Responsabilité et Prescription : Les Enjeux d’une Assurance en Copropriété

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Responsabilité et Prescription : Les Enjeux d’une Assurance en Copropriété

Contexte de l’affaire

M. [J] [U] et Mme [O] [D] épouse [U] sont propriétaires d’un studio au rez-de-chaussée d’un immeuble en copropriété. En 2014, ils signalent des infiltrations d’eau dans leur appartement, entraînant des dommages, notamment l’effondrement d’une cloison. Ils suspectent que ces infiltrations proviennent d’un logement situé au-dessus, appartenant à M. [N] [P].

Procédures judiciaires initiales

Les consorts [U] assignent en référé le syndicat des copropriétaires, M. [P] et son assureur, ainsi que la société FSCC, sans inclure l’assureur du syndicat, ACM IARD. Un expert judiciaire conclut en 2018 que l’humidité provient à 60% d’une fuite dans l’appartement de M. [P] et à 40% de remontées par capillarité depuis les caves.

Actions en justice ultérieures

En décembre 2022, les consorts [U] assignent M. [P] et le syndicat des copropriétaires pour obtenir réparation des préjudices liés aux infiltrations. En mai 2023, le syndicat des copropriétaires appelle en garantie son assureur, ACM IARD. Les deux affaires sont jointes par le juge de la mise en état en juin 2023.

Arguments de la société ACM IARD

ACM IARD soulève une exception de prescription, arguant que l’action du syndicat des copropriétaires est irrecevable car elle a été engagée plus de deux ans après le sinistre. L’assureur affirme que le syndicat n’a pas respecté les délais pour assigner son assureur après l’expertise de 2015.

Réponse du syndicat des copropriétaires

Le syndicat des copropriétaires conteste la prescription, soutenant qu’il n’a été assigné en tant que co-responsable qu’en décembre 2022. Il argue que le point de départ de la prescription ne peut être déterminé qu’à partir de la connaissance des éléments permettant d’agir contre l’assureur.

Décision du juge de la mise en état

Le juge de la mise en état examine la question de la prescription et conclut que la société ACM IARD ne peut pas opposer la prescription biennale, car elle n’a pas respecté les obligations de mention dans le contrat d’assurance. Par conséquent, l’action du syndicat des copropriétaires est déclarée recevable.

Conséquences de la décision

Le juge rejette la demande de la société ACM IARD concernant la prescription, réserve les dépens et rejette les demandes des parties au titre des frais non compris dans les dépens. L’affaire est renvoyée pour instruction à une audience ultérieure.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quelle est la nature de la prescription applicable à l’action du syndicat des copropriétaires contre son assureur ?

La prescription applicable à l’action du syndicat des copropriétaires contre son assureur, la société ACM IARD, est régie par l’article L. 114-1 du Code des assurances. Cet article stipule que :

« Toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’évènement qui y donne naissance. Par exception, les actions dérivant d’un contrat d’assurance relatives à des dommages résultant de mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse-réhydratation des sols, reconnus comme une catastrophe naturelle dans les conditions prévues à l’article L. 125-1, sont prescrites par cinq ans à compter de l’évènement qui y donne naissance. »

Il est important de noter que le délai de prescription ne court pas dans certaines situations, notamment :

1° En cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l’assureur en a eu connaissance ;

2° En cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont connaissance, s’ils prouvent qu’ils l’ont ignoré jusque-là.

Ainsi, pour le syndicat des copropriétaires, le point de départ de la prescription est l’événement qui a donné naissance à l’action, en l’occurrence, les infiltrations d’eau constatées en 2014.

Quelles sont les conséquences de la non-respect des mentions obligatoires dans le contrat d’assurance ?

Le non-respect des mentions obligatoires dans le contrat d’assurance a des conséquences significatives sur la possibilité pour l’assureur d’opposer la prescription. Selon l’article R. 112-1 du Code des assurances, le contrat d’assurance doit contenir des mentions relatives à :

– La durée de la prescription,
– Le point de départ de la prescription,
– Les causes d’interruption de la prescription.

En l’espèce, la société ACM IARD n’a pas respecté ces obligations, car la police d’assurance ne précisait pas les causes ordinaires d’interruption de la prescription. Cela signifie que l’assureur ne peut pas opposer la prescription biennale à son assuré, comme l’indique la jurisprudence :

« A défaut, la prescription biennale est inopposable à l’assuré ; il ne peut pas non plus prétendre à l’application de la prescription quinquennale de droit commun. » (Civ. 3ème, 21 mars 2019, n°17-28.021)

Ainsi, la société ACM IARD est déclarée irrecevable en son incident de prescription, ce qui lui interdit de se prévaloir de la prescription pour contester l’action du syndicat des copropriétaires.

Comment le juge a-t-il statué sur la demande de condamnation au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ?

Le juge a statué sur la demande de condamnation au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, qui prévoit que :

« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, le juge a décidé de rejeter les demandes des parties au titre de l’article 700, en considérant qu’en équité, chacune des parties conservera à sa charge ses frais irrépétibles. Cela signifie que, bien que les parties aient engagé des frais pour leur défense, le juge a estimé qu’il n’y avait pas lieu d’accorder une indemnisation à l’une ou l’autre des parties pour ces frais.

Cette décision est conforme à la pratique judiciaire, qui permet au juge d’apprécier la situation économique des parties et de décider, en fonction de l’équité, s’il y a lieu ou non à une condamnation au titre de l’article 700.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 décembre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG
23/00241
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies certifiées conformes délivrées le :
à Me AMBAULT-SCHLEICHER, Me ALBAN, Me LAURIER et Me COSICH

8ème chambre
1ère section

N° RG 23/00241 –
N° Portalis 352J-W-B7H-CYSL6

N° MINUTE :

Assignation du :
29 Décembre 2022

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 10 Décembre 2024
DEMANDEURS

Monsieur [J] [U]
Madame [O] [D] épouse [U]

[Adresse 1]
[Localité 3]

représentés par Maître Olivia AMBAULT-SCHLEICHER de la SCP VELIOT FENET-GARDE AMBAULT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0222

DEFENDEURS

Le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 4], représenté par son syndic en exercice, Monsieur [H] [Z]
[Adresse 5]
[Localité 8]

représenté par Maître Guilhemette ALBAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0852

S.A. ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL (ACM IARD), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 6]

représentée par Maître Dominique LAURIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1418

Monsieur [N] [P]
[Adresse 9]
[Localité 7]

représenté par Maître Philippe COSICH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0846

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Madame Muriel JOSSELIN-GALL, Vice-présidente

assistée de Madame Maïssam KHALIL, Greffière

DEBATS

A l’audience du 21 Octobre 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 10 Décembre 2024.

ORDONNANCE

Prononcée par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

*

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M. [J] [U] et Mme [O] [D] épouse [U] (ci-après «les consorts [U] ») sont propriétaires non occupants d’un studio situé au rez-de-chaussée de l’immeuble sis [Adresse 4], soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis.

En 2014, les consorts [U] ont déploré des infiltrations d’eau dans leur studio, qui ont conduit à un effondrement d’une partie de la cloison de la chambre. Ils ont attribué en première intention l’origine des infiltrations à des écoulements provenant du logement situé à l’aplomb de leur studio, au 1er étage, appartenant à M. [N] [P], propriétaire non occupant.

Suivant exploit en date du 18 mars 2015, les consorts [U] ont notamment fait assigner en référé expertise le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4], M. [P] et son assureur, la société Macif, ainsi que la compagnie d’assurance FSCC (Fédération des Syndicats Coopératifs et de Copropriété) ; la SA Assurances du crédit mutuel (ci-après « ACM IARD »), assureur du syndicat des copropriétaires, n’a pas été mise dans la cause.

L’expert judiciaire a déposé son rapport le 12 avril 2018 et a conclu que l’humidité constatée dans l’appartement des consorts [U] avait deux origines :

– Une fuite d’eau provenant de la vanne d’arrêt du circuit d’alimentation en eau de l’appartement de M. [P], loué par M. [G] et situé au-dessus de l’appartement des demandeurs, pour une causalité à hauteur de 60% ;

– Des remontées par capillarité depuis les caves de l’immeuble, pour une causalité à hauteur de 40%.

Par exploit signifié le 29 décembre 2022, les consorts [U] ont fait assigner en ouverture de rapport M. [P] et le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4] à Paris 75002 devant le Tribunal judiciaire de Paris, afin d’obtenir réparation des préjudices subis du fait de nombreux dégâts des eaux, dont le dernier sinistre a été daté au 20 mars 2014. L’affaire a été enregistrée sous le numéro de RG 23/00241.

Par exploit signifié le 17 mai 2023, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4] a assigné en intervention forcée l’assureur de la copropriété, la société ACM IARD, afin qu’il garantisse les demandes de réparation des préjudices subis par les époux [U] formulées à l’encontre du syndicat des copropriétaires. L’affaire a été enregistrée sous le n° de RG 23/07031.

Le 26 juin 2023, le juge de la mise en état a ordonné la jonction par mentions aux dossiers de ces deux affaires sous le n° RG 23/00241.

Par ses dernières conclusions d’incident notifiées le 17 octobre 2024, la société d’assurances ACM Iard a saisi le juge de la mise en état afin qu’il juge l’action du syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4] prescrite à son égard.

La société ACM IARD demande au juge de la mise en état de :

« Vu les articles L 113-1, L 121-1 du code des assurances,
Vu l’article 789 et du code de procédure civile,
Vu l’assignation délivrée le 14 octobre 2022,

– Faire droit à l’exception de fin de non-recevoir opposée par les ACM et tirée de la prescription,

– Juger en conséquence irrecevable l’action mise en œuvre par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4], représenté par Monsieur [Z] à l’encontre de la société ACM car prescrite,

– Condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] à verser aux ACM une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance ».

Au soutien de sa demande, la société ACM IARD fait valoir que :

– Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4] a souscrit auprès de la société ACM IARD la police BS 2352183, qui a pris effet le 14 mars 1995, et aucun sinistre n’a jamais été déclaré en application de ce contrat dommages habitation ;

– La société ACM IARD, qui n’a pas été partie à l’expertise judiciaire dont les époux [U] ont été à l’initiative, a donc été appelée en garantie par exploit en date du 17 mai 2023, s’agissant d’un sinistre survenu le 20 mars 2014, donc plus de deux ans à compter de l’évènement susceptible de déclencher la garantie, l’action est donc prescrite en application de l’article L. 114-1 du code des assurances ;

– Le syndicat des copropriétaires ne peut se prévaloir d’aucun acte interruptif de prescription ;

– En réponse au moyen du syndicat des copropriétaires qui invoque l’article L. 114-1 alinéa 4 du code des assurances, aux termes duquel la prescription ne commencerait à courir qu’à compter de l’assignation au fond du syndicat en date du 29 décembre 2022, il fait valoir que l’assignation en référé en vue de désignation d’un expert en date du 18 mars 2015 imposait au syndicat des copropriétaires de mettre dans la cause son assureur dans les deux ans de cette action, ce qu’il n’a pas fait;

– En réponse à l’argumentation du syndicat des copropriétaires qui soutient que la responsabilité du syndicat des copropriétaires n’était pas recherchée en 2015, il souligne que l’action des époux [U] visait déjà à cette date l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965, et que l’exploit évoquait également les infiltrations d’eau provenant des caves, parties communes, de sorte que la responsabilité du syndicat des copropriétaires était recherchée dès 2015 pour l’indemnisation des dommages ayant pour origine les parties communes; dès lors, faute d’avoir procédé à l’assignation de son assureur dans les deux ans de l’assignation en référé expertise introduite en 2015, l’action de l’assuré est irrecevable car prescrite.

Par ses dernières conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 3 octobre 2024, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4] a répliqué sur l’incident et demande au juge de la mise en état de :

« Vu l’article L.114-1 du Code des assurances,
Vu les moyens et les pièces versées aux débats qui précèdent,

o REJETER l’exception de fin de non-recevoir opposée par la société ACM IARD SA et tirée de la prescription ;

o REJETER sa demande de condamnation du Syndicat des Copropriétaires à la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance ;

o ENJOINDRE à la société ACM IARD SA de conclure au fond ».

Au soutien de sa demande, le syndicat des copropriétaires fait valoir que :

– Le syndicat des copropriétaires a été attrait à l’expertise judiciaire le 18 mars 2015 en qualité de co-sinistré et non en qualité de co-responsable des dommages ; il soutient qu’il n’a été attrait devant le tribunal judiciaire en qualité de co-responsable des dommages causés aux époux [U] que le 29 décembre 2022, et qu’il a appelé en garantie son assureur le 17 mai 2023, de sorte que son action n’est pas prescrite ;

– Le point de départ du délai de prescription ne peut être que le jour où le demandeur a connaissance des éléments permettant l’exercice de son droit à solliciter de son assureur le bénéfice du contrat et les causes du désordre n’ont pu être identifiées que dans le cadre des opérations d’expertise ;

– L’objet de l’assignation en référé des époux [U] en 2015 est donc distinct de l’assignation en ouverture de rapport délivrée par ces derniers le 29 décembre 2022, mettant en cause pour la première fois le syndicat des copropriétaires au motif du sinistre de l’humidité relatif la capillarité des caves, et cette deuxième assignation est le point de départ du délai de prescription de son action contre la société ACM IARD, délivrée en 2023, et par conséquent non prescrite.

*

L’affaire a été appelée par le juge de la mise en état à l’audience de plaidoiries du 15 janvier 2024, reportée à la demande des parties à l’audience du 21 octobre 2024, durant laquelle les débats se sont tenus. La décision a été mise en délibéré au 10 décembre 2024, date à laquelle elle a été rendue par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

1 – Sur la prescription de l’action du syndicat des copropriétaires à l’encontre de son assureur, la société ACM IARD

L’article 789 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable aux instances en cours au 1er septembre 2024 dispose :

« Le juge de la mise en état est, à compter de sa désignation et, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :

1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et les incidents mettant fin à l’instance ;

2° Allouer une provision pour le procès ;

3° Accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l’exécution de sa décision à la constitution d’une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5,517 et 518 à 522;

4° Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l’exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d’un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ;

5° Ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction ;

6° Statuer sur les fins de non-recevoir.

Par dérogation au premier alinéa, s’il estime que la complexité du moyen soulevé ou l’état d’avancement de l’instruction le justifie, le juge de la mise en état peut décider que la fin de non-recevoir sera examinée à l’issue de l’instruction par la formation de jugement appelée à statuer sur le fond.

Dans le cas visé au précédent alinéa, la décision du juge de la mise en état, qui constitue une mesure d’administration judiciaire, est prise par mention au dossier. Avis en est donné aux avocats. Les parties sont alors tenues de reprendre la fin de non-recevoir dans les conclusions adressées à la formation de jugement. »
Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile : « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».

L’article L. 114-1 du code des assurances, relatif à la prescription de l’action dérivant du contrat d’assurance, dispose que :
« Toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’évènement qui y donne naissance. Par exception, les actions dérivant d’un contrat d’assurance relatives à des dommages résultant de mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse-réhydratation des sols, reconnus comme une catastrophe naturelle dans les conditions prévues à l’article L. 125-1, sont prescrites par cinq ans à compter de l’évènement qui y donne naissance.

Toutefois ce délai ne court :

1° En cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l’assureur en a eu connaissance ;

2° En cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont connaissance, s’ils prouvent qu’ils l’ont ignoré jusque-là.

Quand l’action de l’assuré contre l’assureur a pour cause le recours d’un tiers, le délai de prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l’assuré ou a été indemnisé par ce dernier.

La prescription est portée à dix ans dans les contrats d’assurance sur la vie lorsque le bénéficiaire est une personne distincte du souscripteur et, dans les contrats d’assurance contre les accidents atteignant les personnes, lorsque les bénéficiaires sont les ayants droit de l’assuré décédé.

Pour les contrats d’assurance sur la vie, nonobstant les dispositions du 2°, les actions du bénéficiaire sont prescrites au plus tard trente ans à compter du décès de l’assuré ».

En application de ce texte, l’appel en garantie de l’assuré contre l’assureur relève de la prescription biennale (Civ. 3ème, 22 nov. 2006, RGDA 2007.123), et son point de départ est l’évènement qui donne naissance à l’action.

L’article L. 114-2 du code des assurances dispose que : « La prescription est interrompue par une des causes ordinaires d’interruption de la prescription et par la désignation d’experts à la suite d’un sinistre. L’interruption de la prescription de l’action peut, en outre, résulter de l’envoi d’une lettre re-commandée ou d’un envoi recommandé électronique, avec accusé de réception, adressés par l’assu-reur à l’assuré en ce qui concerne l’action en paiement de la prime et par l’assuré à l’assureur en ce qui concerne le règlement de l’indemnité ».

La police doit contenir des mentions obligatoires quant à cette prescription, selon l’article R. 112-1 du même code.

Elle doit indiquer :

– la durée,

– le point de départ

– et les causes d’interruption de la prescription mentionnées à l’article L. 114-2 (Civ. 2ème, 3 sep-tembre 2009, n° 08-13.094 ; Civ. 2ème, 14 janvier 2010, n° 09-12.590), y compris celles de droit commun (Civ. 2ème, 18 avril 2013, n° 12-19.519 ; Civ. 3ème, 26 novembre 2015, n° 14-23.863).

La police doit donc mentionner toutes les causes d’interruption. A défaut, la prescription biennale est inopposable à l’assuré ; il ne peut pas non plus prétendre à l’application de la prescription quinquennale de droit commun. (Civ. 3ème, 21 mars 2019, n°17-28.021)

L’assureur doit mentionner les causes d’interruption spécifiques (Civ. 2ème, 3 septembre 2009, n°08-13.094) ou ordinaires (Civ. 2ème 18 avril 2013, n°12-19.519) de la prescription biennale, ainsi que les différents points de départ de son délai tel que décrit à l’article L. 114-1 du code des assurances (Civ. 2ème, 28 avril 2011, n°10-16.403 ; Civ. 3ème, 28 avril 2011, n°10-16.269)

En somme, il résulte de l’article R. 112-1 du code des assurances que l’assureur doit rappeler dans le contrat d’assurance, sous peine d’inopposabilité à l’assuré du délai de prescription biennale édicté par l’article L. 114-1, les différentes causes d’interruption de prescription mentionnées à l’article L. 114-2 et le point de départ de la prescription. (Civ. 2ème, 30 mai 2024, n°22-19.797)

Sur ce

Il résulte des éléments de droit rappelés ci-dessus que pour pouvoir se prévaloir de la prescription biennale, la société ACM IARD doit apporter la preuve qu’elle a respecté les dispositions de l’article R. 112-1 du code des assurances ; à défaut, elle ne peut pas opposer la prescription biennale à son assuré.

En l’espèce, le juge de la mise en état relève que les parties ne sont pas d’accord sur l’évènement constituant le point de départ de la prescription biennale.

Il est versé aux débats les conditions générales du contrat aurore 2000, multirisques à options, sous-crit par le syndicat des copropriétaires auprès des assurances du Crédit Mutuel, dont l’article 9, relatif à la prescription, stipule :

« Toute action dérivant du présent contrat est prescrite par deux ans. Ce délai commence à courir du jour de l’évènement qui donne naissance à cette action, dans les conditions déterminées par les ar-ticles L. 114-1 et 114-2 du Code.

La prescription peut -être interrompue par une des causes ordinaires d’interruption ainsi que dans les cas ci-après :

– Désignation d’expert à la suite d’un sinistre,

– Envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception,

– Citation en justice,

– Commandement ou saisie signifié à celui que l’on veut empêcher de prescrire ».

Or, il ne ressort pas de la lecture de cette pièce que la police d’assurance contienne les mentions obligatoires prévues par l’article R. 112-1 du même code, et notamment la durée, le point de départ et toutes les causes d’interruption de la prescription biennale, et celles de droit commun.
La clause contractuelle ne précise notamment pas les causes ordinaires d’interruption de la prescription.

L’assureur y a seulement reproduit l’énumération exhaustive des causes d’interruption de la prescription prévues aux articles L. 114-2 du code des assurances, lequel ne liste pas les causes ordinaires d’interruption et ne procède à aucun renvoi sur ce point au code civil.

Les définitions de la police ne permettent pas plus de connaître aux termes de la police les causes ordinaires de la prescription.

Les dispositions de l’article R. 112-1 du code des assurances n’ont pas été respectées par la société ACM IARD. Cet assureur n’est donc pas recevable à opposer la prescription biennale en application des textes précités, pas plus qu’il ne peut prétendre à l’application de la prescription de droit commun.

En conséquence, il y lieu de déclarer la compagnie ACM IARD irrecevable en son incident de prescription

2 – Sur les demandes accessoires

– Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Les dépens seront réservés.

– Sur les frais exposés non compris dans les dépens

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

En équité, chacune des parties conservera à sa charge ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

Le juge de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire, publiquement et par mise à disposition au greffe,

REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la société ACM IARD au titre de la prescription biennale de l’action de son assuré, le syndicat des copropriétaires sis [Adresse 4];

RESERVE les dépens ;

REJETTE les demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RENVOIE l’instruction de l’affaire à l’audience de mise en état du 17 février 2025 pour :
– Conclusions des défendeurs

RAPPELLE que la décision est exécutoire à titre provisoire.

Faite et rendue à Paris le 10 Décembre 2024.

La Greffière La Juge de la mise en état


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