M. [T] et Mme [N] ont engagé la société Saciel Habitat pour construire leur maison, tandis que les travaux de terrassement ont été confiés à la société JAP. Des désaccords avec JAP ont conduit M. [T] et Mme [N] à faire appel à la société STT pour terminer les travaux. En février 2022, M. et Mme [V] ont assigné M. [T] et Mme [N], ainsi que les sociétés STT et JAP, en raison de désordres sur leur propriété, demandant une expertise. Le juge des référés a ordonné une expertise en juillet 2022. En juillet 2023, M. [T] et Mme [N] ont assigné Saciel Habitat pour qu’elle soit incluse dans l’expertise, mais Saciel Habitat a refusé, n’ayant pas de lien contractuel avec JAP. En janvier 2024, le juge a rejeté la demande de M. [T] et Mme [N] et les a condamnés à payer des frais à Saciel Habitat. M. [T] et Mme [N] ont interjeté appel. Ils soutiennent que Saciel Habitat doit être impliquée dans l’expertise, car elle a recommandé JAP et aurait dû anticiper les problèmes d’accès pour les travaux. L’appel a abouti à l’infirmation de l’ordonnance initiale, ordonnant que l’expertise se poursuive avec Saciel Habitat incluse, et condamnant cette dernière à payer des frais.
|
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE
VERSAILLES
Code nac : 54F
Chambre civile 1-5
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 17 OCTOBRE 2024
N° RG 24/00675 – N° Portalis DBV3-V-B7I-WKJI
AFFAIRE :
[R] [T]
…
C/
S.A.S.U. SACIEL HABITAT
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 08 Janvier 2024 par le TJ de CHARTRES
N° RG : 23/00388
Expéditions exécutoires
Copies certifiées conformes
délivrées le : 17/10/2024
à :
Me Oriane DONTOT, avocat au barreau de VERSAILLES,617
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX SEPT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [R] [T]
né le 22 Juillet 1976 à [Localité 4] (21)
[Adresse 2]
[Localité 3]
Madame [K] [N]
née le 12 Novembre 1975 à [Localité 3] (28)
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & TEYTAUD SALEH, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 – N° du dossier 20240067
Plaidant : Maître LOISEL Céline, avocat au barreau de CHARTRES
APPELANTS
S.A.S.U. SACIEL HABITAT
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 818 123 036
[Adresse 1]
[Localité 3]
Défaillante, déclaration d’appel signifié par huissier à personne morale
INTIMEE
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 18 Septembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas VASSEUR, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas VASSEUR, Président,
Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère,
Madame Marina IGELMAN, Conseillère,
Adjointe faisant fonction de Greffière, lors des débats : Madame Marion SEUS,
Par contrat du 28 mai 2019, M. [T] et Mme [N] ont confié à la société Saciel Habitat la construction de leur maison individuelle. Les travaux de terrassement étant exclus de ce contrat, M. [T] et Mme [N] les ont confiés à la société JAP.
L’accès au terrain de M. [T] et Mme [N] se fait au moyen d’un passage situé entre les propriétés de M. et Mme [V], d’une part, et de M. [P], d’autre part, passage dont l’ensemble de ces personnes sont propriétaires indivis.
Des désaccords sont apparus quant à l’exécution des travaux entre M. [T] et Mme [N] et la société JAP, de sorte que M. [T] et Mme [N] fait appel à une autre société pour procéder à ces travaux de terrassement, la société Travaux Terrassement (ci-après la société STT).
Au mois de février 2022, M. et Mme [V], se plaignant de désordres qui auraient été occasionnés sur le mur bordant leur propriété du côté du chemin d’accès à l’occasion des travaux de terrassement, ont fait assigner M. [T] et Mme [N], ainsi que les sociétés STT et JAP et M. [P], devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Chartres afin que soit ordonnée une mesure d’expertise.
Par ordonnance (RG 22/00160) du 4 juillet 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Chartres, faisant droit à cette demande, a ordonné une mesure d’expertise au contradictoire de ces parties.
Par acte du 5 juillet 2023, Mme [N] et M. [T] ont fait assigner la société Saciel Habitat devant le même juge des référés afin que la mesure d’expertise lui soit déclarée commune et opposable. En réponse, la société Saciel Habitat a demandé à rester en-dehors de la cause, en exposant qu’elle n’avait aucun lien contractuel avec la société JAP qui a procédé aux travaux de terrassement à l’origine des désordres.
Par ordonnance du 8 janvier 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Chartres a :
– dit n’y avoir lieu à référé,
– condamné Mme [N] et M. [T] à payer à la société Saciel Habitat la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [N] et M. [T] aux entiers dépens,
– rappelé que la décision est exécutoire de droit par provision.
Par déclaration du 30 janvier 2024, Mme [N] et M. [T] ont interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de dispositif.
Dans leurs dernières conclusions déposées le 28 février 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. [T] et Mme [N] demandent à la cour, au visa des articles 331, 808 et 145 du code de procédure civile, de :
‘- infirmer l’ordonnance de référé en date du 8 janvier 2024 du tribunal judiciaire de Chartres
statuant à nouveau,
– déclarer Mme [K] [N] et M. [R] [T] recevables et bien fondés en leur demande tendant à voir mettre en cause et attraire aux opérations d’expertise la société Saciel Habitat, ès-qualités de promoteur et de constructeur de la maison individuelle de Mme [K] [N] et de M. [R] [T]
– déclarer communes et opposables à la société Saciel Habitat, ès-qualités de promoteur et de constructeur de la maison individuelle de Mme [K] [N] et de M. [R] [T], l’ordonnance de référé du 4 juillet 2022 du tribunal judiciaire de Chartres, ainsi que les opérations d’expertise à venir.
– dire et juger la mission d’expertise commune et opposable à la société Saciel Habitat, ès-qualités de promoteur et de constructeur de la maison individuelle de Mme [K] [N] et de M. [R] [T].
– dire que l’exécution provisoire de la décision à intervenir est de droit.
– condamner la société Saciel Habitat à verser à Mme [K] [N] et de M. [R] [T] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Oriane Dontot de la selarl JRF Avocats Associés, avocats aux offres de droit et ce conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
– voir réserver les dépens.’
Au soutien de leur appel, M. [T] et Mme [N] exposent que c’est sur la recommandation expresse de la société Saciel Habitat qu’ils ont confié dans un premier temps les travaux de terrassement à la société JAP, avec laquelle des désaccords sont apparus en raison de ce qu’ils indiquent être une plaque de fonte mal remise, de sorte qu’ils ont sollicité le remboursement de leur acompte et ont contracté avec une autre société, la société STT, pour finir les travaux de terrassement. Ils exposent que le premier expert désigné par le juge des référés a dû se déporter compte-tenu de ce qu’il considérait être en conflit d’intérêts avec la société Saciel Habitat et que la nouvelle experte nommée, Mme [U], a indiqué le 21 juin 2023, en réponse à un mail de M. [T] et Mme [N], qu’elle n’avait aucune objection à formuler quant à la mise en cause de la société Saciel Habitat. M. [T] et Mme [N] indiquent que compte-tenu du choix, qu’ils qualifient d’imposé, de la société JAP par la société Saciel Habitat, cette dernière, à qui il appartenait d’anticiper notamment la difficulté du passage des engins de chantier en sa qualité de professionnel de la construction au regard de la largeur du passage mitoyen, doit bien figurer en la cause. Ils ajoutent que l’experte nommée a indiqué qu’elle n’avait pas pu faire certains constats en l’absence de la société Saciel Habitat.
La société Saciel Habitat, à qui la déclaration d’appel et les conclusions ont été signifiées à personne par acte du 1er mars 2024, n’a pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 septembre 2024.
En application de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
Selon l’article 145 du code de procédure civile, ‘s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé’.
L’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile suppose que soit constaté qu’il existe un procès non manifestement voué à l’échec au regard des moyens soulevés par les défendeurs, sur la base d’un fondement juridique suffisamment déterminé et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée.
Il résulte de l’article 145 que le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer le bien-fondé de l’action en vue de laquelle elle est sollicitée ou l’existence des faits qu’il invoque puisque cette mesure in futurum est destinée à les établir, mais qu’il doit toutefois justifier de la véracité des éléments rendant crédibles les griefs allégués et plausible le procès en germe.
En l’espèce, M. [T] et Mme [N] justifient bien d’un motif légitime pour attraire aux opérations d’expertise la société Saciel Habitat.
Indépendamment même du courriel du 28 juin 2023 de l’expert judiciaire nommée, indiquant « qu’elle n’a pas d’objection à formuler quant à la mise en cause de la société Saciel », il ressort de la première note aux parties en date du 12 février 2024, que cet expert a demandé à pouvoir entendre la société Saciel Habitat, en sa qualité de promoteur en charge de la construction de la maison, afin de savoir comment les matériaux de construction de la maison ont été acheminés jusqu’au terrain, de connaître les conditions dans lesquelles le mur s’est partiellement effondré en mars 2021 et de recevoir les comptes-rendus de chantier sur la période de janvier à avril 2021. La société Saciel Habitat ne s’est pas présentée à cette invitation de l’expert.
Il ressort de ces éléments, et notamment des questions afférentes à l’acheminement des matériaux de travaux de construction de la maison, aux conditions dans lesquelles le mur s’est effondré et au déroulement du chantier au début de l’année 2021 que la société Saciel Habitat est susceptible d’être attraite à l’éventuel litige au fond qui pourrait suivre la mesure d’expertise, de sorte que M. [T] et Mme [N] justifient bien d’un motif légitime pour que les opérations d’expertise lui soient rendues communes et opposables.
Aussi convient-il d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce sens.
Infirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Ordonne que les opérations d’expertise se poursuivent au contradictoire de la société Saciel Habitat et lui seront communes et opposables ;
Dit que M. [T] et Mme [N] communiqueront sans délai à la société Saciel Habitat l’ensemble des pièces déjà produites par les parties ainsi que les notes rédigées par l’expert ;
Dit que l’expert devra convoquer la société Saciel Habitat à la prochaine réunion d’expertise au cours de laquelle elle sera informée des diligences déjà accomplies et invitée à formuler ses observations ;
Dit que dans l’hypothèse où le présent arrêt serait porté à la connaissance de l’expert après dépôt de son rapport, ses dispositions seront caduques ;
Condamne la société Saciel Habitat aux dépens de première instance et d’appel, qui pourront être recouvrés selon les modalités de l’article 699 du code de procédure civile ;
Condamne la société Saciel Habitat à verser à M. [T] et Mme [N] la somme globale de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Thomas VASSEUR, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président