Responsabilité et garanties d’assurance dans le cadre de travaux de construction : enjeux et implications

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Responsabilité et garanties d’assurance dans le cadre de travaux de construction : enjeux et implications

Contexte de l’affaire

La Fondation MEDITERRANEE INFECTION a entrepris la construction d’un ensemble immobilier à l’Hôpital de Marseille, destiné à un institut de recherche sur les maladies infectieuses. Le projet incluait deux bâtiments de quatre étages et un sous-sol pour le parking.

Engagement des entreprises

Le 29 septembre 2012, la Fondation a confié le lot gros œuvre à un groupement d’entreprises, dont la SAS François FONDEVILLE était le mandataire. Cette dernière a souscrit un contrat d’assurance tous risques chantier auprès de la société ALBINGIA.

Déclaration de sinistre

Le 5 septembre 2016, la société AXIMA CONCEPT, responsable du lot chauffage-ventilation-climatisation, a déclaré un sinistre à ALBINGIA, signalant des défaillances dans la pose d’un calorifuge, entraînant des problèmes de condensation et des dommages aux installations.

Procédure judiciaire initiale

ALBINGIA a saisi le juge des référés pour demander une expertise judiciaire, qui a été ordonnée le 27 octobre 2016. Par la suite, AXIMA a assigné ALBINGIA devant le Tribunal de Commerce de Marseille pour obtenir le paiement des travaux de réfection.

Jugement du Tribunal de Commerce

Le 29 janvier 2018, le Tribunal a jugé en faveur d’AXIMA, déclarant recevable son action contre ALBINGIA et condamnant cette dernière à verser 1.181.150,60 euros pour le sinistre, tout en ordonnant l’exécution provisoire.

Appel d’ALBINGIA

ALBINGIA a interjeté appel du jugement, contestant la décision sur plusieurs points, notamment la recevabilité des interventions des autres parties et la mobilisation du contrat d’assurance.

Expertise et rapport

La Cour d’appel a suspendu la procédure en attendant le rapport d’expertise, qui a été déposé le 10 mai 2022. Ce rapport a confirmé les désordres causés par la condensation sur les canalisations.

Arguments des parties

ALBINGIA a soutenu que AXIMA ne justifiait pas d’un préjudice réel et que les dommages n’étaient pas couverts par le contrat d’assurance, tandis qu’AXIMA a affirmé que les désordres constituaient un événement accidentel et que le contrat d’assurance devait s’appliquer.

Décision de la Cour d’appel

Le 3 février 2022, la Cour a décidé de surseoir à statuer, demandant des justifications supplémentaires concernant les travaux de reprise. Finalement, la Cour a infirmé le jugement du Tribunal de Commerce, déboutant AXIMA de ses demandes et confirmant l’absence de couverture par l’assurance.

Conséquences de la décision

La Cour a condamné AXIMA à verser 3.500 euros à ALBINGIA au titre des frais de justice et a ordonné qu’elle soit responsable des dépens de l’instance, y compris les frais d’expertise judiciaire.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

24 octobre 2024
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG
22/15811
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 24 OCTOBRE 2024

N° 2024/

Rôle N° RG 22/15811 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BKMWV

Société ALBINGIA

C/

S.C.P. CBF ASSOCIES

S.E.L.A.R.L. EGIDE

S.E.L.A.R.L. [X] [S]

Fondation FONDATION MEDITERRANEE INFECTION

Société AXIMA CONCEPT

Société FRANCAISE DE CALORIFUGE

Société INEO PROVENCE ET COTE D’AZUR

Syndicat I H U DES MALADIES INFECTIEUSESET TROPICALES

[L] [H]

S.E.L.A.R.L. ESAJ

S.E.L.A.R.L. FHB

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Maud DAVAL-GUEDJ

Me Sandra JUSTON

Me Fabien BOUSQUET

Me Patrice BIDAULT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 29 Janvier 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 2018F0002.

APPELANTE

Société ALBINGIA

, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ – MONTERO – DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Catherine RAFFIN de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Catherine DOLFI, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

S.C.P. CBF ASSOCIES

prise en la personne de Me [Y] [C] en qualité d’administrateur judiciaire de la SAS FRANCOIS FONDEVILLE

, demeurant [Adresse 4]

défaillante

S.E.L.A.R.L. EGIDE

prise en la personne de Me [O] [I] es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS FRANCOIS FONDEVILLE

, demeurant [Adresse 9]

défaillante

S.E.L.A.R.L. [X] [S]

prise en la personne de Me [W] [S] en qualité d’administrateur judiciaire de la SAS FRANCOIS FONDEVILLE

, demeurant [Adresse 3]

défaillante

Fondation FONDATION MEDITERRANEE INFECTION

, demeurant [Adresse 7]

défaillante

Société AXIMA CONCEPT

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Sébastien BADIE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Armelle DEBUCHY de la SELAS PERSEA, avocat au barreau de LYON

Société FRANCAISE DE CALORIFUGE

, demeurant [Adresse 8]

représentée par Me Fabien BOUSQUET de la SARL ATORI AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Damien NOTO, avocat au barreau de MARSEILLE

Société INEO PROVENCE ET COTE D’AZUR

, demeurant [Adresse 6]

défaillante

Syndicat I H U DES MALADIES INFECTIEUSESET TROPICALES

, demeurant [Adresse 11]

défaillante

PARTIES INTERVENANTES

Maître [L] [H]

prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS FRANCOIS DEVILLE

, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Patrice BIDAULT de la SELARL JURISBELAIR, avocat au barreau de MARSEILLE

S.E.L.A.R.L. ESAJ

défaillante

S.E.L.A.R.L. FHB

, demeurant [Adresse 10]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 25 Juin 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Véronique MÖLLER, Conseillère

M. Adrian CANDAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Octobre 2024.

ARRÊT

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

La Fondation MEDITERRANEE INFECTION a, en qualité de maître d’ouvrage, décidé la construction d’un ensemble immobilier composé de deux bâtiments en R+4 élevés sur un niveau de sous-sol à usage de parking sur le site de l’Hôpital de la [14]. Cet ensemble était destiné à accueillir un institut de recherche et de traitement des maladies infectieuses et tropicales.

Le 29 septembre 2012, la FONDATION MEDITERRANEE INFECTION a confié, par un acte d’engagement, le lot gros ‘uvre, cloisons, faux plafond, peinture, au groupement d’entreprises composé de la SAS François FONDEVILLE, la société ENGIE AXIMA, la société COFELY INEO.

La SAS FONDEVILLE a été désigné mandataire du groupement d’entreprises et a souscrit un contrat d’assurance tous risques chantier (TRC) identifié par le n° BW 14 00418 auprès de la société ALBINGIA.

La SA AXIMA CONCEPT a été attributaire du lot n°21 « Chauffage-Ventilation-Climatisation-désenfumage » pour un montant global de 1.460.315,34 euros. Cette dernière a fait intervenir la société FRANCAISE DE CALORIFUGE – FRANCAL, assurée auprès de la SMABTP, pour la pose du calorifuge des réseaux hydrauliques.

Par courrier du 5 septembre 2016, la société AXIMA CONCEPT a adressé à la société ALBINGIA une déclaration de sinistre survenu le 31 août 2016, faisant état des défaillances de la pose d’un calorifuge hydraulique d’eau glacée provoquant des phénomènes de condensation sur les plafonds, faux-plafonds, cloisons et locaux techniques et le piquage de la tuyauterie. Elle lui a précisé que la SARL FRANCAL avait procédé à une déclaration de sinistre auprès de son assureur, la SMABTP.

***

Par actes d’huissier en date du 21 octobre 2016, la société ALBINGIA, a saisi le juge des référés du TGI de MARSEILLE aux fins d’expertises.

Par ordonnance de référé en date du 27 octobre 2016, le Président du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE a ordonné une expertise judiciaire qui a été confiée à M. [F] en qualité d’expert judiciaire.

Par actes d’huissier en date du 22 décembre 2017, la société AXIMA, a donné assignation à la société ALBINGIA, devant le Tribunal de Commerce de MARSEILLE, en vue d’obtenir le paiement des travaux de réfection de l’installation de calorifuge ainsi que 1.206.150,60 euros au titre de la réfection complète du réseau de canalisation.

Par jugement en date du 29 janvier 2018 par le Tribunal de commerce de MARSEILLE:

Vu les articles 31 et suivants du Code de procédure civile,

– Déclare recevable l’action de la société AXIMA CONCEPT SA à l’encontre de son assureur, la société ALBINGA compagnie d’assurance SA ;

Vu les dispositions des articles 331 et suivants du Code de procédure civile,

– Reçoit la société FRANCOIS FONDEVILLE SAS (titulaire du marché « gros ‘uvre » et lot « cloisons doublage faux-plafonds peinture » mandataire du groupement d’entreprise), la société INEO PROVENCE et COTE D’AZUR (titulaire du lot « électricité/courant forts, courants faibles ») et la société FRANCAISE DE CALORIFUGE (FRANCAL) SARL (sous-traitant d’AXIMA pour la fourniture et la pose du calorifuge) en leur intervention forcée ;

– Dit et juge que la compagnie ALBINGIA, assureur Tous Risques Chantier Montage Essais, de par sa police Tous Risques Chantier Montage Essais (TRC) n° BW 14 00418 doit sa garantie à la société AXIMA ENGIE, au titre du sinistre affectant les réseaux de canalisation du système de chauffage climatisation du chantier de construction neuve de l’Institut [12] des maladies infectieuses et tropicales de MARSEILLE, objet de la déclaration de sinistre de la société AXIMA CONCEPT du 06 septembre 2016 ;

– Condamne la société ALBINGIA compagnie d’assurance SA à payer à la société AXIMA CONCEPT SA la somme de 1.181.150,60 euros (un million cent quatre vingt un mille cent cinquante euros et soixante centimes) en principal avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement et celle de 3.500 euros (trois mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

– Condamne la société ALBINGIA compagnie d’assurance SA à payer à la société FRANCOIS FONDEVILLE SAS, la société INEO PROVENCE et COTE D’AZUR SNC et à la société FRANCAISE DE CALORIFUGE (FRANCAL) SARL la somme de 1.500 euros (mille cinq cents euros), chacune, au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de Procédure Civile

– Condamne la société ALBINGIA compagnie d’assurance SA aux dépens toutes taxes comprises de la présente instance tels qu’énoncés par l’article 695 du Code de Procédure Civile, y compris les frais d’expertise judiciaire, étant précisé que les droits, taxes et émoluments perçus par le secrétariat-greffe de la présente juridiction sont liquidés à la somme de 189,24 euros (cent quatre-vingt-neuf euros vingt-quatre cents TTC) ;

– Conformément aux dispositions de l’article 515 du Code de Procédure Civile, ordonne pour le tout, l’exécution provisoire ;

– Rejette pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du présent jugement ;

Par déclaration en date du 23 mars 2018, la SA ALBINGIA, a formé appel de ce jugement à l’encontre de la SA AXIMA CONCEPT, la FONDATION MEDITERRANEE INFECTION, le syndicat IHU des Maladies Infectieuses et Tropicales, la SAS FRANCOIS FONDEVILLE, la SNC INEO PROVENCE et COTE D’AZUR, la SARL FRANCAISE DE CALORIFUGE, en ce qu’il a :

– Reçu la Société FRANCOIS FONDEVILLE S.A.S. (titulaire du marché « gros ‘uvre » et lot « cloisons doublage faux-plafonds peinture » mandataire du groupement d’entreprise), la Société INEO PROVENCE et COTE D’AZUR SNC (titulaire du lot « électricité / courants forts, courants faibles ») et la Société FRANÇAISE DE CALORIFUGE (FRANCAL) S.A.R.L. (sous-traitant d’AXIMA pour la fourniture et la pose du calorifuge) en leur intervention forcée ;

– Dit et jugé que la Compagnie ALBINGIA, assureur Tous Risques Chantier Montage Essais, de par sa police Tous Risques Chantier Montage Essais (TRC) n° BW 14 00418 doit sa garantie à la Société AXIMA ENGIE, au titre du sinistre affectant les réseaux de canalisation du système de chauffage climatisation du chantier de construction neuve de l’Institut [12] des maladies infectieuses et tropicales de MARSEILLE, objet de la déclaration de .sinistre de la Société AXIMA CONCEPT du 6 septembre 2016 ;

– Condamné la Société ALBINGIA Compagnie d’Assurances S.A. à payer à la Société AXIMA CONCEPT S.A. la somme de 1.181.150,60 € (un million cent quatre-vingt-un mille cent cinquante Euros soixante Centimes) en principal avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement et celle de 3 500 € (trois mille cinq cents Euros) au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

– Condamné la Société ALBINGIA Compagnie d’Assurances S.A. à payer à la Société FRANCOIS FONDEVILLE S.A.S., la Société INEO PROVENCE et COTE D’AZUR SNC et à la Société FRANÇAISE DE CALORIFUGE (FRANCAL) S.A.R.L, la somme de 1 500 € (mille cinq cents Euros), chacune, au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

Conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de Procédure Civile,

– Condamné la Société ALBINGIA Compagnie d’Assurances S.A. aux dépens toutes taxes comprises de la présente instance tels qu’énoncés par l’article 695 du Code de Procédure Civile, y compris les frais d’expertise judiciaire, étant précise que les droits, taxes et émoluments perçus par le secrétariat-greffe de la présente juridiction sont liquidés à la somme de 189,24 € (cent quatre-vingt-neuf Euros vingt-quatre Cents TTC);

– Conformément aux dispositions de l’article 515 du Code de Procédure Civile, ordonne pour le tout, l’exécution provisoire ;

– Rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du présent jugement ;

Et en ce qu’elle a débouté la Compagnie ALBINGIA de ses demandes tendant à :

– Déclaré irrecevable la Société AXIMA CONCEPT en sa demande en paiement de 1,206.150.60 HT dirigée contre la Société ALBINGIA ;

– Déclaré la Société FRANCAL irrecevable en sa demande en garantie formée à l’encontre de la Société ALBINGIA ;

– Dit que la Société AXIMA CONCEPT ne rapporte pas la preuve des conditions d’application du contrat d’assurance TRC ni de son préjudice personnel réellement subi;

– Dit la Société AXIMA CONCEPT tenue à exécuter son obligation contractuelle de résultat et de lever les réserves en application des dispositions légale de l’article 1792.6 du Code Civil;

En conséquence,

– Jugé la Société AXIMA CONCEPT mal fondée en ses demandes à l’encontre de la Société ALBINGIA ;

– Débouté la Société AXIMA de toutes ses demandes, fins et conclusions y compris au titre de l’article 700 du Code de procédure civile dirigée contre la Société ALBINGIA et de sa demande d’exécution provisoire ;

A titre subsidiaire, si par impossible le tribunal faisait application des garanties du contrat TRC.

– Dit et Jugé que la Société AXIMA CONCEPT n’établit pas le quantum indemnisable pour le bien assuré au jour de la déclaration de sinistre ;

– Dit que la part de la Société AXIMA estimée par l’Expert judiciaire sur une reprise générale en décembre 2017 devrait être réduite à la somme de 316.956.80 € HT ;

En tout état de cause,

– Déduit des condamnations qui seraient prononcées la franchise contractuelle de 25.000€;

– Débouté la Société FRANCAL de toutes ses demandes, fins et conclusions et plus généralement

– Débouté toutes parties de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de la Société ALBINGIA ;

A titre reconventionnel,

– Condamné la Société AXIMA ou tous succombants au paiement de la somme de 15.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens d’instance.

L’affaire a été enrôlée sous le numéro RG 18/05431.

Par déclaration reçue au greffe le 26 mars 2018, la SA ALBINGIA a de nouveau formé appel des mêmes chefs du jugement déféré, en intimant :

1/ la SA Axima Concept,

2/ la Fondation Méditerranée Infection,

3/ l’IHU des maladies infectieuses et tropicales,

4/ la SAS François Fondeville,

5/ la SNC [Adresse 13],

6/ la SARL Française de Calorifuge (Francal).

Cette procédure a été enregistrée sous le numéro RG 18/05433.

Par ordonnance du 10/04/2018, le magistrat de la mise en état a joint les deux instances.

***

Par arrêt en date du 3 février 2022, la chambre 1-4 de la Cour d’appel d’AIX EN PROVENCE :

– Sursoit à statuer dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise de Monsieur [F],

– Invite la société Axima Concept à produire et à communiquer aux parties les factures des travaux de reprise des matériels endommagés réglées selon elle pour le compte de qui il appartiendra,

– Ordonne la radiation de l’affaire, et dit qu’elle pourra être rétablie au rôle sur justification par la partie la plus diligente de la communication aux autres parties du rapport d’expertise et de la notification de ses conclusions prises en considération dudit rapport.

***

Monsieur [F] a déposé son rapport le 10 mai 2022.

La SA AXIMA CONCEPT a fait signifier ses conclusions :

– Le 10 juillet 2023 à la SNC INEO PROVENCE ET COTE D’AZUR

– Le 13 juillet 2023 à l’IHU des maladies infectieuses et tropicales

– Le 28 mai 2024 à la SELAS EGIDE ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS FRANCOIS FONDEVILLE

– Le 28 mai 2024 à la SNC INEO PROVENCE ET COTE D’AZUR

– Le 29 mai 2024 à la SELARL [X] [S] ès qualités d’administrateur judiciaire de la SAS FRANCOIS FONDEVILLE

– Le 29 mai 2024 à Me [L] [H] ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS FONDEVILLE

– Le 30 mai 2024 à l’IHU DES MALADIES INFECTIEUSES ET TROPICALES

– Le 31 mai 2024 à la SCP CBF et ASSOCIES ès qualités d’administrateur judiciaire de la SAS FONDEVILLE

La SA ALBINGIA a fait signifier ses conclusions :

– Le 16 mai 2024 à la SNC INEO PROVENCE COTE D’AZUR

– Le 28 mai 2024 au syndicat IHU des maladies infectieuses, exerçant sous l’enseigne ET TROPICALES.

Par acte du 30 octobre 2023 la SA ALBINGIA a assigné en intervention forcée la SELARL EGIDE, pris en la personne de Me [O] [I], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS FRANCOIS FONDEVILLE.

Par acte du 03 novembre 2023 la SA ALBINGIA a assigné en intervention forcée la SAS FRANCOIS FONDEVILLE représentée par son liquidateur judiciaire Me [L] [H]

Par acte du 06 novembre 2023 la SA ALBINGIA a assigné en intervention forcée la SELARL [X] [S], prise en la personne de Me [W] [S], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS FRANCOIS FONDEVILLE ainsi que Maître [L] [H] ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS FONDEVILLE. Les actes ont été remis à personne habilitée.

Par acte du 10 novembre 2023 la SA ALBINGIA a assigné en intervention forcée la SCP CBF ASSOCIES, pris en la personne de Me [Y] [C], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS FRANCOIS FONDEVILLE. L’acte a été remis à personne habilitée.

***

La SA ALBINGIA par conclusions notifiées le 15 mai 2024, demande à la Cour :

Vu le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de MARSEILLE le 29 janvier 2018,

Vu les articles 1103, 1104, 1353 et suivants du Code Civil,

Vu l’article 1231-1 du Code Civil, 1240 et suivants du Code Civil,

Vu l’article 1792-6 du Code Civil,

Vu les conditions générales, conventions spéciales et conditions particulières de la police risques techniques,

Vu les obligations contractuelles de l’assuré,

Vu les exclusions de garantie prévues aux conditions du contrat d’assurance TRC,

Vu le rapport d’expertise de Monsieur [F] du 5 mai 2022,

Vu l’arrêt rendu par la Cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE le 3 février 2022,

Vu les pièces versées aux débats,

Il est demandé à la Cour de :

Au principal,

– DECLARER recevable et bien fondée la société ALBINGIA en son appel à l’encontre du jugement du tribunal de commerce de Marseille du 29 janvier 2018 ;

– INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de MARSEILLE le 29 janvier 2018 en ce qu’il a retenu la mobilisation du contrat d’assurance TRC et a condamné la société ALBINGIA à régler la somme en principal de 1.181.150,60€ après déduction de la franchise de 25.000 € ;

– DEBOUTER la société AXIMA CONCEPT de ses demandes en paiement en l’absence de preuve du préjudice matériel réellement subi ;

– JUGER que la société AXIMA CONCEPT, ne rapporte pas la preuve de la mobilisation du contrat d’assurance Tout Risque Chantier ;

– JUGER que l’assurance TRC n’a pas pour objet de garantir l’assuré du coût de reprise de sa prestation contractuelle ni de la garantie de parfait achèvement ;

– JUGER que les garanties du contrat d’assurance TRC ne sont pas mobilisables ;

– JUGER de l’absence d’aléa pendant la durée du contrat le sinistre étant déclaré avant la souscription de l’avenant n°2 de prolongation des garanties ;

– JUGER que la société AXIMA CONCEPT et les assurés intimés ont manqué à leurs obligations contractuelles à l’égard de la société ALBINGIA ;

– DEBOUTER la société AXIMA CONCEPT de ses demandes en raison de l’exclusion de garantie visée à l’article 7 des conditions générales et conventions spéciales ;

– CONFIRMER le jugement quant à l’opposabilité de la franchise contractuelle de 25.000 € à déduire de toutes condamnation.

A titre subsidiaire si par impossible la Cour confirmait la mobilisation du contrat d’assurance TRC:

– INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de MARSEILLE du 29 janvier 2018 en ce qui concerne le quantum.

Sur la base de l’analyse d’ETUDES & QUANTUM (avant déduction de la franchise contractuelle),

– RAMENER le préjudice qui serait jugé indemnisable à plus juste proportion et en tout cas, à une somme qui ne saurait excéder 553.357,01€ HT après déduction de la marge.

Subsidiairement,

– RAMENER le préjudice qui serait jugé indemnisable à plus juste proportion et en tout cas à une somme qui ne saurait excéder 615.613,04 € HT.

Sur la base de l’estimatif de l’expert judiciaire (avant déduction de la franchise contractuelle),

– RAMENER le préjudice qui serait jugé indemnisable à plus juste proportion et en tout cas à une somme qui ne saurait excéder 621.000 € ;

– DIRE que les sommes qui seront restituées à la société ALBINGIA emporteront capitalisation à compter du 7 février 2018 date du règlement, et à défaut à compter de la demande du 19 juin 2018.

En tout état de cause

– DEBOUTER la société AXIMA CONCEPT, la SARL EGIDE, prise en la personne de Maître [O] [I], ès-qualité de liquidateur judiciaire de la SAS FANCOIS FONDEVILLE, la SELARL [X] [S], prise en la personne de Maître [W] [S] en qualité d’administrateur judiciaire de la SAS FRANCOIS FONDEVILLE, la société FRANCAISE DE CALORIFUGE (FRANCAL) et toutes parties de toutes leurs demandes, fins et conclusions y compris au titre des dépens et de l’article 700 du CPC ;

– CONDAMNER la société AXIMA CONCEPT ou tous succombants aux dépens comprenant les frais d’expertise au profit de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL-GUEDJ, sur son offre de droit ;

– CONDAMNER la société AXIMA CONCEPT ou tous succombants au paiement d’une somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

En premier lieu, la société ALBINGIA soutient que la société AXIMA ne justifie d’aucun préjudice en l’absence de production de facture postérieures à la réalisation de travaux de reprise et que doivent être exclus du quantum des dommages les devis liés à l’exploitation du bâtiment.

La SA ALBINGIA estime que les premiers juges ont fait une mauvaise interprétation du litige en considérant que la SA AXIMA pouvait prétendre au paiement des travaux de reprise. En effet, l’appelant se prévaut du fait qu’aucune facture détaillée n’a été produite et demande par conséquent l’infirmation du jugement en ce qu’il a retenu l’estimation de 1.206.150,60 euros fixée par l’expert judiciaire. Elle sollicite en outre le rejet des devis liés à l’exploitation du bâtiment et de la maîtrise d »uvre du suivi des travaux, qui n’entrent pas dans le cadre de la police d’assurance « risques techniques », cette dernière ne pouvant, selon elle, s’analyser en une police dommage-ouvrage de préfinancement.

La SA ALBINGIA considère, au visa de l’article 1315 du Code civil, que la mobilisation des garanties du contrat Tous Risques Chantier (TRC), est conditionnée à la preuve d’un dommage entrant dans le périmètre des garanties, preuve dont la charge incombe à l’assuré. Elle soutient, au regard des stipulations de la convention spéciale applicable de la police TRC, qu’un sinistre sériel ne saurait être opposable à la concluante et que le caractère fortuit et soudain, nécessaire à l’engament de la garantie TRC, n’est pas démontré par l’assurée. La concluante estime en effet que les désordres de l’espèce ne revêtent pas le caractère fortuit et soudain du dommage et que la garantie n’est donc pas applicable au cas d’espèce.

La SA ALBINGIA invoque également, les manquements de l’assuré en ce qu’il n’a pas déclaré dans les quinze jours les circonstances nouvelles qui venaient aggraver les risques initialement couverts ; que de plus, l’assurance TRC vise à indemniser un préjudice réel ce qui exclut les dépenses qui résultent de la mise en service du bâtiment. Ainsi, elle considère la société AXIMA CONCEPT mal fondée à solliciter le montant intégral des travaux, lequel ne correspond pas à l’étendue du préjudice indemnisable.

A l’inverse la SA ALBINGIA estime que le les juges de première instance ont justement retenu l’opposabilité de la franchise contractuelle d’un montant de 25.000 euros à la SA AXIMA.

***

La SA AXIMA CONCEPT par conclusions d’intimé déposées et notifiées par RPVA le 24 mai 2024, demande à la Cour :

Vu les articles 1134 nouvellement codifié 1103 et 1104 du Code Civil, l’article 1147 nouvellement codifié 1231-1 du Code Civil, l’article 1154 devenu 1343-2 du Code Civil

Vu l’article L113-5 du Code des Assurances,

Vu l’article 515 du Code de Procédure Civile

Vu les faits de l’espèce

Vu les pièces et les jurisprudences visées ci-dessus

Vu les notes d’expertise judiciaire de Monsieur [F] ;

– DEBOUTER la société ALBINGIA de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Y AJOUTANT

– ACTUALISER le montant des sommes mises à la charge de la compagnie ALBINGIA, assureur Tous Risques Chantier Montage Essais, de par sa police Tous Risques Chantier Montage Essais (TRC) n° BW 14 00418 en l’état du coût réellement supporté par AXIMA CONCEPT pour la réalisation des travaux nécessaires pour remédier au sinistre affectant les réseaux de canalisation du système de chauffage climatisation du chantier de construction du service des maladies infectieuses de l’IHU de MARSEILLE ;

En conséquence

– CONDAMNER la société la compagnie ALBINGIA à verser à la société AXIMA CONCEPT la somme de 1.211.309,16 €HT ou à tout le moins la somme de 1.206.150,60 € correspondant au montant arrêté par l’expert judiciaire dans son rapport définitif en tout état de cause avec taux d’intérêt légal avec capitalisation des intérêts, à compter de la déclaration de sinistre soit le 5 septembre 2016 jusqu’au complet paiement ou à défaut avec taux d’intérêt légal avec capitalisation des intérêts à compter du prononcé de la décision à intervenir;

– DEBOUTER Ia société ALBINGIA de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– CONDAMNER la société ALBINGIA à payer à la société AXIMA CONCEPT, la somme de 25.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

– CONDAMNER La société ALBINGIA aux entiers dépens d’appel, compris les frais d’expertise judiciaire.

La SA AXIMA CONCEPT considère que le contrat d’assurance TRC est un contrat sur-mesure qui couvre tous les évènements à l’origine de dommages matériels aux biens assurés et dont l’indemnisation rapide par l’assureur permet une reprise du chantier au plus vite. Qu’en l’espèce, le contrat couvrait tous les intervenants au chantier, même ceux non-mentionnés dans la police et qu’elle bénéficiait donc de la garantie en tant que société intervenante au chantier. Elle estime que les stipulations de la police d’assurance TRC doivent être interprétées dans le sens le plus favorable à l’assuré et que tant l’origine et la nature des désordres que les conditions de déclaration du sinistre justifient la mise en ‘uvre de la garantie.

Ainsi, la SA AXIMA CONCEPT estime que les désordres ayant affecté le calorifugeage des canalisations constituent bien un évènement accidentel soudain, fortuit et imprévisible, la décision de première instance devant être confirmée en ce sens. Elle souligne le fait que le dommage est survenu en cours de chantier et que le montant des préjudices n’est pas contestable au vu des termes du rapport d’expertise.

Les conclusions de la société AXIMA ont été signifiées à :

– La SNC INEO PROVENCE ET COTE D’AZUR par acte du 28 mai 2024 remis à personne habilitée,

– La SARL EGIDE par acte du 28 mai 2024 remis à personne habilitée,

– Me [L] [H] prise en sa qualité de mandataire judiciaire de la SAS FRANCOIS FONDEVILLE par acte du 29 mai 2024 remis à personne habilitée,

– La SELARL [X] [S] par acte du 29 mai 2024 remis à personne habilitée,

– L’IHU DES MALADIES INFECTIEUSES ET TROPICALES par acte du 30 mai 2024 remis à personne habilitée,

– La SCP CBF ASSOCIES en qualité d’administrateur judiciaire de la SAS FRANCOIS FONDEVILLE par acte en date du 31 mai 2024 donnant lieu à un PV de carence.

La SARL FRANCAL, par ses dernières conclusions notifiées le 14 septembre 2018 demande à la Cour de :

Vu les articles 1103 et suivants du Code civil,

– Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et y ajoutant condamner l’appelante au paiement d’une somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens afférent à la présente procédure d’appel distraits au profit de Me Fabien BOUSQUET.

Elle fait valoir que le dommage survenu sur le réseau d’eau glacée doit bien s’appréhender comme un dommage accidentel entrant dans le champ de la garantie et qu’il n’est pas nécessaire que ce dommage soit uniforme dans sa manifestation en un seul temps et en un seul lieu et qu’un tel dommage peut avoir pour origine une faute de l’homme. Selon la société FRANCAL, l’assureur ne démontre que les causes d’exclusions qu’il invoque soient applicables et qu’elle ne justifie pas des manquements qu’elle impute à la société AXIMA au titre du respect des termes du contrat ou de la déclaration de sinistre.

***

Par courrier électronique en date du 7 décembre 2023, Me [K], (SELARL JURISBELAIR) a indiqué au Conseiller de la mise en état qu’il n’interviendrait pas dans les intérêts des liquidateurs de la société FRANCOIS FONDEVILLE, lesquels ne disposaient pas de fonds suffisants.

La SCP CBF ASSOCIES, la SELARL EGIDE, la SELARL [X] [S], la FONDATION MEDITERRANEE INFECTION, la société INEO PROVENCE ET COTE D’AZUR et le syndicat IHU DES MALADIES INFECTIEUSES ET TROPICALES n’ont pas constitué avocat et ne sont pas intervenus en cause d’appel.

***

L’affaire a été clôturée par ordonnance du conseiller de la mise en état du 27 mai 2024 et appelée en dernier lieu à l’audience du 25 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande principale :

Dans le cadre du chantier mentionné supra, il a été découvert au cours de l’année 2016 que les canalisations installées par la société AXIMA (titulaire du lot fluide / plomberie / désenfumage) avaient été accidentellement détériorées par le calorifuge posé par la société FRANCAL à laquelle elle avait confié la réalisation de cette tâche, le phénomène étant lié à une déformation du calorifuge donnant lieu à une condensation sur les canalisations froides et à une altération de l’acier des tuyauteries.

Dans le cadre de la première instance, l’action engagée par la société AXIMA avait donc pour objet de faire dire que son assureur ALBINGIA devait sa garantie au titre de ce sinistre affectant le réseau de canalisation et d’obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 1.206.150,60€ HT.

Le Tribunal de commerce de MARSEILLE a ainsi considéré applicable la garantie de la compagnie ALBINGIA au bénéfice de la société AXIMA ENGIE, au titre de ce sinistre affectant le réseau d’eau glacée et l’a condamnée au paiement de la somme de 1.181.150,60€ en principal. Le Tribunal a considéré que le sinistre en question présentait bien un caractère soudain et fortuit répondant aux conditions de la mise en garantie.

Des pièces produites, il ressort en effet que la police d’assurance tous risques chantier a été souscrite auprès de la société ALBINGIA par l’entreprise société FONDEVILLE en sa qualité de mandataire du groupement d’entreprises. Le contrat a été souscrit avec effet au 2 janvier 2014. Un premier avenant a prolongé les garanties du 1er avril au 31 août 2016. Un second avenant a prolongé les garanties du 31 août au 31 octobre 2016.

La société ALBINGIA conteste la décision du Tribunal de commerce en se fondant sur l’absence de préjudice subi par la SA AXIMA CONCEPT et sur l’absence de mobilisation du contrat précité.

– Sur l’absence de préjudice de la société AXIMA :

Selon l’assureur ALBINGIA, la société AXIMA ne justifie pas d’avoir subi un préjudice et relève que celle-ci n’a produit aucune facture acquittée relative à ces travaux de reprise qui n’ont fait que l’objet d’un chiffrage estimatif par l’expert, lequel ne pouvait pas être validé par le Tribunal. L’assureur conclut également au rejet des devis liés à la mise en exploitation du bâtiment dès lors que l’assurance TRC couvre des dommages qui surviennent en cours de travaux et non pas des frais d’exploitation. Elle conclut également au rejet de devis relatifs à la maîtrise d »uvre et au suivi des travaux en se prévalant également de l’absence de règlement de factures d’honoraires par la société AXIMA.

En réponse, la société AXIMA expose que le coût des travaux qui ont dû être accomplis à la suite du sinistre a bien été justifié auprès de l’expert et chiffré par ce dernier. D’une part, elle fait valoir que la société ALBINGIA a reconnu dans ses dernières écritures que les travaux de reprise avaient été réalisés et réceptionnés ; qu’en outre, elle a également reconnu cette situation dans l’assignation à comparaître qu’elle a fait délivrer à la société OUEST ISOL devant le Tribunal judiciaire de PARIS.

La question des préjudices subis est abordée dans le rapport de l’expert judiciaire. Ce rapport objective la réalité des désordres survenus, lesquels consistent en des oxydations de tuyaux de façon généralisée (affectant l’ensemble de l’installation) ne permettant pas de réparation simple et constituant en outre une zone de développement bactériologique inapproprié dans un hôpital ; une impropriété à la destination a donc été retenue. Au titre des conséquences et de la nature des travaux à entreprendre pour remédier aux désordres, l’expert mentionne que « ainsi que cela était nécessaire tous les calorifuges de type coquilles de mousse ont été remplacés dans l’ensemble du bâtiment. Il faut retenir que ces travaux n’ont été engagés qu’après l’emménagement et la mise en service de l’IHU » (rapport p.84).

Après prise en compte des devis produits et des dires des parties, l’expert a retenu un coût des travaux de 1.206.150,60€, soit légèrement inférieur au montant proposé par la société AXIMA compte tenu de divergences sur quelques postes de travaux. L’expert précise, s’agissant des préjudices subis qu’il n’y a pas eu de demande autre que le coût des travaux de reprise « réalisés aux frais avancés d’AXIMA » (rapport p.91). Il est à noter que ce point n’a pas fait l’objet de contestations à l’occasion de la formulation des dires.

Dès lors, de ces éléments il ressort que les désordres qui ont été constaté ont de façon non contestable provoqué un préjudice engendré par la nécessité de remplacer les calorifuges sur l’ensemble du bâtiment ; le rapport mentionne bien que ces travaux de reprise ont été réalisés par la société AXIMA et les a estimés à la somme indiquée ci-dessus.

En conséquence, il est justifié de l’existence d’un préjudice reconnu par l’expert dans son principe et dans son montant. Afin de remettre en cause la réalité de ce préjudice, la société ALBINGIA se limite à soutenir que la société AXIMA n’a pas produit les factures définitives qui ont été émises par les sociétés ayant procédé à ces travaux de reprise et que les devis sur lesquels sont fondés l’estimation des travaux de reprise sont discutables. Cette dernière oppose cependant à juste titre qu’il n’est pas démenti que ces travaux ont bien été réalisés.

Il en résulte que le préjudice de cette société n’est pas contestable à tout le moins dans son principe, ce moyen ne pouvant donc être retenu.

– Sur l’application de la garantie :

Est applicable entre les parties un contrat « branche : risques techniques » souscrit par la SA FONDEVILLE n°BW 14 00418 avec effet au 2 janvier 2014 et applicable aux entreprises participant à l’exécution des travaux. L’acte de souscription précise que « les garanties de la formule de base s’exercent conformément à nos Conditions Générales Risques Techniques et nos Convention Spéciales Montage-Essais Tous Risques Chantiers. Elles peuvent être modifiées par les éventuelles spécification ou exclusions complémentaires ci-après ».

L’article 3 des Conventions Spéciales Montage-essais, tous risques chantiers relatif à l’étendue de l’assurance indique que « la garantie s’applique, sous réserve des exclusions prévues à l’article 7, à tout bris, destruction ou perte, soudain et fortuit, des biens assurés ». Il n’est pas contesté que ces Conventions (auxquelles renvoie l’acte de souscription) s’appliquent bien au contrat souscrit ; elles sont bien constitutives du contrat comme cela est indiqué dans les conditions générales. En outre cette clause qui définit le périmètre de la garantie ne saurait s’appréhender comme une clause d’exclusion de garantie comme le soutient la société FRANCAL, ces exclusions étant expressément envisagées dans l’article 7 du contrat.

Sont assurés au titre de ce contrat « les objets, installations, machines, ensembles ou complexes de production ou de fabrication, réalisation d’ingénierie ou de génie civil de tous ordres, y compris les matériaux objets du marché défini et destinés à devenir partie intégrante de l’ouvrage, les ouvrages provisoires y afférents, l’équipement et les matériels de chantier, pour autant que leur valeur soit incluse dans la somme assurée ».

La société ALBINGIA considère qu’il n’est pas démontré que les faits du sinistre entrent dans la garantie du contrat d’assurance. Elle fait valoir que n’est pas établie l’existence d’un dommage matériel précis et localisé qui empêcherait la réception des travaux. Elle se prévaut de l’article 7 des Conventions Spéciales relatif aux exclusions qui exclut :

« 7.1.1 ‘ Les dommages résultant d’une façon normalement prévisible et inéluctable de la nature même de l’activité de l’Assuré ou des modalités d’exécution des travaux.

7.1.2 ‘ Les dommages causés par l’inobservation inexcusable des règles de l’art définit par les documents techniques élaborés par les organisations professionnelles, lorsque cette inobservation est le fait de l’Assuré.

(‘)

7.1.4 ‘ Les dommages résultant de l’usure ou de l’action progressive d’agents destructeurs, de corrosion, d’oxydation, de vieillissement, de la détérioration provenant d’une altération de substance, de dépôts de rouille, de tartres, de boue, même si l’évènement initial avait eu un caractère accidentel.

(‘)

7.1.6 ‘ Tous les frais, quels qu’ils soient, qui seraient engagés pour rechercher ou supprimer des défauts ou pour rectifier des vices de plan ou pour mettre les biens faisant l’objet des garanties du contrat en conformité avec les spécifications techniques du marché ou du cahier des charges ou pour apporter à ces biens une modification ou un perfectionnement quelconque, étant entendu que, pendant la période de garantie définie à l’article 6.1, les dommages soudains ou fortuits qui seraient directement consécutifs à ces défauts ou vis de plans sont bien couverts.

(‘)

7.1.9 ‘ Les frais supplémentaires de quelque nature qu’ils soient, entrainés par des améliorations ou des changements apportés à l’occasion d’un sinistre indemnisable, ainsi que les frais engagés voit la suppression d’une malfaçon n’ayant pas entraîné de dommage accidentel. »

Pour l’assureur, en l’absence de caractère soudain et fortuit du sinistre, la garantie n’est pas applicable.

La nature des désordres telle qu’elle a été relevée par l’expert a été rappelée ci-avant. La mise en service des canalisations d’eau glacée a eu lieu en avril 2016 et les désordres sont apparus dans l’été 2016. Ils sont imputés par l’expert à la conception du dispositif et aux conditions de pose des équipements calorifuges. Il est certain, comme le soutient la société AXIMA que le réseau de canalisation affecté par les désordres constitue bien un ouvrage entrant par sa nature dans le périmètre de la garantie

Selon ALBINGIA, la garantie n’est toutefois pas applicable dès lors que les conditions prévues par l’article 3 des Conventions Spéciales impose que le dommage sur les biens assurés présente un caractère soudain et fortuit. Elle fait valoir qu’au contraire, il s’agit d’un dommage sériel résultant d’une déformation progressive dans le temps et que la société AXIMA n’apporte aucun élément permettant de démontrer qu’il est satisfait à ces conditions de soudaineté et de fortuité.

L’assurance tous risques chantiers souscrite au profit de l’ensemble des intervenants sur une opération de construction offre des garanties dont l’étendue est contractuellement déterminée par les contractants. En l’espèce, il convient de souligner que la mise en service des installations a eu lieu en avril 2016 et que les désordres sont apparus au cours de l’été 2016 sous la forme de dégâts des eaux et de coulures d’eau. L’expert précise dans son rapport que ces désordres se présentent sous la forme d’un décollement du rabat, d’un écartement permanent des coquilles, de la présence d’eau liquide sur les tuyaux et une oxydation de ces derniers. Les facteurs de ces désordres tiennent essentiellement aux conditions de pose. En effet, il est indiqué en p.82 du rapport que « les défauts de pose sont nombreux et ils ont une incidence prépondérante sur l’apparition du sinistre. En l’absence de tous ces écarts et par rapport à la préconisation et au règlement, le sinistre aurait été nettement moins important. Le défaut de conception et de fourniture nous parait secondaire. Il est du même niveau que le défaut de surveillance de la qualité des travaux ».

Il s’évince de ce rapport d’expertise que les désordres sont la conséquence d’un phénomène de condensation imputable à une mauvaise installation des calorifuges sur le réseau d’eau glacée. Cette condensation donne lieu à une accumulation d’eau liquide, cause des écoulements et de l’oxydation des tuyaux. Selon les termes du rapport, les désordres s’appréhendent donc comme la conséquence inévitable d’une évolution défavorable de ce phénomène de condensation trouvant son origine dans les conditions de pose du calorifuge. Ces désordres se sont manifestés quelques mois après la mise en service. Les conclusions de l’expert ne permettent pas de retenir l’existence d’un caractère soudain et fortuit du dommage ou des conditions de son apparition. Ainsi, en p.95 du rapport, lors des réponses aux dires, au dire visant à voir « préciser le caractère soudain et fortuit des dommages », l’expert répond par l’observation suivante : « nous répondons à notre mission en détaillant l’origine, les causes et l’étendue des désordres et malfaçons ». Par ailleurs, l’observation selon laquelle « le calorifuge qui protège des canalisations d’eau glacées a tendance à s’ouvrir à la jonction entre demi-coquilles » (rapport p.9) ne peut que confirmer ce caractère évolutif et non pas soudain du dommage.

Dès lors, l’argument de la société AXIMA selon lequel l’ouverture « inopinée » des coquilles du calorifugeage des canalisation constituerait un évènement soudain et fortuit ne saurait prospérer ; la destruction soudaine et fortuite des tuyauteries dont elle se prévaut n’est pas davantage objectivée par les conclusions de l’expert.

Or, il est constant que la police d’assurance litigieuse pose en son article 3 comme condition à l’application des garanties la survenance d’un évènement dommageable pouvant être qualifié de fortuit et soudain. Au sens de ces dispositions, un dommage ne peut être considéré comme soudain que s’il se manifeste de manière brutale et ponctuelle. A ce titre, les conséquences d’un défaut d’exécution dans la pose de ces calorifuges qui ont évolué, selon la description faite par l’expert, vers un phénomène de condensation et d’oxydation du réseau ne sauraient en l’espèce être qualifiées de fortuites et de soudaines.

Au vu de ces éléments, il y a donc lieu de considérer que le contrat d’assurance risques techniques ‘ tous risques chantiers souscrit auprès de la Cie d’assurances ALBINGIA n’est pas applicable au sinistre. La décision du Tribunal de commerce sera infirmée en toutes ses dispositions et la société AXIMA Sera déboutée de l’ensemble de ses prétentions formées au titre de l’application du contrat n° BW 14 00418.

Sur les demandes annexes :

Compte tenu de la solution du litige, il convient de condamner la société AXIMA à payer à la société ALBINGIA la somme de 3.500€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

La société AXIMA et la SARL FRANCAL seront déboutées de leurs prétentions formulées ce fondement.

La société AXIMA sera en outre condamnée aux entiers dépens de l’instance comprenant les frais de l’expertise judiciaire.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant par défaut, par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 29 janvier 2018, sauf en ce qu’il a déclaré recevable l’action de la société AXIMA CONCEPT SA à l’encontre de son assureur, et la société ALBINGA compagnie d’assurance SA, la société FRANCOIS FONDEVILLE SAS, la société INEO PROVENCE et COTE D’AZUR et la société FRANCAISE DE CALORIFUGE (FRANCAL) SARL en leur intervention forcée ;

Statuant à nouveau,

Déboute la SA AXIMA CONCEPT de ses demandes dirigées contre la SA ALBINGIA au titre du contrat d’assurance tous risques chantier (TRC) identifié par le n° BW 14 00418 ;

Déboute la SARL FRANCAL de ses prétentions ;

Y ajoutant,

Condamne la SA AXIMA CONCEPT à payer à la SA ALBINGIA la somme de 3.500€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la SA AXIMA CONCEPT sera aux entiers dépens de l’instance comprenant les frais de l’expertise judiciaire.

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Madame Patricia CARTHIEUX, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


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