Responsabilité et recours en matière de cautionnement : enjeux de la déchéance du terme et des obligations des débiteurs.

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Responsabilité et recours en matière de cautionnement : enjeux de la déchéance du terme et des obligations des débiteurs.

Accord de prêt immobilier

La Caisse d’épargne d’Auvergne et du Limousin a accordé un crédit immobilier de 188 354,43 euros à Mme [R] [Y] et M. [H] [M] le 23 avril 2019, avec un taux d’intérêt de 1,53% et un remboursement échelonné sur 300 mensualités. Ce prêt était garanti par la SA Compagnie européenne de garanties et cautions (CEGC).

Défaillance de paiement

M. [M] et Mme [Y] n’ont pas réglé leurs échéances entre le 31 août et le 15 septembre 2020. En conséquence, la Caisse d’épargne a prononcé la déchéance du terme par courriers recommandés le 19 octobre 2020, demandant le remboursement d’un montant total de 198 774,98 euros.

Intervention de la CEGC

Le 30 octobre 2020, la banque a sollicité la garantie de la CEGC, qui a informé les débiteurs qu’elle réglerait leur dette dans un délai de quinze jours. La CEGC a effectivement payé 186 099,06 euros à la Caisse d’épargne le 15 décembre 2020.

Action en justice

Le 7 janvier 2021, la CEGC a mis en demeure M. [M] et Mme [Y] de rembourser 199 321,01 euros, puis les a assignés devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand pour obtenir le remboursement de sa créance.

Jugement du tribunal

Le 2 mai 2023, le tribunal a condamné solidairement M. [M] et Mme [Y] à verser 186 099,16 euros à la CEGC, avec intérêts légaux à partir du 15 décembre 2020. Le paiement a été reporté d’un an, et les procédures d’exécution ont été suspendues pendant ce délai.

Appel des débiteurs

M. [M] et Mme [Y] ont interjeté appel le 8 juin 2023, demandant la déclaration de la CEGC comme mal fondée dans son appel incident, l’infirmation du jugement, et la reconnaissance de l’abus de la déchéance du terme par la Caisse d’épargne.

Arguments des débiteurs

Ils soutiennent que la déchéance du terme a été prononcée abusivement, que la mise en demeure a été adressée à une adresse inoccupée, et qu’ils n’ont pas reçu les extraits des conditions générales d’assurance du prêt. Ils affirment également avoir alimenté leur compte pour régulariser leur situation.

Réponse de la CEGC

La CEGC a demandé la confirmation du jugement, arguant que les courriers de mise en demeure étaient revenus non réclamés et que la déchéance du terme n’affectait pas son recours. Elle a également contesté la demande de délais de paiement des débiteurs.

Décision de la cour

La cour a confirmé le jugement du tribunal, sauf en ce qui concerne les délais de paiement accordés aux débiteurs. Elle a débouté M. [M] et Mme [Y] de leur demande de délais et les a condamnés à verser 2 000 euros à la CEGC au titre des frais irrépétibles. Les débiteurs ont également été condamnés aux dépens d’appel.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

23 octobre 2024
Cour d’appel de Riom
RG
23/00903
COUR D’APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 23 Octobre 2024

N° RG 23/00903 – N° Portalis DBVU-V-B7H-GAKW

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Arrêt rendu le vingt trois Octobre deux mille vingt quatre

Sur APPEL d’une décision rendue le 02 mai 2023

par le Tribunal judiciaire de CLERMONT-FERRAND (RG n° 21/01717 ch1 cab2)

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Sophie NOIR, Conseiller

Madame Anne Céline BERGER, Conseiller

En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

Mme [R] [Y]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentant : Me Sophie GIRAUD de la SCP GIRAUD-NURY, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

M. [H] [M]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentant : Me Sophie GIRAUD de la SCP GIRAUD-NURY, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro C63113-2023-000772 du 14/09/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)

APPELANTS

ET :

COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS

SA immatriculée au RCS de Paris sous le n° 382 506 079

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentants : Me Jean-Michel DE ROCQUIGNY de la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et Me Sarah SAHNOUN, avocat au barreau de GRASSE (plaidant)

INTIMÉE

DÉBATS :

Après avoir entendu en application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, à l’audience publique du 05 Septembre 2024, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame DUBLED-VACHERON, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.

ARRET :

Prononcé publiquement le 23 Octobre 2024 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Suivant offre de prêt du 23 avril 2019 la Caisse d’épargne d’Auvergne et du Limousin a accordé à Mme [R] [Y] et M. [H] [M] un crédit immobilier d’un montant de 188 354,43 euros au taux de 1.53% remboursable en 300 mensualités. L’offre de prêt était assortie de l’engagement de caution de la SA Compagnie européenne de garanties et cautions (ci-après CEGC).

M. [M] et Mme [Y] ne s’étant pas acquittés des échéances dues pour la période du 31 août au 15 septembre 2020, la Caisse d’épargne a, par courriers recommandés avec accusé de réception du 19 octobre 2020, prononcé la déchéance du terme et sollicité le remboursement de la somme de 198 774,98 euros.

Par courrier du 30 octobre 2020, la banque a sollicité la garantie de la CEGC, laquelle a indiqué aux débiteurs principaux, par LRAR du 4 novembre 2020, qu’elle procéderait au règlement de leur dette à l’expiration d’un délai de quinze jours. La CEGC a effectivement réglé la somme de 186 099,06 euros à la Caisse d’Epargne d’Auvergne et du Limousin suivant quittance subrogative du 15 décembre 2020.

Par courrier du 7 janvier 2021, la CGEC a vainement mis en demeure Mme [Y] et M. [M] de lui rembourser la somme de 199 321,01 euros arrêtée au 7 janvier 2021. Elle a ensuite fait assigner ces derniers devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand afin d’obtenir le remboursement de sa créance.

Par jugement du 2 mai 2023, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a :

-condamné solidairement Mme [Y] et M. [M] à verser à la CGEC la somme de 186 099,16 euros au titre du paiement effectué ;

-dit que cette somme porterait intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2020, date du règlement effectué par la CGEC ;

-dit que le paiement de cette somme serait reporté d’une année à compter du jugement et rappelé que pendant ce délai les procédures d’exécution tendant au recouvrement des sommes dues étaient suspendues ;

-débouté M. [M] et Mm [Y] du surplus de leurs demandes ;

-rejeté les demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

-condamné M. [M] et Mme [Y] aux dépens comprenant les frais de prises d’hypothèque auprès du service de la publicité foncière ;

-dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire

-débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Mme [Y] et M. [M] ont relevé appel de cette décision suivant déclaration du 8 juin 2023.

Aux termes de conclusions récapitulatives notifiées le 22 février 2024, ils demandent à la cour :

-de les déclarer bien fondés en leur appel ;

-de déclarer la CGEC mal fondée en son appel incident et de l’en débouter ;

-d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions frappées d’appel principal ;

-de déclarer abusive la déchéance du terme prononcée par la Caisse d’épargne d’Auvergne et du Limousin ;

-de leur déclarer inopposable la déchéance du terme prononcée par la Caisse d’épargne et de débouter la CGEC de ses demandes ;

A titre subsidiaire, de prononcer la déchéance du droit aux intérêts du prêteur dans le cadre du contrat de prêt immobilier et de débouter la CGEC de ses demandes.

A titre très subsidiaire, d’enjoindre à la CGEC de produire un décompte, abstraction faite des frais et intérêts afin d’opérer compensation entre le solde du capital restant dû et les sommes versées au titre des intérêts qui devront leur être restitués et qui sont productives d’intérêts au taux légal depuis leur versement ;

A titre infiniment subsidiaire de leur accorder les plus larges délais de paiement ;

En toute hypothèse de condamner la CGEC à leur verser la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux dépens.

Au visa des articles 1346 et suivants du code civil, ils rappellent que le débiteur a la faculté d’opposer au subrogé les moyens et exceptions qu’il pouvait opposer au subrogeant.

Ils précisent avoir alimenté leur compte pour permettre de combler l’arriéré d’échéances du crédit immobilier. La banque a cependant choisi d’affecter ces sommes à un découvert sur un autre compte.

Ils soutiennent que la déchéance du terme a été prononcée de façon abusive, la mise en demeure ayant été adressée à l’adresse d’un bien inoccupé ce qui explique que les premiers courriers de la CGEC sont revenus avec la mention « destinataire inconnu à l’adresse ».

Cette déchéance du terme n’a par ailleurs jamais été notifiée à Mme [Y] et ne lui est donc pas opposable.

Ils font par ailleurs valoir qu’il n’est pas justifié de la remise des extraits des conditions générales d’assurance du prêt et qu’aucune pièce n’est produite sur l’adéquation de l’opération proposée à leurs besoins et à leur situation financière.

En réponse à la CEGC ils affirment avoir été privés de toute possibilité de régulariser leur situation avant la déchéance du terme et s’être trouvés dans l’obligation de s’acquitter de la totalité du solde du prêt.

Suivant conclusions notifiées le 5 décembre 2023, la CGEC demande à la cour :

-de confirmer le jugement sauf en ce qu’il a accordé des délais de paiement aux débiteurs, rejeté la demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et débouté les parties du surplus de leurs demandes.

En conséquence,

-de débouter les appelants de toutes leurs demandes

-de les condamner in solidum à lui verser la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et la somme de 3.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ; de les condamner in solidum aux dépens d’appel.

La CGEC rappelle que les courriers de mise en demeure adressés par la banque sont revenus portant la mention « pli avisé non réclamé ».

Il en a été de même des deux courriers avisant les débiteurs de la déchéance du terme.

Les deux courriers distincts qu’elle a elle-même adressés aux appelants pour leur indiquer son intention de régler les sommes dues, dans la limite de son engagement, à l’expiration d’un délai de 15 jours sont revenus portant la mention « destinataire inconnu à l’adresse. ».

Elle rappelle qu’elle bénéficie sur le fondement de l’article 2305 ancien du code civil, d’un recours personnel et indépendant du recours subrogatoire prévu à l’article 2306 ancien du code civil et précise entendre exercer ce recours comme elle a pu l’indiquer en première instance. Les débiteurs ne sont ainsi pas fondés à lui opposer les moyens tendant à voir déclarer la dette éteinte sauf à établir que la caution a payé le créancier sans être poursuivie et sans les avoir avertis.

Elle ajoute que l’irrégularité de la déchéance du terme n’étant pas une cause d’extinction de la dette, elle ne peut perdre son recours sur le fondement de l’ancien article 2308 du code civil et fait observer qu’au demeurant la Caisse d’épargne n’est pas dans la cause.

Elle indique enfin qu’en exerçant son recours personnel elle est recevable à solliciter le remboursement des sommes versées ainsi que le paiement des intérêts moratoires produits par la somme versée à compter du jour du paiement ainsi que le règlement d’éventuels dommages et intérêts.

La CGEC s’oppose à toute demande de délais de paiement au motif que ce délai a été accordé sur la production d’un mandat de vente du bien immobilier appartenant aux appelants qui n’est plus valable depuis le 10 août 2023. Elle reproche à M. [M] et Mme [E] de ne pas justifier de leur situation actuelle et de ne pas justifier de démarches sérieuses et actives pour vendre leur bien immobilier.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 juillet 2024.

Il sera renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions.

Motifs :

Sur l’appel principal :

Suivant les dispositions de l’article 37 de l’ordonnance N° 2021-1192 du 15 septembre 2021, les cautionnements conclus avant le 1er janvier 2022 demeurent soumis à la loi ancienne. En l’espèce le contrat de cautionnement ayant été souscrit le 23 avril 2019, il sera fait application des anciennes dispositions du code civil.

La CGEC fonde sa réclamation en première instance comme en cause d’appel sur les dispositions de l’article 2305 ancien du code civil, aux termes desquelles : « La caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l’insu du débiteur. Ce recours a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et frais. ; néanmoins la caution n’a de recours que pour les frais par elle faits depuis qu’elle a dénoncé au débiteur principal les poursuites dirigées contre elle. Elle a aussi recours pour les dommages et intérêts s’il y a lieu. »

La CGEC justifie de l’existence de sa créance par la production d’une quittance subrogative du 15 décembre 2020 d’un montant de 186 99,06 euros. Elle démontre également s’être acquittée de cette somme suite à la demande présentée par la Caisse d’épargne le 30 octobre 2020.

Les appelants ne peuvent utilement se prévaloir du fait que la CGEC justifie du règlement au moyen d’une quittance subrogative dès lors que la caution reste libre du choix de son recours et que la production de cette pièce a pour seule vocation de prouver la réalité du paiement et son montant.

Par ailleurs, ils ne sont pas fondés à opposer à la CGEC les exceptions tirées du rapport qui les lient au créancier, dès lors que la caution a choisi d’exercer son recours personnel.

Ils ne peuvent donc utilement se prévaloir du caractère abusif de la déchéance du terme ou de son inopposabilité à Mme [Y] puisque l’irrégularité de la déchéance du terme n’est pas une cause d’extinction des obligations du débiteurs et que seules peuvent être opposées à la caution les moyens tendant à faire déclarer la dette éteinte.

De la même façon, les appelants ne peuvent invoquer de moyens tirés d’éventuels manquement de la Caisse d’épargne tels l’absence de remise de la notice d’assurance ou la non consultation du FICP ou encore l’absence de vérification de l’adéquation de l’opération avec leur situation financière.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a condamné solidairement Mme [E] et M. [M] à verser à la CEGC la somme de 186 099,06 euros outre intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2020.

Sur l’appel incident :

Le tribunal a alloué aux emprunteurs des délais de paiement en considération des seuls revenus professionnels de Mme [E] et de la mise en vente depuis le 10 août 2022 de leur bien immobilier.

La cour observe que depuis le prononcé du jugement les appelants ont déjà bénéficié d’une année de délai de paiement, le tribunal ayant écarté l’exécution provisoire. Le tribunal a déjà souligné que les consorts [C] avaient, de fait, bénéficié de délais de paiement depuis la mise en demeure adressée par la CGEC le 7 janvier 2021.

Par ailleurs les appelants ne justifient pas de leur situation actuelle (l’avis d’imposition portant sur les revenus 2021) et ne versent aucune pièce récente sur la vente de leur bien immobilier. Ces éléments ne permettent pas à la cour d’apprécier utilement leur demande de délais de paiement.

Cette demande sera rejetée et le jugement sera infirmé sur ce point.

M. [M] et Mme [E] succombant en leur appel seront condamnés aux dépens. Il serait inéquitable de laisser à la charge de la CGEC les frais de défense exposés en cause d’appel.

M. [M] et Mme [E] seront condamnés in solidum à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La CGEC sera déboutée de la demande présentée au titre des frais irrépétibles en première instance, les appelants ayant eu partiellement gain de cause en première instance.

Par ces motifs :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement , par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a accordé à M. [M] et Mme [E] des délais de paiement ;

Statuant à nouveau,

Déboute M. [H] [M] et Mme [R] [E] de leur demande de délais de paiement ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [H] [M] et Mme [R] [E] à verser à la SA Compagnie européenne de garanties et cautions la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. [H] [M] et Mme [R] [E] aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’aide juridictionnelle.

Le greffier, La présidente,


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