Mme [E] [O] a engagé Mme [V] [I] [W] pour la construction d’une terrasse en bois, selon un devis du 5 avril 2018. Suite à des retards et des malfaçons, Mme [O] a mis en demeure Mme [I] [W] et a fait constater les désordres par un huissier. Elle a ensuite saisi le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, qui a ordonné une expertise judiciaire. Le jugement du 3 octobre 2022 a déclaré Mme [I] [W] responsable des désordres et l’a condamnée à verser des indemnités à Mme [O]. Mme [O] a interjeté appel, demandant des montants plus élevés pour ses préjudices. Mme [I] [W] et son assureur, la société QBE, ont également contesté le jugement, demandant l’infirmation de certaines décisions. La société QBE a soutenu que les garanties ne s’appliquaient pas en raison de l’absence de réception des travaux. La procédure a été clôturée, et la décision finale sera rendue le 10 septembre 2024.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Du 10 septembre 2024
N° RG 22/02021 – N° Portalis DBVU-V-B7G-F4W3
-PV- Arrêt n° 357
[E] [O] / [V] [I] [W] exercant sous l’enseigne MENUISERIE DES COMBRAILLES, S.A. QBE EUROPE SA/NV
Jugement au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CLERMONT-FERRAND, décision attaquée en date du 03 Octobre 2022, enregistrée sous le n° 20/02697
Arrêt rendu le MARDI DIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
M. Philippe VALLEIX, Président
M. Daniel ACQUARONE, Conseiller
Mme Laurence BEDOS, Conseiller
En présence de :
Mme Céline DHOME, greffier lors de l’appel des causes et Mme Marlène BERTHET, greffier lors du prononcé
ENTRE :
Mme [E] [O]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Maître Patrick ROESCH de la SELARL JURIDOME, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
APPELANTE
ET :
Mme [V] [I] [W] exercant sous l’enseigne MENUISERIE DES COMBRAILLES
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Maître Charles FRIBOURG de la SELARL POLE AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
S.A. QBE EUROPE SA/NV venant aux droits de QBE INSURANCE (EUROPE) LIMITED
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Maître Anne JEAN de la SCP TEILLOT & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et par Maître Philippe REFFAY de la SCP REFFAY ET ASSOCIÉS, avocat au barreau D’AIN
Timbre fiscal acquitté
INTIMEES
DÉBATS : A l’audience publique du 03 juin 2024
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 10 septembre 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Conformément un devis établi le 5 avril 2018 et accepté sans indication de date, Mme [E] [O] a confié à Mme [V] [I] [W], artisan exerçant sous l’enseigne MENUISERIE DES COMBRAILLES et assurée auprès de la société QBE, la réalisation d’une terrasse extérieure en bois pour sa maison. Ces travaux étaient associés à divers autres travaux de menuiseries intérieures qui ne font pas litige.
Alléguant un retard d’exécution et des désordres affectant la terrasse, Mme [O] a mis en demeure le 19 août 2019 et le 28 août 2019 Mme [I] [W] de respecter les délais d’exécution et dénoncé des malfaçons, puis fait dresser un constat d’huissier de justice le 1er octobre 2019. Arguant de désordres de construction Mme [O] a saisi le 15 octobre 2019 le Président du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand qui, suivant une ordonnance de référé rendue le 17 décembre 2019, a ordonné sur ces travaux une mesure d’expertise judiciaire confiée à Mme [B] [N], architecte expert près la cour d’appel de Riom. Après avoir rempli sa mission, l’expert judiciaire commis a établi son rapport le 11 mai 2020.
Par acte de commissaire de justice du 17 juillet 2020, Mme [O] a assigné Mme [I] [W] et la société QBE INSURANCE (EUROPE) LIMITED devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand qui, suivant un jugement n° RG-20/02697 rendu le 3 octobre 2022, a :
– reçu l’intervention volontaire de la société QBE EUROPE SA/NV ;
– mis hors de cause la société QBE EUROPE INSURANCE (EUROPE) LIMITED ;
– déclaré Mme [I] [W] responsable sur le fondement de l’article 1231-1 du Code civil des désordres affectant les travaux de réalisation de la terrasse en bois sur pilonnes maçonnés avec étanchéité suivant devis du 5 avril 2018 ;
– condamné Mme [I] [W] à payer à Mme [O] les sommes suivantes :
o 11.356,50 € HT en réparation de son préjudice matériel ;
o 1.500,00 € en réparation de son préjudice de jouissance ;
– rejeté les autres demandes de Mme [O], celle-ci ayant solidairement réclamé à l’encontre de Mme [I] [W] et de la société QBE INSURANCE (EUROPE) LIMITED :
* la somme de 26.950,00 € à titre principal ou celle de 7.680,39 € à titre subsidiaire en ce qui concerne l’indemnisation du préjudice matériel ;
* la somme de 5.700,00 € en ce qui concerne l’indemnisation du préjudice de jouissance arrêté au 1er juillet 2021, outre celle de 150,00 € par mois jusqu’au jour de la décision à intervenir ;
* une indemnité de 3.000,00 € l’article 700 du code de procédure civile ;
– rejeté les demandes de Mme [O] et Mme [I] [W] (en garantie) formées à l’encontre de la société QBE INSURANCE (EUROPE) LIMITED ;
– condamné Mme [I] [W] à payer à Mme [O] une indemnité de 3.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rejeté les autres demandes des parties sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rejeté les autres demandes plus amples des parties ;
– condamné Mme [I] [W] aux dépens.
Par déclaration formalisée par le RPVA le 18 octobre 2022, le conseil de Mme [O] a interjeté appel du jugement susmentionné, l’appel portant partiellement sur cette décision de justice en ce qu’elle a :
– condamné Mme [I] [W] à payer à Mme [O] les sommes suivantes :
o 11.356,50 € HT en réparation de con préjudice matériel ;o 1.500,00 € en réparation de son préjudice de jouissance ;
o 1.500,00 € en réparation de son préjudice de jouissance ;
– rejeté les demandes de Mme [O] et Mme [I] [W] formées à l’encontre de la société QBE INSURANCE (EUROPE) LIMITED.
‘ Par dernières conclusions d’appelant notifiées par le RPVA le 2 avril 2024, Mme [E] [O] a demandé de :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré Mme [W] responsable sur le fondement de l’Article 1231-1 du Code Civil, des désordres affectant les travaux de réalisation de la terrasse en bois sur pilonnes maçonnés avec étanchéité suivant devis du 5 avril 2018 ;
– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Mme [W] à payer à Mme[O] les sommes de 11.356,50 € HT en réparation de son préjudice matériel et de 1.500,00 € en réparation de son préjudice de jouissance et statuer de nouveau ;
– condamner Mme [W] à payer à Mme [O] les sommes suivantes :
o en réparation de son préjudice matériel : 26.950,00 € HT ;
o en réparation de son préjudice de jouissance : 8.250,00 € ;
– réformant également le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté les demandes de Mme [O] et de Mme [W] formées à l’encontre de la société QBE EUROPE SA/NV venant aux droits de QBE EUROPE INSURANCE (EUROPE) LIMITED et statuer à nouveau ;
– condamner la société QBE EUROPE SA/NV, venant aux droits de la société QBE EUROPE INSURANCE (EUROPE) LIMITED, assureur de Mme [V] [W], à la garantir de toute condamnation mise à sa charge, après avoir dit que la preuve est expressément administrée d’une date de commencement effectif des travaux postérieure à la prise d’effet de l’avenant au contrat du 2 août 2018 ;
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Mme [W] à payer à Mme [O] une indemnité de 3.000,00 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
– y ajouter une indemnité de 3.000,00 € au titre de ses frais irrépétibles engagés en cause d’appel ;
– condamner solidairement Mme [W] et son assureur, la société QBE EUROPE SA/NV venant aux droits de QBE EUROPE INSURANCE (EUROPE) LIMITED, aux entiers dépens de l’instance.
‘ Par dernières conclusions d’intimé et d’appel incident notifiées par le RPVA le 15 mars 2023, Mme [V] [I] [W], exerçant sous l’enseigne MENUISERIE DES COMBRAILLES, a demandé de :
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a :
o rejeté les demandes en garantie de Mme [W] formées à l’encontre de la société QBE EUROPE SA venant aux droits de QBE INSURANCE (EUROPE) LIMITED ;
o condamné Mme [W] à payer à Mme [O] une indemnité de 3.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
o condamné Mme [V] [W] aux dépens de l’instance ;
– statuant de nouveau ;
– condamner la société QBE EUROPE SA, assureur de Mme [W], à la garantir de l’ensemble des condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre dans le cadre de la présente procédure ;
– débouter Mme [O] et la société QBE de l’ensemble de leurs demandes contraires ;
– confirmer le jugement déféré en toutes ses autres dispositions ;
– condamner tout succombant à payer à Mme [W] une indemnité de 3.000,00 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la SELARL Pôle Avocats.
‘ Par dernières conclusions d’intimé notifiées par le RPVA le 29 mars 2023, la société QBE EUROPE SA/NV, venant aux droits de la société QBE INSURANCE (EUROPE) LIMITED, a demandé de :
– à titre principal ;
– confirmer le jugement rendu par le tribunal de Clermont-Ferrand le 3 octobre 2022 en toutes ces dispositions ;
– débouter tant Mme [O] que Mme [W] de leurs prétentions à l’encontre de la société QBE ;
– à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour réformerait le jugement entrepris sur la question de la date de commencement des travaux de terrasse en litige ;
– juger que faute de pouvoir rapporter [la preuve de] la date de commencement « effective » des travaux, il convient de retenir le devis de la terrasse du 4 avril 2018 comme valant ordre de service, confirmant l’absence de mobilisation possible des garanties souscrites ultérieurement auprès de la société QBE ;
– juger que les garanties souscrites par Mme [W] auprès de la société QBE INSURANCE (EUROPE) LIMITED ne peuvent être mobilisables, quel que soit le volet revendiqué, les travaux effectués par Mme [W] n’ayant pas été ni terminés, ni réceptionnés ni entièrement réglés ;
– juger qu’il convient d’homologuer le rapport d’expertise en ce qu’il propose le remboursement par l’entreprise des acomptes versés et la prise en charge des frais d’enlèvement de la terrasse pour un total de 7.680, 39 € et rejeter toute demande supplémentaire de Mme [O] ;
– rejeter toutes demandes formulées à l’encontre de la société QBE INSURANCE (EUROPE) LIMITED, que celles-ci émanent de Mme [O] ou de Mme [W] ;
– mettre hors de cause de la société QBE INSURANCE (EUROPE) LIMITED ;
– à supposer que la Cour retienne l’application de la garantie dommages en cours de travaux, juger que cette garantie ne s’applique pas aux travaux proprement dits de Mme [W] mais se limite à la prise en charge du coût de démolition et évacuation des gravats liés à la démolition et chiffrés à 2.000,00 € par l’expert judiciaire, nulle prise en charge complémentaire n’étant due par la société QBE ;
– en tout état de cause ;
– condamner in solidum, Mme [O] ou Mme [W] ou qui mieux le devra à payer à la société QBE INSURANCE (EUROPE) LIMITED une indemnité de 5.000,00 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Mme [O] ou Mme [W] ou qui mieux le devra aux entiers dépens.
Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, les moyens développés par les parties à l’appui de leurs prétentions sont directement énoncés dans la partie MOTIFS DE LA DÉCISION.
Par ordonnance rendue le 16 mai 2024, le Conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de cette procédure. Lors de l’audience civile en conseiller-rapporteur du 3 juin 2024 à 14h00, au cours de laquelle cette affaire a été évoquée, chacun des conseils des parties a réitéré et développé ses moyens et prétentions précédemment énoncés La décision suivante a été mise en délibéré au 10 septembre 2024, par mise à disposition au greffe.
1/ Sur le principe de la responsabilité du locateur d’ouvrage
Il convient préalablement de constater que Mme [W] ne conteste aucunement de la Cour le principe de sa responsabilité contractuelle envers Mme [O] du fait de l’exécution des travaux litigieux, tel que cela a été jugé en première instance en application des dispositions de l’article 1231-1 du Code civil, sa défense se bornant en cause d’appel à contester le rejet de sa demande de garantie formée à l’égard de la société QBE et la condamnation pécuniaire dont elle fait l’objet au profit de Mme [O] au titre des frais irrépétibles prévus à l’article 700 du code de procédure civile.
Les griefs ayant été exprimés en première instance par Mme [O] en lecture du rapport d’expertise judiciaire du 11 mai 2020 de Mme [B] [N] à l’occasion des travaux litigieux ont donc été acquiescés par Mme [W], en l’espèce : terrasse présentant une pente inversée en direction de la maison contre laquelle elle s’appuie et étant donc constitutive de désordres, existence de cales en bois de petite taille disposées en surplomb des poteaux béton alors que la terrasse ne repose que partiellement sur ces cales avec équerres métalliques de fixation des poutres rendues totalement inutiles et au demeurant inutilisées, mise en ‘uvre montrant qu’aucune étude n’a été faite et que l’artisan s’est posé des questions en cours de chantier, état de soutènement disposé à proximité du poteau extérieur nord, solives de soutènement des plaques de bac acier présentant un défaut d’alignement parfaitement visible à l »il nu, solives posées sans aucune mesure ni aucune rigueur, poutre centrale ne reposant que très partiellement sur le poteau en béton central implanté contre la maison, descente de pluie non connectée alors que l’eau s’écoule contre la maison, vis de fixation transperçant les plaques de bac acier et dépassant du bois, plaques de bac acier n’assurant pas la largeur totale de la terrasse et étant dédoublées dans des conditions générant des problèmes d’infiltrations d’eau, silicone implanté entre les plaques de bac acier, poteau béton nord non implanté parfaitement dans l’axe du mur de la maison, dimensions de la terrasse excédant l’autorisation des travaux (814 x 426 cm au lieu de 800 cm x 400 cm), support béton de la véranda en partie haute éclaté et non réparé, partie supérieure de la terrasse laissant apparaître des vis enfoncées avec des lames de plancher mal coupées et deux lames fendues, absence de plots béton au niveau des poteaux, absence de ferraillage dans les poteaux, ensemble de l’ouvrage constituant en définitive un danger immédiat pour les personnes en raison d’un manque de stabilité et d’un risque d’effondrement.
De son côté, la société QBE ne conteste pas en cause d’appel l’imputation de ces désordres de construction à Mme [W] en tant qu’assureur de cette dernière, axant uniquement sa défense à titre principal sur la demande de confirmation pure et simple du jugement de première instance et à titre subsidiaire sur l’impossibilité selon elle de mobilisation de sa garantie contractuelle d’assurance ou à défaut sur la seule prise en charge des frais de démolition et d’évacuation des gravats.
Seuls demeurent donc en débat à titre principal en cause d’appel le montant de l’indemnisation des différents postes de préjudice allégués par Mme [O] et la question de la mobilisation de la garantie contractuelle souscrite par Mme [W] auprès de la société d’assurances QBE au titre de ses activités professionnelles.
En lecture du rapport d’expertise judiciaire, il n’est enfin pas contesté par les parties que l’indemnisation de Mme [O] doit reposer sur le principe de la réparation intégrale, une dépose et une reconstruction complètes de l’ouvrage litigieux s’imposant dès lors en raison de la teneur et de l’ampleur des désordres de construction.
2/ Sur le montant des indemnisations pour le maître d’ouvrage
Conformément à un devis établi le 4 juin 2018, le marché de travaux relatif à la terrasse faisant l’objet du présent litige a été de 6.547,00 € HT, soit 7.201,70 € TTC. Sur ce marché de travaux non achevés, Mme [O] a versé un acompte de 2.000,00 €. Écartant l’estimation expertale à hauteur de la somme totale de 26.950,00 € HT en raison d’un coût hors taxes qui se seraient avéré plus de quatre fois supérieur au chiffrage contractuel, le premier juge s’est basé sur un devis d’entreprise Roussel du 16 avril 2018 d’un montant de 7.356,50 € auquel il a ajouté la somme de 2.000,00 € HT au titre des frais de démolition et d’évacuation des gravats et celle supplémentaire de 2.000,00 € au titre du remboursement de l’acompte. Le jugement de première instance a ainsi fixé la réparation de l’ensemble du préjudice matériel et de reprise des travaux litigieux à la somme totale de 11.356,50 € HT.
Par confirmation du jugement de première instance, Mme [W] demande d’entériner cet arbitrage pécuniaire à hauteur de 11.356,50 €. De son côté, Mme [O] réclame comme en première instance l’indemnisation de ce poste de préjudice matériel et de travaux de reprise à hauteur de la somme totale précitée de 26.950,00 € HT. Enfin, la société QBE propose à titre subsidiaire une indemnisation à hauteur d’un montant total de 7.680,39 € ou à défaut à hauteur du montant de 11.356,50 € tel que fixé en première instance.
En l’occurrence, il apparaît d’abord indéniable que le chiffrage préconisé par l’expert judiciaire, sur lequel se base Mme [W] à hauteur de la somme totale de 26.950,00 € HT, est totalement disproportionné par rapport au coût originel d’ensemble du marché à hauteur de la somme de 6.547,00 € HT, celui-ci étant plus de quatre fois supérieur au volume financier de ce marché de travaux privés. Mme [W] objecte ici à juste titre qu’« Une terrasse au prix de 6.547 € HT, quand bien même serait-elle non conforme aux règles de l’art, n’est pas équivalente, en termes d’esthétique, de qualité ou tout simplement de standing, à une terrasse au prix de 29.950 € HT ! ». Une tel étiage de réparation équivaudrait ainsi à une véritable plus-value ne reposant sur aucune justification par rapport au coût contractuel de l’ouvrage initial, une solution réparatoire ne devant pas devenir pour autant une source d’enrichissement pour le créancier de l’indemnisation.
En tout état de cause, le devis Roussel du 16 avril 2018 d’un montant de 7.356,50 € HT, prévoyant notamment la réalisation d’un plancher bois en mélèze sur plot et l’étanchéité de l’ouvrage, apparaît conforme au devis Menuiserie des Combrailles du 4 juin 2018 du montant précité de 6.547,00 € HT tout en prévoyant une prestation de remplacement total de l’ouvrage affecté par ces désordres de construction. Enfin, Mme [O] ne formule aucune critique utile sur cette objection de quadruplement du prix par rapport au prix d’origine, se bornant à affirmer en éludant totalement l’argument de proportionnalité qu’il importerait peu que le chiffrage des travaux réparatoires soit plus élevé que le coût du marché initial.
Il importe dans ces conditions de considérer que c’est à juste titre que le premier juge a fixé à la somme totale nette de 11.356,50 € le coût de ce préjudice matériel et de travaux de reprise, le jugement de première instance devant en conséquence être confirmé sur ce point.
Le préjudice de jouissance souffert par Mme [O] du fait l’impropriété à son usage de l’ouvrage construit n’est pas contestable dans son principe, compte tenu de la nécessité de procéder à l’enlèvement de la construction effectuée et à la reconstruction totale de cette terrasse. En interjetant appel du jugement de première instance sans pour autant obtenir le rehaussement de l’indemnisation du préjudice matériel et de reprise, elle s’est toutefois occasionnée un sérieux contretemps quant à l’indemnisation de son préjudice, étant rappelé que la terrasse projetée n’était pas une terrasse couverte et ne pouvait donc être utilisée qu’occasionnellement par beau temps. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le premier juge a fait une exacte appréciation de l’indemnisation de ce poste de préjudice à hauteur de la somme totale de 1.500,00 €.
3/ Sur la mobilisation de la garantie contractuelle du locateur d’ouvrage
Le droit direct d’indemnisation initié par Mme [O] à l’encontre de la société QBE en application de l’article L.124-3 du code des assurances au titre de la garantie contractuelle souscrite par Mme [W] du fait de ses activités professionnelles ainsi que la demande de mobilisation de cette garantie contractuelle formée par Mme [W] à l’encontre de la société QBE reposent sur la souscription d’une police d’assurance n° 0085269/23502 effectuée le 17 mai 2017. Ce contrat initial comporte un avenant n° 1 conclu le 27 juin 2017 et un avenant n° 2 conclu le 23 août 2018. Le contrat initial du 17 mai 2017 couvre les champs « Menuiseries extérieures à l’exclusion des vérandas » et « Menuiseries intérieures » tandis que l’avenant n° 1 du 27 juin 2017 y ajoute les champs « Revêtements de surfaces en matériaux souples et parquets » et « Plâtrerie-Staff-Stuc-Gypserie » et que l’avenant n° 2 du 23 août 2018 y ajoute les champs « Maçonnerie et béton armé sauf précontraint in situ à l’exclusion des enduits hydrauliques » et « Couverture y compris travaux accessoires d’étanchéité dans la limite de 150 m² par chantier à l’exclusion de la pose de capteurs solaires », avec prise d’effet au 2 août 2018. Chacun de ces trois documents contractuels garantit les conséquences dommageables tout à la fois de la responsabilité civile générale et de la responsabilité civile décennale de l’assuré.
Les travaux litigieux ayant été mêlés de menuiseries extérieures en bois et de maçonnerie ainsi que d’un dispositif d’étanchéité du fait d’un projet de terrasse en bois en hauteur sur des poteaux ou plots en béton, la mobilisation de cette garantie contractuelle exige que ceux-ci n’aient pas commencé avant la date précitée du 2 août 2018. Du fait de l’action directe initiée par Mme [O] et de l’action en garantie formée par Mme [W], c’est à ces dernières qu’incombe la preuve de la réunion des conditions de mobilisation de cette garantie contractuelle, en premier lieu donc celle de la date effective de commencement des travaux.
Aucune déclaration d’ouverture de chantier ni à défaut aucun premier ordre de service n’ont été formalisés entre le maître d’ouvrage et le locateur d’ouvrage dans les conditions prévues à l’article 2.24 des conditions générales du contrat d’assurance, ce qui amène à rechercher la date de démarrage de ce chantier en fonction des pièces contradictoirement versées aux débats par Mme [O] et par Mme [W]. L’expert judiciaire énonce dans son rapport que les travaux concernant la construction de la terrasse litigieuse ont commencé au début du mois d’avril 2018 (page 5), sans pour autant expliquer en quoi il établit ainsi cette chronologie. Il se contredit ensuite, sans plus de justifications factuelles de chronologie, en affirmant que le démarrage du chantier a eu lieu en 2019 (page 18). Le devis du 5 avril 2018 prévoit une intervention « avant fin 2018 », sans plus de précisions. Le rapport d’expertise judiciaire comme le devis ne s’avèrent donc d’aucun recours pour déterminer la date de démarrage du chantier.
En l’occurrence, force est de constater que ni Mme [O] ni Mme [W] n’apportent pas la preuve d’une quelconque date de commencement du chantier de cette terrasse sur pilotis maçonnés postérieurement à celle du 2 août 2018 de conclusion de l’avenant n° 2. Bien au contraire, Mme [O] fait elle-même mention dans sa pièce n° 7, constitutive d’un calendrier établi par elle-même sur l’ensemble des travaux engagés sur sa maison, du paiement d’un acompte de 2.000,00 € versé le 10 juillet 2018 au titre de la « Terrasse sur pilotis et étanche [étanchéité] », correspondant de toute évidence à l’acompte prévu au devis du 5 avril 2018 et induisant donc au plus tard à cette date le démarrage du chantier de la terrasse sur éléments maçonnés avec le dispositif d’étanchéité. L’échange de courriels des 3 et 7 mai 2018 produit par Mme [O] n’apporte rien sur le plan probatoire, ne faisant que confirmer la réalité existante à la date du 7 mai 2018 d’assurance de l’activité « Menuiseries extérieure à l’exclusion des vérandas ». Il en est de même en ce qui concerne l’échange de courriels des 24 et 27 août 2018 entre Mme [O] et la société QBE, ne faisant que confirmer la garantie pour la construction des terrasses en bois sur plots en béton alors que l’avenant n° 2 prévoyant cette extension avait été précisément signé le 2 août 2018 et qu’il ne résulte aucunement de cet échange de courriels que les travaux relatifs à la terrasse litigieuse n’étaient pas commencés. Il en est également de même en ce qui concerne le même type d’échange de courriels des 22 mai et 4 juin 2019 entre Mme [O] et la société QBE, ne précisant pas explicitement si les travaux de « Terrasse sur pilotis en bois sur plots en béton » avaient alors débuté.
Le courrier établi le 25 octobre 2022 par M. [K] [F], indiquant avoir réalisé des travaux au domicile de Mme [O] entre le 17 et le 28 septembre 2018 sans avoir vu le démarrage de travaux de menuiserie et de maçonnerie, n’a aucune valeur probatoire, ce contenu déclaratif n’ayant pas donné lieu à la délivrance d’une attestation dans les conditions prévues à l’article 202 du code de procédure civile. En tout état de cause, Mme [O] ne précise dans son offre de preuve aucune date particulière de démarrage des travaux litigieux portant sur la terrasse, se bornant à affirmer dans ses écritures que cette date a été « (‘) très largement postérieure à l’avenant régularisé couvrant expressément lesdits travaux. ».
Il y a lieu dans ces conditions de confirmer le jugement de l’instance en ce qu’il a rejeté tout à la fois l’action en paiement direct et l’action en garantie formées respectivement par Mme [O] et par Mme [W] à l’encontre de la société QBE, aucune preuve n’étant rapportée par le tiers lésé et par l’assuré d’une date de commencement des travaux postérieure à la prise d’effet de l’avenant du 2 août 2018 couvrant les activités de maçonnerie et de couverture/étanchéité nouvellement exercées par Mme [W].
4/ Sur les autres demandes.
Le jugement de première instance sera confirmé en toutes ses décisions d’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre de Mme [W] au profit de Mme [O] et de rejet de ces mêmes dispositions à l’égard des autres parties.
Le jugement de première instance sera également confirmé en sa décision d’imputation des dépens de première instance à Mme [W], sauf à préciser que les dépens de première instance incluent les dépens et frais afférents à la procédure de référé et à la mesure d’expertise judiciaire susmentionnées.
Il serait effectivement inéquitable, au sens des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, de laisser à la charge de de la société QBE les frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’engager à l’occasion de cette procédure d’appel et qu’il convient d’arbitrer à la somme de 3.000,00 €, à la charge solidairement de Mme [O] et Mme [W].
Enfin, succombant à l’instance, Mme [O] et Mme [W] seront purement et simplement déboutées de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et en supporteront les entiers dépens.
LA COUR,
STATUANT PUBLIQUEMENT
ET CONTRADICTOIREMENT
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement n° RG-20/02697 rendu le 3 octobre 2022 par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand dans l’instance opposant Mme [E] [O] à Mme [V] [I] [W] et à la société de droit belge QBE EUROPE SA/NV, sauf à préciser que les dépens de première instance incluent les dépens et frais afférents à la procédure de référé et à la mesure d’expertise judiciaire susmentionnées.
Y ajoutant.
CONDAMNE solidairement Mme [E] [O] et Mme [V] [I] [W] à payer au profit de la société QBE EUROPE SA/NV une indemnité de 3.000,00 €, en dédommagement de ses frais irrépétibles prévus à l’article 700 du code de procédure civile.
REJETTE le surplus des demandes des parties.
CONDAMNE solidairement Mme [E] [O] et Mme [V] [I] [W] aux entiers dépens de l’instance.
Le greffier Le président