Jugement du Tribunal Judiciaire de ParisLe 4 avril 2022, le tribunal judiciaire de Paris a jugé la société Boursorama responsable d’un manquement aux obligations de contrôle, entraînant un incident de paiement sur le compte bancaire de M. [N]. La société a été condamnée à verser 1 000 euros à M. [N] pour préjudice moral, tandis que ses demandes de remboursement de 1 800 euros et de levée d’inscription au fichier Banque de France ont été rejetées. Demande de Radiation d’InscriptionLe 31 mars 2022, le conseil de M. [N] a demandé à Boursorama de radier son inscription au fichier central des chèques. En réponse, la Banque de France a précisé que seule la banque ayant déclaré l’incident pouvait demander l’effacement des informations, et que M. [N] devait d’abord s’adresser à Boursorama. Nouvelle Demande de Levée d’InscriptionLe 23 décembre 2022, M. [N] a de nouveau sollicité la levée de son inscription au fichier national des incidents de remboursement des crédits. En l’absence de réponse de Boursorama, son conseil a contacté la médiatrice le 6 juin 2023. Assignation en JusticeLe 5 janvier 2024, M. [N] a assigné Boursorama devant le juge des référés, demandant la levée de son inscription au fichier central des chèques et 20 000 euros en indemnisation pour résistance abusive. À l’audience du 3 octobre 2024, il a précisé ne plus demander la levée de l’inscription, celle-ci étant intervenue après cinq ans. Arguments de M. [N]M. [N] a soutenu que Boursorama avait fait preuve de résistance abusive en refusant de demander la levée de son inscription, malgré une faute reconnue par le jugement du 4 janvier 2022. Il a également précisé que le préjudice subi était à la fois moral et financier, lié aux démarches entreprises pour obtenir la mainlevée. Réponse de BoursoramaBoursorama a demandé le rejet des demandes de M. [N], arguant qu’il avait déjà formé une demande de levée d’inscription qui avait été rejetée. La société a affirmé qu’aucune faute ne pouvait lui être reprochée et que le préjudice de M. [N] n’était pas établi. Décision du Juge des RéférésLe juge a constaté que Boursorama avait commis une faute en acceptant un paiement sur un compte clos, entraînant l’inscription de M. [N] au fichier central des chèques. Il a jugé que la résistance de Boursorama à demander l’annulation de cette inscription était non sérieusement contestable. Indemnisation et DépensEn conséquence, Boursorama a été condamnée à verser 4 000 euros à M. [N] pour préjudice moral et financier, ainsi qu’à payer les entiers dépens de l’instance et 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La décision est exécutoire à titre provisoire. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE
DE PARIS
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N° RG 24/50432 – N° Portalis 352J-W-B7H-C3T63
AS M N° : 6
Assignation du :
05 Janvier 2024
[1]
[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 31 octobre 2024
par Sophie COUVEZ, Vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, assistée de Anne-Sophie MOREL, Greffier.
DEMANDEUR
Monsieur [I] [N]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Thibault GALAS, avocat au barreau de PARIS – #K0168
DEFENDERESSE
S.A. BOURSORAMA
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Arnaud-gilbert RICHARD de la SAS RICHARD ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS – #B1070
DÉBATS
A l’audience du 03 Octobre 2024, tenue publiquement, présidée par Sophie COUVEZ, Vice-présidente, assistée de Anne-Sophie MOREL, Greffier,
Après avoir entendu les conseils des parties,
Par jugement en date du 4 avril 2022, le tribunal judiciaire de Paris a jugé la société Boursorama responsable de manquement aux obligations de contrôles ayant conduit à un incident de paiement sur le compte bancaire clos par M. [N] dans ses livres, l’a condamnée à payer à M. [N] la somme de 1 000 euros en indemnisation de son préjudice moral et a rejeté les demandes de M. [N] de remboursement de la somme de 1 800 euros et de levée de l’inscription au fichier Banque de France.
Par courrier officiel en date du 31 mars 2022, le conseil de M. [N] a demandé au conseil de la société Boursorama de procéder à la radiation de l’inscription au fichier central des chèques de la Banque de France rapportant la preuve qu’il y est bien inscrit.
Par courrier en date du 15 novembre 2022, la Banque de France a expliqué au conseil de M. [N] que seul l’établissement qui a procédé à une déclaration d’incident de paiement a la faculté de faire effacer du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers les informations centralisées, qu’il lui appartient en premier lieu de présenter sa réclamation auprès de l’établissement bancaire et qu’à défaut de réponse, ou si la réponse apportée apparaît contestable, il est possible d’en faire part à la Banque de France afin de présenter sa requête à l’établissement.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 23 décembre 2022 envoyée le 30 janvier 2023, M. [N] a demandé à la société Boursorama de procéder à la radiation de son inscription au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers.
Par courriel en date du 6 juin 2023, le conseil de M. [N] a sollicité l’intervention de la médiatrice en l’absence de réponse de la société Boursorama à la lettre que M. [N] lui a adressée.
C’est dans ce contexte que, par acte en date du 5 janvier 2024, M. [N] a fait assigner la société Boursorama, devant le juge des référés aux fins d’obtenir, au visa de l’article 1240 du code civil, sa condamnation à procéder à la levée de son inscription au fichier central des chèques sous astreinte et à lui payer la somme de 20 000 euros en indemnisation du préjudice subi par la résistance abusive dont elle a fait preuve.
A l’audience du 3 octobre 2024, dans ses conclusions déposées et soutenues oralement, M. [N], représenté par son conseil, a sollicité, à titre principal, la condamnation de la société Boursorama à lui verser la somme de 20 000 euros en indemnisation du préjudice subi par la résistance abusive dont elle a fait preuve, à titre subsidiaire, le renvoi de l’affaire à une audience pour qu’il soit statué au fond sur le fondement de l’article 837 du code de procédure civile, et, en tout état de cause, sa condamnation aux entiers dépens et à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Il a précisé demander la condamnation de la société Boursorama à lui verser à titre provisionnel la somme de 20 000 euros.
A l’appui de ses demandes, M. [N] précise ne pas maintenir sa demande levée de l’inscription, dès lors que celle-ci est intervenue par l’écoulement du délai légal de 5 ans.
Il soutient que la société Boursorama a fait preuve d’une résistance abusive en refusant de demander la levée de son inscription au fichier central des chèques de la Banque de France alors que cette inscription a eu lieu à la suite d’une faute qu’elle a commise et qui a été reconnue par le jugement en date du 4 janvier 2022, et qu’il a prouvé postérieurement à ce jugement que cette inscription était active jusqu’en février 2024.
Il conteste que la société Boursorama ne pût demander la levée d’inscription compte tenu du jugement du 4 janvier 2022 ayant rejeté sa demande de levée de l’inscription faute de preuve d’une telle inscription.
Il précise que le préjudice subi en raison de cette résistance abusive est tant moral que financier, qu’il se caractérise par les dépenses financières et le temps consacré pour obtenir la mainlevée et qu’il est distinct du préjudice lié à l’inscription au fichier, pour lequel il se réserve la possibilité d’introduire une action au fond.
Dans ses écritures déposées et soutenues à l’audience, la société Boursorama a demandé, au visa de l’article 835 du code de procédure civile, le rejet de l’ensemble des demandes de M. [N] et sa condamnation à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour s’opposer aux demandes de M. [N], la société Boursorama expose qu’elle n’avait pas à déférer à sa demande de levée de son inscription au fichier de la Banque de France, dès lors qu’il avait déjà formé une telle demande devant le tribunal judiciaire et que cette demande avait été rejetée par jugement en date du 4 janvier 2022.
Elle soutient, en conséquence, que la levée de l’inscription au fichier ne pouvait intervenir qu’à l’issue de la période légale de 5 ans qui est arrivée à son terme en février 2024.
Elle estime ainsi qu’aucune faute ne saurait lui être reprochée. Elle relève, en outre, que le préjudice de M. [N] n’est établi ni dans son principe, ni dans son quantum.
Conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.
A l’issue de l’audience, la décision a été mise en délibéré au 31 octobre 2024.
Sur la demande de provision pour résistance abusive
Conformément à l’article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution d’une obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Le montant de la provision allouée en référé n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée. Le juge des référés fixe discrétionnairement à l’intérieur de cette limite la somme qu’il convient d’allouer au requérant.
Suivant l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Aux termes de l’article R. 131-27 du code monétaire et financier, “ La Banque de France annule la déclaration d’incident de paiement sur la demande du tiré dans les cas suivants :
1° Lorsque le refus de paiement ou l’établissement de l’avis de non-paiement résulte d’une erreur du tiré ;
2° Lorsqu’il est établi par le titulaire du compte qu’un événement qui n’est pas imputable à l’une des personnes habilitées à tirer des chèques sur le compte a entraîné la disparition de la provision.
La mesure d’interdiction d’émettre des chèques mise en œuvre par le tiré cesse alors d’avoir effet.
La Banque de France avise le tiré qu’elle a procédé à l’annulation. Le tiré doit en informer son client et compléter l’enregistrement prévu par l’article R. 131-12 par la mention de l’annulation et de sa cause.
Lorsque le titulaire du compte lui demande de faire application de la procédure prévue par le présent article, le tiré, s’il donne suite, saisit la Banque de France au plus tard le dixième jour ouvré suivant cette demande. Il en avise son client dans le même délai. Son silence à l’issue du délai vaut refus.”
En l’espèce, il ressort du jugement du tribunal judiciaire en date du 4 janvier 2022 que la société Boursorama a commis une faute en acceptant le paiement d’un chèque sur le compte de M. [N] qui était clos depuis cinq ans et n’était en conséquence pas provisionné.
Or, il ressort des pièces produites qu’à la suite de cet incident de paiement, M. [N] a été inscrit au fichier central des chèques à compter du 14 février 2019 et ce jusqu’au 14 février 2024. C’est donc à la suite d’une erreur de la société Boursorama que M. [N] a été inscrit au fichier central des chèques.
Si le jugement du tribunal judiciaire en date du 4 janvier 2022 avait effectivement rejeté la demande de M. [N] tendant à obtenir la levée de l’inscription au fichier Banque de France, c’est parce que M. [N] n’avait pas alors rapporté la preuve qu’il avait été effectivement inscrit au fichier de la Banque de France et non parce qu’une telle inscription était justifiée.
Dans ces conditions, ce jugement ne saurait remettre en cause l’obligation qu’avait la société Boursorama, en application de l’article R. 131-27 du code monétaire et financier, de demander à la Banque de France l’annulation de la déclaration d’incident de paiement, dès lors que le refus de paiement résultait d’une erreur de sa part et que M. [N] a justifié, par courrier en date du 31 mars 2022, qu’il était bien inscrit sur le fichier central des chèques.
Dès lors, la faute commise par la société Boursorama en refusant de demander à la Banque de France l’annulation de la déclaration d’incident de paiement du chèque d’un montant de 1 300 euros n’est pas sérieusement contestable.
M. [N] explique avoir subi un préjudice moral et financier, ayant été contraint d’adresser de nombreux courriers et de consacrer du temps afin d’essayer d’obtenir la levée de son inscription et précise ne pas solliciter à ce stade l’indemnisation liée à l’inscription non justifiée au fichier central des chèques.
Il ressort des pièces produites que M. [N] ou son conseil ont adressé cinq courriers ou courriels à la société Boursorama, un à la Banque de France, et trois à la médiatrice.
Ce faisant, il justifie avoir subi un préjudice moral lié au temps qui a dû être consacré à essayer d’obtenir la levée de son inscription au fichier central des chèques ainsi qu’un préjudice financier, une partie des démarches ayant été effectuée par son conseil.
La société Boursorama sera, en conséquence, condamnée à verser à M. [N], à titre de provision, la somme de 4 000 euros qui n’est pas sérieusement contestable au titre du préjudice moral et financier qu’il a subi en raison du refus de la société Boursorama de demander à la Banque de France d’annulation la déclaration d’incident de paiement du chèque d’un montant de 1 300 euros qui résultait d’une erreur commise de sa part.
Sur les demandes accessoires
La société Boursorama, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens de la présente instance conformément à l’article 696 du code de procédure civile.
Par suite, elle sera également condamnée à verser à M. [N] la somme de 3 500 euros au u titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort ,
Condamnons par provision la société Boursorama à payer à M. [N] la somme de 4 000 euros en indemnisation du préjudice moral et financier subi du fait du refus de la société Boursorama de demander à la Banque de France l’annulation de la déclaration d’incident de paiement du chèque de M. [N] ;
Condamnons la société Boursorama aux entiers dépens ;
Condamnons la société Boursorama à payer à M. [N] la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejetons toutes autres demandes des parties ;
Rappelons que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.
Fait à Paris le 31 octobre 2024
Le Greffier, Le Président,
Anne-Sophie MOREL Sophie COUVEZ