La société CIL REALISATIONS a confié à la SARL ADG STE D’ARCHITECTURE la maîtrise d’œuvre pour la construction de vingt-six pavillons d’habitation, et à la SARL LES MAISONS XE l’exécution des travaux. En mars 2011, un ordre de service a été donné pour la construction de six pavillons, mais en 2012, LES MAISONS XE a quitté le chantier sans terminer les travaux. CIL REALISATIONS a résilié le contrat de maîtrise d’œuvre et a mis en demeure LES MAISONS XE de respecter ses obligations. En 2014, CIL REALISATIONS a assigné ADG STE D’ARCHITECTURE et LES MAISONS XE en justice, demandant des dommages et intérêts et des pénalités de retard. Le tribunal a condamné les deux sociétés à verser des sommes à CIL REALISATIONS. ADG STE D’ARCHITECTURE a interjeté appel, mais la déclaration a été déclarée caduque pour non-respect des délais. Par la suite, ADG STE D’ARCHITECTURE a assigné son avocat, Me [R] [F], et son assureur, MMA, pour perte de chance liée à la faute de l’avocat dans le dépôt des conclusions d’appel. ADG STE D’ARCHITECTURE réclame des indemnités pour cette perte de chance, tandis que Me [R] [F] et MMA contestent la demande, arguant que le préjudice n’est pas prouvé. L’affaire est en cours d’examen par le tribunal, avec une audience prévue pour mai 2024.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Première Chambre
JUGEMENT
17 SEPTEMBRE 2024
N° RG 22/03137 – N° Portalis DB22-W-B7G-QST7
Code NAC : 63B
DEMANDERESSE :
ADG SOCIETE D’ARCHITECTURE, société à responsabilité limitée immatriculée au RCS d’EVRY sous le n° B 378 993 323 00047, agissant en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Julie GOURION-RICHARD, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, et par Me Swéta PANNAGAS de la SARL PLUME DE PHOENIX, avocat au barreau du VAL D’OISE, avocat plaidant
DEFENDEURS :
Maître Julien DUPUY de la SELARL DUBAULT BIRI, avocat au barreau de l’ESSONNE
domicilié [Adresse 2]
[Localité 5]
MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, société d’assurance mutuelle à cotisations fixes, inscrite au RCS du MANS sous le n°775 652 126, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentés par Me Claire RUBIN de la SCP DIEMUNSCH FEYEREISEN RUBIN, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, et par Me Matthieu PATRIMONIO de la SCP RAFFIN ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
ACTE INITIAL du 09 Mai 2022 reçu au greffe le 30 Mai 2022.
DÉBATS : A l’audience publique tenue le 27 Mai 2024, Madame DURIGON, Vice-Présidente, ET Madame MARNAT, Juge, siégeant en qualité de juges rapporteurs avec l’accord des parties en application de l’article 805 du Code de procédure civile, assistées de Madame BEAUVALLET, Greffier, ont indiqué que l’affaire sera mise en délibéré au 17 Septembre 2024.
MAGISTRATS AYANT DÉLIBÉRÉ :
Madame DURIGON, Vice-Présidente
Madame DAUCE, Vice-Présidente
Madame MARNAT, Juge
Par acte sous seing privé du 26 avril 2010, la société par actions simplifiées CIL REALISATIONS (SAS CIL REALISATIONS) a confié à la SARL ADG STE D’ARCHITECTURE la maîtrise d’œuvre complète de la construction de vingt-six pavillons d’habitation issus du catalogue de la SARL LES MAISONS XE, sur deux parcelles de la [Adresse 8] à [Adresse 7].
Par acte sous seing privé du 7 mars 2011, la SAS CIL REALISATIONS a confié à la SARL LES MAISONS XE l’exécution des travaux pour un montant de 2.286.550 euros HT (2.734.713,80 euros TTC).
Le 14 mars 2011, la SAS CIL REALISATIONS a délivré à la SARL ADG STE D’ARCHITECTURE un ordre de service à effet du 15 mars 2011 pour la réalisation de la première tranche de travaux consistant en la construction de six pavillons d’habitation.
Début 2012, la SARL LES MAISONS XE a quitté le chantier, sans que la construction des six pavillons ne soit terminée.
Par courrier du 13 juillet 2012, le SAS CIL REALISATIONS a notifié à la SARL ADG ARCHITECTURE la résiliation à ses torts du contrat de maîtrise d’œuvre.
Par acte d’huissier de justice du 18 juillet 2012, la SAS CIL REALISATIONS a mis en demeure la SARL MAISONS XE de remplir ses obligations sous 10 jours, sous peine de résiliation d’office du marché.
Par acte d’huissier de justice du 14 février 2014, la SAS CIL REALISATIONS a fait assigner la SARL ADG STE D’ARCHITECTURE et la SARL LES MAISONS XE afin notamment de voir :
– condamner in solidum les sociétés ADG STE D’ARCHITECTURE et LES MAISONS XE au versement de la somme de 534.427 euros au titre de dommages et intérêts ;
-condamner in solidum les Sociétés ADG STE D’ARCHITECTURE et LES MAISONS XE au versement de la somme de 34.760 euros au titre des indemnités versées par la SAS CIL REALISATIONS à ses acheteurs ;
-condamner la SARL ADG STE D’ARCHITECTURE au versement de la somme de 3.192,55 euros au titre des pénalités de retard dans la livraison ;
-condamner la SARL LES MAISONS XE au versement de la somme 178.019 euros au titre des pénalités de retard dans la livraison.
A l’occasion de cette procédure, la SARL ADG STE D’ARCHITECTURE a mandaté Me [R] [F] pour assurer la défense de ses intérêts.
Par jugement en date du 22 mai 2017, le Tribunal de grande instance d’Evry a notamment :
– condamné in solidum la SARL LES MAISONS XE et la SARL ADG STE D’ARCHITECTURE à payer à la SAS CIL REALISATIONS la somme de 534.427 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice relatif au surcoût de réalisation ;
– condamné in solidum la SARL LES MAISONS XE et la SARL ADG STE D’ARCHITECTURE à verser à la SAS CIL REALISATIONS la somme de 1.800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Suivant déclaration d’appel enregistrée le 7 juin 2017, la SARL ADG STE D’ARCHITECTURE a interjeté appel devant la cour d’appel de Paris du jugement en date du 22 mai 2017.
Par ordonnance en date du 5 octobre 2017, le conseiller de la mise en état de la cour d’appel de Paris a prononcé la caducité de la déclaration d’appel, au motif que l’appelant n’a pas conclu dans les délais.
Par la suite, la SARL ADG STE D’ARCHITECTURE a pris attache auprès de l’assurance MMA, assureur de la responsabilité civile professionnelle de Me [R] [F], afin de solliciter la réparation du préjudice subi en raison de la perte de chance d’obtenir gain de cause en appel, du fait du dépôt hors-délai par Me [R] [F] des conclusions d’appel.
Les parties ne sont pas parvenues à un accord.
C’est dans ce contexte que la SARL ADG STE D’ARCHITECTURE a, par actes d’huissier de justice en dates des 5 et 9 mai 2022, assigné Me [R] [F] et la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES devant le tribunal judiciaire de Versailles afin de voir :
« Vu les articles 411 et 412 du code de procédure civile ;
Vu l’article 27 al. 1 er de la loi du 31 décembre 1971 ;
Vu l’article 1.3 dernier alinéa du Règlement Intérieur National (RIN) dans sa version issue du décret du 12 juillet 2005 ;
Vu l’article 908 du code de procédure civile ;
Vu l’article 1147 anc. du Code civil ;
Vu l’ensemble des pièces versées au débat.
A titre principal :
– CONDAMNER solidairement Maître [R] [F] et son assureur en garantie la société MMA IARD au paiement de la somme de 480.984,30 euros à la SARL ADG Société D’Architecture au titre de la perte de chance de voir indemniser son préjudice à hauteur de 90% ;
A titre subsidiaire :
– CONDAMNER solidairement Maître [R] [F] et son assureur en garantie la société MMA IARD au paiement de la somme de 260 960.30 euros à la SARL ADG Société D’Architecture au titre de la perte de chance de voir indemniser son préjudice à hauteur de 90% ;
En tout état de cause :
ORDONNER l’exécution provisoire de droit de la décision à intervenir ;
CONDAMNER solidairement Maître [R] [F] et son assureur, la société MMA IARD en sa qualité d’assureur professionnel de Maître [F], à payer la somme de 10.000 euros à la SARL ADG ARCHITECTURE au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER Maître [R] [F] et son assureur, la société MMA IARD aux entiers dépens.
DIRE qu’ils pourront être directement recouvrés par Maître Julie GOURION, Avocat au Barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile ».
Par dernières conclusions, signifiées par RPVA le 20 mars 2023, la SARL ADG STE D’ARCHITECTURE demande au tribunal de :
« Vu les articles 411 et 412 du code de procédure civile ;
Vu l’article 27 al. 1 er de la loi du 31 décembre 1971 ;
Vu l’article 1.3 dernier alinéa du Règlement Intérieur National (RIN) dans sa version issue du décret du 12 juillet 2005 ;
Vu l’article 908 du code de procédure civile ;
Vu l’article 1147 anc. du Code civil ;
Vu l’ensemble des pièces versées au débat.
A titre principal :
– CONDAMNER solidairement Maître [R] [F] et son assureur en garantie la société MMA IARD au paiement de la somme de 480.984,30 euros à la SARL ADG Société D’Architecture au titre de la perte de chance de voir indemniser son préjudice à hauteur de 90% ;
A titre subsidiaire :
– CONDAMNER solidairement Maître [R] [F] et son assureur en garantie la société MMA IARD au paiement de la somme de 260 960.30 euros à la SARL ADG Société D’Architecture au titre de la perte de chance de voir indemniser son préjudice à hauteur de 90% ;
En tout état de cause :
ORDONNER l’exécution provisoire de droit de la décision à intervenir ;
CONDAMNER solidairement Maître [R] [F] et son assureur, la société MMA IARD en sa qualité d’assureur professionnel de Maître [F], à payer la somme de 10.000 euros à la SARL ADG ARCHITECTURE au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER Maître [R] [F] et son assureur, la société MMA IARD aux entiers dépens.
DIRE qu’ils pourront être directement recouvrés par Maître Julie GOURION, Avocat au Barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile ».
Elle reproche à Me [R] [F] d’avoir commis une faute de nature à engager sa responsabilité civile professionnelle, ce dernier ayant déposé des conclusions d’appel au-delà du délai de trois mois prévu à l’article 908 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que la faute reprochée à Me [F] lui a directement causé un préjudice, consistant en la perte de chance d’obtenir une réformation favorable du jugement rendu le 22 mai 2017, par le Tribunal de grande instance d’Evry. Elle déclare que la cour d’appel de Paris aurait réformé le jugement s’agissant notamment de sa condamnation au versement de 534.427 euros à titre de dommages et intérêts. Elle estime que ses chances d’obtenir gain de cause en appel étaient de l’ordre de 90%.
Par dernières conclusions, signifiées par RPVA le 11 mai 2023, Me [R] [F] et la Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES demandent au tribunal de :
« DEBOUTER la société ADG ARCHITECTURE de l’intégralité de ses demandes ;
CONDAMNER la société ADG ARCHITECTURE à payer à la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER la société ADG ARCHITECTURE aux entiers dépens de l’instance.
A TITRE TRES SUBSIDIAIRE
ECARTER l’exécution provisoire ».
Ils font valoir que la SARL ADG STE D’ARCHITECTURE ne démontre pas avoir subi un préjudice de perte de chance en lien direct avec la faute reprochée, soutenant que les chances d’infirmation par la cour d’appel de Paris du jugement rendu du 22 mai 2017 étaient inexistantes.
Le tribunal renvoie expressément aux dernières écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 6 juillet 2023.
L’affaire, appelée à l’audience du 27 mai 2024, a été mise en délibéré au 17 septembre 2024.
Sur le principe de responsabilité de Me [R] [F]
LA SARL ADG STE D’ARCHITECTURE reproche à Maître [F] un défaut de diligence, ce dernier n’ayant pas signifié les conclusions d’appel dans le délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel conformément aux dispositions de l’article 908 du code de procédure civile.
En application des dispositions des articles 1231 et suivants du code civil, la responsabilité de l’avocat doit être examinée au regard de l’obligation qui pèse sur celui-ci, consistant à accomplir toutes les diligences utiles à la défense des intérêts de son client. Il est rappelé à cet égard qu’en sa qualité d’avocat, en tant que tel investi d’un devoir de compétence et supposé connaître les règles de procédure, il est tenu à une obligation de résultat pour ce qui concerne le respect des règles de procédure.
L’avocat est soumis, dans le cadre de son activité judiciaire, à une obligation de moyen. Il a une obligation de compétence pour conseiller utilement son client.
L’article 908 du code de procédure civile dispose : « à peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, l’appelant dispose d’un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel pour remettre ses conclusions d’appel au greffe. »
En l’espèce, La SARL ADG STE D’ARCHITECTURE a mandaté Me [R] [F] pour faire appel du jugement rendu le 22 mai 2017 par le tribunal judiciaire d’Evry.
Me [R] [F] a effectué une déclaration d’appel le 6 juin 2017. Il a fait signifier des conclusions après l’expiration du délai de trois mois commençant à courir au 6 juin 2017.
Par ordonnance en date du 5 octobre 2017, le conseiller de la mise en état de la cour d’appel de Paris a rendu une ordonnance prononçant la caducité de la déclaration d’appel, l’appelant n’ayant pas conclu dans le délai imparti.
Me [R] [F], débiteur d’une obligation de résultat s’agissant des actes de procédure, a donc commis une faute en ne concluant pas dans le délai prévu par l’article 908 du code de procédure civile.
Me [R] [F] a donc engagé sa responsabilité civile professionnelle à l’égard de la SARL ADG STE D’ARCHITECTURE.
Sur la demande de réparation des préjudices subis
Le préjudice résultant d’un manquement par un avocat à ses obligations s’évalue en termes de perte de chance. Il est à cet égard de principe que la perte de chance répare de manière générale la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable. S’agissant plus précisément de la chance de réussite d’une action en justice, le caractère réel et sérieux s’apprécie au regard de la probabilité de succès de cette action.
C’est pourquoi, il convient de reconstituer fictivement, au vu des conclusions des parties et des pièces produites aux débats, la discussion qui aurait pu s’instaurer devant le juge et le procès qui n’a pu avoir lieu pour déterminer les chances de succès de l’action qui n’a pas été exercée et évaluer le bénéfice que cette action aurait pu rapporter et dont la perte constitue le préjudice. Il appartient à celui qui demande la réparation d’une perte de chance de rapporter la preuve de ce que la chance de survenance de cet événement n’était pas seulement raisonnable mais incontestable et inconditionnelle, de sorte que la survenance de l’évènement futur n’était affectée d’aucun aléa.
La faute commise par Me [R] [F] a privé la SARL ADG STE D’ARCHITECTURE de la possibilité de voir le jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Evry réformé par la cour d’appel de Paris.
Il convient d’apprécier les chances de succès de la SARL ADG STE D’ARCHITECTURE devant la cour d’appel de Paris afin de déterminer si la faute commise par Me [R] [F] a réellement entraîné des préjudices au détriment de cette dernière.
Il y a donc lieu de reconstituer le débat qui aurai dû intervenir devant la cour d’appel de Paris.
Il est constant que par jugement du 22 mai 2017, le tribunal judiciaire d’Evry a notamment :
« – Condamné in solidum la société LES MAISONS XE et la société ADG à payer à la société CIL la somme de 534.427 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice relatif au surcoût de la réalisation ;
– Débouté la société CIL de ses demandes à l’encontre de la société LES MAISONS XE et de la société ADG au titre des pénalités de retard contractuelles et au titre des indemnités versées aux acheteurs ;
– Condamné in solidum la société LES MAISONS XE et la société ADG à payer la somme de 1.800 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Débouté la société LES MAISONS XE et la société ADG de leurs demandes au titre des frais irrépétibles à l’encontre de la société CIL ;
– Ordonné l’exécution provisoire ;
– Condamné la société LES MAISONS XE et la concluante aux dépens. »
Il résulte notamment de la motivation du jugement que :
« – la société ADG devait être considérée comme responsable car elle ne produit aucune pièce justifiant qu’entre le 1er juillet 2011 et 31 décembre 2011 elle a exécuté sa mission qui comprenait la direction des travaux ;
– le retard dans le chantier de la tranche 1 aurait pu laisser craindre que le délai d’exécution d’un an pour la construction de 26 pavillons ne puisse pas être respecté au regard d’une échéance à la mi-mars 2012 ;
– pour indemniser la société CIL, le tribunal de grande instance a estimé que le préjudice de cette dernière était équivalent à la différence entre le coût originel et le coût réel des travaux, en raison notamment du prétendu manquement contractuel de la société ADG ;
– concernant le caractère in solidum de la condamnation, le tribunal a considéré que la prétendue faute de la société ADG a concouru de manière indissociable à la production du dommage. »
Il est de principe que l’architecte est débiteur d’une obligation de moyen s’agissant de l’exécution de sa mission de direction et de contrôle des travaux.
La SARL ADG STE D’ARCHITECTURE estime que cette décision aurait nécessairement pu être infirmée en appel.
Il ressort du contrat de maîtrise d’œuvre que le maître d’œuvre doit notamment :
« -Organiser, diriger et envoyer au minimum 1 compte-rendu de réunion de chantier par semaine
-Informer le maître d’ouvrage de l’avancement des travaux et des problèmes rencontrés
-Etablir et envoyer des courriers afin de faire respecter le planning
-Proposer des sanctions contre les entreprises »
L’article 13 du contrat permet au maître d’ouvrage de résilier le contrat aux torts du maître d’œuvre « en cas de survenance d’un évènement de force majeure empêchant le Maître d’œuvre d’exécuter sa mission, soit dans sa totalité, soit dans une proportion, ou pendant une durée telle qu’on puisse craindre que les délais d’exécution prévus ne puissent être respectés. »
Il est précisé que, dans ce cas de figure, le Maître d’ouvrage pourra faire poursuivre la mission par un autre maître d’œuvre « sans préjudice des dommages et intérêts que le Maître de l’ouvrage serait en droit de lui demander pour retard dans l’aboutissement du programme de construction. »
Aux termes de l’ordre de service du 7 mars 2011 n°1, a été notifié à la société LES MAISONS XE le démarrage des travaux à compter du 15 mars 2011 pour une durée de cinq mois et demi.
La livraison de la 1ère tranche pour les pavillons 1 à 6 devait intervenir début septembre 2011.
Il ressort des constats d’huissier établis à la demande de la société CIL le 14 novembre 2011 et le 16 décembre 2011 qu’aucune maison n’a été construite.
Me [R] [F] précise que la société CIL a indiqué que l’entrepreneur a fait intervenir des sous-traitants non agréés et non en règle avec la règlementation du travail tel que cela ressort de la pièce 11 produite (courrier du contrôleur du travail adressé à Monsieur le Directeur de la société LES MAISONS XE) le 1er février 2012.
Il ressort des débats que la SARL ADG STE D’ARCHITECTURE n’a pas répliqué s’agissant de cet élément.
La société CIL a fait valoir ne pas avoir été avisée de l’avancement des travaux et des problèmes rencontrés.
La SARL ADG STE D’ARCHITECTURE fait valoir qu’elle justifie du suivi du contrôle du chantier en produisant les pièces 7 et 17.
A cet égard, elle expose justifier du fait que la société CIL était présente lors des réunions de chantier et qu’ainsi, aucun non-respect de sa mission de direction et de contrôle ne peut être retenue.
Il ressort des pièces versées aux débats par la SARL ADG STE D’ARCHITECTURE, à savoir la pièce 7 que la société CIL et la SARL ADG STE D’ARCHITECTURE étaient présentes notamment à la réunion de chantier du 9 février 2012 et à la réunion de chantier du 23 février 2012. La pièce 17 produite par la SARL ADG STE D’ARCHITECTURE est un courrier adressé par la société LES MAISONS XE à la société CIL relatif à la contestation d’une facture émise par cette dernière.
Il résulte ainsi de ces éléments que, contrairement à ce que déclare la SARL ADG STE D’ARCHITECTURE, elle ne produit pas les pièces démontrant qu’elle a exécuté sa mission comprenant la direction des travaux entre le 1er juillet 2011 et le 31 décembre 2011 puisqu’elle se contente de produire le justificatif de la présence de la société CIL aux réunions de chantier des 9 février 2012 et 23 février 2012 uniquement.
En conséquence de quoi, les pièces produites aux débats ne permettent pas de justifier que la société CIL était présente entre le 1er juillet 2011 et 31 décembre 2011. Contrairement à ce que prétend la SARL ADG STE D’ARCHITECTURE et malgré le fait que Me [R] [F] ait pu, aux termes des conclusions tardives signifiées devant la cour d’appel, conclure que la société ADG STE D’ARCHITECTURE a assuré la direction des travaux et formulé dans ce cadre des conseils à la société CIL, il doit être relevé qu’au vu des pièces produites aux débats, les chances de voir infirmer le jugement apparaissent très faibles et très peu probables compte tenu du fait qu’il apparaît que la SARL ADG STE D’ARCHITECTURE ne démontre pas avoir respecté sa mission de direction et de contrôle des travaux.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la SARL ADG STE D’ARCHITECTURE ne démontre pas avoir subi une perte de chance sérieuse en ce qu’elle ne justifie pas d’une chance sérieuse de voir le jugement rendu le 22 mai 2017 par le tribunal judiciaire d’Evry infirmé par la cour d’appel.
Elle sera donc déboutée de ses demandes.
Sur les autres demandes
Compte tenu du sens du présent jugement, il y a lieu d’écarter l’exécution provisoire.
Compte tenu des circonstances de l’espèce, à savoir que Me [R] [F] a engagé sa responsabilité civile professionnelle à l’égard de la SARL ADG STE D’ARCHITECTURE, Me [R] [F] et son assureur, la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES seront condamnés à payer les dépens.
Les circonstances d’équité tendent à justifier de rejeter les demandes des parties sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
DEBOUTE la SARL ADG STE D’ARCHITECTURE de ses demandes,
DEBOUTE toutes les parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Me [R] [F] et son assureur société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES aux dépens,
ECARTE l’exécution provisoire.
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 SEPTEMBRE 2024 par Madame DURIGON, Vice-Présidente, assistée de Madame BEAUVALLET, Greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT