Responsabilité et Garanties dans le Cadre d’une Opération de Construction : Éclaircissements sur les Obligations des Parties Impliquées

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Responsabilité et Garanties dans le Cadre d’une Opération de Construction : Éclaircissements sur les Obligations des Parties Impliquées

La SCCV HILDEVERT a lancé en 2010 un projet de construction de quatre logements, avec un contrat de maîtrise d’œuvre signé avec la Sarl CET. La réception des travaux a eu lieu le 17 décembre 2010, mais avec des réserves concernant l’absence d’enduit sur un pignon. Madame [T] a acheté un appartement dans cet ensemble, qui a été livré le 1er avril 2011. Après des infiltrations constatées par les locataires, une action en justice a été engagée contre Madame [T] pour obtenir des indemnités. Madame [T] a ensuite cité la SCCV HILDEVERT et la Sarl CET en responsabilité. Un jugement du 15 avril 2019 a condamné Madame [T] à indemniser les locataires et a ordonné des travaux, tout en garantissant à Madame [T] le remboursement des condamnations par la SCCV HILDEVERT et la Sarl CET. Des appels ont été interjetés, et la cour d’appel a confirmé certaines décisions tout en ordonnant des réouvertures de débats pour clarifier les responsabilités. Les parties ont formulé diverses demandes d’indemnisation et de garantie, avec des décisions successives sur les responsabilités et les indemnités à verser. La cour a finalement condamné la Sarl CET à garantir la SCCV HILDEVERT pour les sommes dues à Madame [T].

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

4 octobre 2024
Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion
RG
22/00416
ARRÊT N°24/

PC

R.G : N° RG 22/00416 – N° Portalis DBWB-V-B7G-FVQV

[T]

C/

Société SCCV HILDEVERT

S.A.R.L. CET (CONSEIL ETUDES TRAVAUX)

COUR D’APPEL DE SAINT – DENIS

ARRÊT DU 04 OCTOBRE 2024

Chambre civile TI

Appel d’une décision rendue par le TRIBUNAL D’INSTANCE DE SAINT DENIS en date du 15 AVRIL 2019 suivant déclaration d’appel en date du 08 AVRIL 2022 RG n° 14-000770

APPELANTE :

Madame [U] [T]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Nicole COHEN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉES :

Société SCCV HILDEVERT

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me Jean Pierre LIONNET, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

S.A.R.L. CET (CONSEIL ETUDES TRAVAUX)

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me Tania LAZZAROTTO, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DATE DE CLÔTURE : 22/02/2024

DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 05 Juillet 2024 devant Monsieur CHEVRIER Patrick, Président de chambre, qui en a fait un rapport, assisté de Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l’issue des débats, que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 04 Octobre 2024.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre

Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère

Conseiller : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère

Qui en ont délibéré

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 04 Octobre 2024.

* * *

LA COUR

La SCCV HILDEVERT a entrepris courant 2010, la réalisation d’une opération de construction d’un ensemble immobilier composé de quatre logements, dans le cadre de laquelle un contrat de maîtrise d »uvre d’exécution a été conclu avec la Sarl CET (Conseil Étude Travaux). La réception a été prononcée avec réserves le 17 décembre 2010, s’agissant précisément de l’absence de l’enduit du pignon mitoyen.

Madame [T] a acquis un de ces appartements, situé [Adresse 1] à [Localité 5], auprès de la SCCV HILDEVERT qui avait réceptionné l’ouvrage le 17 décembre 2010, avec comme réserve l’absence d’enduit et d’imperméabilisation du mur pignon nord.

L’appartement a été livré le 1er avril 2011, confié en gestion à l’OFIM par Madame [T].

Le logement a été loué à Monsieur [Z]. Ayant constaté des infiltrations dans le logement loué, Monsieur [V] [Z] et Madame [N] [O], par acte d’huissier en date du 15 juillet 2014, ont saisi le tribunal d’instance de Saint-Denis de la Réunion, aux fins d’obtenir la condamnation de Madame [U] [T], leur bailleresse, à les indemniser pour différents préjudices subis, ordonner la consignation du paiement des loyers et la suspension du paiement de ceux-ci sous bénéfice de l’exécution provisoire.

Par acte d’huissier en date du 9 janvier 2015, Madame [U] [T] a fait citer la SCCV HILDEVERT, la Sarl CET et Madame [Y] [K], sa voisine, afin que ces deux sociétés soient déclarées responsables des préjudices subis, que Madame [Y] [K] soit déclarée responsable dans la mesure où elle refuse l’accès à sa propriété et que son attitude est à l’origine des désordres, Condamner ces trois personnes à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre, puis d’ordonner une expertise.

Par jugement avant dire droit du 20 avril 2015, le tribunal a ordonné une expertise aux frais de Madame [U] [T], rectifié par la suite en raison d’une erreur matérielle.

Le rapport d’expertise a été déposé le 3 juin 2016.

Par jugement du 15 avril 2019, le tribunal d’instance de Saint-Denis a:

-Ordonné à Madame [Y] [K] de laisser passer les ouvriers dûment mandatés par la SCCV HILDEVERT pour effectuer les opérations mentionnées au point 5.6 travaux à mettre en ‘uvre en cas d’accord de passage du rapport d’expertise de monsieur [I] sous astreinte,

-Dit qu’à défaut pour Madame [Y] [K] d’avoir laissé sa parcelle accessible aux ouvriers aux dates (trois journées maximum à la suite de 9h à 17h30) mentionnées dans une sommation d’huissier délivrée par la SCCV HILDEVERT, sommation délivrée postérieurement à la signification de la présente décision, Madame [Y] [K] sera redevable d’une astreinte provisoire fixée à 200 euros par jour de retard pendant un délai de 6 mois,

-Rappelé que Monsieur [V] [Z] et Madame [N] [O] devront également libérer l’accès au logement loué afin de permettre les travaux de reprise d’intérieur, selon des modalités à voir avec cette société,

-Rappelé que les ouvriers devront remettre la parcelle en état à la fin des travaux et que seul le strict nécessaire à la réalisation de l’enduit pourra être entreposé sur la parcelle,

-Dit que le tribunal se réserve la liquidation de l’astreinte provisoire,

-Débouté Madame [N] [O] de ses demandes,

-Condamné Madame [U] [T] au paiement à Monsieur [V] [Z] 12 000 euros au titre du préjudice de jouissance et 2 871 euros au titre du préjudice matériel arrêté au 30 juillet 2018 avec intérêt au taux légal à compter de la date du présent jugement,

-Dit que la Sarl CET et la SCCV HILDEVERT devront intégralement garantir en principal, frais et accessoires (hors article 700 du code de procédure civile) Madame [U] [T] des condamnations prononcées à son encontre au titre des troubles de jouissance et du préjudice matériel subi par Monsieur [Z] arrêtées à la date du présent jugement à concurrence de la moitié des sommes chacun, sans action récursoire de l’une société sur l’autre,

-Enjoint à Madame [U] [T] de procéder aux travaux mentionnés au point 5.6 de l’expertise (hypothèse: en cas d’accord de passage dans la propriété de Madame [Y] [K]), si la SCCV HILDEVERT n’exécute pas spontanément les obligations qui sont les siennes en qualité de maître de l’ouvrage,

-Condamné Madame [U] [T] au paiement d’une somme de 3 000 euros à Monsieur [V] [Z] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-Condamné la Sarl CET au paiement à Madame [U] [T] d’une somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

-Condamné la SCCV HILDEVERT au paiement à Madame [U] [T] d’une somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

-Condamné la Sarl CET et la SCCV HILDEVERT in solidum aux entiers dépens qui comprendront les frais d’expertise judiciaire,

-Débouté les parties du surplus de leurs demandes,

-Ordonné l’exécution provisoire de ces dispositions.

Par déclarations déposées au greffe de la cour d’appel par RPVA respectivement le 19 août 2019 et le 26 août 2019, Madame [U] [T] et la SCCV HILDEVERT ont interjeté appel du jugement précité. Par ordonnance sur incident du 10 novembre 2020, la jonction des procédures enregistrées sous les numéros de RG 19/2311 et 19/2411 a été ordonnée.

Par arrêt mixte en date du 8 avril 2022, la cour d’appel de Saint Denis a :

-Déclaré irrecevable la demande en garantie de Madame [T] à l’égard de Madame [K];

-Ordonné la disjonction des instances entre les demandes de Monsieur [Z] dirigées contre Madame [U] [T] sous le RG 19/2311 et les appels en garantie de Madame [U] [T] à l’encontre de la SCCV HILDEVERT et la Sarl CET SOUS RG 22/416;

Sur le litige opposant Madame [T] à Monsieur [Z]:

-Confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf sur le montant du préjudice matériel alloué à Monsieur [V] [Z];

Statuant à nouveau sur ces chefs infirmés,

-Condamné Madame [U] [T] à payer à Monsieur [V] [Z] la somme de 1.447,95 euros au titre de son préjudice matériel;

-Condamné Madame [U] [T] à payer à Monsieur [V] [Z] une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

-Condamné Madame [U] [T] aux dépens de Monsieur [V] [Z];

Sur le litige opposant Madame [U] [T] à la SCCV HILDEVERT et la Sarl CET:

-Ordonné la réouverture des débats afin d’inviter Madame [U] [T] à préciser le fondement juridique de ses appels en garantie à l’encontre des deux sociétés et ce avant le 1er avril 2022;

-Autorisé la SCCV HILDEVERT et la Sarl CET à répliquer sur ces fondements juridiques une fois exposés par l’appelante avant le 1er juin 2022;

-Renvoyé l’affaire à l’audience de plaidoirie en rapporteur du 17 juin 2022 à 8 heures 30.

Puis, par nouvel arrêt avant dire droit en date du 7 octobre 2022, la cour, constatant que

Madame [T], la Sarl CET et la SCCV HILDEVERT n’avaient pas formulé d’observations depuis l’arrêt mixte du 08 février 2022, a statué en ces termes :

« REVOQUE l’ordonnance de clôture ;

ORDONNE la réouverture des débats afin permettre aux parties de :

-produire l’acte authentique signé entre la SCCV HILDEVERT et Madame [T] ainsi que le descriptif contractuel de l’immeuble et le certificat d’achèvement des travaux afin de déterminer le régime des garanties applicables ;

-formuler toutes observations utiles sur le fondement juridique des appels en garantie avant le 30 novembre 2022 ;

RENVOIE à l’audience de mise en état du 26 Janvier 2023 ;

RESERVE les demandes. »

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Dans ses dernières conclusions datées du 20 juin 2023, Madame [T] demande à la cour de :

« CONDAMNER IN SOLIDUM la SARL CET et de la SCCV HILDEVERT de l’ensemble des condamnations au profit de Mademoiselle [T],

LES CONDAMNER à la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,

CONDAMNER les intimés au paiement de la somme de 5000 euros en application de l’article 700 du CPC outre les entiers dépens. »

***

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 12 février 2024, la Sarl CET (CONSEIL ETUDE TRAVAUX) demande à la cour de:

« INFIRMER le jugement du 15 avril 2019 en ce qu’il a retenu la responsabilité de la SARL CET et l’a condamnée à garantir Madame [U] [T] ;

JUGER que Madame [U] [T] et la SCCV HILDEVERT sont défaillantes dans l’administration de la preuve d’un manquement fautif de la SARL CET qui serait à l’origine d’un préjudice qu’elles auraient subi ;

En conséquence,

DEBOUTER Madame [U] [T] ainsi que la SCCV HILDEVERT de toutes leurs demandes formulées à l’encontre de la SARL CET ;

A TITRE SUBSIDIAIRE

CONDAMNER la SCCV HILDEVERT, ainsi que Madame [Y] [K], à relever et garantir la SARL CET des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE:

CONDAMNER Madame [U] [T] et la SCCV HILDEVERT à payer à la SARL CET la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens. »

***

Dans ses conclusions notifiées par RPVA du 21 novembre 2019, dans l’instance 19/2411 avant jonction et avant arrêt de réouverture des débats du 08 avril 2022, sans nouvelles écritures depuis, la SCCV HILDEVERT demande à la cour de :

« Infirmer le jugement dont appel en ses dispositions critiquées et statuant à nouveau de ces chefs,

Condamner la Sarl CET à garantir et relever indemne la SCCV HILDEVERT de toutes condamnations qui viendraient à être prononcées à son encontre en sa qualité de maître de l’ouvrage,

En tout état de cause,

Débouter Madame [T] de ses demandes dirigées contre la SCCV HILDEVERT,

-Condamner la Sarl CET et Madame [T] in solidum à payer à la SCCV HILDEVERT la somme de 2.000 € ainsi que les dépens. »

***

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées, figurant au dossier de la procédure, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n’examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions.

Elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire et juger » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

Sur le périmètre de l’appel après disjonction :

Depuis l’arrêt mixte du 8 avril 2022, la demande en garantie de Madame [T] à l’égard de Madame [K] a été déclarée irrecevable. La disjonction a été ordonnée entre les instances opposant Monsieur [Z] à Madame [U] [T] et les appels en garantie de Madame [U] [T] à l’encontre de la SCCV HILDEVERT et la SARL CET sous RG 22/416.

S’agissant du litige opposant Madame [T] à Monsieur [Z], la cour a confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf sur le montant du préjudice matériel alloué à Monsieur [V] [Z], fixé désormais à la somme de 1.447,95 euros au titre de son préjudice matériel, outre une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Madame [T] doit donc payer à Monsieur [V] [Z] la somme de 12.000 euros au titre du préjudice de jouissance et de 1.447,95 euros au titre du préjudice matériel arrêté au 30 juillet 2018 avec intérêt au taux légal à compter de la date du jugement, outre l’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Il reste à juger dans la présente procédure après disjonction, l’appel en garantie de Madame [U] [T] à la SCCV HILDEVERT et à la SARL CET.

Subsidiairement, la SARL CET appelle en garantie la SCCV HILDEVERT, ainsi que Madame [Y] [K], qui n’aurait pas été mise hors de cause par l’arrêt mixte du 8 avril 2022.

Sur les appels en garantie de Madame [T] :

Le jugement querellé a jugé que la SARL CET et la SCCV HILDEVERT sont tenues à la garantie intégrale des sommes mises à la charge de Madame [U] [T], hors article 700 du code de procédure civile, à concurrence de la moitié des sommes chacune, sans action récursoire de l’une société sur l’autre.

Concluant à l’infirmation de ce chef du jugement querellé, la SARL CET invoque l’absence de manquement fautif et le fondement juridique quasi délictuel invoqué à tort par Madame [T]. Elle plaide que Madame [T], ainsi que la SCCV HILDEVERT, sont défaillantes dans l’administration de la preuve d’une faute de la SARL CET qui serait en lien avec un préjudice qu’elles auraient subi.

Madame [U] [T] sollicite la condamnation de la SCCV HILDEVERT et de la SARL CET à la garantir des condamnations prononcées contre elles en sa qualité de bailleresse de Monsieur [Z]. Elle plaide que la raison des actions faites à l’encontre de Mme [T] par son locataire, Monsieur [Z], tient uniquement au fait que son appartement est situé au niveau du mur pignon de l’immeuble lequel n’a pas été étanché par la SARL CET et que la SCCV HILDEVERT parfaitement informée de cette absence d’ouvrage a procédé à la livraison des appartements dont celui de Madame [T] lequel allait irrémédiablement subir des infiltrations.

Elle invoque le second rapport d’expertise établi par Monsieur [I] lequel souligne les manquements de la SCCV HILDEVERT envers les acquéreurs dont Mme [U] [T] mais également la responsabilité contractuelle existante entre la SCCV HILDEVERT et La SARL CET.

Elle précise que les travaux ont été effectués depuis lors et les sommes réglées par Mme [T] à Monsieur [Z] et par la SARL CET à Mme [T] uniquement pour la partie mise à sa charge.

Sur ce,

Vu l’article 954 du code de procédure civile,

Il est nécessaire de rechercher l’origine et l’imputabilité des désordres subis dans l’appartement que Madame [T] a donné en location à Monsieur [Z].

Le rapport d’expertise de Monsieur [I], en date du 3 juin 2016, versé aux débats par la SARL CET (Pièce N° 1), conclut notamment que :

. L’appartement numéro 1, acquis par Madame [T] a été livré le 1er avril 2011 sans que l’inachèvement du revêtement du pignon n’ait été signalé dans le PV de livraison.

. L’origine principale des désordres provient d’un inachèvement d’enduit et d’imperméabilisation de l’ensemble du pignon nord de la résidence, érigé en limite mitoyenne avec la parcelle d’une riveraine de l’immeuble, Madame [Y] [K].

. Des pourparlers et négociations, en cours de chantier ont bien eu lieu entre les parties (société CCBA, SARL CET, SCCV HILDVERT et Madame [K]) pour obtenir un droit de passage « tour d’échelle » afin de réaliser cette prestation, en vain. (pages 32 et 33 du rapport).

La SARL CET a admis avoir été chargée d’une mission de maîtrise d »uvre d’exécution pour la réalisation de l’opération SCCV HILDEVERT.

Madame [T] a acquis ce bien auprès de la SCCV HIDEVERT ;

Ainsi, l’appelante est en droit d’agir à l’encontre de la SCCV HILDEVERT en qualité de venderesse, mais aussi de promoteur constructeur de l’immeuble tandis qu’elle peut agir contre le maître d »uvre sur un fondement quasi délictuel dès lors que la SARL CET aurait manqué à son obligation contractuelle envers la SCCV HILDEVERT.

Or, le rapport d’expertise établit l’origine et les causes des désordres ayant affecté l’appartement acquis par Madame [T].

Il s’agit d’une mauvaise exécution ou de l’inachèvement d’enduit et d’imperméabilisation de l’ensemble du pignon nord de la résidence, imputable à la maîtrise d »uvre qui n’a pas relevé la mauvaise réalisation des travaux, mais aussi imputable à la SCCV HILDEVERT en vertu de son obligation de venderesse du bien immobilier à l’égard de Madame [T], ce qu’elle a évoqué dans ses dernières écritures (page 2).

La SCCV HILDEVERT oppose à Madame [T] s’agissant des vices et défauts apparents la forclusion de son action en invoquant le régime des garanties spécifiques des ventes d’immeuble à construire ainsi que les dispositions des articles 1642-1 et 1648 alinéa 2 du code civil.

Toutefois, elle est mal fondée à soutenir que le défaut d’imperméabilisation du pignon pouvait être apparent aux yeux de Madame [T] qui n’a aucune compétence dans le domaine de la construction.

En conséquence, le jugement querellé doit être confirmé sur la responsabilité de la SARL CET et de la SCCV HILDEVERT à l’égard de Madame [T].

Son appel en garantie à l’égard des deux sociétés est donc bien fondé.

Le jugement querellé sera confirmé de ce chef.

Sur les appels en garantie respectifs de la SCCV HILDEVERT à l’encontre de la SARL CET :

La SARL CET rappelle que l’expert a noté que le désordre D1 « Infiltration généralisée au niveau de la Chambre NORD- Cueillie de plafond et mur pignon », entraîne une impropriété à destination mais était apparent et réservé à la réception (cf annexe n° 36 du rapport d’expertise).

Elle en déduit que sa responsabilité ne saurait se déduire de la prétendue qualité de «chef d’orchestre’ » de l’opération de construction, ce d’autant plus qu’en l’espèce l’origine des désordres provient de l’absence d’ouvrage d’une entreprise. D’autre part, il appartient à l’expert judiciaire de déterminer la responsabilité des locateurs d’ouvrage d’un point de vue strictement technique, ce qui fait clairement défaut en l’espèce. Elle rappelle que l’architecte est dépourvu de tout moyen de coercition à l’encontre des entreprises et n’est pas habilité à donner directement des ordres à l’entrepreneur ou à lui imposer des choix de techniques ou de matériaux.

Enfin, selon la SARL CET, les désordres déplorés dans l’appartement de Madame [U] [T] sont dus à une non-finition de l’ouvrage incombant à la Société CCBA, à savoir l’absence d’étanchéité du mur pignon mitoyen à la propriété de Madame [Y] [K].

La SCCV HILDEVERT soutient que la responsabilité contractuelle de la Sarl CET est pleinement engagée pour un manquement à ses obligations contractuelles et à son devoir de conseil vis-à-vis du maître de l’ouvrage.

Sur ce,

Vu les articles 1134, 1147, 1792-1 et suivants du code civil, dans leur version applicables à la cause ;

Il est acquis que la SARL CET avait été chargée d’une mission de maîtrise d »uvre d’exécution par la SCCV HILDEVERT, tel que cela résulte du contrat figurant en annexe N° 30 du rapport d’expertise.

Parmi les missions de la SARL CET figure celle d’assistance aux opérations de réception et de direction de l’exécution des travaux (page 3 du contrat). Dans la phase AOR (page 6 du marché), la SARL CET était chargée des opérations préalables à la réception, de la levée des réserves, de la réception des travaux.

Selon le procès-verbal de réception du 17 décembre 2010, la SARL CET a prononcé la réception de l’ouvrage avec réserves. Parmi celles-ci, elle a exigé la reprise de l’enduit de la cloison de l’appartement 1 (celui de Madame [T]) mais n’a pas vérifié la qualité de l’étanchéité du pignon ni l’achèvement des travaux d’imperméabilisation du mur.

Elle a ainsi manqué à son obligation contractuelle à l’égard du maître de l’ouvrage en s’abstenant d’exercer un contrôle suffisant sur l’exécution des travaux confiés à la société CCBA qui n’est pas dans la cause.

La SCCV HILDEVERT est donc bien fondée à réclamer la garantie de la SARL CET.

Le jugement querellé sera infirmé de ce chef.

La SARL CET sera tenue de garantir l’ensemble des condamnations de la SCCV HILDEVERT.

Sur l’appel en garantie de la SARL CET à l’encontre de Madame [Y] [K] :

Le tribunal a débouté la SARL CET de cette prétention mais a autorisé la SCCV HILDEVERT et toute entreprise dûment mandatée par celle-ci, sous astreinte, à obtenir le passage sur le terrain da Madame [Y] [K] et l’installation de tous les équipements utiles et démontables (‘)

La SARL CET fait valoir que la situation actuelle de désordres généralisés est uniquement due à un refus de Madame [Y] [K] de permettre aux entreprises d’achever l’ouvrage. Elle devrait donc assumer les conséquences indemnitaires du sinistre affectant l’appartement des consorts [O]/[Z].

Madame [K] n’a pas conclu, ne figurant plus dans la procédure après disjonction.

Sur ce,

La SARL CET soutient à juste titre que l’arrêt mixte du 8 avril 2022 a déclaré irrecevable la demande en garantie de Madame [T] à l’égard de Madame [K] mais n’a pas mis cette dernière hors de cause pour autant.

Elle considère que sa demande est donc recevable. Il est exact que ses conclusions avant disjonction visaient, « à titre subsidiaire, la condamnation de la SCCV HILDEVERT, ainsi que celle de Madame [Y] [K], à la relever et garantir des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre. »

Néanmoins, cette prétention est fondée sur l’éventuelle faute commise par Madame [K] qui aurait refusé de permettre l’accès au pignon par une servitude de tour d’échelle.

Or, même si l’expertise évoque des négociations à propos de l’accès au fonds de Madame [K] pour envisager les reprises des désordres nécessaires sur le pignon de l’immeuble construit, elle ne produit aucune pièce établissant qu’elle aurait tenté d’enjoindre Madame [K] de laisser l’accès alors que, par jugement du 15 avril 2019, le tribunal d’instance de Saint-Denis avait ordonné à Madame [Y] [K] de laisser passer les ouvriers dûment mandatés par la SCCV HILDEVERT pour effectuer les opérations mentionnées au point 5.6 travaux à mettre en ‘uvre en cas d’accord de passage du rapport d’expertise de Monsieur [I] sous astreinte.

Ainsi, la SARL CET échoue à établir la faute de Madame [K], faute sans rapport direct avec la mauvaise exécution de la prestation de maîtrise d »uvre par l’architecte neuf ans auparavant.

Le jugement querellé sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes de dommages et intérêts :

Madame [T] sollicite la condamnation in solidum de la SARL CET et de la SCCV HILDEVERT à lui payer la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le premier juge a débouté l’appelante de cette demande au motif qu’il n`existe pas de préjudice moral subi par Madame [T], le préjudice financier étant indemnisé dans le cadre de l’action en garantie, les frais liés aux démarches administratives dans le cadre des frais de justice.

Compte tenu de la rédaction du dispositif des conclusions de Madame [T], sa demande tendant à examiner ce chef du jugement ne peut être examiné.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La SARL CET et la SCCV HILDEVERT supporteront les dépens de Madame [U] [T] dans la limite des procédures les concernant, tenant compte de la disjonction.

Elles seront condamnés in solidum à payer à Madame [U] [T] une indemnité de 3.000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, sans recours l’une contre l’autre mais à égalité dans leur rapport dans leur rapport respectif.

PAR CES MOTIFS

La cour

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf en celle relative à la garantie de la SARL CET à l’égard de la SCCV HILDEVERT ;

Statuant à nouveau de ce chef,

CONDAMNE la SARL CET à garantir la SCCV HILDEVERT de toutes les sommes auxquelles celle-ci est condamnée à l’égard de Madame [U] [T] ;

CONDAMNE in solidum la SARL CET et la SCCV HILDEVERT aux dépens dans la limite des procédures les concernant, tenant compte de la disjonction ;

CONDAMNE in solidum la SARL CET et la SCCV HILDEVERT à payer à Madame [U] [T] une indemnité de 3.000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, sans recours l’une contre l’autre mais à égalité dans leur rapport respectif.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


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