La société GALATE FINANCES, spécialisée en gestion de patrimoine, a été absorbée par MUST FINANCE en août 2019. Madame [I] [J] a investi 30.000 euros dans la société BIO C’BON, qui a ensuite fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire. Elle a assigné MUST FINANCE et MMA IARD, l’assureur de responsabilité civile de MUST FINANCE, ainsi que Madame [Y], apporteur d’affaires, pour engager leur responsabilité suite à l’échec de ses investissements. Madame [Y] conteste toute responsabilité, affirmant ne pas avoir été rémunérée ni avoir fourni de conseils. La CGPA, assureur de Madame [Y], demande également le rejet des demandes de Madame [J]. Cette dernière réclame des dommages-intérêts pour pertes de chance et préjudice moral. MUST FINANCE et MMA IARD soutiennent qu’ils n’ont pas commis de faute. Le tribunal a finalement débouté Madame [J] de toutes ses demandes et l’a condamnée aux dépens.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
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Expéditions
exécutoires
délivrées le:10/10/2024
Me PINCENT
Me HESS
Me PERICARD
Me KNAFOU
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9ème chambre 3ème section
N° RG :
N° RG 23/00550 – N° Portalis 352J-W-B7H-CYVSP
N° MINUTE : 7
Contradictoire
Assignation du :
28 Décembre 2022
JUGEMENT
rendu le 10 Octobre 2024
DEMANDERESSE
Madame [I] [J]
[Adresse 6]
[Localité 9]
représentée par Maître Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS,vestiaire #A0322
DÉFENDERESSES
Madame [R] [Y]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Maître Jean HESS de la SELEURL SCPS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0457
S.A.S. MUST FINANCE
[Adresse 5]
[Localité 10]
représentée par Maître Arnaud PERICARD de la SELARL ARMA, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #B036
S.A. MMA IARD
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentée par Maître Arnaud PERICARD de la SELARL ARMA, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #B036
Décision du 10 Octobre 2024
9ème chambre 3ème section
N° RG 23/00550 – N° Portalis 352J-W-B7H-CYVSP
Société CGPA
[Adresse 1]
[Localité 8]
représentée par Maître Jennifer KNAFOU de la SELARL KL2A – KNAFOU & LOUPPE AVOCATS ASSOCIÉS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C2424
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame CHARLIER-BONATTI, Vice-présidente
M. MALFRE, 1er Vice-président adjoint
Madame SOULARD, Vice-présidente
assistés de Alise CONDAMINE, Greffière lors de l’audience de Diane FARIN, Greffière lors de la mise à disposition.
DÉBATS
A l’audience du 27 Juin 2024 tenue en audience publique devant Madame CHARLIER-BONATTI, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 10 cotobre 2024.
JUGEMENT
Rendu publiqument par mise à disposition au greffe
contradictoire
en premier ressort
La société GALATE FINANCES est une société par actions simplifiée ayant exercé l’activité de Conseiller en Gestion de Patrimoine jusqu’à sa radiation le 28 août 2019 survenue à la suite de son absorption par la société MUST FINANCE. Elle était immatriculée au registre de l’ORIAS en qualité de CIF sous le n° 08039088.
La société MUST FINANCE est une société par actions simplifiée immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Créteil depuis 1999.Elle est immatriculée au registre de l’ORIAS en qualité de CIF sous le n° 07003154
Par traité de fusion en date du 18 juin 2019, la société MUST FINANCE a absorbé la société GALATE FINANCES.
Madame [I] [J] a été approchée et démarchée par Madame [Y] afin de lui proposer de souscrire au produit BIO C’BON.
La CGPA est l’assureur responsabilité civile professionnelle de Madame [Y].
La MMA IARD est l’assureur responsabilité civile professionnelle de MUST FINANCE venant aux droits de GALATE FINANCES.
Madame [J] a décidé d’ investir la somme de 30.000 euros le 29 décembre 2017, acquérant 1.500 actions du capital de la SAS BIO VITALITE.
La société BIO C’BON SAS, qui avait souscrit la promesse de rachat des titres des investisseurs, a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris du 2 septembre 2020.
Par acte introductif d’instance du 28 décembre 2022, Madame [J] a fait assigner MUST FINANCE, en sa qualité de Conseiller en Gestion de Patrimoine, exerçant en qualité de Conseiller en Investissements Financiers et MMA IARD, en sa qualité d’assureur de responsabilité civile professionnelle de la société MUST FINANCE, devant la présente juridiction, aux fins de voir sa responsabilité engagée, conjointement avec celle de Madame MAYMILGIBSON en qualité d’apporteur d’affaires, au motif de l’échec supposé de deux
investissements réalisés le 29 décembre 2017 et le 27 juin 2018 dans une filiale du groupe Bio C’ Bon.
Par conclusions en date du 28 février 2024, Madame [Y] demande au tribunal de:
RECEVOIR Madame MAYMlL-GIBSON dans ses écritures et les dire bien fondées;
ACTER que l’injonction de payer ordonnée par le Juge de la Mise en Etat est inopérante, les documents qu’il a enjoint de produire sans astreinte ni délai n’existant ;
CONSTATER que la demanderesse ne rapporte pas la preuve de ses allégations;
JUGER que Madame [Y] n’a pas été un intermédiaire rémunéré ni un conseil financier mandaté par GALATE FINANCES faute d’avoir signé le moindre accord, d’avoir prodigué le moindre conseil et d’avoir perçu la moindre rémunération ;
JUGER qu’elle n’est aucunement responsable des fautes qui ont pu être commises par GALATE FINANCES aujourd’hui MUST FINANCES, seraient-elles avérées et ce d’autant plus qu’elle en a été elle-même victime ;
Ce faisant :
DÉBOUTER Madame [J] de l’ensemble de ses conclusions développées contre Madame [Y], s’en remettant a l’appréciation du tribunal pour les actions intentées à l’encontre des autres défendeurs ;
Reconventionnellement
JUGER que l’action intentée à l’encontre de Madame [Y] est abusive, démesurée et infondée ;
Qu’elle a nécessairement induit un préjudice moral, psychologique et financier dont asouffert directement Madame [Y] ;
Ce faisant
CONDAMNER Madame [J] à payer à Madame [Y] la somme de 15.000 euros pour procédure abusive et déstabilisante ;
CONDAMNER Madame [J] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’articIe 700 du Code de Procédure Civile ;
LA CONDAMNER aux entiers dépens de l’instance en incident devant le Juge de la Mise en Etat et de celle au fond.
Par conclusions en date du 14 septembre 2023, la société CGPA demande au tribunal de:
DEBOUTER Madame [J] et toutes parties de toutes demandes, fins et conclusions tournées à l’encontre de CGPA ;
A titre infinement subsidiaire,
JUGER que la garantie de CGPA ne saurait dépasser les montants des garanties prévus au contrat sous déduction des franchises applicables ;
En tout état de cause :
CONDAMNER Madame [J] ou tout succombant à verser à CGPA la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
CONDAMNER Madame [J] ou tout succombant aux entiers dépens dont distraction au profit de l’avocat soussigné ;
ECARTER l’exécution provisoire du jugement à venir.
Par conclusions en date du 20 mars 2024, Madame [J] demande au tribunal de:
METTRE HORS DE CAUSE la compagnie CGPA ;
CONDAMNER in solidum Madame [R] [Y], la société MUST FINANCE et MMA IARD à verser à Madame [I] [J] les sommes suivantes de dommages-intérêts :
27.645 € au titre de la perte de chance de ne pas souscrire un produit toxique tel que BCBB RENDEMENT 2,
128.440 € au titre de la perte de chance de ne pas souscrire un produit toxique tel que BCBB EUROPE,
5.000 € au titre du préjudice moral,
JUGER que ces sommes produiront intérêt légal à compter du 31 mai 2022, date à laquelle la société MUST FINANCE a reçu la réclamation préalable, avec capitalisation des intérêts,
DÉBOUTER Madame [R] [Y] de sa demande indemnitaire à l’encontre de Madame [I] [J] ;
CONDAMNER in solidum Madame [R] [Y], la société MUST FINANCE et MMA IARD à verser à Madame [I] [J] une somme de 8.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
CONDAMNER in solidum Madame [R] [Y], la société MUST FINANCE et MMA IARD aux entiers dépens ;
RAPPELER l’exécution provisoire de droit.
Par conclusions en date du 30 avril 2024, la société MUST FINANCE et la MMA IARD demandent au tribunal de :
A titre principal,
JUGER que MUST FINANCE ne rapporte pas la preuve de l’existence de préjudices indemnisables ;
JUGER que MUST FINANCE n’a pas commis de faute à l’égard de Madame [J] lors de ses investissements dans le produit BCBB ;
JUGER que les manquements reprochés à MUST FINANCE sont sans lien de causalité avec les manquements qui lui sont reprochés ;
DÉBOUTER en conséquence Madame [J] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions dirigées à l’encontre de MUST FINANCE et MMA IARD, ès qualité d’assureur responsabilité civile de MUST FINANCE ;
A titre subsidiaire,
ECARTER l’exécution provisoire ;
En tout état de cause,
Vu l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
CONDAMNER Madame [J] à verser à MUST FINANCE et son assureur MMA IARD la somme de 10.000 euros au titre de frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de Procédure Civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties visées ci-dessus quant à l’exposé du surplus des moyens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 30 mai 2024 avec fixation de l’affaire à l’audience de plaidoirie du 27 juin 2024. L’affaire a été mise en délibéré au 10 octobre 2024.
I. Sur la faute reprochée à Madame [Y]:
Madame [Y] a mis en relation Madame [J] avec son conseil financier.
La mise en relation n’est pas un conseil financier, Madame [J] était libre de contacter ou non GALATE FINANCES et il ressort des pièces du dossier que Madame [Y] ignore tout des placements effectués, des conseils prodigués et de la teneur des rendez-vous qui ont eu lieu.
Ainsi, rien ne révèle un rôle de “Conseil en Investissements Financiers” qui aurait été exercé par Madame [Y], aucun des critères attachés à l’exercice habituel de cette profession n’étant réuni.
En conséquence, Madame [J] sera déboutée de ses demandes à ce titre.
II.Sur la responsabilité du CGP exercant la profession de CIF:
En application de l’article 1231-1 du Code Civil, le débiteur d’une obligation contractuelle qui du fait de l’inexécution de son engagement, cause un préjudice au créancier, s’oblige à le réparer.
Il revient au créancier qui réclame réparation de rapporter la preuve du manquement contractuel et du dommage en résultant.
Néanmoins, celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulière d’information ou d’une obligation de conseil doit apporter la preuve de l’exécution de cette obligation.
Les obligations du Conseiller en Investissements Financiers (CIF) s’analysent en une obligation de moyens, compte tenu notamment du caractère intellectuel de la prestation et de l’aléa propre à tout investissement ou gestion de patrimoine.
Les obligations du CIF ne peuvent être étendues au-delà de ses obligations d’information ou de conseil et notamment pas aux difficultés pratiques auxquels le client peut être exposé à l’occasion de la réalisation de l’opération proposée par le professionnel.
Au cas présent, Madame [J] a déclaré être informée des facteurs de risque et notamment du risque de liquidité et du risque de perte en capital.
Il apparait que lors de la souscription, Madame [J] a reconnu avoir reçu les documents utiles pour éclairer sa souscription, à la fois le bulletin de souscription et le pacte d’actionnaires et a déclaré avoir pris connaissance des modalités de souscription.
Il ressort par ailleurs de la plaquette BCBB que Madame [J]savait que la société support investissait dans les sociétés opérationnelles logeant les points de vente ; concernant la rentabilité du produit, il ressort par ailleurs des termes du pacte d’actionnaires que la “véritable plus-value était réalisée au terme de l’investissement, à la sortie de la société”.
Concernant les risques du produit BCBB, il ressort de la plaquette BCBB et de la fiche récapitulative du rendement BCBB qu’il existait un risque de liquidité et de perte en capital ; lors de la signature du bulletin de souscription, Madame [J] a « déclaré avoir été informé des facteurs de risque et notamment du risque de liquidité et du risque de perte en capital ».
En conséquence, Madame [J] a été informée des mécanismes du produit BCBB, ne démontre pas de manquements de la société MUST FINANCE dans ses obligations à son égard et sera donc déboutée de ses demandes.
III. Sur la procédure abusive:
Aux termes de article 32-1du Code de Procédure Civile, celui qui agit de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile sans préjudice des dommages intérêts qui seraient réclamés. La condamnation à des dommages-intérêts pour procédure abusive relève du droit de la responsabilité civile pour faute au sens de l’article 1240 du Code Civil. Elle suppose, d’une part, que soit caractérisée la faute de la partie perdante faisant dégénérer en abus l’exercice du droit d’ester en justice, et, d’autre part, que soit démontré un lien de causalité entre cette faute et le préjudice subi par la partie demanderesse des dommages et intérêts pour procédure abusive.
En l’espèce, Madame [Y] se limite à invoquer le caractère abusif de la présente procédure à son encontre sans rapporter la preuve d’une faute et d’un préjudice et ce, étant rappelé que le seul rejet des demandes principales faute de preuve ne saurait caractériser, en soi, l’existence d’une faute du demandeur faisant dégénérer son droit d’ester en justice en abus.
En conséquence, Madame [Y] sera déboutée de sa demande à ce titre.
IV. Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Succombant à l’instance, Madame [J] sera condamnée aux dépens, sur le fondement de l’article 696 du Code de Procédure Civile.
Madame [J], qui supporte les dépens, sera condamnée à payer à chacune des sociétés défenderesses la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe :
DEBOUTE Madame [I] [J] de l’ensemble de ses demandes ;
DEBOUTE Madame [R] [Y] de sa demande au titre de la procédure abusive ;
CONDAMNE Madame [I] [J] aux entiers dépens ;
CONDAMNE Madame [I] [J] à payer à chacune des parties défenderesses, Madame [R] [Y], la société CGPA, la SAS MUST FINANCE et la SA MMA IARD la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Fait et jugé à Paris le 10 Octobre 2024
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE