Restitution d’un Cautionnement : Obligation de Justification et Calcul des Intérêts

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Restitution d’un Cautionnement : Obligation de Justification et Calcul des Intérêts

Le 21 janvier 2021, la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS a informé Madame [E] [U] de la possibilité de récupérer une somme d’argent consignée depuis 1991. Madame [U] a demandé cette déconsignation par courrier le 10 février 2021. Le 19 février 2021, la CAISSE a précisé le montant consigné et demandé des documents. Après avoir contacté divers services du Parquet sans réponse, Madame [U] a relancé la CAISSE par courriel le 3 décembre 2021, demandant la restitution de la somme. La CAISSE a refusé par courrier le 8 décembre 2021. Madame [U] a mis en demeure la CAISSE via son avocat le 24 septembre 2022, puis l’a assignée en justice. La CAISSE a soulevé une prescription, mais le juge a déclaré l’action recevable le 14 mars 2024. Madame [U] a demandé au tribunal la déconsignation et des indemnités, tandis que la CAISSE a demandé le rejet des demandes de Madame [U] et, subsidiairement, une restitution limitée. Le tribunal a rendu son jugement le 10 octobre 2024, ordonnant la déconsignation et condamnant la CAISSE à verser 3.894,92€ à Madame [U], tout en déboutant les autres demandes.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG
23/10408
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

à
Me MAGUET
Me THOMAT

9ème chambre 3ème section

N° RG 23/10408
N° Portalis 352J-W-B7H-C2NEG

N° MINUTE : 4

Assignation du :
26 Juillet 2023

JUGEMENT
rendu le 10 Octobre 2024
DEMANDERESSE

Madame [E] [U]
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Maître Crystal MAGUET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B1211 et Maître Yoann SIBILLE, avocat au barreau de Versailles, avocat plaidant

DÉFENDERESSE

CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Maître Delphine THOMAT de la SELARL DTH Avocats, avocats au barreau de PARIS,vestiaire #A0598

Décision du 10 Octobre 2024
9ème chambre 3ème section
N° RG 23/10408 – N° Portalis 352J-W-B7H-C2NEG

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Béatrice CHARLIER-BONATTI, Vice-président, statuant en juge unique, assistée de Chloé DOS SANTOS, Greffière.

DÉBATS

A l’audience du 29 Août 2024 tenue en audience publique avis a été donné aux avocats des parties que la décision serait rendue le 10 Octobre 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Le 21 janvier 2021, la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS a adressé un courrier à Madame [E] [U] pour l’informer qu’elle pouvait, en prenant contact par écrit avec eux, récupérer une somme d’argent qui avait été consignée en 1991.

Madame [U] a adressé un courrier en date du 10 février 2021 pour solliciter cette déconsignation.

La CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS a alors adressé à Madame [U] le 19 février 2021 un courrier pour lui préciser la somme consignée, mais également pour solliciter la communication de certains documents.

Madame [U] a fait la démarche de contacter différents services du Parquet pour obtenir les documents et informations demandés. Aucune réponse ne lui a été adressée.

Le 3 décembre 2021, Madame [U] a adressé à la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS un courriel pour lui faire part des difficultés rencontrées. Elle demandait de lui restituer la somme consignée.

Par courrier en date du 8 décembre 2021, la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS a refusé de restituer la somme.

Madame [U] a mis en demeure la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, par le biais d’un courrier de son avocat le 24 septembre 2022.
Puis Madame [U] a assigné la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS.

La CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS a déposé des conclusions d’incident devant le juge de la mise en état afin de soulever l’existence d’une prescription.

Par une ordonnance rendue le 14 mars 2024, le juge de la mise en état a décidé que l’action à l’égard de la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS n’était pas prescrite et que Madame [U] était parfaitement recevable en ses demandes.

Par conclusions en date du 24 avril 2024, Madame [U] demande au tribunal de:
“- ORDONNER la déconsignation de la somme versée par Madame [U] en 1991 ;
– CONDAMNER la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS à verser à Madame [U] la somme de 12.598,83 euros (à parfaire) ;
– CONDAMNER la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS à verser à Madame [U] une somme de 615 euros à titre de dommages et intérêts ;
– CONDAMNER la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS à payer à Madame [U] la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– DEBOUTER la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS de ses demandes reconventionnelles ;
– CONDAMNER la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS aux dépens.”

Par conclusions en date du 29 avril 2024, la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS demande au tribunal de :
“- Recevoir la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS en ses conclusions et l’y dire bien fondée ;
– Débouter Madame [E] [U] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

Subsidiairement, si par extraordinaire le Tribunal de céans devait faire droit à la demande de restitution de Mme [U], allouer à Mme [U] une somme n’excédant pas 3.894,92€, et la débouter du surplus de ses demandes ;
– Condamner Madame [E] [U] à payer à la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS la somme de 3.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens ;
– Si par extraordinaire le Tribunal de céans devait faire droit à tout ou partie des demandes de Madame [E] [U], écarter l’exécution provisoire”.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées pour l’exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 13 juin 2024 avec fixation à l’audience de plaidoirie du 29 aout 2024. L’affaire a été mise en délibéré au 10 octobre 2024.

SUR CE

I. Sur la restitution

Selon l’article 1353 du code civil : « celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ».

La CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, qui prétend être libérée de son obligation de restitution du cautionnement, doit justifier l’existence du fait qui aurait produit l’extinction de son obligation de restitution.

C’est au dépositaire d’établir que la somme séquestrée l’est de manière justifiée et de prouver le fait qui a produit l’extinction de son obligation de restitution. A défaut, le dépositaire est tenu à l’obligation de restitution.

Aux termes de l’article 142 du code de procédure pénale, un cautionnement a pour objet de garantir d’une part la représentation de la personne à tous les actes du contrôle judiciaire et d’autre part la couverture des potentiels dommages et intérêts pour les parties civiles.
Un cautionnement n’étant pas une amende, il a vocation à être restitué. Seuls le non-respect des obligations du contrôle judiciaire ou une demande d’indemnisation par une partie civile peuvent justifier la non-restitution totale ou partielle.

Au cas présent, la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS n’établit aucunement que Madame [U] n’aurait pas respecté les obligations de son contrôle judiciaire.

Par suite, le cautionnement doit être restitué dès lors que le mis en examen a satisfait aux obligations du contrôle judiciaire.

Mme [U] réclame la restitution de la somme de 12.302 € laquelle serait constituée du principal de 36.000 francs qui devrait, selon elle, être , en application de l’article R. 23-4 du code de procédure pénale majorée des intérêts légaux, ce qui donne, après application de la conversion francs/euros, une somme totale de 12.302 euros.

Cependant, Mme [U] n’a pas explicité ses calculs et produit simplement un décompte des intérêts légaux qu’elle estime lui être dus depuis l’année 1991.
L’ordonnance de placement de contrôle judicaire en date du 30 mars 1991 mentionnait à Madame [U] le versement d’un cautionnement de 36.000 francs, soit la somme de 5.488,16 €.
Madame [U] n’a pas consigné la somme de 36.000 francs, mais seulement la somme de 17.000 francs, soit la somme de 2.591,64 € ( 17.000 francs / 6,55957 €).
Madame [U] affirme que la somme de 36.000 francs a bien été versée mais il lui appartient conformément à l’article 9 du code procédure civile, de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention, ce qu’elle ne fait pas.

L’article R. 23-4 du code de procédure pénale dispose que « dans les cas prévus au premier alinéa de l’article 142-2 et au premier alinéa de l’article 142-3, les sommes restituées à la personne poursuivie sont augmentées, le cas échéant, des intérêts échus. ». Cette disposition ne prévoit pas l’allocation d’intérêts au taux légal.

Aux termes de l’article L.518-23 du code monétaire et financier, le taux et le mode de calcul des intérêts des comptes de dépôt ouverts à la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS et des sommes consignées à ladite caisse sont fixés par décision du directeur général, prise sur avis de la commission de surveillance et revêtue de l’approbation du ministre chargé de l’économie. Ce taux d’intérêt est actuellement de 0,30 %.

En conséquence, au cas présent, le montant des intérêts prévus par l’article L.518-23 du code monétaire et financier sur la somme de 2.591,64 € était de 1.308,28 €, de sorte que le total en principal et intérêts est de 3.894,92€, versé à l’Etat, que la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS devra restituer à Madame [U].

II. Sur la demande de dommages et intérêts

Madame [U] sollicite l’attribution de dommages et intérêts mais n’apporte pas la triple preuve cumulative d’une faute imputable à la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, en lien de causal direct avec un préjudice certain.

En conséquence, elle sera déboutée de ses demandes à ce titre.

III. Sur les autres demandes

La CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS qui succombe, sera condamnée aux dépens.

Cependant, compte tenu de la nature de l’affaire, il ne sera pas fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe :

ORDONNE la déconsignation de la somme versée par Madame [E] [U] en 1991;

CONDAMNE la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS à verser à Madame [E] [U] la somme de 3.894,92€ ;

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes ;

CONDAMNE la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS aux dépens ;

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Fait et jugé à Paris le 10 Octobre 2024.

LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE


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