins’)’;
– par ailleurs, la société Frans Bonhomme ne saurait solliciter le paiement de fournitures qui ne sont pas mentionnées au bon de commande’;
– la société Frans Bonhomme ne peut pas non plus réclamer des pénalités de retard ainsi qu’une clause pénale mentionnées aux conditions générales de vente dont elle ne rapporte pas la preuve qu’elles ont été acceptées par elle et qui ne sont en tout état de cause pas mentionnées au bon de commande’;
– en outre, la demande de condamnation aux intérêts au taux de la BCE majorée de 10 points formée pour la première fois en cause d’appel est irrecevable comme étant nouvelle.
Par conclusions du 7 août 2024, formant appel incident, la société Frans Bonhomme demande à la cour de’:
– repousser toutes conclusions contraires comme injustes et en tout cas mal fondées’;
– rejeter toutes les prétentions de la société FTPH et la débouter de ses demandes reconventionnelles en rejetant son appel comme infondé’;
– faire droit à l’appel incident qu’elle a formé par les présentes écritures’;
– réformer et infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a limité la condamnation prononcée à la somme de 41’372,48 euros et qu’il ne l’assortit ni d’intérêts, ni de pénalités de retard, ni de clause pénale’;
en conséquence
– condamner la société FTPH à lui payer la somme principale de 43’503,43 euros, des intérêts sur cette somme au taux de 15 % l’an à compter de l’échéance respective des factures, la somme de 5’994,29 euros à titre de clause pénale contractuelle de 10 %, la somme de 3’500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel’;
subsidiairement, pour le cas impossible où la cour ne retiendrait pas les intérêts au taux contractuel de 15 % l’an à ceux prévus par l’article L.441-10 du code de commerce prononcer condamnation au taux de la Banque Centrale Européenne majoré de 10 points de pourcentage à compter de l’échéance respective des factures.
Elle fait valoir pour l’essentiel que :
– avant l’existence du présent litige et en règlement de ses factures, la société FTPH lui avait réglé une somme de 16’439,53 euros de sorte que compte tenu des commandes passées par l’intermédiaire du bon du 7 novembre 2019 et des commandes ultérieures, cette dernière lui est redevable d’une somme de 43’503,43 euros ;
– par ailleurs, la société FTPH ne rapporte nullement la preuve qu’elle s’était engagée fermement à livrer l’intégralité de la commande le 12 novembre 2019;
– la commande de 256 m linéaires de canalisations a été passée le 7 novembre 2019 à 15h24 pour une livraison le 11 novembre qui s’avérait être un jour férié’;
– compte tenu de l’ampleur de la commande et du fait qu’elle ne disposait pas de la totalité de la marchandise dans ses stocks, il est évident que la livraison devait être échelonnée’;
– surtout, elle ne s’est jamais engagée à livrer la société FTPH pour le 11 ou le 12 novembre 2019′;
– dans tous les cas, la société FTPH ne justifie nullement de la réalité d’un préjudice du fait du retard de livraison allégué ;
– compte tenu des relations de commerce anciennes entre les deux sociétés, la société FTPH ne pouvait ignorer le contenu de ses conditions générales.
L’ordonnance de clôture est datée du 13 août 2024.
Sur les délais de livraison
La société FTPH sollicite l’octroi de dommages-intérêts en réparation de son préjudice né des retards de livraison des marchandises commandées à la société Frans Bonhomme, alors que cette dernière conteste l’existence de tout engagement sur une date de livraison et qu’elle soutient de surcroît que la société FTPH ne peut utilement solliciter aucune indemnisation au titre d’un prétendu retard de livraison, dans la mesure où ses conditions générales de vente prohibent toutes indemnisations liées à des retards (chapitre 6).
Selon les dispositions de l’article 1119 du code civil, les conditions générales invoquées par une partie n’ont d’effet à l’égard de l’autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées.
En l’espèce, il convient de constater que la société Frans Bonhomme ne justifie pas de l’acceptation par la société FTPH, au moment de la formation du contrat, de ses conditions générales de vente, celles-ci n’étant annexées à aucun document.
En outre, elle ne saurait se prévaloir d’une acceptation expresse desdites conditions générales au moment tardif de la livraison, les conditions générales étant mentionnées de surcroît sur les bons de manière illisible, ni non plus d’une acceptation tacite du fait de relations d’affaires préalables récentes (celles-ci datant seulement de l’année 2018).
Par ailleurs, si le bon de commande du 8 novembre 2019 transmis par la société FTPH à la société Frans Bonhomme, qui récapitule l’ensemble des marchandises commandées pour le chantier pour un montant de 47’572,24 euros, ne mentionne pas de délai de livraison, il résulte cependant notamment des bons de préparation établis par la société Frans Bonhomme elle-même (qui mentionnent «’à livrer impérativement le 12 novembre 2019’»), mais aussi des échanges de courriels entre les deux sociétés (courriel du 8 novembre 2019 : «’confirme-moi bien la livraison pour mardi svp’») et de SMS (SMS du 8 novembre 2019′: «’n’oublie pas le plyval svp mardi’») que la commande avait effectivement été validée par la société Frans Bonhomme avec une date de livraison au 12 novembre 2019.
Les échanges de SMS entre les deux sociétés à partir du 12 novembre 2019 démontrent également que les parties sont convenues d’une livraison à cette dernière date que le représentant de la société Frans Bonhomme s’efforçait vainement de satisfaire, alors qu’en réalité les livraisons se dérouleront jusqu’au 28 novembre 2019, conduisant la société Frans Bonhomme à proposer à la société FTPH «’à titre commercial exceptionnel, sans aucune reconnaissance de responsabilité (‘)’un avoir de 15’000 euros HT en résolution définitive du litige chantier [Localité 4]’», soit une somme importante au regard du montant total des marchandises commandées.
Il en résulte que la société Frans Bonhomme a manqué à son obligation de délivrance dans les délais prévus contractuellement, de sorte que le jugement sera réformé de ce chef.
Au titre de l’indemnisation de son préjudice lié à ce retard, si la société FTPH détaille le coût qu’elle considère être de celui-ci, elle ne justifie cependant pas d’un arrêt total de son chantier, alors qu’elle sollicite l’intégralité du coût en main-d »uvre et en matériels de son chantier, outre les frais généraux, pendant 10 jours, étant notamment constaté que dans un SMS du 18 novembre 2019, son préposé indiquait, «’j’ai mon chantier qui ne tourne qu’à moitié, voire à l’arrêt’». L’arrêt total du chantier pendant une période de 10 jours n’est pas établi.
Le préjudice de la société FTPH sera intégralement réparé par l’octroi de la somme totale de 18’000 euros, à laquelle la société Frans Bonhomme sera condamnée.
Sur la clause pénale et les pénalités de retard sollicitées par la société Frans Bonhomme
Ces demandes formulées pour la première fois en cause d’appel ne sont pas nouvelles au sens des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile puisqu’étant accessoires aux demandes initiales.
Toutefois, ces demandes, fondées sur des conditions générales de vente dont il a été dit supra qu’elles n’avaient pas été portées à la connaissance ou acceptées par la société FTPH, ne peuvent qu’être rejetées.
Sur le montant des sommes dues
Il est constant qu’un règlement a été opéré par la société FTPH le 29 juillet 2021 pour un montant de 16’430,53 euros.
Le bon de commande initial est d’un montant de 57’086,69 euros TTC.
La société FTPH admet le bien-fondé d’un autre bon de commande d’un montant de 725,42 euros TTC, mais conteste la somme de 2 130,85 euros sollicitée par la société Frans Bonhomme au titre d’autres bons de commande.
Cependant, la société Frans Bonhomme verse aux débats des bons de commande et des bons de livraison signés par l’un des préposés de la société FTPH.
Le montant restant dû par la société FTPH est en conséquence de 43’503,43 euros (59’933,96 – 16’430,53).
En définitive, la société FTPH sera condamnée à payer à la société Frans Bonhomme la somme de 25’503,43 euros (43’503,43 – 18’000), qui sera assortie des intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de 10 points de pourcentage à compter du 19 mars 2021, date de la mise en demeure, étant en outre précisé que cette demande n’est pas une demande nouvelle.
Le jugement sera réformé en ce sens.
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a condamné la S.A.R.L FTPH à payer la somme de 41’372,48 euros à la S.A.R.L Frans Bonhomme,
Statuant à nouveau de ce chef,
Condamne la S.A.R.L FTPH à payer à la S.A.R.L Frans Bonhomme la somme de 25’503,43 euros, assortie des intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de 10 points de pourcentage à compter du 19 mars 2021 à compter du 19 mars 2021,
Dit que chacune des parties supportera ses propres dépens d’appel,
Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
le greffier, la présidente,