Responsabilité et garanties en matière de construction : enjeux et exclusions dans le cadre d’un contrat de construction.

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Responsabilité et garanties en matière de construction : enjeux et exclusions dans le cadre d’un contrat de construction.

Contexte du Litige

Par contrat de construction daté du 16 juillet 2021, Monsieur [U] [G] [E] et Madame [I] [A] [P] ont engagé la société RCC974, représentée par Monsieur [O] [B], pour la construction d’une maison à [Adresse 3], pour un montant total de 163.289,84 € TTC.

Retards et Mise en Demeure

Face à des retards significatifs dans l’exécution des travaux et après avoir déjà payé une partie importante des travaux non réalisés, Monsieur [E] et Madame [P] ont mis en demeure l’entrepreneur par courrier recommandé le 18 novembre 2021, lui demandant de reprendre les travaux sous peine de faire appel à une autre entreprise.

Expertise et Procédures Judiciaires

Une expertise amiable a été réalisée le 30 novembre 2021, suivie d’un procès-verbal de constat le 9 décembre 2021. Le 3 février 2022, un expert judiciaire a été désigné, et son rapport a été déposé le 30 novembre 2022. Le 19 janvier 2022, la société RCC 974 a été placée en procédure collective, et le jugement de clôture de la liquidation judiciaire a été prononcé le 12 avril 2023.

Actions en Justice

Le 13 avril 2023, Monsieur [E] et Madame [P] ont cité la SELARL [Z], le liquidateur judiciaire, ainsi que la société MIC INSURANCE COMPANY devant le tribunal, demandant le paiement de plusieurs sommes pour des frais divers et un préjudice moral.

Demandes et Contestations

Monsieur [B] a contesté la recevabilité des demandes, et le 5 février 2024, le tribunal a déclaré leur action irrecevable à son encontre. Dans leurs conclusions du 10 mai 2024, Monsieur [E] et Madame [P] ont réitéré leurs demandes contre la Compagnie MIC INSURANCE COMPANY, soutenant que les malfaçons étaient imputables à Monsieur [B].

Réponse de l’Assureur

La Compagnie MIC INSURANCE COMPANY a demandé au tribunal de rejeter les demandes des consorts [E] et [P], arguant que les garanties de la police d’assurance n’étaient pas applicables en raison d’exclusions spécifiques, notamment concernant les travaux de terrassement et l’abandon de chantier.

Décision du Tribunal

Le tribunal a statué que Monsieur [E] et Madame [P] n’avaient pas droit à l’action directe contre l’assureur, en raison des exclusions de garantie applicables. Les requérants ont été déboutés de leurs demandes, et le tribunal a décidé de ne pas appliquer les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, condamnant les demandeurs aux dépens de l’instance.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

22 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion
RG
23/01359
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 23/01359 – N° Portalis DB3Z-W-B7H-GJX3

NAC : 54Z

JUGEMENT CIVIL
DU 22 OCTOBRE 2024

DEMANDEURS

M. [U] [G] [E]
[Adresse 2]
[Localité 8]
Rep/assistant : Me Chafi AKHOUN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Mme [I] [A] [P] pacsée [E]
[Adresse 2]
[Localité 8]
Rep/assistant : Me Chafi AKHOUN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DÉFENDEURS

M. [O] [B] exerçant à l’enseigne “RCC 974″, entreprise individuelle, immatriculée au RCS de ST DENIS sous le numéro 438 466 690, demeurant au [Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 7]
Rep/assistant : Maître Gautier THIERRY de la SELARL THIERRY AVOCAT, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

SELARL [Z] es qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [X] [B] à l’enseigne RCC 974
[Adresse 6]
[Localité 8]

MIC INSURANCE COMPANY, en sa qualité d’assureur de Monsieur [B]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Rep/assistant : Maître Agnès GAILLARD de la SCP GAILLARD – SAUBERT, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Rep/assistant : Maître Emmanuel PERREAU de la SELAS CABINET PERREAU, avocats au barreau de PARIS

Copie exécutoire délivrée le : 22.10.2024
CCC délivrée le :
à Me Chafi AKHOUN, Maître Agnès GAILLARD de la SCP GAILLARD – SAUBERT, Maître Gautier THIERRY de la SELARL THIERRY AVOCAT

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Le Tribunal était composé de :

Madame Patricia BERTRAND, Juge Unique
assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, greffière

LORS DES DÉBATS

L’affaire a été évoquée à l’audience du 16 Septembre 2024.

LORS DU DÉLIBÉRÉ ET DU PRONONCÉ

A l’issue des débats, les parties présentes et leurs conseils ont été avisés que le jugement serait mis à leur disposition le 22 Octobre 2024.

JUGEMENT : Réputé contradictoire, du 22 Octobre 2024 , en premier ressort

Prononcé par mise à disposition par Madame Patricia BERTRAND, Vice-présidente assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, greffière

En vertu de quoi, le Tribunal a rendu le jugement dont la teneur suit :

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de construction du 16 juillet 2021 , Monsieur [U] [G] [E] et Madame [I] [A] [P] ont confié à la société RCC974, représentée par Monsieur [O] [B], assurée au titre de la responsabilité civile et décennale par la société MIC INSURANCE COMPANY, la réalisation de travaux de construction d’une maison sise [Adresse 3] à [Localité 8], moyennant le prix de 163.289,84 € TTC.

Considérant qu’une partie importante des travaux inexécutés avait d’ores et déjà été payée et reprochant à l’entrepreneur un retard important dans l’exécution des travaux, Monsieur [E] et Madame [P] l’ont mis en demeure de reprendre les travaux, sous peine de faire appel à une autre entreprise par courrier recommandé du 18 novembre 2021.

A leur demande, une expertise amiable a été réalisée le 30 novembre 2021 par Monsieur [S] et un procès verbal de constat a dressé le 09 décembre 2021 par Maître [M] [C], commissaire de justice, pour faire un état des lieux de la construction.

Par ordonnance rendue le 03 février 2022, le Juge des référés de ce tribunal a désigné Monsieur [K] en qualité d’expert judiciaire. Celui-ci a déposé son rapport d’expertise définitif le 30 novembre 2022.
Le 19 janvier 2022, le jugement d’ouverture de la procédure collective de la société RCC 974 a été prononcé.

Le 12 avril 2023, a été prononcé le jugement de clôture de la procédure de liquidation judiciaire.

Par exploit délivré le 13 avril 2023, Monsieur [E] et Madame [P] ont fait citer la SELARL [Z] es qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [X] [B] exerçant sous l’enseigne “RCC 974″, Monsieur [X] [B] exerçant à l’enseigne RCC 974 et la société MIC INSURANCE COMPANY devant le tribunal de céans.

Ils ont demandé au tribunal de:

– juger recevable la présente action ;
– condamner solidairement la SELARL [Z] et la Compagnie MIC INSURANCE COMPANY au paiement des sommes suivantes :
* 54.970 euros au tit re de la restitution du trop perçu ;
* 13.941.22 euros au titre des frais de logement subis
* 4.633,68 euros au titre des frais bancaires ;
* 10.230,02 euros au titre des autres frais annexes induits par la situation, y compris la consignation des frais d’expertise ;
* 5.000 euros au titre du préjudice moral
* Fixer et admettre ces mêmes sommes au passif de la liquidation judiciaire de Monsieur [B] exerçant sous l’enseigne RCC 974.

Par conclusions d’incident, Monsieur [B] a notamment demandé au juge de la mise en état de les juger irrecevables en leurs demandes pour défaut du droit d’agir et par ordonnance rendue le 05 février 2024, ce magistrat a déclaré leur action irrecevable à l’encontre de Mr [B] et du mandataire liquidateur .

Dans leurs dernières conclusions enregistrées le 10 mai 2024, Monsieur [E] et Madame [P] demandent au tribunal de :

CONDAMNER la Compagnie MIC INSURANCE COMPANY au paiement des sommes suivantes :
– 54 970.00 € au titre de la restitution du trop perçu
– 13 941.22 € au titre des frais de logement subis
– 4 633.68 € au titre des frais bancaires
– 10 230.02 € au titre des autres frais annexes induits par la situation, y compris la consignation des frais d’expertíse
– 5 000 € au titre du préjudice moral
En tout état de cause
DEBOUTER la SELARL [Z] , Monsieur [B] et la Compagnie MIC INSURANCE COMPANY de leurs demandes,
JUGER qu’il n’y a pas lieu à écarter l’exécution provisoire ,
CONDAMNER la Compagnie MIC INSURANCE COMPANY au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Ils soutiennent que les désordres et malfaçons constatées par l’expert judiciaire sont imputables à Monsieur [B] ; que la compagnie MIC INSURANCE COMPANY devra prendre à sa charge le montant des condamnations ; que les travaux de terrassement font partie des travaux de maçonnerie couverts par la garantie souscrite auprès de l’assureur qui, pour s’exonérer de sa responsabilité, tente de vider de sa substance une obligation essentielle découlant du contrat ; qu’en outre, la clause d’exclusion de garantie tirée de l’abandon de chantier est inapplicable puisque le chantier n’a pas été abandonné ; qu’en toute hypothèse, la compagnie MIC INSURANCE ne peut pas refuser sa garantie en invoquant des clauses d’exclusion dont la validité est contestée puisqu’elles vident la garantie essentielle de sa substance.

Dans ses conclusions enregistrées le 03 septembre 2024 la compagnie MIC INSURANCE demande au tribunal de :

A titre liminaire,
– JUGER que les demandes des consorts [E] – [P] sont formées sur le seul fondement de l’article1231-1 du Code Civil, et qu’aucune demande n’est formée sur le fondement de la garantie décennale, laquelle est en tout état de cause insusceptible de mobilisation,
A titre principal,
– JUGER que les garanties facultatives de la police souscrite auprès de MIC INSURANCE COMPANY par Monsieur [B] ne sont pas applicables,
– REJETER l’ensemble des réclamations formées à l’encontre de MIC INSURANCE COMPANY ,
– METTRE purement et simplement hors de cause MIC INSURANCE COMPANY,
A titre subsidiaire,
– JUGER que les garanties facultatives de la police souscrite auprès de MIC INSURANCE COMPANY par Monsieur [B] sont insusceptibles de mobilisation, eu égard aux exclusions prévues à ladite police,
– REJETER l’ensemble des réclamations formées à l’encontre de MIC INSURANCE COMPANY,
– METTRE purement et simplement hors de cause MIC INSURANCE COMPANY
A titre infiniment subsidiaire,
– JUGER que la compagnie MIC INSURANCE COMPANY est fondée à opposer les plafonds et limites prévues par la police souscrite auprès d’elle par Monsieur [B].
En tout état de cause :
– CONDAMNER in solidum Monsieur [E] et Madame [P] ou tout succombant à payer à MIC INSURANCE COMPANY une somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens dont distraction au profit de Maître Agnès GAILLARD,
– ECARTER l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Elle fait valoir que sa garantie ne peut pas jouer puisque les travaux de terrassement réalisés par son assuré n’entrent pas dans le champ de la garantie délivrée ; qu’en raison de l’abandon du chantier par Monsieur [B], les garanties facultatives de la police sont, en tout état de cause insusceptibles d’application ; qu’à titre subsidiaire, les garanties souscrites sont insusceptibles de mobilisation en raison des exclusions prévues à la police ; qu’en conséquence, elle n’a pas vocation à prendre en charge la restitution du trop-perçu , les frais bancaires et de relogement , ni les autres frais induits ; A titre infiniment subsidiaire, elle oppose les franchises et plafonds de garantie prévues par la police.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, le tribunal se réfère à leurs écritures.

La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée le 09 septembre 2024. Après dépôt du dossier des parties au greffe, l’affaire a été mise en délibéré au 22 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’action directe formée à l’encontre de l’assureur :

En application de l’article L. 124-3 du code des assurances, Monsieur [E] et Madame [P] , en leurs qualités de tiers lésés, disposent d’un droit d’action directe à l’encontre de la Compagnie MIC INSURANCE qui ne conteste pas être l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable, en l’occurrence la société R.R.C 974.

Aux termes de l’article L. 113-1, premier alinéa, du code des assurances, « les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police » ; Une présomption de garantie est ainsi établie pour tous les risques qui entrent dans la définition de l’objet de la garantie dès lors qu’ils ne sont pas exclus.

En l’espèce, l’expert judiciaire relève de nombreuses malfaçons et inexécutions imputables à la société R.C.C 974 gérée par Monsieur [B] dont la construction se résume à des travaux de terrassement inachevés.

L’assureur dénie sa garantie motif pris d’une exclusion de garantie concernant l’activité de terrassement réalisée par son assuré et motif pris d’un abandon de chantier.

Il ressort des explications des requérants et des conclusions de l’expert judiciaire que les dommages affectant la construction résultent du non-respect par Monsieur [B] des prescriptions du géotechnicien. Ce point n’est d’ailleurs pas contesté par les parties.

Or, il ressort des conditions particulières du contrat souscrit par Monsieur [B] que ce dernier n’est pas couvert pour l’activité  » terrassement  ». En conséquence, l’assureur est fondé à refuser sa garantie .

A titre surabondant, l’assureur oppose une clause d’exclusion des garanties en cas d’abandon du chantier en cours .

L’abandon de chantier, qui se distingue du simple arrêt temporaire de chantier, est caractérisé s’il existe une interruption injustifiée et volontaire des travaux, ainsi qu’une durée anormalement longue d’interruption des travaux.

Force est de constater qu’il résulte tant du constat d’huissier que des rapports de Messieurs [S] et [K] que l’entrepreneur a volontairement abandonné le chantier, de manière injustifiée, bien avant l’ouverture de la procédure collective. En conséquence, l’assureur est fondé à refuser sa garantie pour ce second motif.

Enfin, pour s’opposer à la mise en œuvre de ces clauses d’exclusion de garantie, Monsieur [E] et Madame [P] se bornent à soutenir qu’elles vident la garantie de sa substance mais ils ne le démontrent pas et ne développent pas de moyen permettant de s’en convaincre.

Ils seront par suite déboutés de leur action directe.

Sur les mesures de fin de jugement :

Monsieur [E] et Madame [P] , qui succombent, seront condamnés aux dépens.

L’équité et la situation respective des parties commandent de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’exécution provisoire est de droit par application de l’article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal judiciaire de Saint-Denis, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

DEBOUTE Monsieur [U] [G] [E] et Madame [I] [A] [P] de leur action directe à l’encontre de la société MIC INSURANCE COMPANY ;

REJETTE , en conséquence, l’intégralité de leurs demandes  ;

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [U] [G] [E] et Madame [I] [A] [P] aux dépens de l’instance , dont distraction au profit de Maître Agnès GAILLARD, avocate.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT


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