Responsabilité et Preuve : Les Enjeux d’un Prêt Mal Encadré

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Responsabilité et Preuve : Les Enjeux d’un Prêt Mal Encadré

M. [B] [M] a acquis une installation photovoltaïque auprès de la société France Eco Solaire pour un montant de 24 500 euros, financée par un crédit de la société Cofidis. Il a également acheté un équipement complémentaire pour 5 500 euros. En avril 2019, il a assigné les deux sociétés pour obtenir la résolution des contrats, le remboursement des sommes versées, et des dommages et intérêts, invoquant des irrégularités dans les contrats et des problèmes avec l’installation. Le tribunal a annulé les contrats, ordonné la dépose de l’installation, et condamné France Eco Solaire à rembourser M. [B] [M] et à réparer ses préjudices, tout en rejetant les demandes contre Cofidis. M. [B] [M] a interjeté appel, demandant la reconnaissance de la responsabilité de Cofidis et le remboursement des sommes versées. Cofidis a contesté les demandes, arguant que M. [B] [M] avait déjà obtenu des réparations contre France Eco Solaire. La cour a confirmé le jugement initial et a condamné M. [B] [M] aux dépens d’appel.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 octobre 2024
Cour d’appel de Lyon
RG
21/08401
N° RG 21/08401 – N° Portalis DBVX-V-B7F-N6PF

Décision du Juge des contentieux de la protection du

Tribunal de proximité de VILLEURBANNE

du 15 septembre 2021

RG : 20/02315

[M]

C/

S.A. COFIDIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

6ème Chambre

ARRET DU 10 Octobre 2024

APPELANT :

M. [B] [M]

né le 01 Mars 1963 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Philippe BUSSILLET de la SELARL BUSSILLET POYARD, avocat au barreau de LYON, toque : 1776

INTIMEE :

LA SOCIETE COFIDIS

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat au barreau de LYON, toque : 1983

assisté de Me Xavier HELAIN de la SELARL INTERBARREAUX HAUSSMANN KAINIC HASCOËT HELAIN, avocat au barreau de l’ESSONNE

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 13 Juin 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 Septembre 2024

Date de mise à disposition : 10 Octobre 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

– Joëlle DOAT, présidente

– Evelyne ALLAIS, conseillère

– Stéphanie ROBIN, conseillère

assistées pendant les débats de Cécile NONIN, greffière

A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Joëlle DOAT, présidente, et par Cécile NONIN, greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Faits, procédure et demandes des parties

Par un bon de commande du 27 juillet 2016, M. [B] [M] a acquis auprès de la société France Eco Solaire une installation photovoltaïque au prix de 24 500 euros.

Par offre acceptée le même jour, il a contracté un crédit auprès de la société Cofidis (sous la marque Sofemo) destiné à financer l’intégralité de l’équipement photovoltaïque.

Par un bon de commande du 29 août 2016, il a acquis auprès de la société France Eco Solaire un équipement photovoltaïque complémentaire d’un montant de 5 500 euros.

Par acte d’huissier du 24 avril 2019, M. [B] [M] a fait assigner la société France Eco Solaire et la société Cofidis devant le juge des contentieux de la protection du tribunal d’instance de Villeurbanne aux fins d’obtenir :

– la résolution ou à défaut la nullité des contrats conclus avec la société France Eco Solaire,

– la nullité du contrat conclu avec Cofidis,

– le remboursement de la somme de 5 500 euros par la société France Eco Solaire correspondant à la commande du 29 octobre 2016,

– la condamnation de la société Cofidis à lui rembourser les sommes versées soit 10 427,42 euros, somme arrêtée au mois de mars 2021, outre les mensualités postérieures acquittées avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

– la condamnation de la société France Eco Solaire à rembourser à la banque le montant de l’installation correspondant au capital prêté soit la somme de 24 500 euros,

à titre subsidiaire,

– la condamnation de la société France Eco Solaire à lui payer la somme de 29 500 euros à titre de dommages et intérêts,

– le prononcé de la déchéance du droit de la banque Cofidis aux intérêts du crédit affecté,

en tout état de cause,

– condamner la société France Eco Solaire à lui verser les sommes de 5 000 euros au titre du préjudice financier et du trouble de jouissance, outre 3 000 euros au titre du préjudice moral,

– condamner la société France Eco Solaire à procéder à ses frais, à la dépose des panneaux et à la remise en état du toit, sous atreinte de 150 euros par jour de retard à compter du jugement, et dire que l’installation demeurera sa propriété, à défaut d’intervention de la société dans le délai de 2 mois à compter du jugement,

– condamner la société France Eco Solaire et la société Cofidis au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

à titre infiniment subsidiaire, dire qu’il reprendra le paiement des échéances du prêt.

Par jugement du 15 septembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Villeurbanne a :

– prononcé l’annulation des contrats de vente du 27 juillet 2016 et du 28 août 2016,

– condamné la société France Eco Solaire à procéder à ses frais à la dépose et à la remise en état du toit dans un délai de deux mois à compter de la signification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard au delà de ce délai, et dit qu’à défaut d’intervention dans un délai de quatre mois suivant la signification du jugement, le matériel sera considéré comme abandonné et propriété de M. [B] [M],

– condamné la société France Eco Solaire à restituer à M. [B] [M] la somme de 5 500 euros correspondant au prix de vente du 28 août 2016, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

– prononcé l’annulation du contrat de crédit affecté du 27 juillet 2016,

– dit que la responsabilité de la SA Cofidis n’est pas engagée à l’égard de M. [B] [M],

en conséquence,

– condamné M. [B] [M] à restituer à la société Cofidis la somme de 24 500 euros au titre du capital emprunté, déduction faite des mensualités déjà versées outre intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

– condamné la société France Eco Solaire à payer à M. [B] [M] la somme de 27 000 euros en réparation de ses préjudices,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– condamné la société France Eco Solaire à payer à M. [B] [M] et à la société Cofidis la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté toute autre demande plus ample ou contraire des parties,

– condamné la société France Eco Solaire aux entiers dépens,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du jugement.

Le 23 novembre 2021, M. [B] [M] a interjeté appel du jugement, limitant son recours.

Par dernières conclusions notifiées par voie dématérialisées le 3 avril 2023, il demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

– dit que la société Cofidis venant aux droits de la société Sofemo a commis une faute,

– l’infirmer en ce qu’il :

– a dit que la responsabilité de la société Cofidis venant aux droits de la société Sofemo n’est pas engagée à son égard,

– l’a condamné à restituer à la société Cofidis venant aux droits de la société Sofemo la somme de 24 500 euros au titre du capital emprunté, sous déduction des mensualités réglées par lui,

– a débouté les parties du surplus de leurs demandes,

statuant de nouveau :

– dire et juger que la responsabilité de la société Cofidis à son égard est engagée,

en conséquence,

– dire et juger qu’il n’est tenu d’aucun remboursement auprès de Cofidis venant aux droits de la société Sofemo au titre du capital emprunté de 24 500 euros,

– condamner la société Cofidis venant aux droits de la société Sofemo à lui rembourser la somme de 11 848,16 euros, au titre des échéances du crédit affecté déjà versées, somme arrêtée au mois de septembre 2021,

– condamner la société Cofidis venant aux droits de la société Sofemo à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Cofidis venant aux droits de la société Sofemo aux dépens de l’instance.

A l’appui de ses prétentions, il fait valoir que :

– le contrat de vente est affecté de multiples irrégularités aux dispositions du code de la consommation sanctionnées par la nullité et que le prêteur a commis une faute en ne vérifiant pas la régularité de celui-ci,

– la preuve d’un préjudice et d’un lien de causalité est rapportée, dans la mesure où il ne pourra nullement récupérer le prix de vente auprès de la société France Eco Solaire qui a fait l’objet d’une procédure de liquidation judicaire par jugement du 13 juillet 2021,

– les panneaux litigieux ne fonctionnent pas, contrairement à ce que prétend la société Cofidis,

– l’installation devait faire l’objet d’un raccordement à Enedis, ce qui n’est pas le cas, les travaux n’ayant jamais été achevés.

De nombreux désordres ont été déplorés, ce dont il a fait état par courriers du 20 avril 2017,18 septembre 2017 et 9 novembre 2018.

Par dernières conclusions notifiées par voie dématérialisée le 3 février 2023, la société Cofidis demande à la cour de :

– débouter M. [B] [M] de l’ensemble de ses demandes,

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

– y ajoutant,

– condamner M. [B] [M] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Elle réplique que :

– la nullité des contrats n’est pas contestée, ni sa faute consistant en l’absence de vérification de la régularité formelle du contrat de vente. En revanche, la preuve d’un préjudice en lien avec la faute n’est pas rapportée, dans la mesure où M. [B] [M] bénéficie d’un titre exécutoire contre le vendeur, qui a été condamné à lui payer les sommes de 5 500 euros, 27 000 euros, outre 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens, ainsi qu’à remettre la toiture en l’état, ces dispositions étant définitives.

– M. [B] [M], qui invoque la liquidation judiciaire de la société France Eco Solaire survenue en juillet 2021 ne justifie pas de sa déclaration de créance et de l’absence de restitution des fonds auprès du liquidateur. De plus, il n’existe pas de lien de causalité entre sa faute et la liquidation judiciaire du vendeur, qui n’était pas prévisible au moment de la conclusion des conventions. L’impossibilité de recouvrer les fonds demeure en outre hypothétique.

– l’installation commandée est en auto-consommation et un raccordement au réseau ERDF ne figure pas sur le bon de commande, le raccordement ultérieur décidé entre les parties ne lui est donc pas opposable. En tout état de cause, la faute de la banque est dépourvue de lien de causalité avec l’absence de raccordement au réseau Enedis.

– le dysfonctionnement de l’installation n’est pas avéré, le rapport d’expertise privée non contradictoire ne pouvant à lui seul présenter un caractère probatoire, étant au surplus observé qu’il n’a pas été réalisé par un expert auprès de la cour d’appel. Le vendeur ne s’est par ailleurs nullement engagé contractuellement sur un rendement ou un autofinancement.

M. [B] [M] a de plus signé le procès verbal d’attestation de livraison sans réserve.

La Cour se réfère aux conclusions précitées pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 juin 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Liminairement, il convient de relever que seules les dispositions relatives à l’absence d’engagement de la responsabilité de la société Cofidis à l’égard de M. [B] [M] et la condamnation de ce dernier à restituer à la société Cofidis la somme de 24 500 euros sont contestées, de sorte que les autres dispositions notamment celles relatives à la nullité des contrats de vente et à la nullité du contrat de crédit sont définitives et qu’il n’y a pas lieu de les confirmer comme le demande la société Cofidis.

En cas d’annulation d’un contrat de crédit affecté, consécutivement à celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu’il finance, la faute du prêteur qui a versé les fonds sans s’être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, ne dispense l’emprunteur de restituer le capital emprunté que si celui-ci justifie avoir subi un préjudice en lien de causalité avec cette faute.

La charge de la preuve incombe à l’emprunteur.

En l’espèce, il est établi que l’organisme prêteur a commis une faute en ne vérifiant pas la régularité du bon de commande, affecté de multiples irrégularités.

Si M. [M] allègue en premier lieu d’un préjudice résultant de la liquidation judiciaire de la société France Eco Solaire, prononcée par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 13 juillet 2021, soit pendant le délibéré du juge de première instance, il convient de constater que M. [M] n’a pas intimé le vendeur devant désormais être représenté par son liquidateur dans le cadre de l’instance d’appel et qu’il dispose d’un titre constitué par le jugement rendu le 15 septembre 2021, qui a notamment annulé les contrats de vente et condamné le vendeur à payer la somme de 5 500 euros au titre du prix de vente du second contrat et celle de 27 000 euros à titre de dommages et intérêts. Or, M. [M] ne justifie pas avoir déclaré sa créance dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société France Eco Solaire et surtout ne rapporte pas la preuve devant la cour de l’impossibilité de recouvrer sa créance, se contentant d’affirmer qu’il est dans l’impossibilité d’obtenir le paiement des condamnations.

Le préjudice n’est dès lors pas certain.

En deuxième lieu, M. [M] soutient que la faute de la banque est à l’origine d’un préjudice lié à l’absence de fonctionnement de l’installation photovoltaïque, invoquant une absence de raccordement.

Il produit aux débats une expertise privée datée du 8 avril 2022 faisant état de l’absence de raccordement au réseau Enedis et de désordres affectant l’installation. Une expertise privée ayant été soumise au principe du contradictoire doit être corroborée par d’autres éléments.

En l’espèce, il est produit un courrier de la société France Eco Solaire en date du 26 avril 2017 reconnaissant le retard pris pour la mise en service de l’installation et un courrier d’Enedis du 9 août 2017 mentionnant leur attente du consuel pour réaliser les travaux de raccordement au réseau et la mise en service de l’installation.

Mais ces éléments sont inopérants pour caractériser un préjudice, dans la mesure où M. [M] a sollicité devant le juge de première instance la nullité des contrats conclus avec la société Ecorenove, nullité qui a été prononcée définitivement et conduit à des restitutions réciproques. Ainsi, l’installation doit être restituée par M. [M], lequel dispose d’un titre ayant condamné la société France Eco Solaire à venir retirer le matériel ensuite de l’annulation du contrat et à lui payer diverses sommes. Les développements sur les désordres affectant l’installation sont donc sans incidence, puisque comme rappelé précédemment, il ne démontre pas l’impossibilité de recouvrer sa créance auprès du liquidateur.

Dans ces conditions, M. [M] ne rapporte pas la preuve d’un préjudice en lien de causalité avec la faute commise par la banque.

Il convient donc de confirmer le jugement.

– Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile

sont confirmées.

M. [B] [M] n’obtenant pas gain de cause, il est condamné aux dépens d’appel.

L’équité commande de débouter la société Cofidis de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de la solution apportée au litige, M. [M] est débouté de sa demande au titre de l’indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant dans les limites de l’appel,

Confirme le jugement,

Y ajoutant,

Condamne M. [B] [M] aux dépens d’appel,

Déboute la société Cofidis et M. [M] de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


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