Responsabilité et Réparations dans le Cadre des Travaux de Construction : Analyse des Obligations et Préjudices

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Responsabilité et Réparations dans le Cadre des Travaux de Construction : Analyse des Obligations et Préjudices

[W] [Y]-[H] et [B] [I] sont propriétaires d’un appartement à [Adresse 1] à [Localité 11] et ont engagé des travaux de rénovation avec l’architecte [E] [L] et la société M2Y. Les travaux ont été réceptionnés avec des réserves, et un constat d’huissier a été établi en février 2019 suite à des désordres signalés, notamment des problèmes d’accès à la chaudière et des éléments manquants. Les maîtres d’ouvrage ont ensuite assigné en justice l’architecte, la société M2Y, la MAF et BPCE Iard pour obtenir des indemnités liées aux désordres. Plusieurs ordonnances ont été rendues, notamment sur la compétence des juges et la recevabilité des demandes. Les parties ont formulé des prétentions variées, incluant des demandes d’indemnisation pour travaux de réparation, préjudices de jouissance et frais d’huissier. Les défendeurs ont contesté les demandes et ont formulé des demandes reconventionnelles. L’affaire a été inscrite sous plusieurs références et a connu plusieurs renvois et décisions de justice. L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 janvier 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

27 août 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG
19/15103
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

6ème chambre 1ère section

N° RG 19/15103 –
N° Portalis 352J-W-B7D-CRLZ5

N° MINUTE :

Assignation du :
24 décembre 2019

JUGEMENT
rendu le 27 août 2024

DEMANDEURS

Monsieur [W] [Y]-[H]
[Adresse 1]
[Localité 8]

Madame [B] [I]
[Adresse 1]
[Localité 8]

représentés par Maître Marie-Noëlle LAZARI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0478

DÉFENDERESSES

Madame [E] [L]
[Adresse 3]
[Localité 5]

Mutuelle MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS en sa qualité d’assureur de Madame [L]
[Adresse 2]
[Localité 7]

représentées par Maître Oz Rahsan VARGUN de la SELAS OZ & IZ, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #E2072

Décision du 27 août 2024
6ème chambre 1ère section
N° RG 19/15103 –
N° Portalis 352J-W-B7D-CRLZ5

S.A.R.L. M2Y
[Adresse 4]
[Localité 6]

représentée par Maître Martine SULTAN FUENTES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0337

S.A. BPCE IARD assureur de la SARL M2Y
[Adresse 10]
[Localité 9]

représentée par Maître Alexis BARBIER de la SELARL BARBIER ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #J042

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Céline MECHIN, vice-président
Marie PAPART, vice-président
Clément DELSOL, juge

assisté de Catherine DEHIER, greffier, lors des débats et de Marie MICHO, greffier lors de la mise à disposition.

DÉBATS

A l’audience du 29 mai 2024 tenue en audience publique devant Clément DELSOL, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Contradictoire
en premier ressort
Décision publique
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Céline MECHIN, président et par Marie MICHO greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

[W] [Y]-[H] et [B] [I] sont propriétaires d’un appartement dans l’immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 11]. En qualité de maîtres de l’ouvrage, ils ont entrepris des travaux de rénovation.

Sont intervenues au chantier :
[E] [L] en qualité d’architecte et maître d’œuvre avec une mission complète suivant un « contrat d’architecte forfait rénovation » du 16 janvier 2018 stipulant un total de 2 600 € Ttc d’honoraires, assurée près de la société Maf suivant l’attestation d’assurance du 1er janvier 2017 relative au contrat n°162821/B ;et la société M2Y pour l’exécution des travaux suivant le devis n°25-036/18 du 15 février 2018 d’un montant total de 28 215 € Ttc, assurée près de la société BPCE Iard en application de la police n°175648658R002 ;
Dans un contexte de fin de travaux, le maître d’œuvre a établi les documents suivants :
un procès-verbal de réception de l’ouvrage avec des réserves du 9 juin 2018,un nouveau procès-verbal de réception après réserves du 15 juin 2018 établissant de nouvelles réserves,un procès-verbal de fin de collaboration de l’entreprise M2Y du 09 juillet 2018 faisant état de réserves faisant suite à la lettre recommandée avec avis de réception du 4 juillet 2018, par laquelle [W] [Y]-[H] et [B] [I] ont résilié le contrat conclu avec la société M2Y.
La société BJRD, huissier de justice mandaté par les maîtres d’ouvrage, a établi un procès-verbal de constat des lieux n°20190124 le 12 février 2019.

Dans le cadre du sinistre déclaré s’agissant de la difficulté d’accès à la chaudière, de l’incompatibilité des tuyaux et d’éléments manquants de la hotte, la société Eurisk mandatée par la société Bpce Iard a établi un rapport n°1 le 03 juillet 2019 N°0750/252781/RCDA.

Par actes d’huissier de justice délivrés le 24 et le 27 décembre 2019, Monsieur [W] [Y]-[H] et Madame [B] [I] ayant pour avocate Maître Lazari ont fait citer Madame [E] [L], architecte, la société Mutuelle des Architectes Français (Maf – RCS Paris n°784647349), la société à responsabilité limitée M2Y (RCS Paris n°801872706) et la société anonyme BPCE Iard (RCS Niort n°401380472), chacune prise en la personne de son représentant légal, devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de condamnations in solidum à les indemniser au titre des désordres liés aux opérations de constructions portant sur l’immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 11] et de condamnation sous astreinte à réaliser des travaux. L’affaire a été inscrite au rôle sous la référence n°RG19/15103.

Par ordonnance du 28 septembre 2021, le juge de la mise en état a notamment rejeté l’exception de procédure tirée de la nullité des assignations délivrées à leur encontre soulevée par Madame [E] [L] et la Maf ; déclaré le juge de la mise en état incompétent pour statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par Madame [E] [L] et la Maf ; et déclaré le juge de la mise en état incompétent pour connaître des demandes au fond présentées par la société Bpce Iard au titre du paiement du solde du marché, de son indemnisation, du rejet des demandes au fond présentées à son encontre et des appels en garantie formés à l’encontre de Madame [E] [L] et de la Maf.

Par ordonnance du 29 mars 2022, le juge de la mise en état a dit parfait le désistement d’instance entre [W] [Y]-[H], [B] [I] et [E] [L] ; constaté, en conséquence, l’extinction de l’instance entre [W] [Y]-[H], [B] [I] et [E] [L] ; dit que l’instance se poursuit entre l’intégralité des parties ; ordonné le renvoi de l’affaire à l’audience du juge de la mise en état du 27 juin 2022 à 13:40 pour les conclusions de Maître Lazari en demande ; et dit que chaque partie conserve la charge de ses dépens d’incident.

Par acte d’huissier de justice délivré le 1er juin 2022, [W] [Y]-[H] et [B] [I] ont fait citer [E] [L] devant le tribunal judiciaire de Paris en intervention forcée notamment aux fins de jonctions avec l’affaire initiale et de condamnation à les indemniser des préjudices résultant des désordres. L’affaire a été inscrite au rôle sous la référence n°RG22/06509.
Par mentions aux dossiers du 27 juin 2022, le juge de la mise en état a joint les affaires sous la référence unique n°RG19/15103.

Par ordonnance du 13 juin 2023, le juge de la mise en état a notamment déclaré le juge de la mise en état incompétent au profit du tribunal judiciaire statuant au fond pour connaître des fins de non-recevoir soulevées par la société Maf à l’encontre de [W] [Y]-[H] et [B] [I] ; débouté [E] [L] de ses prétentions aux fins d’irrecevabilité formées contre [W] [Y]-[H] et [B] [I] ; déclaré, en conséquence, [W] [Y]-[H] et [B] [I] recevables en leurs prétentions formées contre [E] [L].

Par conclusions récapitulatives n°2 notifiées par voie électronique le 12 janvier 2024, [B] [I] et [W] [Y]-[H] forment les prétentions suivantes :
« Vu les articles 9 et 32-2 du code de procédure civile,
Vu les articles 1194, 1219, 1231-1, 1315, 1792 et 1792-3 du code civil,
Vu l’article L124-3 du code des assurances,
CONDAMNER in solidum Madame [L], la MAF et la société M2Y à verser à Monsieur [Y] – [H] et à Mademoiselle [I] les indemnités suivantes :
o au titre des travaux de réparation à réaliser pour lever les non-conformités et les réserves à la réception : 14.842,30 € TTC (-1.500 € de retenue de garantie) augmentés de l’actualisation en fonction de l’indice BT01 à compter du 18 juillet 2022
o au titre des travaux de réparation réalisés pour l’électricité : 348,22 € TTC augmentés des intérêts au taux légal à compter de la signification de l’assignation le 27 décembre 2022 et de la capitalisation des intérêts échus depuis au moins un an
o au titre des frais de changement de la serrure de l’appartement : 480 € TTC augmentés des intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2019 et de la capitalisation des intérêts échus depuis au moins un an
CONDAMNER in solidum Madame [L], la MAF, la société M2Y et la société BPCE IARD à verser à Monsieur [Y] – [H] et à Mademoiselle [I] les indemnités suivantes :
o au titre des travaux de réparation à réaliser pour les désordres apparus postérieurement à la réception des travaux (hotte de la cuisine et installation de chauffage) : 3.152,60 € TTC augmentés de l’actualisation en fonction de l’indice BT01 à compter du 18 juillet 2022
o au titre des travaux de réparation réalisés pour l’installation de chauffage : 913 € TTC augmentés des intérêts au taux légal à compter du 3 juin 2020 et de la capitalisation des intérêts échus depuis au moins un an.
CONDAMNER in solidum Madame [L], la MAF, la société M2Y et la société BPCE IARD à verser à Monsieur [Y] – [H] et à Mademoiselle [I] les indemnités suivantes :
o au titre des frais de constat d’huissier : 350 € TTC augmentés des intérêts au taux légal à compter de la signification du 27 décembre 2019 et de la capitalisation des intérêts échus depuis au moins un an
o au titre de la privation de jouissance de l’appartement pendant les travaux : 6.940 €
o au titre du préjudice de jouissance de l’appartement dans l’attente des réparations : 37.476 € à compléter à compter du 15 juin 2024 jusqu’à la date de commencement des travaux
o au titre du préjudice moral : 5.000 €.
CONDAMNER in solidum Madame [L] et la MAF à verser à Monsieur [Y] – [H] et à Mademoiselle [I] la somme de 3.000 € pour manœuvres dilatoires.
CONDAMNER in solidum Madame [L], la MAF, la société M2Y et la société BPCE IARD à verser à Monsieur [Y] – [H] et à Mademoiselle [I] la somme de 15.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
CONDAMNER in solidum Madame [L], la MAF, la société M2Y et la société BPCE IARD aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître LAZARI dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
À titre très subsidiaire, pour le cas où le Tribunal considérerait que les pièces communiquées ne suffisent pas à justifier des demandes,
DESIGNER un expert avec pour mission de :
– se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à sa mission
– examiner les réserves et désordres mentionnées dans l’assignation de Monsieur [Y] – [H] et à Mademoiselle [I] ; indiquer s’ils ont été ou non levées et réparés
– dans la négative, donner son avis sur les travaux nécessaires pour les réparer et en chiffrer le montant
– fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre ultérieurement à la juridiction saisie au fond d’évaluer les préjudices de toute nature résultant des malfaçons, non-conformités et désordres.
Mettre à la charge de la MAF et / ou de la compagnie BPCE la consignation au titre des frais d’expertise. »

Par conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 19 janvier 2024, [E] [L] et la société Maf forment les prétentions suivantes :
« Vu les articles 1231-1 et 1792 et suivants du Code civil,
Vu les articles 1240 et 1241 du Code civil,
Vu les pièces versées aux débats,
Vu la jurisprudence,
Il est respectueusement demandé au Tribunal de céans de :
ADJUGER aux concluantes le bénéfice de ses présentes et précédentes écritures comme non contraires.
DÉCLARER recevables Madame [L] et la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS en l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions telles que dirigées à l’encontre des demandeurs.
DECLARER irrecevables et mal fondées Madame [I] et Monsieur [Y]-[H] en l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions telles que dirigées à l’encontre de Madame [L] et de la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS.
DEBOUTER les sociétés M2Y et BPCE de leurs appels en garantie formulés à l’encontre des concluantes.
Par conséquent,
DEBOUTER Monsieur [Y]-[H] et Madame [I] de l’ensemble de leurs demandes financières formulées sur le fondement de la responsabilité décennale.
DEBOUTER Monsieur [Y]-[H] et Madame [I] de l’ensemble de leurs demandes financières formulées sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
Si, par extraordinaire, le Tribunal devait entrer en voie de condamnation, il lui est demandé de :
FIXER le partage de responsabilité comme suit :
– Société M2Y : 95 %,
– Madame [L] : 5%
FIXER le montant des travaux pour la reprise du ravalement à la somme 3.567,37 euros HT, soit 3.924,10 euros TTC.
RELEVER ET GARANTIR Madame [L] et la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS, ès-qualités d’assureur de Madame [L] indemnes de toute condamnation qui serait prononcée à leur encontre par des condamnations équivalentes qui le seront à l’encontre de la société M2Y et la société BPCE.
JUGER qu’aucune condamnation in solidum ne saurait être prononcée à l’encontre de Madame [L] et de surcroît de son assureur la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS.
DECLARER recevable et bien fondée la MUTUELLE DES ARCHITTECTES FRANÇAIS à opposer le cadre et les limites de sa police d’assurance dont la franchise contractuelle au tiers lésé.
SURSEOIR à l’exécution forcée du jugement à intervenir si une condamnation était prononcée par le Tribunal.
En tout état de cause,
CONDAMNER Madame [I] et Monsieur [Y]-[H] à payer à Madame [L] la somme de 1.200 euros au titre du solde des honoraires restant dus, augmenté des intérêts depuis le 14 juin 2018 (réception des travaux).
CONDAMNER Madame [I] et Monsieur [Y]-[H] à payer à Madame [L] et à la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS une somme qui ne saurait être inférieure à 4.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNER tout succombant aux entiers dépens de première instance dont distraction au profit de Maître Oz Rahsan VARGUN, Avocat aux offres de droit pour ce dont elle aura fait l’avance, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. »

Par conclusions récapitulatives n°3 notifiées par voie électronique le 31 janvier 2023, la société M2Y forme les prétentions suivantes :
« Vu les articles 1103 et 1104 du code civil ;
Vu l’article 1353 du code civil ;
Vu l’article 1194 du Code civil ;
Vu l’article 1219 du Code civil ;
Vu l’article 1231-1 du Code civil ;
Vu l’article 1353 du code civil ;
Vu l’article 1792 du Code civil ;
Vu l’article 1792-3 du Code civil ;
Vu l’article 1240 du Code civil ;
Vu l’article 9 du code de procédure civile ;
Dire Monsieur [W] [Y]-[H] et Madame [B] [I] irrecevables et mal fondés en leurs demandes ;
En conséquence,
Les débouter de leurs demandes, fins et conclusions ;
Subsidiairement, si par impossible le tribunal entendait entrer en voie de condamnation à l’encontre de la société M2Y il lui est demandé de dire que la société BCPE relèvera et garantira en tant que de besoin la société M2Y de toute condamnation prononcée à son encontre.
Très Subsidiairement si par impossible le tribunal entendait entrer en voie de condamnation à l’encontre de la société M2Y il lui est demandé de dire que la fin de non-recevoir soulevée par Madame [L] et la MAF est inopposable à la société M2Y et à la MAF , de débouter Madame [L] et la MAF de leur fin de non-recevoir et de dire que Madame [E] [L] et la MAF relèveront et garantiront en tant que de besoin la société M2Y de toute condamnation prononcée à son encontre.
Dire recevable et bien fondée la société M2Y en ces demandes reconventionnelles ;
Y faisant droit ;
Condamner in solidum Monsieur [W] [Y]-[H] et Madame [B] [I] à payer la somme de 4 061,50 euros à la société M2Y au titre du solde dû sur travaux et achat d’électroménager.
Condamner in solidum Monsieur [W] [Y]-[H] et Madame [B] [I] à payer la somme de 7 450 euros à la société M2Y à titre de dommages et intérêts au titre des travaux refaits pour changement d’avis de Monsieur [W] [Y]-[H] et Madame [B] [I] sur les travaux préalablement demandés.
Condamner in solidum Monsieur [W] [Y]-[H] et Madame [B] [I] à payer la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation par ces derniers de leurs obligations contractuelles ;
Ordonner la capitalisation des intérêts sur les condamnations prononcées à l’encontre de Monsieur [W] [Y]-[H] et Madame [B] [I], dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du Code civil à compter de l’acte introductif d’instance.
Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Condamner in solidum Monsieur [W] [Y]-[H] et Madame [B] [I] à payer la somme de 6 000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile à la société M2Y.
Condamner in solidum Monsieur [W] [Y]-[H] et Madame [B] [I] aux dépens de la présente procédure. »
Par conclusions notifiées par voie électronique le 24 mars 2023, la société Bpce Iard forme les prétentions suivantes :
« Vu les articles 1792 et 1792-3 du code civil,
Subsidiairement 1231-1 et 1353 du code civil,
DEBOUTER les consorts [Y]- [H] et [I] et toute autre partie de leurs demandes de condamnations dirigées à l’encontre de BPCE IARD au titre des désordres réservés.
LIMITER toute éventuelle condamnation de la concluante à hauteur de 3.785 € HT.
JUGER que les consorts [Y]- [H] et [I] ne justifient pas de l’impropriété à destination de la chaudière et de la hotte,
DEBOUTER les consorts [Y]- [H] et [I] et toute autre partie de l’intégralité de leurs demandes de condamnations dirigées à l’encontre de BPCE IARD,
Juger que la fin de non- recevoir soulevée par Madame [L] et la MAF est inopposable à la société BPCE IARD et à la MAF et ne peut enfin aucunement concerner une garantie légale,
Débouter Madame [L] et de son assureur la MAF de leur fin de non recevoir,
Juger recevables les demandes de condamnation de la société BPCE IARD formulées à l’encontre de Madame [L] et de son assureur la MAF,
Subsidiairement :
JUGER que la chaudière est ancienne et existante,
JUGER que l’incompatibilité des robinets thermostatiques et l’inadéquation de la situation et du coffrage de la chaudière existante résultent du CCTP et des plans établis par le maître d’œuvre,
CONDAMNER Madame [L] et la MAF à relever et garantir intégralement la société BPCE IARD de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,
Débouter les consorts [Y]- [H] et [I] de leur demande de condamnation formulée à hauteur de 5.400 € au titre de la privation de jouissance pendant deux mois,
Débouter les consorts [Y]- [H] et [I] de leur demande de condamnation formulée à hauteur de 5.000 € au titre du préjudice moral,
Réduire à de plus justes proportions la demande de 12960 € au titre des 24 mois de préjudice de jouissance allégués ainsi que les frais d’article 700 du CPC,
CONDAMNER les consorts [Y]- [H] et [I] ou toute partie succombante à régler une somme de 2.500 € à la société BPCE IARD ainsi que les entiers dépens dont distrction au profit de Me BARBIER conformément aux dispositions de l’article 700 du CPC. »

Pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à la lecture de leurs écritures en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture date du 22 janvier 2024.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de préciser que les demandes des parties tendant à voire « dire et juger » ou « constater » ne constituent pas nécessairement des prétentions au sens des dispositions des articles 4 et 30 du code de procédure civile dès lors qu’elles ne confèrent pas de droit spécifique à la partie qui en fait la demande. Elles ne feront alors pas l’objet d’une mention au dispositif.

I. Les demandes en condamnation formées au titre des réserves mentionnées dans les procès-verbaux de réception

L’article 1231-1 du code civil dispose que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

a. La matérialité des désordres

L’article 9 du code de procédure civile dispose qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l’espèce, le maître d’ouvrage produit au soutien de ses prétentions deux procès-verbaux de réception avec réserves du 09 juin et du 15 juin 2018 ainsi qu’un procès-verbal de fin de collaboration du 09 juillet 2018 et un procès-verbal de constat d’huissier du 12 février 2019.

Il convient de relever que le maître d’œuvre et son assureur Maf ne contestent pas la matérialité des désordres.

S’agissant de la société M2Y, en pages n°8 et 9 de ses écritures, elle se limite à une reprise du déroulement du chantier au cours du mois de juin 2018 en précisant, sur des postes spécifiques, qu’elle devait uniquement procéder à un raccord de parquet et au remplacement des lattes abîmées d’une part et au seul déplacement de la chaudière d’autre part. Ainsi, elle ne conteste pas la matérialité des désordres correspondant aux réserves énumérées dans le procès-verbal du 09 juin 2018 et dans ceux du 15 juin 2018 et du 09 juillet 2018 ainsi que dans le procès-verbal établi par Maître [N] [T], huissier de justice, le 12 février 2019.

Par ailleurs, la société Bpce Iard ne conteste pas plus la matérialité de ces désordres, celle-ci invoquant une absence de garantie.

b. L’inexécution contractuelle

L’article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Le maître d’œuvre
L’architecte est tenu d’une obligation de moyen dans l’exécution de sa mission de direction des travaux (n°02-13.986).
En l’espèce, il résulte des éléments produits aux débats que le maître d’œuvre a établi des comptes-rendus de chantier circonstanciés intégrant notamment un ordre du jour sous l’intitulé « sujet », des observations et propositions techniques, des schémas et l’énumération de points spécifiques à réaliser ou reprendre dans le cadre de l’exécution des travaux. Par ailleurs, il a établi le procès-verbal du 09 juin 2018 et ceux du 15 juin 2018 et du 09 juillet 2018.

Dès lors, il ne peut lui être reproché un manquement dans le suivi des travaux.
S’agissant du choix de la société M2Y, les demandeurs ne rapportent pas la preuve d’une incompétence manifeste et permanente de celle-ci à conduire des travaux impliquant des lots divers, les désordres relevés concernant un seul chantier.

S’agissant de l’erreur de conception alléguée, elle suppose une analyse technique dont ne dispose pas le maître d’ouvrage qui n’a, au demeurant, sollicité aucun expert amiable ni judiciaire.

Enfin, le maître d’ouvrage ne peut pas concomitamment reprocher au maître d’œuvre de l’avoir dissuadé de résilier le contrat du locateur et de lui avoir conseillé de le faire, ceci d’autant plus que les désordres étaient déjà établis et qu’un tel manquement, à le supposer établi, est sans lien avec les préjudices subis.

En conséquence, la faute du maître d’œuvre n’est pas établie et le maître d’ouvrage est débouté des prétentions formées contre celui-ci et son assureur au titre des désordres susvisés.

Le locateur
L’entrepreneur principal est responsable envers le maître d’ouvrage des fautes commises par son sous-traitant (n° 89-13,833).

En l’espèce, la société M2Y ne conteste pas sa responsabilité au titre des désordres correspondant aux réserves énumérées dans le procès-verbal du 09 juin 2018 et dans celui du 15 juin 2018.

Par ailleurs, le procès-verbal établi le 09 juillet 2018 ne comprend aucune réserve supplémentaire.

Enfin, peu importe que le constat d’huissier de justice du 12 février 2019 ne soit pas contradictoire dans la mesure où il a été établi par un officier ministériel soumis à une déontologie stricte et régulièrement produit aux débats, les parties ayant la possibilité de le critiquer.

A ce titre, peu importe que le contrat ait été ultérieurement résilié.

En conséquence, la faute de la société M2Y est caractérisée et sa responsabilité engagée.

Bpce Iard, assureur de M2Y
En l’espèce, il est produit aux débats une attestation d’assurance du contrat n°175648658R002 valable du 1er janvier au 31 décembre 2018.

La société Bpce Iard ni aucune autre partie ne produit aux débats les conditions particulières et générales de la police d’assurance applicable.

Par référence aux données figurant sur l’attestation susvisée, il apparaît que la société Bpce Iard garantie la société M2Y au titre de la responsabilité civile professionnelle avant et après réception. Or, cet assureur ne rapporte pas la preuve de l’existence d’une clause d’exclusion de garantie des désordres réservés ou apparents. Ainsi, elle échoue dans la charge de la preuve qui lui incombe.

Enfin, ne précisant pas dans ses conclusions les éventuelles limites, plafonds, franchises et termes contractuels qu’elle entendrait opposer aux tiers, ceux-ci demeurent inopposable dans le cadre de la présente instance.

En conséquence, son assurée est bien-fondée à solliciter que les condamnations prononcées à son encontre soient garanties par la société Bpce Iard, étant rappelé que les demandeurs ne forment aucune demande à son encontre au titre de ces désordres.

c. Le montant des préjudices

Les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu’il en résulte pour elle ni perte, ni profit. (n° 99-18.712).

En l’espèce, au titre du préjudice correspondant au coût des travaux de reprise des réserves, les demandeurs sollicitent le montant de 14 842,30 € Ttc. Dans leurs écritures respectives, les sociétés M2Y et Bpce Iard ne contestent pas le montant de ce poste de préjudice. Ainsi, il convient de faire droit à la demande du maître d’ouvrage.

En l’absence d’avis éclairé d’un spécialiste, le demandeur ne démontre pas la pertinence de réaliser des travaux d’électricité dont le lien avec les réserves n’est pas établi. Le maître d’ouvrage est donc débouté de la demande ainsi formée d’un montant de 348,22 € Ttc.
Par ailleurs, en page n°14 de ses dernières conclusions, la société M2Y reconnaît retenir les clefs des locaux appartenant au maître d’ouvrage. Ainsi, ce dernier est bien-fondé à solliciter la somme de 480,00 € Ttc au titre du changement de serrure conformément à la facture n°42 du 09.07.2018 de la société Serrurerie Raymond.

S’agissant des frais de 350,00 € exposés pour réaliser le constat d’huissier de justice, celui-ci ayant été utile à la résolution du litige, ils seront intégrés au poste relatif à l’article 700 du code de procédure civile.

*
En conséquence, la société M2Y est condamnée à payer à [W] [Y]-[H] et [B] [I] 14 842,30 € Ttc au titre du préjudice matériel résultant des travaux de reprise des réserves et 480,00 € Ttc au titre du changement de serrure conformément à la facture n°42 du 09.07.2018 de la société Serrurerie Raymond.

La société Bpce Iard est condamnée à relever et garantir intégralement son assurée, la société M2Y, de ces condamnations.

Ces sociétés sont déboutées des appels en garantie formés contre le maître d’œuvre et son assureur Maf en l’absence de faute imputable au premier.
II. Les demandes en condamnation formées par le maître d’ouvrage au titre désordres apparus postérieurement à la réception.

a. Le désordre affectant la hotte

L’article 1792-3 du code civil dispose que les autres éléments d’équipement de l’ouvrage font l’objet d’une garantie de bon fonctionnement d’une durée minimale de deux ans à compter de sa réception.

En l’espèce, il convient de relever que l’absence de tuyau d’évacuation et de filtre de la hotte n’est pas décelable par un maître d’ouvrage profane dans la mesure où ces éléments sont invisibilisés par le mobilier.

Or, en l’absence de ces éléments, le bon fonctionnement de cet équipement dissociable de la structure est compromis. Ce désordre n’était pas réservé à la réception.

Dès lors, la société M2Y qui était en charge de l’exécution de l’intégralité des travaux et qui ne rapporte pas la preuve de la délivrance des filtres ainsi que Madame [L] qui était maître d’œuvre et n’a pas procédé à cette vérification lors de l’opération de réception, sont responsables de plein droit des préjudices résultant de ce dommage au titre des dispositions susvisées.
Eu égard aux développements précédents et compte-tenu de la mention de la responsabilité civile biennale dans l’attestation susvisée, la société Bpce Iard doit sa garantie à la société M2Y et ne peut pas opposer les termes du contrat aux tiers dans le cadre de la présente instance.

S’agissant de la société Maf, celle-ci ne conteste pas garantir le maître d’œuvre à ce titre et ne peut pas opposer les termes du contrat aux tiers dans le cadre de la présente instance dans la mesure où elle ne précise pas expressément les clauses et termes dont elle entend se prévaloir.

Dans le devis n°DEV-2019-0021 du 18 mars 2019, la société Vat BAt évalue le coût de raccordement de la hotte et celui de la fourniture et la pose des filtres à charbon à 285,00 € HT soit 313,50 € Ttc.

Eu égard aux fautes caractérisées correspondant à l’absence d’exécution conforme aux règles de l’art des travaux de la société M2Y et de l’absence de vérification de cette bonne exécution par le maître d’œuvre, il convient de fixer la contribution suivante à la dette :
80 % : M2Y20 % Madame [L]
En conséquence, il conviendra de condamner les parties à se garantir mutuellement au pourcentage fixé en fonction des appels en garantie formés.

b. Le désordre affectant la chaudière et la robinetterie

L’article 1792 du code civil dispose que tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.

En l’espèce, le maître d’ouvrage ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un dysfonctionnement de la chaudière ni d’une incompatibilité manifeste entre la nouvelle tuyauterie installée et l’appareil déplacé, ceci d’autant plus que l’expert technique amiable Eurisk mandaté par Bpce Iard dans le rapport du 03 juillet 2019 ne relève aucun dysfonctionnement lors de son intervention et fait état, non pas de l’accès impossible à l’appareil pour son entretien, mais d’un accès difficile ayant nécessité 25 minutes d’intervention.

S’agissant de la tuyauterie de la salle de bain, cet expert amiable a constaté le désordre correspondant aux latences d’arrivée d’eau chaude dans la douche et l’évier.
Ainsi, la matérialité des désordres est établie uniquement en ce qui concerne l’accès difficile à la chaudière et le temps de latence de l’arrivée d’eau chaude.
Il n’est pas démontré d’atteinte à la solidité de la structure ni à la destination de l’immeuble.

Ainsi, ce désordre n’est pas de nature décennale.

*
L’article 1792-3 du code civil dispose que les autres éléments d’équipement de l’ouvrage font l’objet d’une garantie de bon fonctionnement d’une durée minimale de deux ans à compter de sa réception.

En l’espèce, le désordre correspondant à la difficulté d’accès à la chaudière pour son entretien n’est pas de nature biennale dans la mesure où il n’affecte pas le bien lui-même mais la structure dans laquelle l’appareil a été encastré.
En revanche, le désordre affectant le réseau de tuyauterie de la salle de bain dont l’arrivée d’eau chaude est particulièrement latente relève de la garantie de bon fonctionnement.

Ce désordre n’était pas apparent pour un profane ni réservé à la réception.
Aucune partie ne conteste que les travaux de plomberie ayant notamment pour objet le changement de tuyauterie de la salle de bain étaient compris dans les opérations de rénovation et dans le devis de la société M2Y du 15 février 2018.

Dès lors, la société M2Y qui était en charge de l’exécution de l’intégralité des travaux et Madame [L] qui était maître d’œuvre et n’a pas procédé à la vérification des installations sont responsables de plein droit des préjudices résultant de ce dommage au titre des dispositions susvisées.

Eu égard aux développements précédents, la société Bpce Iard doit sa garantie à la société M2Y sans pouvoir opposer les termes du contrat aux tiers dans le cadre de la présente instance.

S’agissant de la société Maf, celle-ci ne conteste pas garantir le maître d’œuvre à ce titre et ne peut pas opposer les termes du contrat aux tiers dans le cadre de la présente instance dans la mesure où elle ne précise pas expressément les clauses et termes dont elle entend se prévaloir.

Par ailleurs, aucune partie ne conteste le principe et le montant de cette solution réparatoire correspondant au changement de la chaudière et à la fourniture et la pose d’un dosseret et d’une grille de ventilation.

Dans le devis du 18 juillet 2022, la société Est Bâtiment évalue le coût de changement de la chaudière à 2 072 € Ht à laquelle elle ajoute la fourniture et la pose d’un dosseret et d’une grille de ventilation pour 165 €Ht et 252 € Ht, soit un total de 2 737,90 € Ttc. Ce montant sera donc retenu.

Eu égard aux fautes caractérisées correspondant à l’absence d’exécution conforme aux règles de l’art des travaux de la société M2Y et de l’absence de vérification de cette bonne exécution par le maître d’œuvre, il convient de fixer la contribution suivante à la dette :
80 % : M2Y20 % Madame [L]
En conséquence, il conviendra de condamner les parties à se garantir mutuellement au pourcentage fixé en fonction des appels en garantie formés.
*
L’article 1231-1 du code civil dispose que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

En l’espèce, eu égard aux développements précédents, la société M2Y a commis une faute en qualité de professionnelle de la construction en procédant à la réinstallation d’une chaudière dans des conditions qui ne permettent pas un entretien réglementaire optimal. Il en est de même du maître d’œuvre qui est tenu d’une obligation de suivi des travaux et qui aurait du s’enquérir de cette difficulté au cours des travaux.

Dans le devis du 18 juillet 2022, la société Est Bâtiment évalue le coût de rectification de la menuiserie à 287 € Ht, soit 315,70 € Ttc.

Eu égard aux développements précédents, les sociétés Maf et Bpce Iard doivent leur garantie sans pouvoir opposer les termes des polices d’assurance.

Eu égard aux fautes caractérisées, il convient de fixer la contribution suivante à la dette :
80 % : M2Y20 % Madame [L]
En conséquence, il conviendra de condamner les parties à se garantir mutuellement au pourcentage fixé en fonction des appels en garantie formés.

III. Les prétentions formées au titre des préjudices transversaux

De jurisprudence constante en application du principe de réparation intégrale du préjudice, la victime doit être replacée dans une situation aussi proche que possible de la situation qui aurait été la sienne si le dommage ne s’était pas produit, les dommages et intérêts alloués devant réparer le préjudice subi sans qu’il en résulte pour lui ni perte, ni profit.

En l’espèce, le devis de la société Est Bâtiment du 18 juillet 2022 mentionne une durée de travaux de 2 mois en considérant un logement vide.

Dès lors le préjudice pour privation de jouissance au cours des travaux de reprise est caractérisé.

Le maître d’ouvrage produit aux débats des annonces des plates-formes en ligne Seloger.com et Airbnb.com pour évaluer le coût du relogement pendant une période de deux mois. Bien que ces montants soient contestés par les défendeurs, force est de relever que ceux-ci ne produisent aucun élément qui permettrait de réduire les prétentions du maître d’ouvrage. Il convient donc de retenir le montant le moins élevé provenant de la plate-forme SeLoger.com de 2 300 € par mois, soit 4 600 € au total.

S’agissant du préjudice de jouissance depuis la réception des travaux du 15 juin 2018, le maître d’ouvrage ne produit aucun justificatif permettant d’établir la valeur locative du logement. Eu égard à la nature et à l’ampleur des réserves à lever et des autres désordres, il convient de fixer un préjudice de jouissance de 50 € par mois du 15 juin 2018 au 27 août 2024, date du jugement, soit 74 mois et 12 jours :
100 x 74 + 50/30×12 = 3 720
Ce préjudice de jouissance est fixé à 3 720 €.

En outre, le préjudice moral est caractérisé par les manquements de la société à son obligation d’exécution des travaux dans les règles de l’art, à la passivité du maître d’œuvre qui n’a pas anticipé des problématiques évidentes telle que l’accès à la chaudière et la compatibilité des réseaux, par la nécessité pour les maîtres d’œuvre d’initier une procédure judiciaire d’une durée de 5 ans pour obtenir l’indemnisation de leur préjudice alors que la matérialité des désordres n’est pas contestée ainsi que par l’anxiété nourrie chaque jour par la vision des désordres affectant son lieu de vie mise en perspective avec le risque de perdre un procès en raison de l’aléa inhérent à l’issue de toute procédure judiciaire.
Ainsi, le préjudice moral est fixé à 5 000 €.

S’agissant du préjudice pour manœuvres dilatoires, le maître d’ouvrage ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un préjudice distinct des sommes attribuées au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Eu égard aux fautes caractérisées, la contribution à la dette au titre des préjudices transversaux est conforme à celle fixée précédemment :
80 % : M2Y20 % Madame [L]*
Les intérêts sur les sommes dues, ne courent qu’à compter du présent jugement, qui seul détermine le principe et le montant de la créance, l’article 1231-6 du code civil n’étant applicable que dans l’hypothèse où le principe et le montant de la créance résultent de la loi ou du contrat.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée conformément à l’article 1343-2 du code civil.

IV. la demande reconventionnelle formée par l’architecte au titre du paiement du solde de ses honoraires

L’article 4 alinéa 1er du code de procédure civile dispose que l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

En l’espèce, le maître d’œuvre sollicite la condamnation du maître d’ouvrage à lui régler 1 200 € au titre du solde de ses honoraires.

Le maître d’ouvrage, comparant, n’a pas conclu aux fins de rejet de cette prétention dans les motifs et le dispositif de ses écritures.

En conséquence, il convient de faire droit à la demande. Les intérêts sur cette somme courent à compter du jugement, le maître d’œuvre ne produisant pas une mise en demeure adressée au client consommateur le 15 juin 2018.

V. la demande reconventionnelle formée par la société M2Y au titre du paiement du solde du prix

L’article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

En l’espèce, le maître d’ouvrage a accepté les travaux prévus dans le devis du 15 février 2018 d’un montant de 28 215 € Ttc.

Il convient d’ajouter à ce montant, ceux retenus par le maître d’œuvre dans le décompte des ouvrages – OPR dans la mesure où la société M2Y ne produit aucun autre devis signé par ses clients qui ont la qualité de consommateurs. Ainsi, Madame [L] à l’issue des opérations , a retenu un solde du des travaux de 5 538,00 € Ttc.

Dans le dispositif de ses écritures, le maître d’ouvrage ne conclut pas au débouté de la société M2Y, celle-ci plafonnant sa prétention à 4 061,50 €.
Il convient donc de retenir ce montant, lequel sera assorti des intérêts légaux à compter de la date du présent jugement en l’absence de mise en demeure produite aux débats. La capitalisation des intérêts étant sollicitée, elle sera ordonnée conformément à l’article 1343-2 du code civil.

S’agissant des travaux réalisés en fonction des changements de perspective du maître d’ouvrage, ils ont été acceptés par la société M2Y qui ne justifie pas de la production de devis signé à ce titre. Elle sera donc déboutée de cette demande.

S’agissant du préjudice immatériel qu’elle évalue à 4 000,00 €, force est de constater qu’il n’est étayé par aucun élément, étant précisé qu’elle est à l’origine des travaux mal-exécutés ayant contraint le maître d’ouvrage à agir en justice.

VI. Les décisions de fin de jugement

a. Les dépens

L’article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Madame [L] et les sociétés M2Y, Bpce Iard et Maf succombent et sont condamnées in solidum aux dépens.

Le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile est accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

b. Les frais irrépétibles

L’article 700 1° du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Madame [L] et les sociétés M2Y, Bpce Iard et Maf succombent et sont condamnées in solidum aux dépens. L’équité commande donc de condamner in solidum Madame [L] et les sociétés M2Y, Bpce Iard et Maf à payer 4 350,00 € à [W] [Y]-[H] et [B] [I] au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La contribution finale à la dette au titre des dépens et frais irrépétibles est la suivante :
80 % M2Y20 % Madame [L]
Il conviendra de condamner les parties à se garantir mutuellement au pourcentage fixé en fonction des appels en garantie formés.

c. L’exécution provisoire

En application des dispositions de l’article 515 ancien du code de procédure civile, l’exécution provisoire est opportune eu égard à l’ancienneté et la nature du litige. En effet, la demande de sursis à statuer formée par le maître d’oeuvre et son assureur Maf n’est fondée sur aucun moyen de fait ou de droit pertinent.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal judiciaire statuant après débat en audience publique par jugement contradictoire en premier ressort et mis à disposition au greffe,

Sur les prétentions relatives aux réserves :

CONDAMNE la société M2Y à payer à [W] [Y]-[H] et [B] [I] :
14 842,30 € Ttc au titre du préjudice matériel correspondant aux travaux de reprise des réserves ;480,00 € Ttc au titre du changement de serrure conformément à la facture n°42 du 09.07.2018 de la société Serrurerie Raymond ;CONDAMNE la société Bpce Iard à garantir la société M2Y de ces condamnations prononcées contre elle ;

DÉBOUTE [W] [Y]-[H] et [B] [I] des prétentions formées à ce titre contre Madame [E] [L] et la société Maf ;

DÉBOUTE les sociétés M2Y et Bpce Iard des appels en garantie formés contre Madame [E] [L] et la société Maf ;

Sur les prétentions relatives aux désordres non réservés :

CONDAMNE in solidum Madame [E] [L] et les sociétés M2Y, Bpce Iard et Maf à payer à [W] [Y]-[H] et [B] [I] :
313,50 € Ttc au titre du préjudice matériel correspondant au coût des travaux de reprise de la hotte,2 737,90 € Ttc au titre du préjudice matériel correspondant au coût des travaux de reprise,315,70 € Ttc au titre du préjudice matériel correspondant au coût des travaux de reprise de la menuiserie pour l’accès à la chaudière ;4 600 € au titre du préjudice immatériel pour trouble de jouissance au cours des travaux de reprise des désordres ;3 720 € au titre du préjudice pour trouble de jouissance,5 000 € au titre du préjudice moral ;
DEBOUTE [W] [Y]-[H] et [B] [I] du surplus de leurs prétentions indemnitaires ;

DIT que les sommes précitées porteront intérêt au taux légal à compter du jugement, avec la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;

FIXE ainsi la contribution définitive à la dette, y compris au titre des dépens et frais irrépétibles :
80 % : M2Y20 % : Madame [E] [L] ;
CONDAMNE la société Bpce Iard à garantir la société M2Y de toutes les condamnations prononcées contre elle ;

CONDAMNE in solidum les sociétés Bpce Iard et M2Y à garantir Madame [E] [L] et la Maf des condamnations prononcées contre elles au titre des désordres non réservés, y compris au titre des frais irrépétibles et dépens à hauteur de 80 %;

CONDAMNE in solidum Madame [E] [L] et la Maf à garantir la société Bpce Iard des condamnations prononcées contre elle au titre des désordres non réservés, y compris au titre des frais irrépétibles et dépens à hauteur de 80 %;

DIT que les sociétés Maf et Bpce Iard ne peuvent pas opposer les termes des polices d’assurance dans la cadre de la présente instance ;

La demande reconventionnelle de Madame [E] [L] :

CONDAMNE solidairement [W] [Y]-[H] et [B] [I] à payer à Madame [E] [L] la somme de 1 200 € au titre du solde de ses honoraires, portant intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

La demande reconventionnelle de la société M2Y :

CONDAMNE solidairement [W] [Y]-[H] et [B] [I] à payer à la société M2Y 4 061,50 € Ttc au titre du solde du contrat ;

DIT que cette somme de 4 061,50 € porte intérêt au taux légal à compter du jugement, avec la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;

DÉBOUTE la société M2Y du surplus de ses prétentions ;

Sur les chefs de fin de jugement :

CONDAMNE in solidum Madame [L] et les sociétés M2Y, Bpce Iard et Maf aux dépens ;

CONDAMNE in solidum Madame [L] et les sociétés M2Y, Bpce Iard et Maf à payer 4 350 € à [W] [Y]-[H] et [B] [I] au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

ADMET les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

ORDONNE l’exécution provisoire du jugement ;

Fait et jugé à Paris le 27 août 2024

Le greffier Le président


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