Responsabilité et Garanties dans le Cadre des Travaux de Construction : Analyse des Infiltrations et de leurs Origines

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Responsabilité et Garanties dans le Cadre des Travaux de Construction : Analyse des Infiltrations et de leurs Origines

La SCI [Y] possède une maison à Saint-Lary, adjacente à un mur d’enceinte communal ancien. Des travaux de réhabilitation et de construction ont été réalisés entre 2005 et 2006, entraînant des infiltrations d’humidité dans le garage et l’habitation. Après plusieurs expertises et tentatives de résolution, la SCI a assigné en justice la SARL [V] Frères et l’entrepreneur [I] [C] pour obtenir une nouvelle expertise et des indemnités. Le tribunal a reconnu leur responsabilité et a condamné les deux parties à verser des dommages-intérêts à la SCI, tout en rejetant la demande d’expertise complémentaire. La SCI a fait appel, contestando certains aspects du jugement, notamment le rejet de l’expertise complémentaire et le montant des indemnités. Les défendeurs ont également contesté leur responsabilité et les demandes de la SCI. La cour d’appel a confirmé en partie le jugement initial, modifiant la répartition des responsabilités et condamnant les défendeurs à verser des sommes supplémentaires à la SCI.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

11 septembre 2024
Cour d’appel d’Agen
RG
23/00637
ARRÊT DU

11 Septembre 2024

DB / NC

———————

N° RG 23/00637

N° Portalis DBVO-V-B7H- DEKM

———————

SCI [Y]

C/

[I] [C]

SARL [V] FRÈRES

——————

GROSSES le

aux avocats

ARRÊT n° 275-24

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Civile

LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,

ENTRE :

SCI [Y]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me David LLAMAS, avocat postulant au barreau D’AGEN

et Me Quentin VIGIE, membre de la SELARL e. LITIS, avocat plaidant au barreau de SAINTES

APPELANTE d’un jugement du tribunal judiciaire d’Auch en date du 10 mai 2023, RG 20/00920

D’une part,

ET :

Monsieur [I] [C]

né le 24 décembre 1962 à [Localité 5]

de nationalité française, retraité

domicilié : [Adresse 8]

[Localité 4]

représenté par Me Blaise HANDBURGER, AARPI HANDBURGER DARROUS THERSIQUEL, avocat au barreau du GERS

SARL [V] FRÈRES

RCS AUCH 397 020 090

[Adresse 7]

[Localité 3]

représentée par Me Mathieu GENY, SELARL MISSIO, avocat au barreau du GERS

INTIMÉS

D’autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 1er juillet 2024 devant la cour composée de :

Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre

Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller qui a fait un rapport oral à l’audience

Anne Laure RIGAULT, Conseiller

Greffière : Nathalie CAILHETON

ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

FAITS :

La SCI [Y] est propriétaire d’une maison à usage d’habitation située au centre du village de Saint-Lary (65).

Elle est située contre la ‘placette’ du village et plus précisément en continuité d’un mur d’enceinte communal très ancien, type rempart de fortification datant du Moyen-Age.

Une portion de ce mur est la propriété de la SCI.

Au milieu des années 2000, les travaux suivants ont été effectués :

– travaux réalisés par [I] [C], alors entrepreneur de gros-oeuvre, sur commande de la SCI [Y], entre mai 2005 et janvier 2006 : réhabilitation du bâtiment principal et construction d’un garage utilisant la partie du mur d’enceinte propriété de la SCI [Y], qui est devenue la paroi Est de ce bâtiment en continuité de la partie communale du mur.

– travaux réalisés par la SARL [V] Frères sur commande de la commune en octobre 2006 : écrêtement du bout du mur se prolongeant sur la propriété publique, réfection et extension du mur vers le Nord.

– travaux réalisés par la société STPAG sur commande de la commune : réfection des réseaux.

Peu après la réalisation de ces travaux, la SCI [Y] a constaté des infiltrations et de l’humidité dans le mur Est du garage, en provenance de la partie du mur d’enceinte, ainsi que dans l’habitation des époux [Y].

Malgré visites d’experts, discussions et intervention de la SARL [V] Frères, l’humidité persistant, la SCI [Y] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance d’Auch qui, par ordonnance du 19 janvier 2016, a désigné [T] [F], architecte, afin d’analyser les désordres.

M. [F] a établi son rapport définitif le 28 novembre 2018.

Par acte du 21 juillet 2020, la SCI [Y] a fait assigner au fond la SARL [V] Frères et M. [C] afin d’obtenir, avant-dire droit, l’organisation d’une nouvelle expertise pour chiffrer les travaux de réfection au motif que l’expertise réalisée par M. [F] n’est pas complète sur ce point.

Elle a ensuite ajouté une demande subsidiaire d’indemnisation au vu de l’expertise judiciaire.

Par jugement rendu le 10 mai 2023, le tribunal judiciaire d’Auch a :

– déclaré irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par la SARL [V] Frères,

– déclaré la SARL [V] Frères et M. [I] [C] responsables des préjudices subis par la SCI [Y],

– rejeté la demande d’expertise complémentaire,

– condamné in solidum la SARL [V] Frères et M. [I] [C] à verser à la SCI [Y] la somme de 12 418,40 Euros au titre des travaux de reprise avec indexation sur l’indice BT 01 à compter du 28 novembre 2018 jusqu’au jugement,

– condamné la SARL [V] Frères à garantir M. [I] [C] à hauteur de 50 % de cette condamnation prononcée à son encontre,

– condamné M. [I] [C] à garantir la SARL [V] Frères à hauteur de 50 % de cette condamnation prononcée à son encontre,

– rejeté le surplus des demandes,

– condamné in solidum la SARL [V] Frères et M. [I] [C] à verser à la SCI [Y] la somme de 3 500 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SARL [V] Frères à garantir M. [I] [C] à hauteur de 50 % de cette condamnation prononcée à son encontre,

– condamné M. [I] [C] à garantir la SARL [V] Frères à hauteur de 50 % de cette condamnation prononcée à son encontre,

– condamné in solidum la SARL [V] Frères et M. [I] [C] au paiement des dépens en ce compris les dépens de référé (procédure ayant donné lieu à l’ordonnance du 19 janvier 2016) et le coût de l’expertise judiciaire,

– condamné la SARL [V] Frères à garantir M. [I] [C] à hauteur de 50 % de cette condamnation prononcée à son encontre,

– condamné M. [I] [C] à garantir la SARL [V] Frères à hauteur de 50 % de cette condamnation prononcée à son encontre,

– rappelé que la décision est de droit exécutoire à titre provisoire.

Le tribunal a retenu la responsabilité décennale de M. [C] à partir d’une réception tacite de ses travaux le 27 janvier 2006 ; que ce dernier ne pouvait invoquer la force majeure faute de s’être préoccupé du risque d’infiltration prévisible ; que la responsabilité délictuelle de la SARL [V] Frères devait être retenue envers la SCI [Y] ; qu’il était inutile d’ordonner une expertise complémentaire compte tenu que toutes les parties avaient pu présenter dires et chiffrages et que la commune, propriétaire d’une partie du mur, n’est pas partie au litige ; que les dommages devaient être fixés à 10 592,40 Euros + 1 826 Euros ; qu’il n’existait aucun préjudice de jouissance ; et que la responsabilité des désordres devait être partagée à parts égales entre les constructeurs.

Par acte du 19 juillet 2023, la SCI [Y] a déclaré former appel du jugement en désignant la SARL [V] Frères et [I] [C] en qualité de parties intimées et en indiquant que l’appel porte sur les dispositions du jugement qui ont :

– rejeté la demande d’expertise complémentaire,

– condamné in solidum la SARL [V] Frères et M. [I] [C] à verser à la SCI [Y] la somme de 12 418,40 Euros au titre des travaux de reprise avec indexation sur l’indice BT 01 à compter du 28 novembre 2018 jusqu’au jugement,

– rejeté le surplus de ses demandes.

La clôture a été prononcée le 26 juin 2024 et l’affaire fixée à l’audience de la Cour du 1er juillet 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS :

Par dernières conclusions notifiées le 28 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, la SCI [Y] présente l’argumentation suivante :

– Le rapport d’expertise judiciaire est insuffisant :

* selon le rapport, l’essentiel des désordres provient du glacis, c’est à dire des travaux effectués par la SARL [V] Frères.

* l’expert judiciaire a proposé de désolidariser les murs en les scindant en se limitant à reprendre les devis des deux entreprises en cause sans indiquer ceux qui doivent être retenus ni chiffrer les ajouts qu’il a proposés.

* il n’a pas non plus chiffré le coût de la pose de la couverture en tuiles sur le mur et n’a pas répondu à une lettre de dires au motif qu’elle était postérieure au dépôt du rapport définitif.

* des investigations sur le drain posé par M. [C] auraient dû être faites et l’expert a écarté sans motivation particulière un devis établi par l’entreprise Les Bâtisseurs d’Arcamont mettant en oeuvre des matériaux d’origine.

– Des demandes doivent être d’ores et déjà admises :

* il doit lui être alloué l’intégralité du devis de l’entreprise Tradi Parquet, soit 9 960 Euros TTC, qui a été réduit par l’expert sans explication.

* elle est également en droit de réclamer le montant des travaux à la charge de M. [C].

* elle a entamé des discussions avec la commune et un devis établi par l’entreprise [P] d’un montant de 9 228 Euros TTC a été établi.

* c’est elle-même qui s’est engagée à régler cette somme à la commune, comme l’indique une délibération du 8 avril 2024.

* elle a également assumé sa part du coût de l’intervention d’un architecte, soit 1 199,64 Euros.

* elle subit également un préjudice de jouissance.

Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :

– réformer le jugement sur les points de son appel,

– ordonner une mesure d’instruction complémentaire,

– subsidiairement :

– condamner in solidum M. [C] et la SARL [V] Frères à lui payer la somme de 20 552,40 Euros à titre de dommages et intérêts correspondant au coût des travaux de reconstruction du mur d’angle en pierre, avec indexation sur le coût de la construction,

– condamner la SARL [V] Frères à lui payer la somme de 10 427,64 Euros TTC pour les travaux de dépose et repose du mur d’enceinte, en ce compris les honoraires de maîtrise d’oeuvre, avec indexation sur le coût de la construction,

– en tout état de cause :

– condamner in solidum M. [C] et la SARL [V] Frères à lui payer la somme de 10 000 Euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice de jouissance, outre 8 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, et mettre les dépens à leur charge, incluant ceux de l’instance en référé et les frais et honoraires de l’expertise judiciaire.

*

* *

Par dernières conclusions notifiées le 4 juin 2024, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, [I] [C] présente l’argumentation suivante :

– Sa responsabilité décennale n’est pas acquise :

* ses travaux ont fait l’objet d’une réception tacite le 27 janvier 2006.

* les documents produits aux débats ne permettent pas d’affirmer que les désordres en litiges sont apparus avant le 27 janvier 2016.

* selon l’expert, les désordres trouvent leur cause dans les travaux effectués par la SARL [V] Frères sur le mur d’enceinte après la création du garage.

* ainsi, soit les désordres ne peuvent lui être imputés, soit les travaux effectués par cette société constituent une cause étrangère qui l’exonère de sa garantie décennale.

* le maître d’oeuvre mandaté par la SCI [Y] ne préconise que la réalisation de travaux sur le mur d’enceinte à l’exclusion de réfections sur le garage.

* sa responsabilité contractuelle ne peut, non plus, être recherchée.

– Subsidiairement, sa responsabilité est limitée :

* il ne peut être condamné à intervenir sur le mur de la commune, qui n’est pas partie au litige.

* il n’est pas concerné par les travaux effectués par la SARL [V] Frères, laquelle devrait, en cas de condamnation, le relever indemne des sommes dues compte tenu que les travaux réalisés par cette société ont généré les infiltrations.

* l’expertise a exclu tout préjudice de jouissance et la SCI [Y] n’occupe pas elle-même les lieux.

Au terme de ses conclusions, il demande à la Cour de :

– réformer le jugement en ce qu’il l’a :

* déclaré responsable envers la SCI [Y],

* condamné à garantir la SARL [Adresse 6] Frères,

* condamné à payer la somme de 3 500 Euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens,

– rejeter les demandes présentées à son encontre,

– subsidiairement :

– limiter le montant des condamnations à la valeur des préjudices démontrés dans leur principe et leur quantum,

– condamner la SARL [V] Frères à le relever indemne de toute condamnation prononcée à son encontre,

– condamner la SCI [Y] à lui payer la somme de 3 000 Euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et mettre à sa charge les dépens, en ce compris ceux du référé et le coût de l’expertise.

*

* *

Par dernières conclusions notifiées le 20 juin 2024, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, la SARL [V] Frères présente l’argumentation suivante :

– Elle n’a pas commis de faute :

* seule sa responsabilité délictuelle peut être recherchée par la SCI [Y].

* selon l’expert, les désordres sont inhérents à l’incorporation d’une partie de la muraille dans la construction du garage sans avoir, en même temps, travaillé sur la partie du mur appartenant à la commune.

* les dommages ne sont constitués que de légères infiltrations par temps de pluie ce qui, selon la norme NFP 10-202 (DTU 20.1) reste acceptable, aucune étanchéité n’étant obligatoire pour les parois d’un garage.

– Les accords conclus entre la SCI [Y] et la commune lui sont inopposables.

– Aucun complément d’expertise n’est nécessaire :

* tous les devis ont été produits à M. [F].

* il a chiffré le coût des travaux à effectuer.

* les demandes de condamnation à 10 247,64 Euros et relatives au coût de l’intervention d’un maître d’oeuvre sont nouvelles en appel.

– Seule la responsabilité de M. [C] doit être recherchée : il est débiteur de la garantie décennale et ne peut, du fait de sa faute ayant consisté à ne pas prévoir un dispositif d’étanchéité lorsqu’il a incorporé le mur pré-existant au garage, invoquer la force majeure.

Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :

– réformer le jugement en ce qu’il l’a :

* déclarée responsable envers la SCI [Y],

* condamnée à garantir M. [C],

* condamnée à payer la somme de 3 500 Euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens,

– rejeter les demandes présentées à son encontre,

– condamner M. [C] à le relever et garantir de toute condamnation qui serait éventuellement prononcée à son encontre,

– subsidiairement :

– confirmer le jugement,

– en toutes hypothèses :

– condamner la SCI [Y] au paiement d’une indemnité de 3 000 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et mettre les dépens à sa charge.

——————-

MOTIFS :

1) Sur les désordres et leurs causes :

En premier lieu, l’expert judiciaire a mis en évidence la présence d’humidité et d’infiltrations dans le garage construit par M. [C] :

– à l’extérieur en façade Est : voile d’humidité des joints de mortier de scellement des pierres, à l’aplomb de l’héberge Nord du garage, de part et d’autre du mur d’enceinte.

– à l’extérieur au Nord : légère décoloration des joints de mortier de scellement des pierres contre le parement Ouest du mur d’enceinte communal.

– à l’intérieur du garage :

* au 1er étage : infiltration à l’extrémité septentrionale du vieux mur humidifiant et tachant le plancher en chêne, pierres détrempées,

* en cave : légère décoloration des joints à l’extrémité septentrionale de la partie haute du mur sous le plancher de la sous-pente endommagée.

M. [F] a constaté que la partie du mur incorporée au garage est protégée en tête par l’avant-toit, et qu’elle est relativement préservée et sèche, alors que la partie du mur communal est directement exposée à la pluie et aux ruissellements.

Il a conclu que les dommages ne sont pas causés par des remontées d’humidité par capillarité, mais par des infiltrations liées à l’inhibition du blocage et des joints de la partie supérieure du mur d’enceinte communal.

Selon l’expert, ces dommages résultent des éléments suivants :

– du large glacis (surface plane en légère pente) bombé sans débord ni goutte d’eau couronnant le mur d’enceinte extérieur, constitué d’une dalle de béton de chaux non étanche, au surplus bloqué par l’héberge du pignon Nord ; ce glacis accélère les ruissellements sur les deux parements Est et Ouest du mur.

– d’une légère contrepente vers l’héberge qui tache les joints de la façade Est des pierres, sensiblement dans l’axe du parement extérieur du mur Nord du garage, et y concentre les ruissellements dans la cueillie verticale de la jonction du parement Ouest du mur d’enceinte et du parement Nord du mur du garage, du fait de l’orthogonalité des deux maçonneries.

– de l’absence d’étanchéité de la cueillie et du glacis de l’héberge qui provoque des infiltrations dans le blocage.

– de l’accolement du mur Nord neuf contre le parement Ouest du rempart qui accentue la capillarité et les infiltrations.

En second lieu, les infiltrations et l’humidité qui affectent l’étage du garage rendent le bâtiment impropre à sa destination dès lors que cet étage a vocation à être aménagé en pièce habitable.

Ensuite, les infiltrations ont été constatées dès juillet 2010 comme en atteste le courrier que la SCI [Y] a envoyé le 28 juillet 2010 à la commune, et les échanges qui ont suivi.

Par conséquent, les désordres sont apparus dans le délai décennal ayant couru à compter de la réception tacite du 27 janvier 2006 par fin des travaux effectués par M. [C] et paiement de leur coût sans réserve.

La garantie décennale de l’article 1792 du code civil peut être invoquée par la SCI [Y].

2) Sur la responsabilité de M. [C] :

Comme indiqué plus haut, dès lors que le garage qu’il a construit, en y incorporant l’ancien mur, est impropre à sa destination du fait de l’humidité et des infiltrations en provenance de ce mur, M. [C] est débiteur, envers la SCI [Y], maître de l’ouvrage, de la garantie décennale de l’article 1792 du code civil.

M. [C] ne peut prétendre être exonéré de cette responsabilité en invoquant la cause étrangère prévue au dernier alinéa de cet article.

En effet, l’expert judiciaire a expliqué que lorsqu’il a réalisé les travaux de construction du garage, M. [C] n’a prévu aucune ‘interface d’étanchéité’ sur la tranche Nord du mur d’enceinte, et n’a pas averti le maître d’ouvrage de la nécessité d’intervenir, en même temps, sur la jonction des parties privée et publique du mur.

Il n’est donc pas totalement étranger à la survenance des désordres.

Le jugement qui a retenu sa garantie décennale doit être confirmé.

3) Sur la responsabilité de la SARL [V] Frères :

C’est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le tribunal a retenu la responsabilité délictuelle de cette société envers la SCI [Y] compte tenu des manquements commis lors de la réfection de la partie du mur appartenant à la commune, et plus précisément de la réfection de son glacis.

Le jugement doit être confirmé sur ce point.

4) Sur le coût des travaux et préjudices invoqués :

En premier lieu, c’est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le tribunal a estimé que l’expertise réalisée par M. [F] est complète et qu’il est inutile d’ordonner un complément d’expertise, puis fixé à 10 592,40 Euros TTC le coût des travaux qui doivent être réalisés dans le garage appartenant à la SCI [Y] pour mettre un terme aux désordres, indépendamment des réfections qui doivent également être mise en oeuvre sur la partie du mur appartenant à la commune.

Il suffit d’ajouter que les contestations de la SCI [Y], sur l’effet d’un drain et d’une gaine téléphonique, non retenues par l’expert, ne reposent sur aucune justification technique.

Le tribunal a également justement alloué la somme de 1 826 Euros TTC représentant le coût de réfection du plancher de l’étage du garage endommagé par l’humidité, et non l’intégralité du devis établi par la société Tradi Parquet à la demande de la SCI [Y], compte tenu que l’expert judiciaire, répondant sur ce point à un dire, a expliqué que ‘les infiltrations ne présentent pas un degré de gravité suffisant nécessitant le remplacement de la totalité du plancher.’

En deuxième lieu, s’agissant des travaux qui doivent être réalisés sur la partie du mur appartenant à la commune, l’expert judiciaire a admis le chiffrage proposé par la SARL [V] Frères pour un montant de 8 669,73 Euros TTC.

Si cette somme a vocation à correspondre aux travaux que doit effectuer la commune sur la partie du mur lui appartenant sur la base de sa responsabilité pour trouble anormal de voisinage, la SCI [Y] justifie s’être engagée, le 23 février 2024, à payer à la commune la somme de 9 228 Euros correspondant au devis du 30 octobre 2023 établi par l’EURL [N] [P] pour réfection de cette partie du mur.

Selon délibération du 4 avril 2024 de la commune, la SCI [Y] s’est engagée à lui verser cette somme afin de financer cette réfection.

La SCI [Y] est donc fondée à réclamer remboursement de cette somme aux deux entreprises responsables des désordres, mais dans la limite d’un montant de 8 669,73 Euros qui résulte de l’expertise judiciaire.

Il ne s’agit pas d’une demande nouvelle en appel mais d’un réhaussement du montant réclamé pour mettre un terme aux désordres.

M. [C] et la SARL [V] Frères seront condamnés in solidum au paiement de cette somme.

En troisième lieu, c’est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le tribunal a rejeté la demande d’indemnisation d’un préjudice de jouissance présentée par la SCI [Y].

Il suffit de préciser que l’appelante ne prétend pas être privée de revenus locatifs du fait des désordres.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

5) Sur la contribution à la dette :

Selon l’expertise, les désordres résultent d’un manque de coordination entre les deux entreprises de construction, les chantiers s’étant succédés au lieu d’être réalisés en même temps.

Comme indiqué plus haut, leur cause technique réside dans un défaut d’étanchéité du glacis et dans l’absence de tout élément écartant les eaux de ruissellement des parements de muraille lors de la réfection de la partie du mur appartenant à la commune, c’est à dire dans un problème de conception et d’adaptation des travaux imputable à la SARL [V] Frères.

La faute la plus grave génératrice des désordres a été commise par cette société.

Par conséquent, la contribution à la dette sera fixée à 80 % pour la SARL [V] Frères et à 20 % pour M. [C].

Le jugement sera réformé en ce sens.

Enfin, l’équité permet, en cause d’appel, de condamner les intimés à payer à la SCI [Y] la somme de 5 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

– la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

– CONFIRME le jugement SAUF en ce qu’il a condamné la SARL [V] Frères à garantir M. [I] [C] à hauteur de 50 % des condamnations prononcées à son encontre ;

– STATUANT A NOUVEAU sur le point infirmé,

– FIXE ainsi la contribution à l’ensemble des condamnations prononcées au profit de la SCI [Y] (y compris celles ci-après) :

1) [I] [C] : 20 %

2) SARL [V] Frères : 80 %

– Y ajoutant,

– CONDAMNE in solidum [I] [C] et la SARL [V] Frères à payer à la SCI [Y] la somme de 8 669,73 Euros avec indexation sur l’indice BT 01 du 28 novembre 2018 jusqu’à ce jour au titre du pré-financement des travaux incombant à la commune de Saint-Lary ;

– CONDAMNE in solidum [I] [C] et la SARL [V] Frères à payer à la SCI [Y], en cause d’appel, la somme de 5 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– CONDAMNE in solidum [I] [C] et la SARL [V] Frères aux dépens de l’appel qui pourront être recouvrés directement par la Selarl Missio pour ceux dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

– Le présent arrêt a été signé par André Beauclair, président, et par Nathalie Cailheton, greffière, à laquelle la minute a été remise.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,


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