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Un hébergeur peut être condamné civilement mais aussi pénalement pour complicité de contrefaçon d’œuvres de l’esprit par fourniture de moyens, en l’occurrence des moyens de stockage sur des serveurs appartenant à la société DStorage et le maintien en activité de liens permettant l’accès à ces moyens de stockage, de contrefaçon par reproduction, celle-ci étant caractérisée, pour chaque lien, à compter de la date de notification + 7 jours, des œuvres de l’esprit et des vidéogrammes. Le président de la société a également été condamné à une peine d’un an de prison assortie du sursis.
La contrefaçon des œuvres de l’esprit, définie à l’article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle, suppose de caractériser la nature d’œuvre de l’esprit, accordée pour une durée limitée (s’agissant du droit patrimonial) et sous condition d’originalité, définie de manière prétorienne comme la marque de l’empreinte de la personnalité, l’existence d’actes matériels de reproduction, de représentation ou de diffusion, en-dehors des exceptions limitativement énumérées par le code de propriété intellectuelle, l’absence d’autorisation des auteurs et un élément intentionnel.
Sauf contestation sérieuse, la qualité d’auteur de l’exploitant d’une œuvre de l’esprit est présumée.
La contrefaçon des vidéogrammes et phonogrammes, définie à l’article L. 335-4 du même code, se détache de la contrefaçon des œuvres de l’esprit en ce que le droit conféré aux producteurs est un droit voisin du droit d’auteur, d’origine économique, attribué à la personne physique ou morale qui a l’initiative et la responsabilité de la première fixation d’une séquence d’images sonorisée ou non (art. L. 215-1 c. propr. intel.) ou d’une séquence de son (art. L. 213-1 du même code).
L’originalité des séquences fixées et leur protection par le droit d’auteur sont indifférentes du point de vue de la protection accordée aux producteurs de vidéogrammes et de phonogrammes. Les actes matériels incriminés sont la reproduction, la communication et la mise à disposition du public.
Les infractions de contrefaçon par reproduction sont des infractions instantanées, contrairement aux infractions par représentation, diffusion, communication, mise à disposition du public, qui se poursuivent tant que le public a accès au fichier reproduisant l’œuvre, le vidéogramme ou le phonogramme.
Aux termes de l’article 121-7 du code pénal, est complice d’un crime ou d’un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la commission. L’article 121-6 du même code précise que le complice de l’infraction sera puni comme auteur.
La reproduction des œuvres musicales et cinématographiques a été effectuée dans un premier temps par les destinataires des services de la société DStorage (abonnés et utilisateurs à titre gratuit) à partir de leur terminal et en direction des serveurs de la société DStorage (téléchargement ascendant ou « upload »). En l’absence d’autorisation des titulaires de droits d’auteur et de droits voisins, l’infraction initiale de contrefaçon par reproduction apparaît ainsi caractérisée à l’égard des primo-diffuseurs (non poursuivis).
Si la société DStorage a mis à disposition les moyens permettant cette opération « d’upload », elle ne peut être considérée, à ce moment-là, comme ayant eu connaissance du caractère contrefaisant de l’information stockée. À défaut d’élément intentionnel à ce stade, sa responsabilité pénale ne peut pas être retenue. Il en va de même pour les actes de reproduction descendants intervenus avant que l’hébergeur ait connaissance effective du caractère manifestement illicite des informations stockées.
En revanche, la question de la responsabilité pénale de l’hébergeur se pose pour chaque acte de reproduction descendant effectué après l’écoulement du prompt délai de retrait consécutif à la prise de connaissance du caractère manifestement illicite du fichier considéré.
Techniquement, lors d’un téléchargement descendant, l’hébergeur ne copie pas le fichier, il ne le reproduit pas. Il ne peut donc pas être considéré comme coauteur de l’infraction de contrefaçon, sauf à retenir une conception extensive de l’infraction de contrefaçon qui pourrait apparaître comme contraire au principe de légalité des délits et des peines (voir pourtant en ce sens mais en matière civile, Cass. civ. 1, 7 mars 1984 « Rannou-Graphie »).
Cependant, l’hébergeur fournit à l’internaute qui suit un lien l’accès à un serveur sur lequel est stockée la copie du fichier « uploadé ». En maintenant le lien de téléchargement actif et en conservant le fichier sur ses serveurs, 1’hébergeur fournit à l’internaute en question le moyen de commettre une contrefaçon par reproduction. L’intention complice, c’est-à-dire la connaissance du caractère contrefaisant de l’activité, résulte de la connaissance présumée par l’application du 5 du 1 de l’article 6 de la LCEN.
S’agissant de l’infraction de contrefaçon par représentation / diffusion / communication / mise à disposition du public, elle est caractérisée non seulement par l’acte matériel de diffusion publique du lien de téléchargement sur des sites internet, mais se poursuit tant que le lien est diffusé et actif.
Contrairement à l’acte de reproduction, dans lequel les hébergeurs tiennent un rôle de fournisseur de moyen, le lien de téléchargement est créé par la société DStorage, qui peut à tout moment révoquer celui-ci en ne le faisant plus pointer vers le fichier contrefaisant.
Si l’élément intentionnel de l’infraction ne peut pas être caractérisé initialement en l’absence de connaissance du caractère illicite de l’activité, il apparaît en cours de commission de l’infraction, une fois cette connaissance établie, dès lors que l’hébergeur s’abstient de supprimer le fichier ou d’en empêcher l’accès (par exemple en désactivant le lien de téléchargement). La prise en compte au titre de la culpabilité de cette intention en cours de commission de l’infraction est rendue possible par l’application des dispositions spéciales prévues au 3 du I de l’article 6 de la LCEN, auxquelles il appartient au juge de donner force utile.
La qualité de coauteur de l’infraction de contrefaçon par représentation / diffusion / communication / mise à disposition du public des œuvres de l’esprit et des vidéogrammes a donc été retenue, et ce à compter de la date notification de contenus illicites + 7 jours.
Selon l’article 132-1 du code pénal, dans les limites fixées par la loi, la juridiction détermine la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, conformément aux finalités et fonctions de la peine énoncées à l’article 130-1 selon lequel en effet, afin d’assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l’équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions de sanctionner l’auteur de l’infraction et/ou de favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion.
Il résulte des circonstances de l’infraction, et notamment de l’atteinte à la propriété intellectuelle, à des fins commerciales, de manière répétée et prolongée sur une très longue période, en dépit des nombreuses notifications reçues et des poursuites engagées, de l’importance du préjudice causé, que les faits revêtent une gravité particulière portant atteinte aux secteurs de la création musicale et cinématographique.
Par ailleurs, le casier judiciaire des condamnés ne comportait la trace d’aucune mention. Le gérant de la société Dstorage est inséré socialement, il exerce une activité professionnelle régulière et vit en couple. S’il est domicilié hors de France, il s’est cependant présenté à toutes les convocations judiciaires et a manifesté sa volonté de coopérer avec les services d’enquête, même s’il ne semble pas avoir pris conscience de la gravité des faits et du trouble causé.
Ces éléments ont justifié le prononcé d’une peine d’emprisonnement d’un an (sursis simple) à son encontre et ce, afin d’assurer la protection de la société, de prévenir la réitération de l’infraction, de restaurer l’équilibre social et dans le respect des intérêts des victimes.
L’article 132-20 alinéa 2 du code pénal dispose que le montant de l’amende se détermine au regard des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur en tenant compte des ressources et des charges de ce dernier.
En l’espèce, les parties ont tiré profit de leur activité, dont l’essor a été favorisé, au moins dans un premier temps, par la commission des infractions favorisée par leur interprétation de la règle de droit. Compte tenu du profit tiré de cette activité, mais aussi de l’absence de prise en compte des amples préjudices causés aux parties civiles, une peine d’amende a été prononcée. Celle-ci a été fixée à cent mille euros à l’égard de la SAS DStorage et à la somme de vingt mille euros à l’égard de son président.