La société LEXART a engagé des travaux de réhabilitation d’un hôtel particulier, en concluant un contrat avec la société IZORD DESIGN BUILD, qui a sous-traité le lot électricité à la société INFRALEC. Après des problèmes de qualité, LEXART a résilié son contrat avec IZORD et a continué les travaux avec INFRALEC. Cette dernière a émis plusieurs factures à IZORD, puis a mis en demeure LEXART de régler un total de 44 000 € HT. En mai 2020, IZORD a été placée en procédure collective. INFRALEC a ensuite facturé LEXART pour des travaux supplémentaires et a engagé une action en justice pour obtenir le paiement de ses créances. LEXART a contesté les demandes d’INFRALEC, arguant qu’elle n’était pas redevable de paiements en raison de créances contre IZORD et de malfaçons dans les travaux. Le tribunal a finalement débouté INFRALEC de sa demande de paiement au titre de l’action directe, a reconnu une créance de 21 000 € en faveur d’INFRALEC pour un marché direct, et a ordonné le remboursement d’une provision de 15 000 € à LEXART. Les demandes de dommages-intérêts des deux parties ont été rejetées.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
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6ème chambre 2ème section
N° RG 22/01519 – N° Portalis 352J-W-B7G-CV7DZ
N° MINUTE :
Contradictoire
Assignation du :
28 Janvier 2022
JUGEMENT
rendu le 13 Septembre 2024
DEMANDERESSE
S.A.S. INFRALEC
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Jacques MATTEI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0531
DÉFENDERESSE
S.C.I. LEXART
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Maître Charly AVISSEAU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0285
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Nadja GRENARD, Vice-présidente
Madame Marion BORDEAU, Juge
Madame Stéphanie VIAUD, Juge
assistée de Madame Audrey BABA, Greffier
DEBATS
A l’audience du 16 mai 2024 tenue en audience publique devant Madame Nadja Grenard, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT
– Contradictoire
– En premier ressort
– Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– Signé par Madame Nadja Grenard, Présidente de formation et par Madame Audrey BABA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La société LEXART a entrepris la réhabilitation d’un hôtel particulier situé [Adresse 3] à [Localité 1] dans le [Localité 1].
Elle a conclu un marché principal avec la société IZORD DESIGN BUILD (ci-après la société IZORD).
La société INFRALEC est intervenue en qualité de sous-traitante de la société IZORD pour le lot « électricité courants Forts-Courants faibles ».
La société Infralec a sollicité auprès d’un huissier de justice de procéder à l’établissement d’un état d’avancement des travaux réalisés ce qui a été fait le 25 octobre 2018.
La société INFRALEC a établi plusieurs factures à destination de la société IZORD pour la période de janvier à juillet 2018 soit les factures suivantes :
facture FA 5011 en date du 31 janvier 2018 pour un montant HT de 15.000 € ; facture FA 5189 en date du 30 avril 2018 pour un montant HT de 8.000 € ;facture FA 5247 en date du 31 mai 2018 pour un montant HT de 10.000 € ;facture FA 5388 en date du 31 juillet 2018 pour un montant HT de 7. 000 € ;facture FA 5427 en date du 31 août 2018 pour un montant HT de 4.000 €.
Le 28 septembre 2018, la société LEXART, mécontente des prestations de la société IZORD, lui a notifié la résiliation de son marché de travaux et a continué le chantier avec la société INFRALEC.
Par courrier du 19 mars 2020, la société INFRALEC a mis en demeure la société IZORD de lui régler l’ensemble de ses factures s’élevant à un montant total de 44 000 € HT.
Par courrier du 20 mars 2020, la société INFRALEC a adressé à la SCI LEXART une copie de la mise en demeure ainsi adressée à la société IZORD.
Le 19 mai 2020, la société IZORD a fait l’objet d’une procédure collective.
La société INFRALEC a établi deux autres factures à destination de la SCI LEXART soit :
la facture FA 6480 en date du 31 août 2020 pour un montant HT de 31.442,33 € ;
la facture FA 5189 en date du 31 août 2020 pour un montant HT de 5.000 €.
Par courrier en date du 2 octobre 2020, réitéré le 31 mars 2021, la société INFRALEC, par l’intermédiaire de son conseil, a mis en demeure, la SCI LEXART de lui régler l’ensemble des factures (tant à destination de la société IZORD que du maître d’ouvrage) restées impayées.
Par ordonnance du 20 octobre 2021, le juge des référés a condamné la SCI LEXART à payer à la société INFRALEC une provision de 36 000€ à valoir sur son solde de contrat de sous-traitance dans le cadre de l’action directe engagée contre le maître d’ouvrage, avec intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2020, en revanche a dit n’y avoir lieu à référé sur le surplus notamment sur la demande formée par la société INFRALEC de condamner le maître d’ouvrage à lui payer une somme de 36 442,33 € HT au titre des travaux réalisés dans le cadre d’un marché direct.
Engagement de la procédure au fond
Par exploit d’huissier du 28 janvier 2022, la société INFRALEC a assigné la SCI LEXART devant le Tribunal judiciaire de Paris en paiement du solde de son contrat de sous-traitance et de travaux supplémentaires qui lui auraient été commandés dans le cadre d’un marché direct passé avec le maître d’ouvrage.
Moyens et prétentions des parties
Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 24 janvier 2023, auxquelles il convient de renvoyer pour un examen plus ample des moyens, la société INFRALEC sollicite de voir :
condamner la SCI LEXART à lui payer la somme de 8.000€ HT avec intérêts au taux légal à compter de 20 mars 2020 au titre du solde restant dû pour la partie du contrat effectuée en sous-traitance ;
condamner la SCI LEXART à lui payer la somme de 36.442,33€ HT soit 43.730,80€ TTC avec intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2020 au titre du solde dû dans le cadre d’une relation contractuelle directe à compter du 28 septembre 2018;
condamner la société LEXART à lui payer la somme de 5.000€ à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive;
condamner la société LEXART à lui payer la somme de 3.000€ au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens.
Au soutien de ses demandes, la société demanderesse expose exercer, d’une part, une action directe en paiement à l’encontre du maître d’ouvrage en application de l’article 12 de la loi du 31 décembre 1975 aux fins de se voir régler le solde de son contrat de sous-traitance non payé par l’entreprise principale, d’autre part, une action en paiement des sommes dues au titre des travaux supplémentaires commandés directement par le maître d’ouvrage suite à la résiliation du contrat avec la société IZORD.
Sur l’action directe, la société INFRALEC fait valoir que :
– la SCI LEXART n’a jamais contesté la réalisation des travaux du lot sous-traité ;
– la SCI LEXART ne peut lui opposer l’application de pénalités contractuelles en l’absence de liens contractuels les unissant au titre des travaux réalisés en sous-traitance ;
– la défenderesse ne justifie pas qu’elle serait à l’origine des retards dans la réalisation des travaux, le maître d’ouvrage ne lui ayant en outre envoyé aucune mise en demeure relative aux retards invoqués ou pénalités pouvant en résulter;
– le juge des référés a précédemment reconnu le caractère incontestable de sa créance à ce titre ;
– subsidiairement elle fonde son action sur la responsabilité délictuelle du maître d’ouvrage, d’une part, pour avoir réglé l’entreprise générale alors qu’elle avait connaissance que ses sous-traitants n’étaient pas payés la privant de ce fait de la possibilité d’exercer une action directe d’autre part, dès lors que la société Lexart ne justifie pas avoir mis en demeure l’entreprise principale de fournir la justification de l’existence d’une caution pour garantir le paiement de ses sous-traitants.
Sur les travaux supplémentaires en marché direct, la société demanderesse indique que :
– la SCI LEXART ne conteste pas avoir passé un marché direct avec elle après la résiliation du marché de travaux de la société IZORD ;
– la SCI LEXART a reconnu dans un courrier adressé par sa gérante le 2 août 2019 lui devoir la somme de 41 503,33 € au titre des travaux réalisés en marché direct.
***
Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 13 mars 2023, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus ample des moyens, la SCI LEXART sollicite de voir :
débouter la société INFRALEC au titre de son action directe ;
la condamner à toutes fins à lui restituer toute somme provisionnelle allouée et perçue au titre de l’action directe ;
fixer le montant du contrat d’entreprise conclu entre la SCI LEXART et la société INFRALEC à la somme de 27.000 € HT ;
condamner la société INFRALEC à lui payer la somme de 12.660 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel de reprise et d’achèvement du chantier ;
condamner la société INFRALEC à lui payer la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour troubles dans les conditions de fonctionnement et d’exploitation de l’immeuble de la SCI ;
ordonner la compensation des créances réciproques entre les parties ;
A titre subsidiaire,
dire n’y avoir lieu à exécution provisoire à l’encontre de la SCI LEXART ;
En tout état de cause,
condamner la société INFRALEC à lui payer une somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens.
Au soutien de sa défense, la SCI LEXART fait valoir concernant l’action directe engagée par la demanderesse que:
– l’assiette de cette action est limitée aux sommes encore dues par le maître d’ouvrage à l’entreprise principale à la date de réception de la copie de la mise en demeure adressée préalablement à l’entreprise principale, qu’en l’espèce, à la date d’envoi de la copie, elle n’était redevable d’aucune somme au titre du marché litigieux étant en effet créancière d’un trop versé à l’entreprise principale;
– le maître d’ouvrage est en droit de se prévaloir de ses propres créances indemnitaires sur l’entreprise principale, que ce soit les pénalités de retard, en l’espèce, une somme de 68 050 € au 20 septembre 2018, ou la retenue de garantie de 10 % du montant HT des travaux, soit la somme de 90.370,57€, ou les pertes locatives subies, soit 76 560 € au titre de la perte locative sur la partie habitation pendant 11 mois et 40600€ sur la partie professionnelle outre le règlement de sommes aux sous-traitants malgré le trop versé pour permettre la finalisation du chantier.
Sur l’action en responsabilité délictuelle engagée par la demanderesse, elle expose que :
– elle n’a pas eu connaissance avant le règlement à l’entreprise principale des difficultés de paiement de cette dernière envers les sous-traitants ;
– à la date où elle a été alertée par son architecte des problèmes d’impayés des sous-traitants et où elle a souhaité faire le point directement avec les sous-traitants, la société INFRALEC lui a assuré en juillet 2018 ne pas rencontrer de problèmes d’impayés avec l’entreprise principale et n’a finalement révélé sa situation d’impayés qu’à l’occasion de l’envoi de sa mise en demeure le 20 mars 2020 ;
– il n’est justifié d’aucun manquement à ses obligations tirées de l’article 14-1 alinéa 2 de la loi du 31 décembre 1975 dans la mesure où la société INFRALEC ne justifie pas avoir été agréée par le maître d’ouvrage au début du chantier ou en cours du chantier ;
Sur l’action en paiement engagée dans le cadre d’un marché direct, elle soutient que :
– la société INFRALEC ne justifie pas que les factures correspondent à des travaux commandés par elle ;
– la société INFRALEC ne justifie pas qu’elle a réalisé des travaux différents que ceux prévus dans le cadre du contrat de sous-traitance ;
– les travaux n’ont jamais été finalisés et sont affectés de malfaçons.
*
Conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits et des moyens, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties.
La clôture est intervenue le 8 juin 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR LES DEMANDES PRINCIPALES
I.Sur les demandes formées par la société INFRALEC
I.A. Sur la demande de paiement de la somme de 8000 €
I.A.1. Sur le fondement de l’action directe
En vertu de l’article 12 de la loi du 31 décembre 1975, le sous-traitant a une action directe contre le maître de l’ouvrage si l’entrepreneur principal ne paie pas, un mois après en avoir été mis en demeure, les sommes qui sont dues en vertu du contrat de sous-traitance; copie de cette mise en demeure est adressée au maître de l’ouvrage. Toute renonciation à l’action directe est réputée non écrite. Cette action directe subsiste même si l’entrepreneur principal est en état de liquidation des biens, de règlement judiciaire ou de suspension provisoire des poursuites.
Les dispositions du deuxième alinéa de l’article 1799-1 du Code civil sont applicables au sous-traitant qui remplit les conditions édictées au présent article.
Pour exercer l’action directe, le sous-traitant doit avoir été agréé et ses conditions de paiement acceptées par le maître d’ouvrage.
L’article 3 de la loi dispose que l’entrepreneur doit faire accepter ses sous-traitants et agréer les conditions de paiement au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché.
L’acceptation tacite du maître d’ouvrage ne peut découler du comportement passif du maître de l’ouvrage, ni du fait que ledit maître de l’ouvrage avait connaissance de la présence du sous-traitant sur le chantier, et doit être démontrée par l’existence d’actes non équivoques du maître de l’ouvrage impliquant sa volonté d’accepter le sous-traitant.
Si l’acceptation du sous-traitant peut être tacite sans pour autant pouvoir résulter de la simple passivité du maître de l’ouvrage, cette condition est insuffisante à la mise en oeuvre de l’action directe s’il n’est pas établi en outre que le maître de l’ouvrage a agréé expressément ou tacitement les conditions de paiement du contrat de sous-traitance.
En l’espèce, pour justifier son agrément par le maître d’ouvrage, la société INFRALEC produit un courrier adressé au maître d’ouvrage en date du 19 mars 2020 ayant pour objet « demande acceptation et agrément des conditions de paiement » aux termes duquel elle l’informe de l’existence d’un contrat de sous-traitance conclu le 12 février 2018 avec la société IZORD et sollicite confirmation de sa part que l’entreprise générale lui a fait accepter son entreprise en qualité de sous-traitant et a agréé ses conditions de paiement.
Force est de constater que ce seul courrier ne peut suffire à démontrer ni l’acceptation de la société INFRALEC comme sous-traitant ni l’agrément de ses conditions de paiement par la SCI LEXART dès lors que ce courrier émane uniquement de la société INFRALEC et où l’absence de réaction à celui-ci ne suffit à caractériser un acte de volonté non équivoque tendant à l’acceptation du sous-traitant ou de ses conditions de paiement par le maître d’ouvrage. De surcroît il convient de constater que ce courrier a été adressé le 19 mars 2020 alors que la société IZORD a vu son marché de travaux résilié par la SCI LEXART par courrier du 28 septembre 2018.
Il convient en conséquence de débouter la société INFRALEC de sa demande fondée au titre de l’action directe.
I.A.2. Sur le fondement de la responsabilité délictuelle du maître d’ouvrage
Aux termes de l’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics :
– le maître de l’ouvrage doit, s’il a connaissance de la présence sur le chantier d’un sous-traitant n’ayant pas fait l’objet des obligations définies à l’article 3 ou à l’article 6, ainsi que celles définies à l’article 5, mettre l’entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s’acquitter de ces obligations. Ces dispositions s’appliquent aux marchés publics et privés ;
– si le sous-traitant accepté, et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l’ouvrage dans les conditions définies par décret en Conseil d’Etat, ne bénéficie pas de la délégation de paiement, le maître de l’ouvrage doit exiger de l’entrepreneur principal qu’il justifie avoir fourni la caution.
Pour engager la responsabilité délictuelle du maître d’ouvrage, la société INFRALEC reproche à la SCI LEXART, d’une part, d’avoir continué à effectuer des versements à l’entreprise principale alors qu’elle avait connaissance de la présence de sous-traitants non réglés, d’autre part, d’avoir omis de solliciter auprès de l’entreprise principale la fourniture d’une caution en faveur du sous-traitant.
En l’espèce il ressort des pièces du dossier que par courriel de l’architecte du 6 juin 2018, la SCI LEXART a été informée d’incidents de paiement de la part de la société IZORD à l’égard de son sous-traitant, la société Echafaudage de France, et qu’il s’agissait de la seconde fois depuis le début du chantier. Il ressort par ailleurs que par courrier du 19 juillet 2018 la société GCBTP Lacroix a informé le maître d’ouvrage d’incidents de paiement de la part de l’entreprise principale.
Toutefois il est établi que la société IZORD a expliqué ces incidents par des blocages bancaires et n’a cessé de s’engager à régler les sous-traitants faisant état d’impayés (courriel du 6 juin 2018 de la société Izord à la société Echafaudage de France « mon objectif est de vous apporter satisfaction dans le règlement de vos factures en intégrant une vision réaliste des flux financiers de la société. » ; courriel du 6 août 2019 de l’architecte à Echafaudage de France : “[U] (société Izord) aurait fait partir un virement vendredi 3 août. Nous venons de demander à [U] de transmettre l’ordre de virement en copie à tout le monde afin de rassurer »).
S’agissant plus précisément de la société Infralec, il ressort que contactée par le maître d’oeuvre à compter du mois de juillet 2018, celle-ci n’a pas fait état immédiatement d’impayés de la part de la société IZORD. Par courriel du 20 septembre 2018, elle informe en revanche le maître d’oeuvre et le maître d’ouvrage, à leur demande, de l’existence de factures arrivées à échéance et non payées pour un montant de 44.000 € et de travaux supplémentaires d’environ 20 000 €. Aux termes de son courriel, la société Infralec indique souhaiter solder son « offre de base » et leur demande si elle doit passe en paiement direct.
Dans un document établi par la SCI Lexart, en l’absence d’autres documents produits par la demanderesse, il ressort que des règlements ont été ordonnés au profit de la société Izord par son maître d’oeuvre jusqu’au 13 août 2018.
Ces éléments ne suffisent dès lors pas à démontrer que la SCI Lexart a accepté le paiement de situations de travaux présentées par la société Izord notamment correspondant à des travaux sous-traités à la société Infralec en connaissance de cause d’incidents de paiement à l’égard de ce sous-traitant ou d’incidents de paiement à l’égard des autres sous-traités qui ne seraient pas en phase de résolution.
S’agissant enfin de l’absence de demande de transmission de la caution auprès de l’entrepreneur, il ne peut être reproché aucune faute à ce titre à l’égard du maître d’ouvrage faute pour la société Lexart de justifier avoir été acceptée et ses conditions de paiement agréées.
En conséquence, il y a lieu de débouter la société Infralec de sa demande en paiement de 8000 € au titre du solde du contrat de sous-traitance.
En considération de la demande de remboursement formée reconventionnellement par la SCI Lexart eu égard à la provision prononcée par le juge des référés, il convient de dire qu’aucune demande au titre de l’action directe ne peut prospérer à l’égard de la SCI Lexart. Il s’ensuit que la société Infralec doit être condamnée à restituer la somme de 36.000 € à la société Lexart, dans le cas où la société Infralec justifie l’avoir réglée en exécution de l’ordonnance de référé du 20 octobre 2021.
I.B. Sur la demande de paiement de la somme de 36.442,33 HT (43.730,80€ TTC)
La société Infralec soutient que le maître d’ouvrage lui a commandé directement des travaux supplémentaires à hauteur d’une somme de 36.442,33 €HT (43.730,8 € TTC). A l’appui de sa demande, elle produit un tableau reprenant les travaux réalisés en plus des travaux inclus dans le contrat de sous-traitance et un courrier émanant de la gérante de la SCI Lexart s’engageant à lui régler au titre du marché direct conclu entre elles une somme de 41 503,33 € HT.
De son côté, la SCI Lexart fait valoir qu’aucun travaux supplémentaires n’a été commandé à la société Infralec, qu’elle a uniquement demandé à la société Infralec de finaliser les travaux devant être réalisés en sous-traitance dans le cadre d’un marché direct. Aux termes de ses conclusions, elle expose que le prix des travaux ainsi confiés à la société Infralec dans le cadre d’un marché direct doit être fixé à 27 000€ HT.
*
En vertu de l’article 1103 du Code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L’article 1353 du même Code énonce que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
La preuve des contrats portant sur une somme supérieure à 1500 € se rapporte par écrit. A défaut d’écrit passé entre les cocontractants, la preuve peut se faire par un commencement de preuve par écrit complété par tous moyens de preuve.
En l’espèce, il ressort des éléments du dossier, notamment du devis du 18 novembre 2017 et de l’acte d’engagement signé le 20 novembre 2017 par le maître d’ouvrage que la SCI Lexart a confié à la société Izord le lot électricité pour un prix de 70 727,05 € HT, que le 28 septembre 2018, le maître d’ouvrage a résilié le marché de travaux de la société Izord.
Il y a lieu de constater que la société Infralec ne produit aucun devis signé par le maître d’ouvrage formalisant la poursuite du chantier en marché direct et décrivant précisément les travaux restant à réaliser suite à la résiliation du marché de travaux de la société Izord ni le prix des travaux convenu entre les parties.
Au vu des demandes formées par la société Infralec, celle-ci soutient avoir réalisé postérieurement à la phase de sous-traitance avec la société Izord des travaux supplémentaires qu’elle indique avoir listé en vert dans un tableau. La SCI Lexart soutient de son côté que l’entreprise a été chargée uniquement de finaliser le lot électricité tel qu’initialement commandé à la société IZORD.
Par ailleurs la société Infralec soutient que la SCI Lexart lui doit une somme totale de 36.442,33€ HT (43.730,8 € TTC) au titre des travaux supplémentaires réalisés ce que conteste le maître d’ouvrage.
Il s’ensuit que les parties sont en désaccord tant sur les prestations confiées à l’entreprise que sur le montant des sommes dues.
Or force est de constater que :
– dans son courriel du 29 septembre 2018 (soit concomitamment à la résiliation du marché principal d’IZORD) adressé notamment au maître d’ouvrage, M. [G] pour la société Infralec, indique déjà que la société IZORD lui doit des travaux supplémentaires pour une somme d’environ 20 000 €, et le 2 octobre 2018 que ces travaux complémentaires figurent dans une colonne verte dans un tableau qu’elle a établi ;
– la société Infralec ne produit aucune pièce de nature à justifier la réalisation des travaux supplémentaires dont elle sollicite le paiement lors de la phase de marché direct ;
– l’addition du coût des travaux listés et figurant en vert dans son tableau ne correspond pas au montant sollicité au présent litige (environ 22 832€ HT dans le tableau) ;
Il s’ensuit que la société Infralec ne justifie nullement avoir réalisé à la demande du maître d’ouvrage, dans le cadre d’un marché direct, des travaux supplémentaires tels que listés dans le tableau figurant en vert de sorte que ses demandes ne peuvent prospérer à ce titre. Au contraire il ressort des éléments ci-dessus mentionnés, notamment des propres courriels de la société Infralec que ces travaux complémentaires ont été commandés par la société Izord et réalisés dans le cadre du marché de sous-traitance.
Toutefois, il ressort néanmoins des pièces du dossier que le lot électricité a continué d’avancer, postérieurement à la résiliation du marché de travaux de la société Izord (soit le 28 septembre 2018) dès lors que le maître d’oeuvre, fait état d’un avancement du lot électricité par la société Infralec dans ses comptes-rendus de chantier produits aux débats.
Aux termes d’un courriel adressé le 2 août 2019 par la SCI Lexart à la société Infralec, la SCI Lexart calcule qu’il reste dû à l’entreprise au titre du lot électricité une somme de 41 503,53 € HT sur la base d’un marché de travaux de 70 000 € après déduction des règlements versés et s’engage à régler cette somme. Au vu de ce même courriel, la SCI Lexart opère une différence entre cette somme et le montant des sommes correspondant au paiement des travaux réalisés avant que les parties ne traitent en direct. Toutefois il ressort de ce courrier que le paiement de cette somme est conditionné à la finalisation du chantier par la société Infralec et que le maître d’ouvrage se fonde sur un montant de marché de 70 000€ dont il ne résulte pas clairement s’il porte sur le contrat de sous-traitance ou le marché direct. Il s’ensuit que cette pièce qui n’est en outre nullement corroborée par une autre pièce ne peut suffire à démontrer un accord sur la nature des travaux et le prix des prestations confiés.
Dans le cadre de ses conclusions, la SCI Lexart sollicite en effet de voir fixer à 27 000 € HT le montant des travaux confiés en marché direct à la société Infralec. Au vu du tableau produit en pièce 27 par le demandeur, il ressort que cette somme de 27 000 € correspond à la somme restant due par l’entreprise principale à son sous-traitant sur la base d’un prix de 50 000 € HT après règlement d’une somme de 23.000€ HT.
Force est de constater au vu du tableau produit par la société Infralec au soutien de sa demande en paiement, faisant figurer en vert des prestations, selon elle, réalisées de manière supplémentaire, que cette société reprend dès lors à l’égard du maître d’ouvrage le bordereau de prix appliqué dans ses relations contractuelles avec l’entreprise principale de sorte que seuls ces prix seront ici retenus.
Dans la mesure où la société Infralec ne justifie pas de la réalisation de prestations supplémentaires par rapport au devis initial, il convient uniquement de retenir les prestations restant à réaliser par la société Infralec après la résiliation du marché principal de la société Izord fin septembre 2018.
Il ressort qu’en septembre 2018, la société Infralec s’est vue régler une somme de 23 000 € par l’entreprise principale. Il ressort en outre sur le même tableau établi par le maître d’oeuvre que la société Izord a été réglée au titre du lot électricité à hauteur d’une somme de 25 624,01€ laissant un solde de 45 102,84€ et correspondant à un avancement de 36,22 %.
Toutefois au vu du CR de chantier n°33 précédent la résiliation du marché de travaux de la société IZORD, il ressort que le maître d’oeuvre a évalué l’avancement du lot électricité à 67 %. Il s’ensuit qu’au mois de septembre 2018, il restait devoir par le maître d’ouvrage à la société Izord, indépendamment des autres lots et éventuelles créances réciproques, une somme de 21 762,91€ (70 727,05€ x 67 % – 25 624,21€ réglées) au titre des travaux réalisés à laquelle la société Infralec ne peut prétendre compte tenu de l’échec de son action directe.
Postérieurement à la résiliation du marché principal de la société Izord, au vu du CR de chantier n°49 (janvier 2019) il ressort que le maître d’oeuvre a évalué le taux d’avancement du lot électricité à 88 %. Dans son courriel du 2 octobre 2019, la SCI Lexart fait état pour sa part de matériels restant à poser. Pour la société infralec, dans son courrier du 10 décembre 2019, celle-ci soutient avoir terminé les travaux depuis le mois de mars 2019 et que la demande de pose de matériels constitue une demande de travaux supplémentaires.
Or aucune pièce n’a été produite permettant de connaître les nouvelles dates d’intervention de la société Infralec postérieurement au CR de chantier n°49 et en outre aucune réception des travaux n’a eu lieu.
Il s’ensuit qu’en prenant pour référence les prestations incluses dans le lot électricité (qui sont les mêmes dans le marché principal et le contrat de sous-traitance), les prix de ces prestations retenues dans le contrat de sous-traitance et l’avancement de 33 % du chantier (88 % au titre du dernier CR produit -67 % au titre du taux d’avancemnet à la date de résiliation du marché principal d’Izord), le montant des prestations réalisées entre octobre 2018 et janvier 2019, correspondant à un avancement dès lors de 33 %, doit être évalué à la somme de 10 500 € (21 % de 50 000 €).
Néanmoins dans la mesure où le maître d’ouvrage sollicite de voir fixer le prix du marché direct conclu entre la société Infralec et la SCI Lexart à la somme de 27 000 € HT il convient d’en prendre acte.
II. Sur les demandes reconventionnelles formées par la SCI Lexart
La SCI LEXART sollicite de :
condamner la société INFRALEC à lui payer la somme de 12.660 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel de reprise et d’achèvement du chantier ;
condamner la société INFRALEC à lui payer la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour troubles dans les conditions de fonctionnement et d’exploitation de l’immeuble de la SCI ;
ordonner la compensation des créances réciproques.
II.A. Sur la demande de dommages et intérêts pour l’inachèvement et les malfaçons
En application de l’article 1231 du Code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
Il est constant que l’entrepreneur est tenu d’une obligation de résultat de réaliser des travaux conformes à ses engagements contractuels et aux règles de l’art.
En l’espèce, la SCI Lexart produit un constat d’huissier réalisé le 15 mai 2020 de manière non contradictoire aux termes desquels l’huissier relève des prestations électriques inachevées et des anomalies électriques.
S’agissant des inachèvements, il ressort que le constat d’huissier est corroboré notamment par l’état des lieux effectué par le maître d’oeuvre le 2 janvier 2019 indiquant : « Infralec/ tous niveaux :
– finir la pose des interrupteurs compris méca + plaques »
S’agissant des désordres dénoncés, soit l’absence de calfeutrement coupe-feu et la présence de traces de calcination sur les disjoncteurs du tableau, force est de constater que le constat d’huissier n’est corroboré par aucune autre pièce et est insuffisant à lui seul pour retenir sur la base de cette pièce unique l’existence de malfaçons. De surcroît au vu du devis « réparatoire » Rotel 3 produit, en l’absence de détail de la somme figurant au devis de 7800 € pour la reprise de l’électricité, au vu du peu de clarté dudit devis outre l’absence de lien apparent entre les quelques mentions y figurant et le constat d’huissier produit, celui-ci ne peut être retenu comme corroborant le constat d’huissier.
Il en découle que la SCI Lexart démontre uniquement que les prestations du lot électricité n’ont pas été réalisées dans leur intégralité ce qui justifie qu’il soit appliqué une moins-value sur la somme reconnue par le maître d’ouvrage au titre du prix convenu entre les parties à hauteur de 27 000 € HT dans le cadre du marché direct conclu entre les parties.
Dès lors dans la mesure où aux termes du CR n°49 du chantier le maître d’oeuvre avait évalué à 88 % l’avancement du chantier au début du mois de janvier 2019, où la société Infralec ne justifie pas avoir finalisé le chantier postérieurement à cette date au vu des éléments produits en demande, il convient de retenir une somme de 6000 € HT sur la somme de 27 000 € retenue au titre du marché de travaux liant les parties.
II.B. Sur la demande de dommages et intérêt pour le préjudice d’exploitation
La société Lexart expose, qu’en raison du retard, des désagréments du chantier (risque d’incendie et d’accident), et l’inachèvement de l’installation électrique, avoir subi des troubles dans ses conditions de fonctionnement et d’exploitation de l’immeuble en raison des répercussions sur l’accueil du public et des salariés sur la partie professionnelle justifiant l’allocation d’une somme de 10.000 € en réparation du préjudice économique subi.
En l’espèce il résulte des pièces du dossier que la SCI Lexart indique avoir pris possession des lieux en janvier 2019 dans sa partie habitation. Elle produit en outre un contrat de bail professionnel en date du 15 mars 2019 courant à compter du 1er janvier 2020 portant sur l’entresol et le rez-de-chaussée. Dans la mesure où si l’inachèvement du chantier a été démontré, il n’est néanmoins pas démontré que celui-ci a entraîné un préjudice d’exploitation se caractérisant notamment par une perte de revenus locatifs. Il convient en conséquence de débouter la SCI Lexart de sa demande formée à ce titre.
* * *
Au vu des développements précédemment exposés, il convient de constater que :
– la SCI Lexart n’est redevable d’aucune somme au titre des prestations réalisées en sous-traitance ;
– la SCI Lexart est débitrice d’une somme de 21 000 € à l’égard de la société Infralec au titre du marché direct conclu entre elles ;
– compte tenu de la provision de 36 000 € à laquelle a été condamnée la SCI Lexart, la société Infralec doit être condamnée à restituer à la SCI Lexart la somme de 15 000 € (dans le cas où la société Lexart justifie avoir réglé cette provision en exécution de l’ordonnance de référé) assortie des intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 28 janvier 2022 en l’absence de production d’une mise en demeure adressée par lettre recommandée avec accusé de réception permettant de retenir une date certaine de réception.
Compte tenu de ce qui a été retenu, et conformément à l’article 1231-6 du Code civil, la société Infralec, qui ne justifie ni de la mauvaise foi du maître d’ouvrage ni d’un préjudice indépendant de ce retard, doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts de 5000 € formée à l’encontre de la SCI Lexart.
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
La SCI LEXART, succombant dans ses demandes, sera condamnée aux dépens. L’équité ne commande pas de faire application de la condamnation au titre des frais irrépétibles
En vertu de l’article 514 du Code de procédure civile, il convient de rappeler que la présente décision est assortie de plein droit de l’exécution provisoire. La défenderesse qui sollicite d’exclure l’exécution provisoire sera déboutée de sa demande faute de démonstration d’un motif légitime justifiant sa demande.
Le tribunal, statuant par décision contradictoire, rendue en premier ressort, par voie de mise à disposition au greffe en application de l’article 450 du Code de procédure civile, les parties en ayant été avisées,
DEBOUTE la société INFRALEC de sa demande en paiement de la somme de 8000 € au titre de l’action directe ;
DIT que la SCI LEXART n’est redevable d’aucune somme au titre des prestations réalisées en sous-traitance ;
CONSTATE que la SCI LEXART est débitrice d’une somme de 21.000€ à l’égard de la société INFRALEC au titre du marché direct conclu entre elles
CONDAMNE la SCI Lexart à payer à la société INFRALEC la somme de 21 000 € HT au titre du solde restant dû dans le cadre du marché de travaux directement conclu entre les parties ;
CONDAMNE dès lors, dans le cas où la provision de 36 000 € aurait été versée par la SCI LEXART en exécution de l’ordonnance de référé du 20 octobre 2021, la société INFRALEC à restituer une somme de 15.000€ (quinze-mille euros) à la SCI LEXART assortie des intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 28 janvier 2022 ;
DEBOUTE la société INFRALEC de sa demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive;
DEBOUTE la SCI LEXART de ses demandes de dommages-intérêts pour reprise des malfaçons et pour les troubles dans les conditions de fonctionnement et d’exploitation de l’immeuble;
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes;
CONDAMNE la SCI LEXART aux dépens;
DIT n’y avoir lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles
RAPPELLE que la présente décision est assortie de plein droit de l’exécution provisoire
Fait et jugé à Paris le 13 Septembre 2024
Le Greffier La Présidente