Responsabilité et Garde : Analyse d’un Incident Lié à l’Utilisation d’une Échelle

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Responsabilité et Garde : Analyse d’un Incident Lié à l’Utilisation d’une Échelle

La société Nouvelle Casanova Service Maintenance a été chargée par le syndicat des copropriétaires de réaliser des travaux sur le toit terrasse d’une résidence. Le 7 février 2017, un préposé de cette société a utilisé une échelle pour accéder au toit, accompagné d’un représentant du syndic. M. [W] [T] a ensuite emprunté la même échelle et a chuté, subissant des blessures. Il a assigné la société, son assureur, ainsi que d’autres parties, pour obtenir une indemnisation de 300.000 euros.

Le tribunal judiciaire de Montpellier a rendu un jugement le 23 septembre 2021, déclarant que la responsabilité de la société Nouvelle Casanova Service Maintenance n’était pas engagée, ni pour l’anormalité de l’échelle ni pour une faute de son préposé. M. [T] a été débouté de ses demandes d’indemnisation, et la société a également été déboutée de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [T] a fait appel de cette décision, soutenant que l’échelle devait être considérée comme une chose en mouvement et que la société avait manqué à son obligation de sécurité. Il a également contesté le transfert de garde de l’échelle, affirmant que la société en avait conservé le contrôle. En réponse, la société a demandé la confirmation du jugement initial, arguant que M. [T] n’avait pas justifié sa présence sur le toit et que l’échelle n’était pas en mouvement au moment de l’accident.

Les parties ont présenté des conclusions contradictoires concernant la responsabilité et l’indemnisation des préjudices subis par M. [T]. La procédure a été clôturée le 21 mai 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 septembre 2024
Cour d’appel de Montpellier
RG
21/06451
ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 17 SEPTEMBRE 2024

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 21/06451 – N° Portalis DBVK-V-B7F-PGJF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 SEPTEMBRE 2021

Tribunal Judiciaire de MONTPELLIER

N° RG 18/02586

APPELANT :

Monsieur [W] [T]

né le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 13] (ALGÉRIE)

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représenté par Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Aude GANGLOFF, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

INTIMEES :

S.A.R.L. SOCIETE NOUVELLE CASANOVA SERVICE MAINTENANCE

[Adresse 14]

[Localité 7]

Représentée par Me Jérémy BALZARINI de la SCP ADONNE AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Manon BERLET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

S.A. SMA

[Adresse 11]

[Localité 10]

Représentée par Me Jérémy BALZARINI de la SCP ADONNE AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Manon BERLET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

S.A.S. VIVENS exerçant sous le nom commercial AXELLIANCE SOLUTION ASCORE GESTION ès qualités d’organisme complémentaire de M.[T] prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège social

[Adresse 12]

[Adresse 12]

[Localité 8]

Assignée le 13 décembre 2021 – A personne habilitée

S.A. L’EQUITE

[Adresse 5]

[Localité 9]

Assignée le 13 décembre 2021 – A personne habilitée

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’HERAULT (Assuré social M. [T] n°[Numéro identifiant 1]) représentée par son Directeur, domicilié ès qualités audit siège social

[Adresse 6]

[Localité 7]

Assignée le 15 décembre 2021 – A personne habilitée

Ordonnance de clôture du 21 Mai 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 JUIN 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par le même article, devant la cour composée de :

Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

– réputé contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

La société Nouvelle Casanova Service Maintenance, assurée auprès de la SA SMA, s’est vue confier par le syndicat des copropriétaires la réalisation de travaux de réparation sur le toit terrasse de la résidence Le Metropolis, sis [Adresse 4].

Dans ce contexte, le 7 février 2017, un préposé de cette société s’est rendu au sein de la résidence et a posé une échelle appartenant à la société sur le palier du dernier étage de l’immeuble afin d’accéder au toit terrasse. Il était accompagné du représentant du syndic de copropriété, M [D].

Alors que ces derniers se trouvaient sur le toit, M [W] [T] les a rejoint, en empruntant la même échelle, et a chuté ce qui lui a occasionné de nombreuses séquelles.

Considérant que la responsabilité civile de la société Nouvelle Casanova Service Maintenance devait être engagée, M. [T] a, par actes délivrés les 13 et 27 mars 2016, fait assigner cette société, son assureur, la CPAM de l’Hérault, la société par actions simplifiée unipersonnelle Vivens, devant le tribunal judiciaire de Montpellier aux fins d’obtenir l’indemnisation de son préjudice et les voir condamner solidairement au paiement de la somme de 300.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Selon une ordonnance en date du 19 novembre 2016, l’intervention volontaire de la SA L’Equité a été reçue et le professeur [C] s’est vu confier la réalisation d’une expertise judiciaire aux fins d’évaluer les préjudices subis par la victime.

Le jugement rendu le 23 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Montpellier :

Ordonne la révocation de l’ordonnance de clôture du 6 avril 2021 ;

Prononce la clôture de l’instruction le 1er juin 2021 ;

Dit que la responsabilité de la société Nouvelle Casanova Service Maintenance n’est engagée ni du fait de l’anormalité de la chose ni de celui de son préposé ;

Déboute M. [W] [T] de l’ensemble de ses demandes d’indemnisations ;

Déboute la SA L’Equité de ses demandes formées à l’encontre de la SA SMA et de la société Nouvelle Casanova Service Maintenance au titre des frais de santé et de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [W] [T] aux dépens de l’instance ;

Déboute la SA SMA et de la société Nouvelle Casanova Service Maintenance de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal juge à titre liminaire que l’échelle, qui a causé le dommage, est une chose inerte par nature de sorte que la responsabilité du gardien est engagée s’il est démontré l’anormalité de la chose.

Le premier juge retient qu’aucune anormalité intrinsèque affectant la composition ou l’état de l’échelle n’est démontrée ni d’ailleurs celle d’une anormalité extrinsèque en l’absence d’élément établissant un mauvais positionnement de celle-ci. Il relève également qu’aucun élément sur les conditions d’utilisation de l’échelle n’est justifié par la victime qui ne démontre pas que la société Nouvelle Casanova Service Maintenance est soumise à des dispositions particulières s’agissant du positionnement de l’échelle ou de la présence d’un dispositif de sécurisation particulier destiné à la stabilisation de celle-ci notamment par la présence d’attaches.

Sur le constat de l’absence de preuve du caractère anormal de la chose, le premier juge déboute M. [T] de la demande tendant à voir engager la responsabilité de la société et son assureur sur le fondement de l’article 1242 al 1er du code civil.

S’agissant de la responsabilité énoncée à l’article 1242 al 5, le premier juge relève l’absence de faute du préposé en lien avec l’exercice de ses fonctions en l’absence de preuve de l’application d’une règlementation spécifique non respectée par le préposé.

M. [W] [T] a relevé appel de la décision par déclaration au greffe du 5 novembre 2021.

Dans ses dernières conclusions du 27 mars 2024, M. [W] [T] demande à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

Ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture du 6 avril 2021 et prononcé la clôture de l’instruction le 1er juin 2021 ;

Débouté la SA SMA et la société Nouvelle Casanova Service Maintenance de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Réformer le jugement déféré en ce qu’il a :

Dit que la responsabilité de la société Nouvelle Casanova Service Maintenance n’est engagée ni du fait de l’anormalité de la chose ni de celui de son préposé ;

Débouté M. [T] de l’ensemble de ses demandes d’indemnisations ;

Condamné M. [T] aux dépens de l’instance ;

Statuant à nouveau,

Dire et juger que la responsabilité de la société Nouvelle Casanova Service Maintenance est engagée dans les suites de l’accident dont a été victime M. [T] le 7 février 2017

Dire et juger entier son droit à indemnisation ;

Condamner in solidum la société Nouvelle Casanova Service Maintenance et la société SMA à lui verser les sommes suivantes en indemnisation de ses préjudice sauf à parfaire :

Préjudices patrimoniaux :

Temporaire :

Dépenses de santé actuelles : 58.123,27 euros à déduire de la créance de la CPAM d’un montant de 55.503,43 euros et celle de la société L’Equité d’un montant de 2.619,84 euros ;

Frais divers : 46.698,72 euros ;

Permanents :

Dépenses de santé futures : 11.537,46 euros dont à déduire la créance de la CPAM d’un montant de 11.537,46 euros ;

Aide humaine permanente : 610.331,10 euros ;

Perte de gains professionnels futurs et Incidence professionnelle : 30.000euros ;

Frais de logement adapté : 222.076,41 euros ;

Frais de véhicule adapté : 35.778,06 euros ;

Préjudices extra-patrimoniaux :

Temporaires :

Déficit fonctionnel temporaire : 9.555 euros,

Souffrances endurées : 25.000 euros,

Préjudice esthétique temporaire : 3.000 euros,

Permanents :

Déficit fonctionnel permanent : 54.000 euros,

Préjudice d’agrément : 20.000 euros,

Préjudice esthétique permanent : 5.000 euros ;

Préjudice sexuel : 10.000 euros ;

Les condamner à lui payer la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’appelant soutient que l’échelle doit être considérée comme une chose en mouvement au contact de la victime de sorte que la responsabilité du fait des choses est présumée. Il fait valoir sur ce point que n’est pas contesté le fait que l’échelle a glissé au sol au moment de l’accident. Il est, selon lui, évident que l’échelle a basculé entraînant ainsi sa chute.

Il ajoute que si la cour considère cet objet comme étant inerte, l’échelle a toutefois été apposée sans dispositif de sécurité par le salarié de la société intimée ce qui caractérise l’anormalité de la chose et est ainsi de nature à voir engager la responsabilité de la société en cause. Il rappelle à cet égard les dispositions des articles R 4323.82 et R4323.84 du code du travail soutenant que d’évidence la stabilisation de l’échelle n’a pas été assurée en l’absence de système de sécurisation efficace.

L’appelant précise par ailleurs que le débat tenant à sa présence légitime ou pas sur le toit est indifférent et est susceptible uniquement d’influencer la question distincte de la faute de la victime.

Enfin, sur la question du transfert de la garde de l’échelle, M. [T] soutient qu’il appartient au propriétaire de l’échelle d’en démontrer l’effectivité. Il considère pour sa part que l’échelle a été positionnée par la société intimée qui a conservé le contrôle et la direction de celle-ci de sorte qu’il ne peut lui être opposé le transfert de garde. Il ajoute que l’utilisation d’une chose sur un bref laps de temps ne suffit pas à en transférer la garde.

Il soutient l’absence de cause exonératoire de responsabilité en l’absence de preuve d’un cas fortuit, d’une force majeure ou d’une cause étrangère. Il considère pour sa part que de monter sur le toit en empruntant l’échelle litigieuse n’est pas constitutif d’une faute et ne caractérise nullement un évènement revêtant le caractère de la force majeure ou d’imprévisibilité.

A défaut, M. [T] conclut en faveur de la responsabilité des commettants du fait des préposés considérant que le salarié a commis une faute susceptible d’engager la responsabilité de la société en omettant de s’assurer de la stabilité de l’échelle.

Sur l’indemnisation de ses préjudices, il se prévaut du barème de capitalisation publié à la Gazette du Palais le 31 octobre 2022 au taux d’actualisation de -1% qui constitue une actualisation nécessaire compte-tenu de la baisse des références financières retenues pour le calcul et produit diverses décisions en ce sens. Il réclame enfin l’indemnisation des préjudices subis sur la base du rapport d’expertise judiciaire.

Dans leurs dernières conclusions du 17 mai 2024, la société Nouvelle Casanova Service Maintenance, et la SA SMA demande à la cour de :

A titre principal,

Confirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions ;

Déclarer que la responsabilité de la société Nouvelle Casanova Service Maintenance n’est pas engagée ;

Débouter M. [W] [T] et les autres parties de la totalité de leurs demandes ;

Les condamner à leur payer la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

A titre subsidiaire,

Fixer à un quart le droit à indemnisation de M. [W] [T] ;

Déclarer satisfactoires les offres d’indemnisation formulées par la SA SMA et fixer l’indemnisation à :

Préjudices patrimoniaux :

Temporaire :

Dépenses de santé actuelles : 0 euro;

Frais de déplacement : 0 euro ;

Tierce personne temporaire : 6.705 euros ;

Permanents :

Dépenses de santé futures : 0 euro ;

Aide humaine permanente : 84.226,35 euros ;

Perte de gains professionnels futurs et Incidence professionnelle : 0 euro;

Frais de logement adapté : 14.873,59 euros ;

Frais de véhicule adapté : 1.571,57 euros ;

Préjudices extra-patrimoniaux :

Temporaires :

Déficit fonctionnel temporaire : 2.388,75 euros,

Souffrances endurées : 3.750 euros,

Préjudice esthétique temporaire : 250 euros,

Permanents :

Déficit fonctionnel permanent : 9.000 euros,

Préjudice d’agrément : 0 euro,

Préjudice esthétique permanent : 625 euros ;

Préjudice sexuel : 1.000 euros ;

Débouter M. [T] et les autres parties de l’ensemble de leurs demandes ;

Débouter M. [T] de la demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

Limiter l’exécution provisoire de la décision à intervenir à 50%

Les intimées prétendent que M. [T] ne justifie nullement de sa présence sur le toit et de l’emprunt de l’échelle contrairement à ce qui est allégué, aucun élément ne démontrant d’ailleurs qu’il avait rendez-vous. Ainsi, elles ne pouvaient prévoir que celui-ci allait utiliser l’échelle à l’insu de la société.

Elles font ensuite valoir que l’échelle n’était pas en mouvement et que sa présence n’étant pas justifiée, M. [T] était donc seul gardien de l’échelle lorsqu’il a pris l’initiative de monter sur le toit. Elles en déduisent que lorsque l’appelant a utilisé l’échelle, elle était sous sa garde et qu’il est donc responsable de son dommage. Elles font valoir en ce sens que la victime a déplacé l’échelle pour pouvoir l’escalader.

Elles soutiennent par ailleurs que rien ne démontre que l’échelle était mal positionnée ou qu’elle présentait une défaillance intrinsèque rappelant à cet égard que rien ne démontre la non-conformité de l’échelle aux dispositions applicables qui n’imposent nullement la présence d’un équipement de sécurité. Elles contestent sur ce point la présence d’une échelle avec accroche mise à la disposition de la société intimée par la copropriété alors que l’accès en toiture est strictement interdit aux copropriétaires.

A titre subsidiaire, si la cour retient que la garde de la chose a été conservée par la société Nouvelle Casanova Service Maintenance, elles concluent en faveur de la responsabilité de M. [T] qui a commis une faute de nature à exclure son droit à indemnisation en prenant l’initiative d’utiliser une échelle sans y être convié.

A titre infiniment subsidiaire, sur la fixation des préjudices, les sociétés intimées contestent l’application du barème publié par la Gazette du Palais le 31 octobre 2022, considérant que le barème proposé correspond à une situation de crise économique exceptionnelle, au profit de celui publié en 2020 aux taux de 0,30% et non 0%. Pour le surplus, elles se réfèrent au rapport d’expertise déposé par le docteur [O] pour présenter leurs propositions indemnitaires.

La CPAM de l’Hérault, la société par actions simplifiée unipersonnelle Vivens et la SA L’Equité n’ont pas constitué avocat.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 21 mai 2024.

MOTIFS

1/ Sur la responsabilité du fait des choses :

Selon l’article 1242 al 1er du code civil, on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde.

Le principe de la responsabilité du fait des choses inanimées trouve son fondement dans la notion de garde indépendamment du caractère intrinsèque de la chose et de toute faute personnelle du gardien.

L’application de l’article 1242 al1er suppose que la victime rapporte la preuve que la chose a été en quelque manière et ne fut-ce que pour partie, l’instrument du dommage.

Enfin, lorsqu’un dommage est imputé à une chose immobile, il convient à la victime d’établir la position anormale de celle-ci.

Sur le gardien de l’échelle :

La société Nouvelle Casanova Service Maintenance, propriétaire de l’échelle litigieuse, se prévaut du transfert de la garde de l’échelle au profit de M. [T], qui a pris seul l’initiative de l’emprunter pour monter sur le toit alors qu’il n’y était pas invité et que sa présence n’était pas prévisible par le préposé de la société intimée. Elle considère ainsi ce transfert de garde comme cause exonératoire de sa responsabilité.

Selon l’article 1242 al1er du code civil, le propriétaire d’une chose en est présumé être le gardien.

Les juges du fond ne peuvent écarter la présomption de garde que s’ils précisent les circonstances de transfert de la garde qui intervient dès lors que le propriétaire n’exerce plus les pouvoirs que sont l’usage, le contrôle et la direction de la chose à charge pour ce dernier de justifier des conditions de transfert.

S’il n’est pas justifié par M. [T] de la légitimité de sa présence sur le toit, le témoignage produit ne permettant pas de retenir une telle hypothèse, cela ne suffit pas néanmoins à justifier d’un transfert de la garde dans la mesure où la société Nouvelle Casanova Service Maintenance ne démontre pas que la victime a acquis les pouvoirs de direction et de contrôle sur l’échelle dont il a fait usage. Aucun élément ne permet de retenir que l’échelle a été déplacée par la victime alors même que M. [D] signale que celle-ci était dans la même position que lors de son passage.

Par ailleurs, il a déjà été jugé que l’utilisation d’une chose sur un bref laps de temps ne suffit pas à en transférer la garde.

Il convient en conséquence de retenir que la société Nouvelle Casanova Service Maintenance est restée gardien de l’échelle.

Sur la chose :

Le principe de la responsabilité du fait des choses inanimées trouve son fondement dans la notion de garde indépendamment du caractère intrinsèque de la chose et de toute faute personnelle du gardien.

L’application de l’article 1242 al1er suppose que la victime rapporte la preuve que la chose a été en quelque manière et ne fut-ce que pour partie, l’instrument du dommage.

Enfin, lorsqu’un dommage est imputé à une chose immobile, il convient à la victime d’établir la position anormale de celle-ci.

Il n’est nullement contesté que M. [T] a chuté d’une hauteur de deux mètres en empruntant une échelle appartenant à la société Nouvelle Casanova Service Maintenance installée par un de ses employés alors qu’il se rendait sur le toit terrasse.

Il résulte du témoignage de M. [D], gérant du syndic de la copropriété, que l’échelle coulissante a été installée par le préposé de la société Nouvelle Casanova Service Maintenance qui l’a positionnée dans l’axe du couloir afin d’ouvrir le skydom, puis l’a positionnée dans le même axe sans accroche à un angle d’environ 30° pour monter sur le toit. Ce témoin assure par ailleurs que M. [T] est monté après eux à l’échelle qui est restée dans la même position et le même axe sans toutefois pouvoir donner de précision sur le rôle actif ou pas de l’échelle étant relevé qu’il n’atteste pas non plus d’un mauvais positionnement de l’échelle tant au niveau du sol qu’au niveau du support au moment de son positionnement.

C’est donc à bon droit que le premier juge n’a pas considéré l’échelle, qui est une chose inerte par nature, comme mobile puisqu’il n’est nullement démontré par M. [T] que celle-ci a glissé au sol ou a été en mouvement ni qu’elle se soit dérobée sous son poids entraînant ainsi sa chute de sorte qu’il ne peut lui être conférer un rôle actif dans la survenance du dommage.

Les conditions dans lesquelles la chute est intervenue ne sont nullement démontrées par l’appelant et le témoignage de M. [D] est insuffisant pour retenir que l’échelle a basculé ou a changé de position entraînant la chute de M. [T]. Rien ne démontre par ailleurs que l’échelle se soit repliée, qu’elle ait glissée ou qu’elle ait décroché au moment de l’ascension et il n’est pas à exclure que M. [T] a glissé sur un barreau en positionnant mal son pied.

Enfin, si l’échelle était au sol au moment de l’intervention de tiers présent pour secourir M. [T], il ne peut s’agir que d’une conséquence de la chute, la victime pouvant en effet entraîner avec elle l’échelle qui de ce fait s’est retrouvée à terre sans que cela ne lui confère un rôle actif.

Ainsi, en l’absence d’éléments permettant d’établir de manière certaine les conditions de l’accident, c’est à bon droit que le premier juge a dit que l’échelle est un chose inerte.

Sur la responsabilité :

Lorsqu’un dommage est imputé à une chose immobile, il incombe à la victime d’établir la position anormale de celle-ci ou bien qu’elle était en mauvais état.

Tel est le cas si l’échelle est mal positionnée ou installée de manière anormale et dangereuse.

Or, cette configuration ne serait être retenue puisque, comme l’a souligné très justement le premier juge, l’échelle a permis le passage de deux personnes avant l’arrivée de M. [T] sans qu’une quelconque anormalité ne soit révélée tant dans son positionnement que sa stabilité. Il n’est pas justifié encore que l’échelle ait été déplacée, M . [D] précisant en outre que M. [T] est monté après eux à l’échelle qui est restée dans la même position et le même axe de sorte que l’anormalité de sa position ne saurait être retenue. Par ailleurs, sa dangerosité ne peut résulter seulement de l’absence d’accroches alors qu’aucun dispositif réglementaire ou légal n’impose ce dispositif de sécurité ni d’autre équipement permettant la stabilisation de l’échelle.

L’application combinée des articles R 4323-82 et 432 3-84 du code du travail implique que « l’échelle doit être positionnée de manière à ce que sa stabilité soit assurée en cours d’accès ou d’utilisation. Les échelles portables sont appuyées et reposent sur des supports stables, résistants et de dimensions adéquates. Afin qu’elles ne puissent ni glisser ni basculer pendant leur utilisation, les échelles portables sont soit fixées dans la partie supérieure ou inférieure de leurs montants, soit maintenues en place au moyen de tout dispositif antidérapant ou par toute autre solution d’efficacité équivalente ».

Or, il n’est pas démontré une faute dans le positionnement de l’échelle ni qu’elle ait été placée d’une manière à ce que sa stabilité ne soit pas assurée lors de son utilisation étant relevé que la chute ne permet pas à elle seule de déduire un défaut de précaution et de diligence dans la sécurisation de l’accès au toit étant relevé que le dispositif de sécurisation s’impose si l’échelle n’est fixée dans la partie supérieure ou inférieur de ses montants ce qui n’est nullement justifié par l’appelant.

Enfin, il n’est pas justifié par M. [T] que l’échelle présentait une anormalité intrinsèque ou qu’elle ait été en mauvais état.

C’est donc à bon droit que le premier juge a écarté la responsabilité de la société intimée du fait des choses et débouter M. [T] des demandes afférentes.

2/ Sur la responsabilité du fait des préposés :

Selon l’article 1242 al 5 du code civil, les maîtres et les commettants sont responsables du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés.

Le déclenchement de cette responsabilité suppose la preuve d’une faute du préposé.

Comme il a été dit précédemment et comme l’a justement indiqué le premier juge, il n’est pas justifié de dispositions réglementaires ou légales applicables en matière de sécurité s’imposant au préposé qu’il n’aurait pas respecté.

L’application combinée des articles R 4323-82 et 432 3-84 du code du travail implique que « l’échelle doit être positionnée de manière à ce que sa stabilité soit assurée en cours d’accès ou d’utilisation. Les échelles portables sont appuyées et reposent sur des supports stables, résistants et de dimensions adéquates. Afin qu’elles ne puissent ni glisser ni basculer pendant leur utilisation, les échelles portables sont soit fixées dans la partie supérieure ou inférieure de leurs montants, soit maintenues en place au moyen de tout dispositif antidérapant ou par toute autre solution d’efficacité équivalente ».

Or, il n’est pas démontré une faute dans le positionnement de l’échelle ni qu’elle ait été placée d’une manière à ce que sa stabilité ne soit pas assurée en cours d’accès et d’utilisation étant relevé que la chute ne permet pas seule de déduire un défaut de précaution et de diligence dans la sécurisation de l’accès au toit étant relevé que le dispositif de sécurisation s’impose si l’échelle n’est fixée dans la partie supérieure ou inférieur de ses montants ce qui n’est nullement justifié par l’appelant.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [T] de ses demandes.

3/ Sur les frais accessoires :

Il convient de confirmer le jugement déféré sur les frais irrépétibles et les dépens.

M. [T] supportera la charge des dépens d’appel et sera nécessairement débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Il sera condamné à payer aux intimées la somme de 800 euros.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant par arrêt réputé contradictoire rendu par mise à disposition au greffe en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déclare opposable le présent arrêt à la CPAM de l’Hérault, la société par actions simplifiée unipersonnelle Vivens et la SA L’Equité

Condamne M [W] [T] à payer à la société Nouvelle Casanova Service Maintenance, et la SA SMA la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens d’appel.

Le Greffier La Présidente


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