Monsieur [L] [R] et Madame [E] [U] épouse [R] ont acquis un terrain dans le lotissement DOMAINE DE LA COSTE et ont demandé un permis de construire pour une maison individuelle, accordé le 1er décembre 2021. Ils ont ensuite accepté un devis de la SAS EPY pour la construction. Après des désordres sur le chantier, des constats ont été établis. La SAS EPY a été placée en liquidation judiciaire le 17 octobre 2023, et les époux [R] ont déclaré une créance de 200 000 euros. Ils ont assigné en référé la SELARL RM MANDATAIRES, liquidateur de la SAS EPY, et la SAS SOCIETE AMOEA pour obtenir la désignation d’un expert et la communication d’une attestation d’assurance. Le juge des référés a désigné un expert mais a débouté les époux de leur demande de communication de pièces. Par la suite, les époux [R] ont assigné la SA MIC INSURANCE COMPANY pour que l’expertise soit déclarée commune et opposable. Le tribunal a finalement déclaré l’ordonnance de désignation de l’expert commune et opposable à la SA MIC INSURANCE COMPANY, stipulant que l’expert devait poursuivre ses opérations avec la société d’assurance. Les dépens ont été laissés à la charge des époux [R].
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
D E D R A G U I G N A N
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O R D O N N A N C E D E R É F É R É
CONSTRUCTION
RÉFÉRÉ n° : N° RG 24/05659 – N° Portalis DB3D-W-B7I-KKRR
MINUTE n° : 2024/ 539
DATE : 09 Octobre 2024
PRÉSIDENT : Monsieur Frédéric ROASCIO
GREFFIER : M. Alexandre JACQUOT
DEMANDEURS
Monsieur [L] [R], demeurant [Adresse 1] – [Localité 5]
représenté par Me Jean philippe FOURMEAUX, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Madame [E] [U] épouse [R], demeurant [Adresse 1] – [Localité 5]
représentée par Me Jean philippe FOURMEAUX, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
DEFENDERESSE
S.A. MIC INSURANCE COMPANY, dont le siège social est sis [Adresse 3] – [Localité 4]
représentée par Me Armelle BOUTY, avocat au barreau de MARSEILLE
DÉBATS : Après avoir entendu à l’audience du 11 Septembre 2024 les parties comparantes ou leurs conseils, l’ordonnance a été rendue ce jour par la mise à disposition de la décision au greffe.
copie exécutoire à
Me Armelle BOUTY
Me Jean philippe FOURMEAUX
2 copies service des expertises
1 copie dossier
délivrées le :
Envoi par Comci à Me Armelle BOUTY
Me Jean philippe FOURMEAUX
Monsieur [L] [R] et Madame [E] [U] épouse [R] ont acquis le lot numéro 2, cadastré section AX numéro [Cadastre 2], compris dans un lotissement dénommé DOMAINE DE LA COSTE à [Localité 6].
Ce lot consiste en un terrain d’une superficie de 1561 mètres carrés et les époux [R] ont confié à la SAS SOCIETE AMOEA, maître d’œuvre assuré auprès de la SA MIC INSURANCE COMPANY, la rédaction et le dépôt d’une demande de permis de construire pour la réalisation d’une maison individuelle.
La demande de permis de construire a été faite le 17 juin 2021 par les époux [R] et par arrêté municipal du 1er décembre 2021 le permis de construire a été accordé sous réserve du respect de prescriptions et observations.
Les époux [R] ont consulté la SAS EPY pour la construction de leur maison et celle-ci a établi le 1er mars 2022 un devis d’un montant de 115 463,40 euros accepté par les parties.
Le 25 avril 2022, Monsieur [R] a déposé une demande d’ouverture de chantier à la date du 2 mai 2022.
Se plaignant de désordres affectant le chantier, les époux [R] ont fait établir des procès-verbaux de constat par commissaire de justice le 6 décembre 2022, puis le 13 février 2023.
Par jugement du 17 octobre 2023, le tribunal de commerce de Toulon a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS EPY et la SELARL RM MANDATAIRES a été désignée en qualité de liquidateur.
Suivant lettre recommandée de leur conseil du 15 décembre 2023, les époux [R] ont déclaré leur créance au passif de la liquidation judiciaire de la société EPY pour un montant de 200 000 euros.
Par exploit de commissaire du 3 janvier 2024, les époux [R] ont fait assigner en référé devant le tribunal judiciaire de Draguignan d’une part la SELARL RM MANDATAIRES, prise en la personne de Maître [T] [C], en sa qualité de liquidateur de la société EPY, et d’autre part la SAS SOCIETE AMOEA, représentée par son président en exercice Monsieur [J] [X], afin d’obtenir, à titre principal et au visa de l’article 145 du code de procédure civile, la désignation d’un expert au contradictoire des deux défenderesses et la condamnation sous astreinte de la société AMOEA à lui communiquer l’attestation d’assurance responsabilité civile professionnelle en période de validité au mois de juin 2021 ainsi qu’au mois de mai 2022, date de déclaration d’ouverture de chantier.
Par ordonnance rendue le 19 juin 2024 (RG 24/00374, minute 2024/320), le juge des référés du présent tribunal a fait droit à la demande de désignation d’un expert en confiant l’expertise à Monsieur [P] [G] et a débouté les époux [R] de leur demande de communication de pièces sous astreinte, leur laissant la charge de dépens.
Par exploit de commissaire de justice du 18 juillet 2024, les époux [R] ont fait assigner en référé devant la présente juridiction la SA MIC INSURANCE COMPANY aux fins notamment, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, de voir les opérations d’expertise judiciaire lui être déclarées communes et opposables.
Suivant leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 septembre 2024, soutenues à l’audience du même jour, Monsieur [L] [R] et Madame [E] [U] épouse [R] sollicite, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, de :
DECLARER les opérations d’expertise confiées à Monsieur [G] communes et opposables à la société MIC INSURANCE COMPANY S.A. ;
DEBOUTER la société MIC INSURANCE COMPANY S.A. de ses demandes tendant à ce que soit rejetée sa mise en cause ;
DONNER ACTE à la société MIC INSURANCE COMPANY S.A. de ses protestations et réserves ;
RESERVER les dépens.
Suivant ses conclusions notifiées par voie électronique le 5 septembre 2024 auxquelles elle se réfère à l’audience, la SA MIC INSURANCE COMPANY sollicite, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, de :
A titre principal, rejeter la demande visant à lui rendre commune et opposable la mesure d’expertise confiée à Monsieur [G] en l’absence de justification d’un motif légitime à cette mise en cause ;
A titre subsidiaire, prendre acte de ses plus expresses protestations et réserves ;
Laisser à chaque partie la charge de ses dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, il est renvoyé aux écritures des parties conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Suivant l’article 145 du code de procédure civile, « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »
Il est constant que l’existence de contestations sérieuses ne constitue pas un obstacle à la mise en œuvre des dispositions de l’article 145 précité.
Il appartient au juge saisi de l’application de ce texte de caractériser le motif légitime d’ordonner une mesure d’instruction sans toutefois procéder préalablement à l’examen de la recevabilité d’une éventuelle action, non plus que de ses chances de succès sur le fond.
Il suffit de constater qu’un tel procès est possible, qu’il a un objet et un fondement suffisamment déterminés, que sa solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée et que celle-ci ne porte aucune atteinte illégitime aux droits et libertés fondamentaux d’autrui. Il n’en va autrement que lorsque le litige potentiel est manifestement voué à l’échec et tel est le cas d’une action manifestement irrecevable.
Les époux [R] soutiennent que la garantie décennale n’a pas vocation à s’appliquer aux désordres en litige alors que la réception de l’ouvrage n’est pas intervenue. Dès lors, la garantie responsabilité civile professionnelle est susceptible d’être mobilisée par application de l’article L.124-5 du code des assurances, texte d’ordre public. Selon eux, la défenderesse n’établit pas que son assurée la société AMOEA a souscrit un contrat d’assurance postérieurement à la résiliation des garanties et sa mise en cause est diligentée dans un délai de cinq ans suivant ladite résiliation.
Ils ajoutent que la société AMOEA est assurée au titre de l’activité « maître d’œuvre tous corps d’état », qui comprend notamment la phase APD (avant-projet définitif) concernée par la mission confiée en l’espèce par les époux [R].
La SA MIC INSURANCE COMPANY conteste le motif légitime invoqué en prétendant :
qu’elle n’est pas l’assureur au jour du commencement des travaux et ne peut garantir la responsabilité décennale de son assurée ;qu’elle n’est pas l’assureur au moment de la réclamation et ne peut garantir la responsabilité civile professionnelle de son assurée ;que la société AMOEA a déclaré au contrat d’assurance une activité de maître d’œuvre TCE mais non au titre de l’activité d’architecte chargé de l’établissement du permis de construire ni du suivi de l’exécution, par ailleurs non contractuellement prévu.
En premier lieu, les époux [R] observent que, dans le cadre des opérations d’expertise judiciaire en cours, la responsabilité décennale de la société AMOEA n’est pas recherchée mais le cas échéant sa responsabilité contractuelle. Aussi, le fait que la SA MIC INSURANCE COMPANY ne soit pas l’assureur au jour du commencement des travaux n’emporte pas une impossibilité de mobiliser ses garanties alors que celles, facultatives, de la responsabilité civile professionnelle peuvent éventuellement être mobilisées.
A ce titre, l’article L.124-5 du code des assurances dispose, en son alinéa 4, que « la garantie déclenchée par la réclamation couvre l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d’expiration de la garantie, et que la première réclamation est adressée à l’assuré ou à son assureur entre la prise d’effet initiale de la garantie et l’expiration d’un délai subséquent à sa date de résiliation ou d’expiration mentionné par le contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs des sinistres, que, toutefois, la garantie ne couvre les sinistres dont le fait dommageable a été connu de l’assuré postérieurement à la date de résiliation ou d’expiration que si, au moment où l’assuré a eu connaissance de ce fait dommageable, cette garantie n’a pas été resouscrite ou l’a été sur la base du déclenchement par le fait dommageable et que l’assureur ne couvre pas l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres s’il établit que l’assuré avait connaissance du fait dommageable à la date de la souscription de la garantie. »
Le texte précise, en son alinéa 5, que le délai subséquent des garanties déclenchées par la réclamation ne peut être inférieur à cinq ans.
Les époux [R] relèvent à bon droit le caractère d’ordre public de ces dispositions s’appliquant ainsi à la police d’assurance de la SA MIC INSURANCE COMPANY.
Cette dernière confirme que son assurée la société AMOEA n’a pas souscrit de nouveau contrat d’assurance sur les garanties facultatives puisqu’elle a cessé son activité après résiliation de la police en litige.
Dès lors, la réclamation est intervenue dans le délai subséquent de cinq années et il ne peut être exclu une mobilisation des garanties facultatives de la SA MIC INSURANCE COMPANY par application de l’article L.124-5 précité.
En second lieu, l’activité déclarée au contrat d’assurance par la société AMOEA de « maître d’œuvre TCE » (tous corps d’état) ne semble pas en contradiction manifeste avec les termes du contrat entre les époux [R] et la société AMOEA. En effet, l’établissement du permis de construire confié par les époux [R] à la société AMOEA peut parfaitement répondre à la phase « d’avant-projet définitif » visé dans la nomenclature du contrat d’assurance relative à l’activité déclarée auprès de la SA MIC INSURANCE COMPANY. A l’inverse, il n’est pas établi que l’établissement du permis de construire concerne exclusivement la seule activité déclarée d’architecte, distincte de la maîtrise d’œuvre tous corps d’état.
En tout état de cause, cette question ne peut être définitivement tranchée au stade des référés et il ne peut être conclu de manière péremptoire à un défaut d’activité déclarée en l’espèce.
La défenderesse ne peut être mise hors de cause et les époux [R] justifient d’un motif légitime à la mettre en cause en qualité d’assureur de la société AMOEA.
Il sera donné acte à la SA MIC INSURANCE COMPANY de ses protestations et réserves émises à titre subsidiaire, lesquelles n’emportent aucune reconnaissance de responsabilité ou de garantie.
Les dépens de l’instance ne peuvent être réservés dans l’attente d’une instance au fond dont le principe n’est pas certain et ils seront laissés à la charge des époux [R], ayant intérêt à la mesure sollicitée.
Nous, juge des référés, statuant après débats en audience publique, par décision contradictoire mise à disposition au greffe, exécutoire de droit et en premier ressort :
DECLARONS commune et opposable à la SA MIC INSURANCE COMPANY en qualité d’assureur de la SAS SOCIETE AMOEA l’ordonnance rendue le 19 juin 2024 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan (RG 24/00374, minute 2024/320) ayant désigné Monsieur [P] [G] en qualité d’expert,
DISONS que l’expert commis devra poursuivre ses opérations contradictoirement à l’égard de la SA MIC INSURANCE COMPANY en qualité d’assureur de la SAS SOCIETE AMOEA,
DISONS que la mise en cause devra être régulièrement convoquée par l’expert et que son rapport lui sera opposable,
DISONS que, dans l’hypothèse où la présente ordonnance est portée à la connaissance de l’expert après dépôt de son rapport, ces dispositions seront caduques,
LAISSONS les dépens de la présente instance à la charge de Monsieur [L] [R] et Madame [E] [U] épouse [R],
REJETONS le surplus des demandes.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe, les jours, mois et an susdits.
LE GREFFIER LE PRESIDENT