La société 4F (Les Oscars) est locataire d’un local appartenant à Primonial Capimmo et a réalisé des travaux en avril 2016, confiés à Ouali Bat, sous la maîtrise d’œuvre de Khansari Architecture. Suite à des désordres, le syndicat des copropriétaires a obtenu la désignation d’un expert judiciaire en février 2017, dont le rapport a été déposé en juillet 2018. En avril 2019, le syndicat a obtenu une provision de 19 536,50 euros à la charge de Primonial Capimmo et 4F, en raison de désordres liés au raccordement des réseaux d’évacuation. Les travaux sur parties communes ont été réalisés en août 2019.
Le tribunal judiciaire de Bobigny a, en janvier 2022, condamné Primonial Capimmo et 4F à verser 30 453,46 euros de dommages et intérêts au syndicat, tout en déboutant 4F de ses demandes contre Millenium Insurance Company. 4F a ensuite assigné Khansari Architecture en octobre 2022 pour indemnisation. En septembre 2023, le juge a rejeté les fins de non-recevoir de Khansari. Dans ses conclusions de novembre 2023, 4F demande à Khansari de garantir les condamnations et de verser des indemnités. Khansari, dans ses conclusions d’octobre 2023, demande le déboutement de 4F et réclame des sommes pour procédure abusive et amende civile. L’affaire a été mise en délibéré pour décision en septembre 2024. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
de BOBIGNY
JUGEMENT CONTENTIEUX DU 23 SEPTEMBRE 2024
Chambre 6/Section 3
AFFAIRE: N° RG 22/10388 – N° Portalis DB3S-W-B7G-W3V2
N° de MINUTE : 24/00505
S.A.S. 4F (LES OSCARS)
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par Maître Frédéric CATTONI de la SELARL CABINET SALLARD CATTONI, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : C 199
DEMANDEUR
C/
S.A.R.L. KHANSARI ARCHITECTURE
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Maître Oz rahsan VARGUN de la SELAS OZ & IZ, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : E2072
DEFENDEUR
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Monsieur François DEROUAULT, juge, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du code de procédure civile, assisté aux débats de Madame Maud THOBOR, greffier.
DÉBATS
Audience publique du 27 Mai 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 23 Septembre 2024.
JUGEMENT
Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Monsieur François DEROUAULT, juge, assisté de Madame Maud THOBOR, greffier.
Locataire commerciale d’un local appartenant à la société Primonial Capimmo au sein d’un ensemble immobilier sis [Adresse 4] et [Adresse 3], la société 4F (Les Oscars) a, courant avril 2016, entrepris des travaux, confiés à la société Ouali Bat, assurée auprès de la société Millenium Insurance Company (MIC), sous la maîtrise d’œuvre de la société Khansari Architecture.
Se prévalant de désordres affectant les travaux ainsi réalisés, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble a obtenu, en référé, suivant décision du 27 février 2017, la désignation de M. [V] en qualité d’expert judiciaire, lequel a déposé son rapport le 10 juillet 2018.
Suivant décision du 5 avril 2019, le syndicat des copropriétaires a obtenu, en référé, l’allocation d’une provision de 19 536,50 euros HT à la charge des sociétés Primonial Capimmo et 4F (Les Oscars) in solidum, avec garantie de la première par la seconde, au titre des frais déjà exposés (4 333,50 euros) et des travaux de reprise encore à entreprendre (15 203 euros HT), estimant qu’il n’existait pas de contestation sérieuse sur les désordres allégués et l’origine de ceux-ci, à savoir le raccordement des réseaux d’évacuation des eaux usées et eaux vannes du restaurant exploité par la société 4F (Les Oscars) sur le réseau d’évacuation des eaux pluviales de la copropriété.
Les travaux sur parties communes ont été réalisés le 9 août 2019.
Par jugement du 24 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Bobigny a, notamment :
– condamné in solidum la société Primonial Capimmo et la SAS 4F (Les Oscars) à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 4] et [Adresse 3], la somme de 30 453,46 euros de dommages et intérêts, déduction faite de la provision déjà ordonnée en référé à hauteur de 19 536,50 euros ;
– débouté la SAS 4F (Les Oscars) de ses demandes de dommages et intérêts présentées contre la société Millenium Insurance Company Limited au titre des réparations payées pour le compte du syndicat, des réparations dans son restaurant, et de la perte d’exploitation pendant les travaux ;
– condamné la SAS 4F (Les Oscars) à garantir intégralement la société Primonial Capimmo des condamnations prononcées à son encontre, en ce inclus les frais de procédure ;
– condamné in solidum la société Primonial Capimmo et la SAS 4F (Les Oscars) aux dépens, en ce inclus les frais d’expertise judiciaire, avec bénéfice du droit prévu par les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
– condamné in solidum la société Primonial Capimmo et la SAS 4F (Les Oscars) à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 4] et [Adresse 3] la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par acte d’huissier en date du 18 octobre 2022, la société 4F (Les Oscars) a assigné la société Khansari Architecture aux fins d’indemnisation d’appel en garantie et d’indemnisation de son préjudice.
Par ordonnance du 11 septembre 2023, le juge de la mise en état a rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la société Khansari Architecture.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 novembre 2023, la société 4F (Les Oscars) demande au tribunal de :
– condamner la société Khansari Architecture à garantir la société 4F (Les Oscars) des condamnations qui ont été prononcées à son encontre ;
– condamner la société Khansari Architecture à verser à la société 4F (Les Oscars) :
– la somme de 44 312,07 euros à titre d’indemnisation au titre du préjudice financier ;
– la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
– la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Khansari Architecture en tous les dépens, dont le recouvrement sera effectué conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 octobre 2023, la société Khansari Architecture demande au tribunal de :
– débouter la société 4F (Les Oscars) de ses demandes ;
– condamner la société 4F (Les Oscars) à payer une somme de 5 000 euros au titre de la procédure abusive ;
– condamner la société 4F (Les Oscars) à payer une somme de 5 000 euros au titre d’une amende civile ;
– condamner la société 4F (Les Oscars) à payer une somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 17 janvier 2024.
L’affaire a été inscrite au rôle de l’audience du 27 mai 2024, où elle a été appelée.
Sur quoi elle a été mise en délibéré au 23 septembre 2024 afin qu’y soit rendue la présente décision.
I. Sur les demandes de la société 4F (Les Oscars)
Dans leurs relations entre eux, les responsables ne peuvent exercer de recours qu’à proportion de leurs fautes respectives, sur le fondement des dispositions de l’article 1382 ancien et 1240 à 1242 nouveaux du code civil s’agissant des intervenants à l’acte de construire non liés contractuellement entre eux, ou de l’article 1147 ancien et 1231-1 du code civil s’ils sont contractuellement liés.
En l’espèce, la lecture du jugement du 24 janvier 2022 enseigne que la société 4F (Les Oscars) a été condamnée sur le fondement de sa responsabilité de plein droit (sans faute) au titre d’un trouble anormal de voisinage, caractérisé à partir des constations et des conclusions non discutées de l’expert judiciaire :
– les réseaux d’évacuation des eaux usées et des eaux vannes du local exploité par la société 4F ont été raccordés, à l’occasion des travaux qu’elle a fait réaliser en 2016, sur le réseau des eaux pluviales de la copropriété, en contravention avec l’article 44B du règlement sanitaire départemental de la Seine Saint Denis, occasionnant divers dommages (encrassement du réseau et de la fosse de relevage, détérioration des deux pompes de relevage, du plancher et poutres en béton armé percés pour faire passer les canalisation, du flocage et de l’isolant au feu au droit des percements) et nuisances (insectes, odeurs nauséabondes) ;
– la remise en l’état antérieur des parties communes suppose de désinfecter et nettoyer (1 447 euros HT), de déposer les réseaux et reboucher les percements (1 150 euros HT), de remplacer les pompes de relevage (8 908 euros HT) et de remettre en état le flocage isolant coupe-feu (2 500 euros HT), pour un coût global de 14 005 euros HT, suivant devis validés par l’expert et non discutés en défense ;
– aucune solution satisfaisante de séparation des réseaux en partie privative n’a été présentée à l’expert, les travaux pouvant néanmoins être chiffrés a minima à 11 250 euros HT ;
– la copropriété a fait intervenir une entreprise pour le pompage et le nettoyage du bassin eaux pluviales et la vérification des pompes, pour un montant facturé le 9 mars 2018 de 3 333 euros TTC.
Dès lors, le tribunal observe que les développements relatifs à l’installation d’un climatiseur ou à l’installation d’une tourelle – désordres qui ont également été examinés par l’expert – sont sans rapport avec les prétentions formulées par la société 4F (Les Oscars) dès lors que celle-ci n’a été condamnée à l’égard du syndicat des copropriétaires qu’en suite des désordres relatifs au raccordement des eaux usées et vannes sur le réseau aux pluviales du syndicat des copropriétaires.
Or, il sera retenu, à l’appui du contrat de maîtrise d’œuvre et du rapport d’expertise :
– que l’article G.3.4 du cahier des clauses générales prévoit que « l’architecte précise par des plans, coupes, et élévations les formes des différents éléments de la construction, la nature et les caractéristiques des matériaux et les conditions de leur mise en œuvre. Il détermine l’implantation et l’encombrement de tous les éléments de structure et de tous les équipements techniques, précise les tracés des alimentations et évacuations de tous fluides, décrit les ouvrages et établit les plans de repérage nécessaires à la compréhension du projet » ;
– que la société Khansari Architecture était tenue des missions « études préliminaires » et « projet de conception générale » ;
– que le projet de raccordement impliquait de consulter l’architecte de l’immeuble afin d’obtenir les plans techniques de la copropriété et de s’assurer de la faisabilité technique des raccordements ;
– que les raccordements litigieux étant soumis à autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires, il est d’usage que ces informations et consultations de l’architecte de l’immeuble se fassent lors des études préliminaires – ce que la société Khansari Architecture, en sa qualité d’architecte, ne pouvait ignorer ;
– que les demandes d’autorisation – qui n’ont pas eu lieu en l’espèce – se formalisent lors des études de projet de conception générale, dont était chargée la société Khansari Architecture ;
– que les raccordements réalisés sont illicites et ont généré les désordres tels que décrits supra.
Dans ces conditions, le tribunal affirme que la société Khansari a commis un manquement à ses obligations contractuelles en ne prenant pas attache avec l’architecte de l’immeuble et en concevant un raccordement illicite.
Cependant, il est constant que la société Khansari Architecture n’est pas le seul intervenant à l’acte de construire puisqu’il est certain qu’elle n’a pas réalisé les travaux.
Eu égard à la nature de sa faute, il y a lieu de condamner la société Khansari Architecture à hauteur de 60 % des condamnations prononcées contre la société 4F (Les Oscars) ainsi qu’il est demandé par celle-ci dès lors que l’entreprise qui est intervenue est également fautive, à hauteur de 40 %.
Le tribunal observe, à l’appui de ses écritures, que la demande formée par la société 4F (Les Oscars) à hauteur de 44 312,07 euros au titre du préjudice financier renvoie d’une part, pour la somme de 24 844,80 euros à des travaux de reprise qui ne résultent pas d’une condamnation en
justice, et d’autre part, pour la somme excédant 24 844,80 euros, aux postes de condamnation résultant du jugement du 24 janvier 2022 et de l’ordonnance de référé du 5 avril 2019.
Dès lors, la demande de la société 4F (Les Oscars) en paiement de la somme de 44 312,07 euros apparaît partiellement redondante avec la demande en garantie en ce que ces deux demandes portent sur le même préjudice.
Partant, la demande en paiement de la somme de 44 312,07 euros, pour la partie excédant la somme de 24 844,80 euros, sera rejetée dès lors que le principe de réparation intégrale exclut que soit indemnisé deux fois le même préjudice.
S’agissant de la demande indemnitaire portant sur la somme de 24 844,80 euros, la société 4F (Les Oscars) justifie avoir procédé à des travaux de reprise pour ce montant.
Compte tenu du partage de responsabilités précédent, la société Khansari Architecture sera condamnée à payer la somme ainsi calculée :
24 844,80 × 0,6 = 14 906,88 euros TTC.
La société 4F (Les Oscars) ne justifie pas de son préjudice moral – qui, s’agissant d’une personne morale, ne peut consister qu’en un préjudice d’image – et sera déboutée de sa demande de ce chef.
II. Sur les demandes de la société Khansari Architecture
Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Aux termes de l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
En l’espèce, la société Architecture ne peut valablement se prévaloir d’être victime de procédure abusive dès lors que le tribunal a accédé, au moins partiellement, aux prétentions de la société 4F (Les Oscars).
Les demandes relatives à la procédure abusive et à l’amende civile seront rejetées.
III. Sur les mesures de fin de jugement
A. Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à charge de l’autre partie.
L’article 699 du code de procédure civile prévoit que les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans avoir reçu provision.
La société Khansari Architecture sera condamnée aux dépens, avec application de l’article 699 du code de procédure civile.
B. Sur les frais irrépétibles
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le tribunal condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par principe, le tribunal alloue à ce titre une somme correspondant aux frais réellement engagés, à partir des justificatifs produits par les parties, ou, en l’absence de justificatif, à partir des données objectives du litige (nombre de parties, durée de la procédure, nombre d’écritures échangées, complexité de l’affaire, incidents de mise en état, mesure d’instruction, etc.). Par exception et de manière discrétionnaire, le tribunal peut, considération prise de l’équité ou de la situation économique des parties, allouer une somme moindre, voire dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
La société Khansari Architecture sera condamnée à payer à la société 4F (Les Oscars) la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
C. Sur l’exécution provisoire
Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
Il sera rappelé l’exécution provisoire du jugement.
Le tribunal, publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort et mis à disposition au greffe,
Condamne la société Khansari Architecture à garantir à hauteur de 60 % la société 4F (Les Oscars) des condamnations prononcées à son encontre au terme du jugement du tribunal judiciaire de Bobigny Chambre 6 section 4 du 24 janvier 2022 n°RG 19/11526 et minuté 22/00074, ainsi qu’au terme de l’ordonnance de référé rendue par le président du tribunal judiciaire de Bobigny du 5 avril 2019 ;
Condamne la société Khansari Architecture à payer à la société 4F (Les Oscars) la somme de 14 906,88 euros TTC au titre de son préjudice financier tiré des travaux de remise en état ;
Condamne la société Khansari Architecture à payer à la société 4F (Les Oscars) la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société 4F (Les Oscars) du reste de ses demandes ;
Déboute la société Khansari Architecture de ses demandes ;
Condamne la société Khansari Architecture aux dépens, avec application de l’article 699 du code de procédure civile ;
Rappelle l’exécution provisoire du jugement.
La minute est signée par Monsieur François DEROUAULT, juge, assisté de Madame Maud THOBOR, greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT