Responsabilité et Indemnisation : Évaluation des Préjudices Liés à des Travaux de Construction

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Responsabilité et Indemnisation : Évaluation des Préjudices Liés à des Travaux de Construction

La société O’Parinor auto service (OPAS), gérée par M. [U], exploite un commerce de détail d’équipements automobiles sous l’enseigne Feu Vert à [Localité 3]. Le 13 avril 2018, des travaux d’extension du centre commercial Carrefour voisin ont endommagé ses câbles d’alimentation en téléphone et Internet, entraînant une interruption de service jusqu’au 17 avril 2018. OPAS a réclamé une indemnisation à la société Jean Lefebvre, responsable des travaux, qui a refusé en invoquant une sous-traitance à la société Île de France Travaux (IFT). Après une réclamation restée sans réponse à IFT, OPAS et M. [U] ont assigné cette dernière en justice le 21 avril 2020. Le tribunal judiciaire de Bobigny a débouté OPAS et M. [U] de leurs demandes par un jugement du 3 janvier 2022, les condamnant aux dépens et à verser 1 000 euros à IFT. En appel, OPAS et M. [U] ont demandé l’infirmation de ce jugement et la condamnation d’IFT à indemniser leurs préjudices. IFT a, de son côté, demandé la confirmation du jugement de première instance. La cour a finalement confirmé le jugement initial, condamnant OPAS et M. [U] aux dépens d’appel et à verser 2 000 euros à IFT pour les frais irrépétibles.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

9 octobre 2024
Cour d’appel de Paris
RG
22/05683
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 5

ARRET DU 09 OCTOBRE 2024

(n° /2024, 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/05683 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFPOP

Décision déférée à la Cour : jugement du 03 janvier 2022 – tribunal judiciaire de BOBIGNY – RG n° 21/06272

APPELANTS

Monsieur [M] [U]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Thierry CHAMON, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 421

S.A.R.L. O’PARINOR AUTO SERVICE (FEU VERT), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représenté par Me Thierry CHAMON, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 421

INTIMEE

S.A.R.L. ILE DE FRANCE TRAVAUX prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle BOUTIE, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Ludovic JARIEL, président de chambre,

Mme Emmanuelle BOUTIE, conseillère,

Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre DARJ

ARRET :

– contradictoire.

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Ludovic JARIEL, président de chambre et par Manon Caron, greffière, présent lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société O’Parinor auto service (la société OPAS), dont le gérant est M. [U], exploite, sous l’enseigne Feu Vert, un commerce de détail d’équipements automobiles à [Localité 3].

Faisant valoir que ses câbles d’alimentation en téléphone et Internet avaient été détériorés à l’occasion de travaux d’extension du centre commercial à l’enseigne Carrefour situé à proximité le 13 avril 2018, la privant d’accès au téléphone et à internet jusqu’au 17 avril 2018, elle a adressé une lettre de réclamation à la société Jean Lefebvre, chargée des travaux, dès le 18 avril 2018 sollicitant l’indemnisation de son préjudice.

Cette dernière a décliné toute responsabilité, indiquant qu’elle avait sous-traité les travaux à la société Île de France Travaux (la société IFT).

Le 13 octobre 2018, la société OPAS a adressé une lettre de réclamation à la société IFT, qui est restée sans réponse.

Le 21 avril 2020, la société OPAS et M. [U] ont assigné la société IFT en indemnisation de leurs préjudices.

Par jugement du 3 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Bobigny a statué en ces termes :

Déboute la société OPAS et M. [U] de l’ensemble de leurs prétentions ;

Condamne in solidum la société OPAS et M. [U] aux dépens, avec bénéfice du droit prévu par les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la société OPAS et M. [U] à payer à la société IFT la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que le présent jugement est assorti de l’exécution provisoire de droit ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration en date du 16 mars 2022, la société OPAS et M. [U] ont interjeté appel du jugement, intimant devant la cour la société IFT.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 16 juin 2022, la société OPAS et M. [U] demandent à la cour de :

Déclarer recevable et bien fondé l’appel de la société OPAS et de M. [U],

Infirmer le jugement rendu le 3 janvier 2022 par la 6ème chambre/section 4 du tribunal judiciaire de Bobigny en ce qu’il a débouté la société OPAS et M. [U] de l’ensemble de leurs prétentions et en ce qu’il a condamné in solidum la société OPAS et M. [U] à payer à la société IFT la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Et statuant à nouveau,

Dire la société OPAS et M. [U] recevables et bien fondées en leurs prétentions, fins et moyens.

En conséquence,

Condamner la société IFT au paiement de la somme de la somme de 9 056,72 euros ht soit la somme de 10 869 euros ttc en réparation des préjudices liés a la perte d’exploitation pour la période allant du 13 avril 2018 au 17 avril 2018 et financiers du fait des détériorations occasionnées à la suite des travaux de plateforme et d’assainissement ;

Condamner la société IFT à payer à M. [U] la somme de 4 585,20 euros résultant des frais financiers générés par la perte de son voyage prévu du 15 avril 2018 au 25 avril 2018 du fait de ce sinistre ;

Condamner la société IFT au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l’article 1217 du code civil ;

Condamner la société IFT à payer à la société OPAS et à M. [U] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code civil et ce pour chaque partie ;

Condamner la société IFT en tous les dépens de la première instance et ce celle d’appel ;

Débouter la société IFT de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 11 octobre 2022, la société IFT demande à la cour de :

– débouter la société OPAS et M. [U] de toutes leurs demandes.

– confirmer le jugement du 3 janvier 2022 en toutes ses dispositions, y compris la condamnation in solidum de la société OPAS et de M. [U] à régler à la société IFT une indemnité d’un montant de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamner in solidum la société OPAS et M. [U] à régler à la société IFT la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile devant la cour d’appel.

– condamner in solidum la société OPAS et M. [U] aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi par la société 2H Avocats, en la personne de Me Hardouin, par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 3 septembre 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 11 septembre 2024, à l’issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

MOTIVATION

Sur les demandes principales

Moyens des parties

La société OPAS et M. [U] soutiennent que les travaux de plateforme et d’assainissement réalisés par la société IFT leur ont occasionné un préjudice en détériorant les câbles d’alimentation et internet ainsi qu’il résulte du courrier de la société Jean Lefebvre en date du 12 juin 2018, des photographies produites aux débats et des courriels échangés avec la société Orange.

Ils précisent que dès le 13 avril 2018, ils se sont adressés à l’opérateur de téléphonie Orange pour lui faire part de l’absence de toute alimentation en téléphone et internet, l’incident n’ayant été clôturé que le 18 avril à 15h01.

Ils exposent que cette absence d’alimentation en téléphone et internet pendant quatre jours pleins a engendré plusieurs préjudices résultant d’une perte d’exploitation chiffrée à 7 356,72 euros correspondant au chiffre d’affaires de la société réalisé sur la même période l’année précédente ainsi que d’un préjudice financier d’un montant de 4 585,20 euros résultant de l’annulation par M. [U], gérant de la société, de son séjour touristique prévu du 15 avril au 25 avril 2018.

La société IFT soutient quant à elle que les appelants ne justifient pas de la dégradation des câbles électriques ni de l’existence d’une coupure de l’alimentation électrique, le réseau de télécommunication, exploité par la société Orange, étant indépendant du réseau électrique exploité par la société Enedis.

En outre, elle expose que la société OPAS et son gérant ne justifient pas que la coupure d’alimentation aurait empêché toute activité sur la période comprise entre le 13 avril et le 17 avril 2018 ni que cette situation aurait nécessité la présence du gérant sur place.

Enfin, elle fait valoir que les appelants ne produisent aucun justificatif au soutien de leur décompte estimatif alors même qu’une perte d’exploitation peut avoir des causes multiples.

Réponse de la cour

Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L’article 1241 du même code dispose que chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

Il résulte des dispositions de l’article 9 du code de procédure civile qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Il appartient à la victime de rapporter la preuve de la faute, du préjudice et du lien de causalité entre les deux.

Au cas d’espèce, alors que la charge de la preuve incombe à la société OPAS et M. [U] dans le cadre de leur demande d’indemnisation, force est de constater que le seul courrier de la société Jean Lefebvre daté du 12 juin 2018, indiquant avoir sous-traité les travaux de plate-forme et d’assainissement à la société IFT et que cette dernière, en terrassant, aurait occasionné le sinistre est insuffisant à caractériser l’existence d’une faute commise par la société IFT dans le cadre de la réalisation des travaux, s’agissant d’une simple allégation qui n’est confortée par aucun élément objectif produit aux débats.

En outre, la cour relève, à l’instar du premier juge, que les photographies communiquées par les appelants ne comportent aucune précision quant à leur date ni quant à la localisation et à la nature des travaux y figurant.

De la même manière, s’il résulte des échanges intervenus avec la société Orange que la société OPAS a subi une interruption de l’alimentation en téléphonie et internet entre le 13 et le 17 avril 2018, elle ne justifie pas que ce désordre aurait été causé par les travaux réalisés par la société IFT, en l’absence de toute précision sur la cause de cette interruption.

En tout état de cause, la cour relève que les appelants ne justifient pas d’une impossibilité totale d’exploiter le magasin Feu Vert d'[Localité 3] résultant de la coupure de téléphonie et d’internet.

En conséquence, en l’absence de tout nouvel élément de preuve produit en cause d’appel, il y a lieu de rejeter les demandes de la société OPAS et M. [U] de l’ensemble de leurs demandes, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.

Sur les frais du procès

Le sens de l’arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En cause d’appel, la société OPAS et M. [U], parties succombantes, seront condamnés in solidum aux dépens et à payer à la société IFT la somme de 2 000 euros, au titre des frais irrépétibles.

Le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Condamne in solidum la société O’Parinor Auto Services et M. [U] aux dépens d’appel ;

Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société O’Parinor Auto Services et M. [U] et les condamne in solidum à payer à la société Ile de France Travaux la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.

La greffière, Le président de chambre,


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