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Contexte de l’accidentLe 11 juin 2021, Madame [N] [B] épouse [M], enseignante d’anglais, a accompagné des élèves lors d’une sortie scolaire dans un parc d’activités. Elle a subi un accident en utilisant une tyrolienne, entraînant une grave blessure au mollet gauche. Procédures judiciaires initialesLe procureur de la République a décidé de classer sans suite la plainte de Madame [M]. Cependant, le 2 janvier 2023, le juge des référés du Tribunal judiciaire de Bordeaux a ordonné une expertise médicale et accordé une provision de 15.000 euros à Madame [M]. Expertises et rapportsLe 17 avril 2023, le juge a également ordonné une expertise technique pour évaluer la conformité de la société SEREC CONTROLE dans la vérification de la sécurité des installations. L’expert médical a conclu à des séquelles justifiant un déficit fonctionnel permanent de 10 % pour Madame [M]. Un rapport technique a confirmé le respect des normes de sécurité par SEREC CONTROLE. Assignation en justiceLe 6 et 7 mai 2024, Madame [M] a assigné la société [U] CONCEPT et son assureur ALLIANZ IARD pour obtenir réparation de son préjudice, ainsi que la CPAM de la Gironde en tant que tiers payeur. Elle a également demandé une provision. Demandes des partiesMadame [M] a demandé une provision de 80.000 euros, ainsi que des frais au titre de l’article 700 du code de procédure civile. En réponse, la société [U] CONCEPT et ALLIANZ IARD ont demandé le rejet de la demande de provision, arguant que l’obligation n’était pas sérieusement contestable. Analyse de la demande de provisionLe juge a examiné la demande de provision, considérant que le dommage et son lien avec l’accident n’étaient pas sérieusement contestables. Madame [M] a soutenu que la société [U] CONCEPT était responsable en tant que gardien de l’équipement. Conclusion sur le montant de la provisionLe rapport médical a révélé des blessures graves et des conséquences psychologiques pour Madame [M]. En tenant compte des conclusions de l’expert, le juge a décidé d’accorder une provision de 35.000 euros. Décision finaleLe juge a condamné la SARL [U] CONCEPT et la compagnie ALLIANZ IARD à verser 35.000 euros à Madame [M] et a invité les parties à se prononcer sur la responsabilité contractuelle de la société. Les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ont été rejetées, et l’affaire a été renvoyée à une audience ultérieure. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE
58G
N° de Rôle : N° RG 24/04353 – N° Portalis DBX6-W-B7I-ZCQP
N° de Minute :
AFFAIRE :
[N] [B] épouse [M], [C] [M]
C/
CPAM DE LA GIRONDE, E.U.R.L. [U] CONCEPT, S.A. ALLIANZ IARD
Grosse Délivrée
le :
à
Avocats : la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE
la SCP DELAVALLADE – RAIMBAULT
Me Philippe PEJOINE
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
Le VINGT TROIS OCTOBRE DEUX MIL VINGT QUATRE
Nous, Madame Fanny CALES, juge,
juge de la mise en état de la 6EME CHAMBRE CIVILE,
assistée de Madame Elisabeth LAPORTE, greffier présente lors des débats et de la mise à disposition,
Vu la procédure entre :
DEMANDEURS A L’INCIDENT
Madame [N] [B] épouse [M]
née le [Date naissance 3] 1990 à [Localité 12] (ROYAUME-UNI)
de nationalité Britannique
[Adresse 6]
[Localité 11], (ROYAUME-UNI)
représentée par Me Philippe PEJOINE, avocat au barreau de BORDEAUX
Monsieur [C] [M]
né le [Date naissance 2] 1984 à [Localité 9] (ROYAUME-UNI)
de nationalité Britannique
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 11] (ROYAUME-UNI)
représenté par Me Philippe PEJOINE, avocat au barreau de BORDEAUX
DEFENDERESSES A L’INCIDENT
CPAM DE LA GIRONDE prise en la personne de son directeur en exercice domicilié es qualités audit siège
[Adresse 13]
[Localité 4]
représentée par Maître Bénédicte DE BOUSSAC DI PACE de la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE, avocats au barreau de BORDEAUX
E.U.R.L. [U] CONCEPT prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 10]
[Localité 5]
représentée par Maître Clément RAIMBAULT de la SCP DELAVALLADE – RAIMBAULT, avocats au barreau de BORDEAUX
S.A. ALLIANZ IARD prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 1]
[Localité 8]
représentée par Maître Clément RAIMBAULT de la SCP DELAVALLADE – RAIMBAULT, avocats au barreau de BORDEAUX
Le 11 juin 2021, Madame [N] [B] épouse [M], enseignante d’anglais, accompagnait un groupe d’élèves en sortie scolaire dans un parc d’activité proposant une activité d’acrobranche exploité par la société EURL [U] CONCEPT, assurée auprès de la compagnie ALLIANZ IARD.
Elle a été victime d’un accident alors qu’elle empruntait une tyrolienne et a présenté une grave blessure au niveau du mollet gauche.
Le procureur de la République a classé sans suite la plainte de Madame [M].
Par ordonnance en date du 2 janvier 2023, le juge des référés du Tribunal judiciaire de Bordeaux a fait droit à sa demande d’expertise médicale et a confié cette mission au Docteur [S]. Il a aussi fait droit à sa demande de provision pour un montant de 15.000 euros, outre une indemnité au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance en date du 17 avril 2023, le même juge a fait droit à la demande de la SARL [U] CONCEPT et de la compagnie ALLIANZ IARD d’expertise technique tendant à vérifier si la société SEREC CONTROLE, chargée de procéder à la vérification de la sécurité de l’ensemble du parcours et des attractions du parc de loisirs, avait réalisé sa mission dans les règles de l’art.
Dans son rapport en date du 18 décembre 2023, l’expert [S] a conclu à une date de consolidation de l’état de santé de Madame [M] au 20 juin 2022 et à des séquelles physiques et psychologiques justifiant un déficit fonctionnel permanent de 10 %.
Monsieur [J] [P], ingénieur chercheur en génie mécanique et expert commis, a déposé son rapport le 29 novembre 2023 dans lequel il concluait au respect par la société SEREC CONTROL des exigences et règles de l’art en matière de contrôle de sécurité.
Par actes délivrés les 6 et 7 mai 2024, Madame [M] a fait assigner devant le présent tribunal la société [U] CONCEPT et son assureur ALLIANZ IARD afin de voir reconnaitre leur responsabilité dans la survenance de son accident et obtenir la réparation de son préjudice ainsi que la CPAM de la Gironde en qualité de tiers payeurs.
Par conclusions d’incident, Madame [M] a saisi le juge de la mise en état d’une demande de versement d’une provision.
L’affaire a été retenue à l’audience d’incident du 18/09/2024 où elle a été mise en délibéré à la date de la présente ordonnance.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions d’incident aux fins de provisions notifiées par voie électronique le 4 juin 2024, Madame [N] [B] épouse [M] et Monsieur [C] [M] demandent au juge de la mise en état de :
– condamner la SARL [U] CONCEPT, in solidum avec son assureur ALLIANZ IARD à verser à Madame [M] une provision à hauteur de 80.000 euros à valoir sur l’indemnisation de son entier préjudice ;
– condamner la SARL [U] CONCEPT, in solidum avec son assureur ALLIANZ IARD au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la SARL [U] CONCEPT, in solidum avec son assureur ALLIANZ IARD aux entiers dépens au titre de l’article 699 du code de procédure civile, dont les frais d’expertise judiciaire et de traduction.
Dans ses conclusions devant le juge de la mise en état notifiées par voie électronique le 16 septembre 2024, la société [U] CONCEPT et la compagnie ALLIANZ IARD demandent au juge de la mise en état de :
A titre principal,
– débouter purement et simplement Madame [M] de sa demande tendant à voir condamner la société [U] CONCEPT in solidum avec son assureur la compagnie ALLIANZ au versement d’une provision à hauteur de 80.000 euros à valoir sur l’indemnisation de son entier préjudice,
– condamner Madame [M] à verser à la société [U] et à la compagnie ALLIANZ chacune la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens
– débouter Madame [M] du surplus de ses demandes ;
A titre subsidiaire,
– limiter la demande formulée par Madame [M] de condamnation in solidum des concluantes au versement d’une indemnité provisionnelle, à la somme de 5.000 euros ;
– statuer ce que de droit sur les frais irrépétibles et les dépens.
Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion, il est renvoyé expressément pour l’exposé plus ample des faits de l’espèce, des prétentions et moyens des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessus.
Sur la demande de provision
Il résulte des dispositions de l’article 789 du code de procédure civile que :
« Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
[…]
3° Accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l’exécution de sa décision à la constitution d’une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5,517 et 518 à 522 ; ».
Madame [M] soutient que sa demande de provision à valoir sur l’indemnisation définitive de son préjudice n’est pas sérieusement contestable dès lors que la société [U] est responsable de son dommage sur le fondement des dispositions de l’article 1242 alinéa 1 du code civil.
Elle expose en effet qu’en empruntant la tyrolienne, elle s’est présentée à l’arrivée au niveau du filet de sécurité d’une telle manière qu’elle a déplacé la molette du mousqueton arrimant ledit filet et de telle sorte que la partie saillante est venue lui déchirer le mollet. Elle conclut à l’engagement de la responsabilité de [U] CONCEPT en sa qualité de gardien de ce mousqueton et à la garantie de ALLIANZ IARD en sa qualité d’assureur responsabilité de l’exploitant du parc. Elle s’oppose à toutes causes d’exonération dès lors que toutes conclusions techniques relatives à la tyrolienne en 2023 deviennent inopérantes puisqu’elle est différente de celle au jour de l’accident et que ni la force majeure ni la faute de la victime ne sont démontrées.
La société [U] CONCEPT et la compagnie ALLIANZ IARD concluent au rejet de la demande de provision dès lors que l’existence de l’obligation apparait sérieusement contestable.
D’abord, elles contestent tout manquement fautif de la société [U] CONCEPT à son obligation de sécurité de moyen dans la mesure où les causes et circonstances de l’accident ne sont pas déterminées et que la demanderesse ne rapporte pas la preuve d’un manquement ou d’un défaut de conformité de l’installation. Ensuite, les sociétés défenderesses concluent à l’absence de responsabilité de la société [U] CONCEPT au titre de la responsabilité du fait des choses tant qu’il n’est pas certain que le mousqueton soit bien à l’origine du dommage de Madame [M] et, qu’au surplus, il n’est pas démontré que celui-ci était dans une position anormale ou présentait un caractère défectueux de sorte que son rôle actif dans la réalisation du dommage soit démontré.
En l’espèce, il est incontestable que Madame [M] a été blessée par un élément du dispositif d’arrimage de la tyrolienne à l’arrivée, Monsieur [U] exposant lui-même aux enquêteurs qu’il soupçonnait, au regard de la manière dont la blessée s’était présentée au niveau du filet d’arrivée en tournant sur elle-même, qu’elle ait déplacé la molette du mousqueton, ce qui a fait apparaitre sa partie saillante qui a été à l’origine des blessures.
S’il est vrai qu’il ressort de l’expertise technique que le choix du type de mousqueton incriminé, automatique et à double action et non à vis, apparait adapté à l’installation litigieuse et s’il n’est pas rapporté en l’état la preuve de sa défectuosité, l’expertise ne remet pas en question l’éventuel manquement à une obligation de sécurité de moyen ou de résultat qu’il reste à qualifier notamment au titre de la responsabilité contractuelle. Il y a lieu par ailleurs d’inviter les parties à s’exprimer sur ce fondement.
Au regard de la certitude du dommage et de son imputabilité à l’équipement d’arrivée de la tyrolienne, il y a lieu de considérer que la créance de réparation n’est pas sérieusement contestable de sorte qu’il est fait droit à la demande de provision.
Sur le montant de la provision
Le docteur [L] indique dans son rapport que Madame [N] [B] épouse [M], née le [Date naissance 3] 1990 et exerçant la profession d’enseignante d’anglais, a présenté à la suite de l’accident du 11 juin 2021 une plaie délabrante avec atteinte musculaire et nerveuse au niveau du mollet gauche.
Elle a bénéficié d’une chirurgie en urgence pour parage et suture de la plaie.
Les suites ont été marquées par une prescription d’antalgiques, de cannes anglaises et de soins infirmiers. L’évolution a été défavorable nécessitant une greffe de peau avec hospitalisation.
Sur le plan psychologique, elle a présenté un état de stress post-traumatique avec mise en place d’une psychothérapie par EMDR.
L’expert a pris les conclusions suivantes :
– DFTT du 11/06 au 16/06/2021 et le 20/06/2021 ;
– DFTP 25 % du 17/06/2021 au 12/08/2021 ;
– DFTP 15 % du 13/08/2021 au 30/06/2022 ;
– consolidation au 30/06/2022 ;
– DFP : 10 % ;
– SE : 4/7 ;
– PET : 2,5/7 ;
– PED : 2/7 ;
– préjudice d’agrément pour une gêne douloureuses aux activités sportives ;
– arrêts de travail imputables du 11/06/2021 au 29/08/2021 et du 03/01/2022 au 30/06/2022 ;
– IP : gêne lors de la reprise du poste de professeur, sans impossibilité ;
– préjudice sexuel ;
– ATP : 17/06/2021 au 30/08/2021 à hauteur de 5 h par semaine ;
– soins post-consolidation : traitement antidépresseur pendant six mois jusqu’au 22/11/2023.
Au regard des conclusions de l’expert et des pièces versées, il y a lieu de faire droit à la demande de provision à hauteur de 35.000 euros.
A ce stade de la procédure, il y a lieu de rejeter les demandes au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Toutefois, il convient de réserver les dépens.
Le juge de la mise en état, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par décision mise à disposition au greffe, les parties avisées selon l’article 450 al2 du code de procédure civile, et par décision contradictoire,
CONDAMNE in solidum la SARL [U] CONCEPT et la compagnie ALLIANZ IARD à payer à Madame [N] [B] épouse [M] la somme de 35.000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice ;
INVITE les parties à conclure sur la responsabilité contractuelle de la SARL [U] CONCEPT ;
REJETTE les demandes au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
ORDONNE le renvoi de l’affaire à l’audience de mise en état électronique du 14 janvier 2025 ;
RESERVE les dépens,
Ainsi fait et jugé les an, mois et jour susdits.
La présente ordonnance a été signée par Fanny CALES, juge de la mise en état, et Elisabeth LAPORTE, greffier.
LE GREFFIER LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT