Responsabilités contractuelles et malfaçons dans le cadre d’une rénovation immobilière

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Responsabilités contractuelles et malfaçons dans le cadre d’une rénovation immobilière

M. [J] [K] et Mme [N] [H] ont engagé Mme [W] [S], architecte d’intérieur, pour la rénovation d’une maison à [Localité 7] par le biais de contrats signés le 21 mai 2021. Ils ont ensuite accepté un devis de la société MLK Batiment pour des travaux de maçonnerie, d’un montant de 20 850 € HT, et un marché a été signé le 27 juillet 2021. Les travaux ont commencé le 6 septembre 2021, mais des fissures et un affaissement ont été signalés par le maître de l’ouvrage le 21 septembre 2021.

La société MLK Batiment a émis une facture le 6 octobre 2021, mais des échanges ultérieurs ont révélé des désaccords sur la qualité des travaux. Mme [S] a décidé d’arrêter le chantier en attendant l’intervention d’un bureau d’études, qui a conclu à l’insuffisance de la structure. La société Basile a ensuite été engagée pour effectuer des travaux de reprise.

MLK Batiment a réclamé le paiement de sa facture, mais M. et Mme [K] ont contesté cette demande, affirmant que les défauts de l’entreprise engageaient sa responsabilité. En l’absence d’accord amiable, MLK Batiment a assigné Mme [S] et M. et Mme [K] devant le tribunal pour obtenir le paiement de sa facture.

Dans ses conclusions, MLK Batiment a accusé M. et Mme [K] et Mme [S] de manquement à leurs obligations contractuelles et a demandé des dommages-intérêts. M. et Mme [K] ont répliqué en demandant le rejet des demandes de MLK Batiment et en affirmant que l’entreprise avait commis des fautes. Mme [S] a également demandé le rejet des demandes de MLK Batiment, arguant qu’il n’existait pas de lien contractuel entre eux.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 juin 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

23 septembre 2024
Tribunal judiciaire d’Angers
RG
22/01870
23 Septembre 2024

AFFAIRE :
S.A.S.U. MLK BATIMENT

C/
[N] [H], [J] [K], [W] [S]

N° RG 22/01870 – N° Portalis DBY2-W-B7G-G5LH

Assignation :11 Août 2022

Ordonnance de Clôture : 10 Juin 2024

Demande en paiement direct du prix formée par le sous-traitant contre le maître de l’ouvrage

TRIBUNAL JUDICIAIRE D’ANGERS

1ère Chambre

JUGEMENT

JUGEMENT DU VINGT TROIS SEPTEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE

DEMANDERESSE :

S.A.S.U. MLK BATIMENT
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Maître Jean-Philippe HAMEIDAT, avocat au barreau d’ANGERS

DÉFENDEURS :

Madame [N] [H] épouse [K]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Maître Magali GUIGNARD de la SELARL 08H08 AVOCATS, avocats au barreau d’ANGERS

Monsieur [J] [K]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Maître Magali GUIGNARD de la SELARL 08H08 AVOCATS, avocats au barreau d’ANGERS

Madame [W] [S]
“Les ateliers de [W]”
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentant : Maître Sébastien HAMON de la SELARL DELAGE BEDON LAURIEN HAMON, avocats au barreau d’ANGERS

EVOCATION :

L’affaire a été évoquée à l’audience du 17 Juin 2024,

Composition du Tribunal :
Président : Geneviève LE CALLENNEC, Vice-Présidente, statuant comme JUGE UNIQUE

Greffier, lors des débats et du prononcé : Séverine MOIRÉ.

A l’issue de l’audience, le Président a fait savoir aux parties que le jugement serait rendu le 23 Septembre 2024

JUGEMENT du 23 Septembre 2024
rendu à cette audience par mise à disposition au Greffe (en application
de l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile)
par Geneviève LE CALLENNEC, Vice-Présidente,
contradictoire
signé par Geneviève LE CALLENNEC, Vice-Présidente, et par Séverine MOIRÉ, Greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant contrats en date du 21 mai 2021 comportant pour le premier les clauses particulières et pour le second les clauses générales, M. [J] [K] et Mme [N] [H] épouse [K] (le maître de l’ouvrage) ont confié à Mme [W] [S], architecte d’intérieur, la rénovation et l’aménagement d’une maison située à [Localité 7], commune déléguée de [Localité 4] (Maine-et-Loire).

M. et Mme [K] ont accepté le 26 juillet 2021 le devis établi le 20 juillet 2021 par la société MLK Batiment relatif à des travaux de maçonnerie pour la somme de 20 850 € HT, soit 22 935€ TTC. Un marché de travaux de ce montant a été signé par le maître de l’ouvrage et l’entreprise le 27 juillet 2021.

Les travaux ont débuté le 6 septembre 2021. Par mail du 21 septembre 2021, le maître de l’ouvrage a avisé l’architecte de l’apparition de fissures intérieures et extérieures avec un affaissement dans la zone du salon.

La société MLK Batiment a établi une facture du solde des travaux en date du 6 octobre 2021 d’un montant de 14 595 HT, soit un total TTC de 16 054,50 € mentionnant une date de livraison le 6 octobre 2021.

Il s’en est suivi un échange de mails ou de SMS entre Mme [S] et la société MLK Batiment, cette dernière ayant indiqué par SMS du 13 octobre 2021 que son poseur lui a confirmé que la structure mise en place peut porter 10 tonnes au mètre, que la charge émise par le mur du dessus ne présente aucun risque et que la structure est bien de niveau. Il précise que concernant la poutre IPN déjà existante, un coffrage béton sera effectué pour prévenir tout éventuel problème.
Par mails du 20 octobre 2021, Mme [S] a écrit à l’entreprise qu’elle considérait comme non achevés ou insuffisants les travaux effectués, que l’entreprise lui a fait entendre qu’elle pourrait reprendre ses ouvrages à certaines conditions mais qu’il est apparu nécessaire de faire appel à un bureau d’études structure de sorte qu’elle a décidé de l’arrêt du chantier qui serait fermé dans l’attente de l’intervention de l’ingénieur structure.

La société Even Structures a effectué un diagnostic structurel le 22 novembre 2021 qui a conclu à l’insuffisance de la structure mise en place.

La société Basile est intervenue à la suite de la société MLK Batiment et a effectué les travaux de reprise de la maçonnerie suivant facture du 20 décembre 2021 d’un montant de 10 066, 39 € HT, soit un total TTC de 11 073,03 €.

La société MLK Batiment a sollicité le paiement de sa facture à plusieurs reprises. Par l’intermédiaire de son conseil, elle a mis en demeure par courrier du 21 décembre 2021 M. et Mme [K] de régler la somme de 9 655 € HT, soit 11 586 € TTC à titre de solde de travaux après déduction afin de mettre fin au litige de la fourniture et de la pose d’une poutre IPN et des frais de diagnostic de la société Even Structures. M. et Mme [K] ont répliqué à cette mise en demeure par courrier officiel de leur conseils adressé à celui de l’entreprise.

En l’absence de règlement amiable du litige, par actes de commissaire de justice en date des 11 et 17 août 2022, la société MLK Batiment a fait assigner Mme [S] ainsi que M. et Mme [K] devant le tribunal judiciaire d’Angers pour demander à titre principal le règlement de la somme de 16 054,50 € au titre du solde de sa facture.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 17 janvier 2024, la société MLK Batiment demande au tribunal de :
– juger que M. et Mme [K] et Mme [S] ont manqué à la bonne foi et à leurs obligations contractuelles,
– condamner solidairement M. et Mme [K] et Mme [S] à lui payer les sommes suivantes:
– 16 054, 50 € pour solde du marché de travaux,
– 1 000 € de dommages-intérêts,
– 3 000 € à titre de frais irrépétibles outre les dépens,
– condamner subsidiairement Mme [S] à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre, y compris au titre d’une éventuelle réduction du prix.

La société MLK Batiment expose qu’elle a réalisé tous les travaux prévus au devis et que le maître de l’ouvrage n’apporte pas la preuve d’une inexécution de sa part. Elle précise que le diagnostic de la société Even Structures n’est pas un rapport d’expertise, qu’il ne traite pas les responsabilités encourues ni les causes de l’affaissement de la maison et ce même à considérer que la taille des profilés ne serait pas adaptée alors qu’elle aurait pu les remplacer à moindre coût, rappelant que c’est elle qui est à l’origine du diagnostic effectué par le bureau d’études Even Structures. Elle ajoute que la facture de la société Basile n’est pas détaillée en ce qui concerne le prix et les caractéristiques des profilés métalliques et que cette société n’a fait qu’appliquer les préconisations du bureau d’études. Elle conclut au rejet de toutes les demandes indemnitaires présentées par le maître de l’ouvrage.
À l’appui de ses prétentions dirigées à l’encontre de l’architecte, elle fonde ses demandes à titre principal sur la responsabilité contractuelle, considérant que le marché de travaux lie également l’architecte et l’entrepreneur et subsidiairement sur la responsabilité délictuelle. Elle expose que la responsabilité de l’architecte est engagée du fait des défauts de conception, de la constatation tardive de l’inadaptation des profilés, de l’absence de recours initial un bureau d’ingénieurs, s’agissant d’un ouvrage complexe, et de l’insuffisance de son attention pour s’assurer de la conformité de l’exécution des travaux par rapport aux prescriptions du marché dont il est le rédacteur. La société MLK Batiment en conclut que Mme [S] doit être solidairement condamnée à payer le solde de sa facture ainsi qu’à la garantir des condamnations prononcées à son encontre.

Dans ses conclusions signifiées par voie de dématérialisée le 5 juin 2024, M. et Mme [K] demandent au tribunal de :
– débouter la société MLK Batiment de l’ensemble de ses demandes,
– juger que la société MLK Batiment a commis des fautes engageant sa responsabilité contractuelle à leur égard,
En conséquence,
– condamner la société MLK Batiment à leur régler la somme de 18 550,73 € à titre de dommages-intérêts,
– condamner la société MLK Batiment à leur payer la somme de 4 500 € par application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

M. et Mme [K] exposent que l’absence de paiement du solde de la facture ne constitue pas une inexécution contractuelle dès lors qu’elle résulte des fautes commises par l’entreprise qui engage sa responsabilité contractuelle. Ainsi, cette dernière n’a pas respecté les stipulations de son marché de travaux et du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) en ayant eu en particulier recours à un sous-traitant, en refusant de reprendre les désordres, ainsi que cela ressort du compte rendu de chantier n° 3, ce qui les a contraints ainsi que la maîtrise d’œuvre à convoquer officiellement l’entrepreneur à la réunion de chantier suivante, lequel a abandonné le chantier, ce qui est caractérisé par le fait qu’il a laissé sur place des matériaux et éléments de construction lui appartenant, plutôt que de procéder aux travaux de reprise. Ils ajoutent que la société MLK Batiment est mal fondée à critiquer le rapport de la société Even Structures alors qu’elle a été informée par la maîtrise d’œuvre de l’expertise amiable confiée à ce bureau d’études et que dans sa mise en demeure et les échanges amiables entre les parties, elle était prête à reprendre ses ouvrages en suivant les recommandations de ce rapport, ce qui équivaut à une reconnaissance de responsabilité. Ils considèrent en conséquence être fondés à solliciter l’indemnisation de leur préjudice résidant dans le paiement de la facture de la société Basile ainsi que de celles relatives aux travaux d’électricité pour la somme de 277,20 € et aux travaux de plâtrerie isolation d’un montant de 320 €, outre le remboursement de l’acompte versé d’un montant de 6 880,50 €.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 10 juin 2024, Mme [S] sollicite du tribunal de débouter la société MLK Batiment de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 2 900 € à titre de frais irrépétibles outre les dépens avec application de l’article 699 du code de procédure civile.

Mme [S] fait valoir qu’il n’existe aucun lien contractuel entre elle et la société MLK Batiment, un seul contrat s’étant formé entre le maître de l’ouvrage et l’entreprise de sorte que sa responsabilité contractuelle ne peut être recherchée et encore moins celle fondée sur la garantie décennale des articles 1792 et suivants du code civil. Concernant sa responsabilité délictuelle, elle précise n’avoir commis aucune faute et que le paiement du solde des travaux de l’entreprise qui lui est demandé ne peut s’analyser en la réparation d’un dommage mais en l’exécution des obligations du maître de l’ouvrage et ce d’autant plus qu’il n’existe aucun lien de causalité entre une prétendue faute et l’absence de paiement du solde d’un marché de travaux.

Elle souligne que la société MLK Batiment ne caractérise pas les fautes qu’elle aurait commises. Elle explique qu’il ressort de l’étude de la société Even Structures que les désordres proviennent de défauts d’exécution entièrement imputables à l’entreprise qui n’a pas respecté les prescriptions du CCTP pour son lot alors que de plus des pièces graphiques lui ont été communiqué comprenant des coupes et des plans identifiant les reprises de charges indispensables. Elle ajoute que la société Basile est intervenue pour pallier les carences de l’entreprise initiale et que celle-ci a respecté les prescriptions du CCTP ainsi que cela ressort de sa facture, ces travaux supplémentaires ayant été rendus nécessaires pour remédier aux désordres. Elle se prévaut également des conclusions du maître de l’ouvrage qui ne reproche aucune faute à la maîtrise d’œuvre.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande en paiement du solde des travaux dirigés à l’encontre de Mme [S]:
L’article 1101 du code civil définit le contrat comme un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer des obligations.

En l’espèce, le devis des travaux établi par la société MLK Batiment a été accepté le 26 juillet 2021 par le seul maître de l’ouvrage que sont M. et Mme [K] pour la somme de 22 935 € TTC reprise dans le marché de travaux signé le 27 juillet 2021 par le maître de l’ouvrage et la société MLK Batiment. Si la mention de Mme [S], architecte d’intérieur investie d’une maîtrise d’œuvre, figure sur le marché de travaux, c’est en exécution de la mission complète qui lui a été contractuellement confiée par le maître de l’ouvrage portant sur la rénovation de la maison. Dans ce cadre, l’article 4 des clauses particulières du contrat de mission de l’architecte en date du 21 mai 2021 prévoit notamment l’assistance du maître de l’ouvrage aux marchés de travaux. Il s’ensuit que seuls M. et Mme [K] sont liés contractuellement avec la société MLK Batiment qui doit effectuer tous les travaux prévus au devis selon les prescriptions du CCTP, M. et Mme [K] étant seuls débiteurs de l’obligation de payer les travaux si les conditions requises sont réunies. Il en découle que la société MLK Batiment est mal fondée à solliciter en réparation du préjudice qu’elle invoque, en se prévalant de la responsabilité de l’architecte d’intérieur, le paiement du solde des travaux seulement dû par le maître de l’ouvrage.

Il convient en conséquence de débouter la société MLK Batiment de sa demande en paiement du solde des travaux dirigés à l’encontre de Mme [S] ainsi que de sa demande en garantie au titre d’une éventuelle réduction de prix.

Sur la demande en paiement du solde de la facture de la société MLK Batiment dirigée à l’encontre de M. et Mme [K] :
A titre préliminaire, il convient de relever que ni la société MLK Batiment, ni M. et Mme [K] parties n’ont sollicité d’expertise judiciaire ou à tout le moins, une expertise amiable à laquelle auraient été régulièrement convoquées les parties pour assurer son caractère contradictoire.

Chacune des parties verse aux débats le diagnostic structurel établi le 22 novembre 2021 par la société Even Structures, à la demande de M. et Mme [K] comme précisé en page 2 du rapport. M. et Mme [K] et Mme [S] ne justifient pas que la société MLK Batiment a été régulièrement convoquée aux date et heure de l’examen des ouvrages qu’elle a exécutés de sorte qu’elle n’a pu s’expliquer sur les malfaçons qui lui sont reprochées.

Un tel rapport ne peut pallier l’absence de rapport d’un expert désigné judiciairement avec notamment pour mission d’examiner de manière contradictoire d’une part les travaux qui ont été exécutés par la société MLK Batiment et ceux pouvant rester à réaliser ainsi que d’autre part, les défauts, malfaçons et désordres dont une partie se prévaut, leurs causes et conséquences, la nature et le montant des travaux de remise en état s’avérant nécessaires en donnant toutes précisions sur les éléments permettant de déterminer les responsabilités encourues.

Le diagnostic structurel de la société Even Structures constitue en conséquence un élément de preuve qui doit être corroboré par d’autres pièces probantes de nature à justifier l’absence de paiement ainsi que la demande en réparation des préjudices dont se prévaut le maître de l’ouvrage. Ce diagnostic ne comporte aucun élément de nature à déterminer si l’intégralité des travaux objet du marché ont été exécutés par l’entreprise de maçonnerie.

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Aux termes de l’article 1104 du code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi, cette disposition étant d’ordre public.

En application de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et celui qui s’en prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qu’il a produit l’extinction de l’obligation.

L’article 1217 du code civil précise que la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté ou l’a été imparfaitement peut refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation, poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation, obtenir une réduction de prix, provoquer la résolution du contrat, demander réparation des conséquences de l’inexécution. Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées et des dommages-intérêts qui peuvent toujours s’y ajouter.

L’article 1219 du code civil prévoit qu’une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

L’article 1220 du code civil précise qu’une partie peut suspendre l’exécution de son obligation dès lors qu’il est manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle. Cette suspension doit être notifiée dans les meilleurs délais.

En l’espèce, il sera relevé qu’en application de l’article 1217 du code civil, M. et Mme [K] n’ont pas demandé l’exécution forcée en nature de l’obligation, ces derniers ayant préféré, comme ils sont fondés à le faire, qu’une autre entreprise que la société MLK Batiment intervienne pour la reprise des travaux défectueux, ce dont ils ont informé la société MLK Batiment par courrier du 26 novembre 2021. Ils n’ont pas non plus demandé la résolution du contrat alors qu’ils font état dans leurs écritures de l’abandon de chantier par l’entreprise.

Ils ne justifient pas avoir notifié à la société MLK Batiment la suspension du paiement du solde de la facture représentant 70 % du marché. Ils ne peuvent dès lors se prévaloir de l’exception d’inexécution, ce qu’ils ne font pas d’ailleurs puisqu’il résulte de leurs écritures qu’ils fondent de leurs demandes sur la responsabilité contractuelle de l’entreprise, le remboursement de l’acompte versé constituant pour eux l’indemnisation d’un préjudice.

Il appartient à la société MLK Batiment de prouver que les travaux ont été intégralement exécutés et achevés le 6 octobre 2021, date de sa facture mentionnant une livraison de l’ouvrage au 6 octobre 2021.

Il n’est produit que deux compte-rendus de chantier de sorte qu’il ne peut être vérifié si l’intégralité des travaux prévus au devis ont été exécutés, le dernier compte rendu de chantier produit du 11 octobre 2021 mentionnant une prochaine réunion de chantier le lundi 18 octobre.

Le compte rendu de chantier n° 5 du 11 octobre 2021 dressé par l’architecte d’intérieur précise que les travaux ont démarré le lundi 6 septembre. Le compte rendu de chantier n° 3 du 20 septembre 2021 indique à la rubrique “prévisions” que le maçon interviendra du lundi 27 au mercredi 29 et mentionne la réalisation de la tranchée intérieure ainsi que la reprise des fissures à l’étage (grenier) ainsi que “à suivre : dépose volée d’escalier bois dès lors que l’escalier est fabriqué”. Le compte rendu de chantier n° 5 du 11 octobre 2021 précise en page 3 pour le lot maçonnerie: “à suivre : poteau reprise charge linteau existant pièce de vie, dépose mur grenier pour alléger le solivage ainsi que cheminée inusitée et reprise charpente (façon ossature bois), restauration extérieure (fissures et brèches). À la rubrique concernant l’avancement des travaux et des études, il est indiqué : “à suivre: travaux de reprise et dépose volée d’escalier bois dès lors que l’escalier sera fabriqué”.

Il résulte de ces éléments que seule la dépose de la volée d’escalier en bois n’aurait pas été effectuée par la société MLK Batiment puisque les travaux de reprise du fait de l’insuffisance de la structure des ouvrages réalisés ne peuvent s’analyser en des travaux inachevés mais en des travaux entachés de désordres qui doivent être repris puisqu’ils ont provoqué un affaissement d’une zone de la maison. La société MLK Batiment ne justifie pas avoir déposé l’escalier en bois. En l’absence de plus d’éléments, il sera en conséquence déduit du devis de la société MLK Batiment la somme de 2 490€ HT correspondant à la démolition de l’escalier.

Par ailleurs, il sera tenu compte du fait qu’une partie des matériaux fournis par la société MLK Batiment n’a pas été en définitive utilisée puisque Mme [S] a avisé par mail du 1er décembre 2021 la société MLK Batiment qu’elle pourrait récupérer son matériel comprenant les poutres HEA 180, les poteaux acier et les étais, le procès-verbal de constat d’huissier dressé à la requête de M. et Mme [K] le 26 octobre 2022 comportant la photographie de 4 poutrelles métalliques de type IPN et des poutrelles métalliques creuses rectangulaires laissées sur leur propriété. De plus, par lettre de mise en demeure que son conseil a adressée à M. et Mme [K] le 21 décembre 2021, la société MLK Batiment a accepté de déduire la fourniture et la pose d’IPN pour la somme de 3 790 € HT.
Par ailleurs, la société MLK Batiment ne justifie pas avoir procédé au nettoyage du chantier, ce qui est mentionné à son devis initial pour la somme de 280 € HT.

Au vu de ces éléments, il sera déduit de la facture du 6 octobre 2021 d’un montant de 14 595 € HT les sommes de 2 490 € HT, 3 790 € HT et 280 € HT, soit un solde de 8 035€ HT, outre la TVA au taux de 10 %, soit la somme de 8 838,50 € TTC. M. et Mme [K] seront condamnés au paiement de cette somme. Il n’a pas lieu de condamner ces derniers au paiement des intérêts de retard à compter de la mise en demeure en date du 21 décembre 2021.

Par voie de conséquence, ils seront déboutés de leurs demandes de remboursement de l’acompte versé d’un montant de 6 880,50 €.

Sur la demande de la société MLK Batiment en paiement de dommages et intérêts :
La société MLK Batiment sera déboutée de sa demande en paiement de dommages-intérêts qu’elle fonde sur la résistance abusive du maître de l’ouvrage. En effet, les éléments susvisés montrent que des désordres sont apparus et qu’avant l’arrêt du chantier à l’initiative de l’architecte le 20 octobre 2021, la société MLK Batiment n’est pas intervenue pour procéder à des travaux de reprise comme demandé par mails ou dans les compte rendus de chantier susvisés.

Sur les demandes reconventionnelles de M. et Mme [K] :
L’article 1231-1 du code civil précise que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

Il ressort du diagnostic structurel établi par la société Even Structures le 22 novembre 2021 mais aussi du procès-verbal de constat d’huissier établi à la demande de l’architecte le 21 décembre 2021 que les travaux exécutés par la société MLK Batiment ont généré des désordres qui engagent la responsabilité contractuelle de l’entreprise, la réception des travaux n’étant pas intervenue, les désordres étant apparus en cours de chantier.

Le diagnostic structurel de la société Even Structures décrit les désordres et malfaçons suivants:
– les profilés métalliques en sous face du mur ouvert ne sont pas axés à l’aplomb et ne couvrent pas toute l’épaisseur du mur,
– l’un des solivages a été rallongé à l’appui par des platines métalliques soudées au bout des ailes du profilé métallique, ce qui induit des efforts de torsion dans le profilé,
– l’emprise des appuis du second solivage s’est vue raccourcie de plusieurs centimètres,
– depuis le niveau sous combles, la maçonnerie fissure, un affaissement du sol est effectif et le doublage plâtre de la ferme est fissuré,
– à l’extérieur, fissuration du mur pignon perpendiculaire au mur refend,
– un second frangement a été réalisé sur un mur pignon extérieur. Pour sa réalisation, l’assise d’une poutre a été déposée sans être reprise de sorte que l’appui est maintenu par un calage béton dont il n’est pas justifié la résistance, une rupture étant à craindre en cas d’un désétaiement de la poutre,
– absence de massifs de répartition des charges en pied du poteau métallique du frangement susvisé.

L’ensemble de ces désordres et malfaçons est confirmé par le constat huissier de justice dressé à la requête de l’architecte d’intérieur le 8 décembre 2021. Il précise également que :
– dans le séjour, l’IPN d’un coffret traversant la pièce est soutenu par 4 étais,
– un double IPN a été posé d’une largeur de 2 IPN de 180 mm qui est cintré dans sa partie centrale dans la longueur,
– dans la pièce située au fond du séjour donnant sur la cour, un étayage a été installé dans cette partie du plafond pour soutenir le plafond se trouvant en partie légèrement plus basse que la première partie,
– dans la pièce supérieure, les plinthes posées présentent un écart supérieur à 1 cm voire 2 cm sur la partie centrale,
-le plâtre est fissuré sur l’habillage de la ferme,
– fissure dans le sens de la longueur au sol,
– lézardes sur le mur,
– fissures extérieures sur le pignon droit depuis l’entrée de la maison,
– fissure entre les pierres de tuffeau en façade arrière.

Ces désordres affectent les travaux exécutés par la société MLK Batiment et manifestent par eux-mêmes les fautes d’exécution commises par l’entreprise qui sera déclarée responsable des désordres ayant nécessité des reprises, celle-ci ayant manqué à son obligation de réaliser les travaux conformément aux règles de l’art. La société MLK Batiment sera en conséquence déclarée responsable des désordres affectant les travaux de maçonnerie qu’elle a exécutés.

M. et Mme [K] justifient des frais suivants relatifs aux travaux de réfection qu’ils ont dû exécuter:
– facture de la société Basile en date du 20 décembre 2021 : 10 066, 39 HT soit 11 073, 03 TTC
(TVA au taux de 10 %).

Toutefois, ils ne justifient pas avoir effectivement réglé des travaux complémentaires de plâtrerie-isolation à la société MLK Batiment pour un montant de 352€ TTC ainsi qu’un complément de travaux d’électricité de l’entreprise Lefeuve pour la somme de 277,20 € TTC puisqu’ils produisent de seuls devis.

En conséquence, la société MLK Batiment sera condamnée à payer à M. et Mme [K] la somme de 11 073,03 € TTC au titre des travaux de réfection. Ils seront déboutés de leurs demandes en paiement des sommes de 352 € TTC et de 277,20 € TTC .

Sur la demande en garantie de la société MLK Batiment à l’encontre de Mme [S] :
Entre constructeurs, les demandes en garantie sont fondées sur leur responsabilité délictuelle, ce qui nécessite que la preuve d’une faute de l’architecte d’intérieur soit rapportée par la société MLK Batiment.

Mme [W] [S] a été investie d’une mission complète relative aux travaux de rénovation de la maison.

Il résulte des pièces contractuelles, du diagnostic structurel de la société Even Structures ainsi que des échanges de mails ou de SMS entre les parties que les travaux de rénovation présentent une certaine complexité dans la mesure où ils portent sur la structure même de l’immeuble avec notamment la création d’une ouverture entre la cuisine et le séjour et d’une ouverture entre les murs du salon-séjour et la salle de bains avec la pose de poutres métalliques de type IPN et HEA et de poteaux, ainsi que mentionné sur le devis accepté par le maître de l’ouvrage le 26 juillet 2021. Il sera relevé que ce devis est assez succinct mais que le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) rédigé par l’architecte d’intérieur l’est également. Ainsi, en page 13, il est décrit les ouvrages que doit effectuer le maçon et, concernant la modification des ouvertures, soit l’élargissement du passage entre la salle de séjour et la cuisine et l’élargissement de l’ouverture entre le salon et le séjour, il est précisé “coulage de 2 poteaux, mise en place poutre métallique”. Mme [S] ne démontre pas, en l’absence d’expertise judiciaire, que les plans qu’elle a fournis à la société MLK Batiment et qu’elle produit aux débats (pièce 6 : 6 plans de format A4) comportaient toutes les précisions nécessaires pour que la structure de l’immeuble ne soit pas affectée par les travaux. Elle n’a pas estimé utile de demander une étude avant la détermination des travaux à effectuer en vue de préparer le dossier de consultation des entreprises. Elle ne peut se prévaloir de la facture de la société Basile qui serait plus complet dans la mesure où celui-ci a été établi après que le diagnostic structurel ait été effectué par la société Even Structures. Il sera ainsi retenu une faute de conception de Mme [S].

Par ailleurs, il résulte de l’échange de mails et de SMS entre la société MLK Batiment et Mme [S] ainsi que de ses écritures que cette dernière ne s’est pas rendue compte que le maçon a eu recours à un sous-traitant puisque ce dernier évoque un “poseur” dans un SMS. Celle-ci a commis une faute dans sa mission de surveillance des travaux. Si l’architecte n’est pas tenue à une présence constante sur le chantier, il apparaît indispensable qu’il effectue une visite lors des phases essentielles d’un chantier telle que celle des travaux portant sur la structure de l’immeuble.

Il sera néanmoins retenu à l’encontre de la société MLK Batiment une part prépondérante de responsabilité dans la mesure où d’une part, en sa qualité de spécialiste en matière de maçonnerie, il lui appartenait de demander des précisions complémentaires à l’architecte sur la nature des travaux à effectuer, voire de demander une étude technique préalable par un bureau d’études et d’autre part il s’est abstenu d’informer et de solliciter l’agrément par le maître de l’ouvrage d’un sous-traitant qui a de fait effectué les travaux les plus complexes.

Au vu de ces éléments, dans les rapports entre constructeurs, la société MLK Batiment sera déclarée responsable des désordres dans la proportion de 70 % et Mme [S] dans la proportion de 30 %. Il s’ensuit que Mme [S] sera condamnée à garantir la société MLK Batiment à hauteur de 30 % de la somme de 10 066, 39 HT correspondant aux travaux de réfection qui ont dû être entrepris.

Sur les dépens et les frais irrépétibles:
Il sera dit que chaque partie conservera la charge des dépens qu’elle a exposés.

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge des frais irrépétibles qu’elle a exposés. La société MLK Batiment, M. et Mme [K] et Mme [S] seront en conséquence déboutés de leurs demandes à ce titre.

Les parties seront déboutées de leurs autres demandes.

Il sera rappelé que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

DÉBOUTE la société MLK Batiment la société MLK Batiment de sa demande en paiement du solde des travaux dirigés à l’encontre de Mme [W] [S] ;

DÉBOUTE la société MLK Batiment de sa demande en garantie de Mme [W] [S] au titre d’une éventuelle réduction de prix ;

CONDAMNE M. [J] [K] et Mme [N] [H] épouse [K] à payer à la société MLK Batiment la somme de 8 838,50 € TTC ;

DÉBOUTE la société MLK Batiment de sa demande en paiement des intérêts de retard au taux légal à compter du 21 décembre 2021 ;

DÉBOUTE la société MLK Batiment de sa demande en paiement de dommages-intérêts ;

DÉBOUTE M. [J] [K] et Mme [N] [H] épouse [K] de leur demande en paiement de la somme de 6 880,50 € correspondant à l’acompte versé à la société MLK Batiment;

DÉCLARE la société MLK Batiment responsable des désordres affectant les travaux de maçonnerie;

CONDAMNE la société MLK Batiment à payer à M. [J] [K] et Mme [N] [H] épouse [K] la somme de 11 073,03 € TTC à titre de dommages-intérêts correspondants aux travaux de réfection ;

DÉBOUTE M. [J] [K] et Mme [N] [H] épouse [K] de leur demande en paiement des sommes de 352 € TTC et 277,20 € TTC ;

DÉCLARE dans leurs rapports entre eux la société MLK Batiment responsable des désordres dans la proportion de 70 % et Mme [W] [S] responsable des désordres la proportion de 30 % ;

CONDAMNE Mme [W] [S] à garantir la société MLK Batiment à hauteur de 30 % de la somme de 10 066, 39 HT correspondant aux travaux de reprise des désordres ;

DIT que chaque partie conservera la charge des dépens qu’elle a exposés ;

DÉBOUTE la société MLK Batiment, M. [J] [K] et Mme [N] [H] épouse [K] et Mme [W] [S] de leurs demandes en paiement de frais irrépétibles ;

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes.

RAPPELLE que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire.

Jugement rendu par mise à disposition au Greffe le VINGT TROIS SEPTEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE, par Geneviève LE CALLENNEC, Vice-Présidente, assistée de Séverine MOIRÉ, Greffier, lesquelles ont signé la minute du présent Jugement.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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