Madame [K] [O] a vendu un véhicule d’occasion à Madame [C] [V] et Monsieur [B] [Y] pour 11.000 euros, avec un contrôle technique favorable. Des problèmes mécaniques sont apparus peu après, entraînant une expertise qui a révélé un vice caché. Les acheteurs ont assigné la vendeuse en justice pour obtenir la résolution de la vente et le remboursement des frais. Le juge des référés a ordonné une expertise judiciaire, dont le rapport a confirmé les anomalies. Les acheteurs demandent la restitution du prix de vente, le remboursement de divers frais et des dommages-intérêts, tandis que la vendeuse conteste les demandes et réclame des frais à ses adversaires. L’affaire a été plaidée le 17 juin 2024, avec un jugement prévu pour le 27 août 2024.
|
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
MINUTE N° : 24/
DOSSIER N° : N° RG 23/01904 – N° Portalis DBWH-W-B7H-GMED
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOURG-EN-BRESSE
CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT du 27 Août 2024
Dans l’affaire entre :
DEMANDEURS
Madame [C] [V] épouse [Y]
née le 15 Novembre 1981 à [Localité 7] (MAROC),
Monsieur [B] [Y]
né le 06 Mars 1983 à [Localité 5] (MAROC),
demeurant ensemble [Adresse 4] – [Localité 1]
représenté par Me Jacques BERNASCONI, avocat au barreau de l’Ain, vestiaire : T 4
DEFENDERESSE
Madame [K] [O] épouse [H],
demeurant [Adresse 3] – [Localité 2]
représentée par Me Sandrine MARTINIANI, avocat au barreau de Lyon, vestiaire : 1281
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré :
PRÉSIDENT : Madame BLIN, Vice Présidente
GREFFIER : Madame LAVENTURE,
JUGEMENT : rendu par mise à disposition au greffe, en premier ressort et contradictoire
ELEMENTS DU LITIGE
Suivant certificat d’immatriculation au nom de Madame [K] [O] rayé en date du 8 janvier 2021 et nouveau certificat d’immatriculation établi le 27 janvier 2021 au nom de Madame [C] [V], Madame [C] [V] épouse [Y] et Monsieur [B] [Y] ont acquis auprès de Madame [K] [O] épouse [H] un véhicule d’occasion de marque Mini immatriculé [Immatriculation 6] moyennant un prix de 11.000 euros, après fourniture d’un contrôle technique favorable réalisé le 6 janvier 2021 par le garage AUTO BILAN FRANCE.
À la suite de l’apparition de dysfonctionnements relatifs notamment à une fuite du liquide de refroidissement et à l’usure des plaquettes non notées sur le contrôle technique, un devis de remplacement de la chaîne de distribution du véhicule a été établi le 30 avril 2021 par le garage LARANJEIRA.
Monsieur [B] [Y] et Madame [C] [V] épouse [Y] ont donc sollicité la réalisation d’une expertise amiable contradictoire auprès du cabinet [S], à laquelle Madame [K] [O] épouse [H] ne s’est pas présentée. Aux termes du rapport d’expertise communiqué le 27 juillet 2021, l’expert a constaté que des débris relevés lors du démontage du carter inférieur mettent en évidence une anomalie du système de distribution moteur, qu’un démontage complémentaire est nécessaire afin de déterminer avec précision l’origine du dommage et qu’en l’état, le faible kilométrage entre la vente du véhicule et l’apparition du défaut permet de mettre en cause le vendeur du véhicule dans le cadre d’un vice caché.
Par acte d’huissier du 23 mars 2022, Monsieur [B] [Y] et Madame [C] [V] épouse [Y] ont assigné Madame [K] [O] épouse [H] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse aux fins que soit ordonnée une expertise judiciaire sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile et que Madame [K] [O] épouse [H] soit condamnée en tous les dépens.
Par ordonnance en date du 3 mai 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a fait droit à la demande d’expertise et a désigné Monsieur [N] pour ce faire.
Monsieur [N] a déposé son rapport d’expertise le 11 avril 2023.
Par acte de commissaire de justice délivré le 31 mars 2023, Monsieur [B] [Y] et son épouse Madame [C] [Y] née [V] ont assigné devant le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse Madame [K] [H] née [O] en résolution de la vente du véhicule et en remboursement de certains frais.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans leurs dernières conclusions notifiées le 2 novembre 2023, Monsieur [B] [Y] et son épouse Madame [C] [Y] née [V] sollicitent de :
Au visa des dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil, 1303 et suivants du Code civil,
DEBOUTER purement et simplement Madame [K] [H] née [O] de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions.
PRONONCER la résolution de la vente du véhicule MINI immatriculé [Immatriculation 6] survenue le 8 janvier 2021 entre Madame [K] [H] née [O] d’une part et Madame [C] [Y] née [V] d’autre part.
CONDAMNER en conséquence Madame [K] [H] née [O] à payer à Monsieur [B] [Y] et à Madame [C] [Y] née [V] en restitution du prix de vente la somme de 11.000,00 euros.
LA CONDAMNER au paiement des frais de carte grise soit la somme de 228,76 euros et des frais d’assurance à concurrence de la somme de 706,90 euros arrêtés au 6 mars 2023 outre 17,27 euros par mois jusqu’à la reprise du véhicule.
LA CONDAMNER à rembourser sur la base de l’enrichissement injustifié les travaux effectués sur le véhicule, soit les sommes de 14,79 euros + 309,80 euros + 888,86 euros + 423,50 euros = 1.636,95 euros.
CONDAMNER Madame [K] [H] née [O] à payer à Monsieur [B] [Y] et à Madame [C] [Y] née [V] la somme de 1.500,00 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNER Madame [K] [H] née [O] en tous les dépens en ce compris la procédure de référé et les frais d’expertise avec application, au profit de la SELARL BERNASCONI ROZET MONNET-SUETY FOREST, des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 9 octobre 2023, Madame [K] [H] née [O] sollicite, au vu des articles 1641 et suivants du code civil :
-de juger prescrites, irrecevables et mal fondées les demandes formées par Monsieur et Madame [Y],
En conséquence,
– de les rejeter intégralement,
Y ajoutant,
– de condamner Monsieur et Madame [Y] à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner Monsieur et Madame [Y] à supporter tous les entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire.
Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, le tribunal se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 11 janvier 2024.
A l’audience de plaidoirie du 17 juin 2024, date à laquelle l’affaire a été utilement appelée et retenue, les parties représentées ont déposé les pièces à l’appui de leurs allégations.
Les parties ont été informées par le Président que le jugement serait rendu le 27 août 2024 par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.
– Sur la recevabilité des demandes
Madame [H] demande à ce que les demandes formées par les époux [Y] soient déclarées irrecevables, car prescrites, sur le fondement de l’article 1648 alinéa 1er du code civil au motif qu’ils connaissaient le vice depuis le 4 mai 2021 et l’avaient accepté, mais que l’assignation ne lui a été délivrée que le 31 mai 2023, soit plus de deux ans après la connaissance du vice, sans que l’expertise judiciaire puisse avoir un effet sur la prescription dès lors que le vice était connu.
Cependant, cette fin de non-recevoir invoquée issue de la prescription est de la compétence exclusive du juge de la mise en état, en application de l’article 789 du code de procédure civile, de sorte que la demande d’irrecevabilité des demandes des époux [Y] formée par Madame [H] du fait de la prescription doit être déclarée irrecevable car formée uniquement devant le juge du fond.
– Sur la demande de résolution de la vente du véhicule pour vices cachés
En droit, il ressort des termes de l’article 1641 du code civil que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.
L’article 1642 du même code précise que le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même.
L’article 1643 du même code ajoute que le vendeur est tenu des vices cachés, quand bien même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie.
Il appartient donc à Monsieur et Madame [Y] d’établir l’existence d’un vice affectant l’usage de leur véhicule, vice qu’ils ne pouvaient déceler au moment de la vente et d’une gravité telle qu’ils ne l’auraient pas acquis s’ils l’avaient connu ou en auraient donné un prix moindre.
Par ailleurs, le vice doit être considéré comme suffisamment grave dès lors qu’il empêche une utilisation normale de la chose, et a fortiori s’il la rend dangereuse.
Si l’acquéreur d’un véhicule d’occasion ne peut pas attendre les mêmes qualités et le même fonctionnement qu’un véhicule neuf en raison de l’usure dont il est averti, le véhicule doit cependant être apte à rendre normalement les services que l’on peut en attendre compte tenu de sa vétusté.
En l’espèce, il résulte du rapport d’expertise judiciaire rendu par Monsieur [N] que le moteur du véhicule est affecté d’une dégradation du mécanisme de liaison par chaîne reliant les éléments mobiles du bas et du fait moteur (chaîne de distribution dégradée avec ses tendeurs et guides), et qu’au regard du constat technique, le phénomène était présent en état de germe au moment de la vente. Monsieur [N] en a conclu que le moteur devait être remplacé, puisque les dommages causés au moteur sont importants et que l’asynchronisme des pièces en rotation a conduit au blocage du moteur et au déphasage des cycles de combustion.
Ainsi, c’est de façon inopérante que Madame [H] s’oppose à tout vice caché au motif que la cause des constats techniques opérés par l’expert judiciaire serait que Madame [Y] aurait fait un usage intensif de son véhicule malgré la nécessité de changement de la chaîne, ce qui aurait ainsi endommagé le moteur, alors qu’elle aurait dû solliciter la résolution de la vente dès la constatation par le mécanicien. Au contraire, l’expert judiciaire a explicitement indiqué dans son rapport que les désordres en état de germe au moment de la transaction étaient irréversibles et ne pouvaient pas être constatés par les demandeurs.
Par ailleurs, il ressort du rapport d’expertise judiciaire que le groupe motopropulseur doit être remplacé par un nouvel élément tout comme le phare avant droit collé sommairement et le joint de liaison de capote droit maintenu avec de l’adhésif, ce qui aura un coût évalué à 9.643,83 euros TTC.
Monsieur [N] en conclut qu’alors que la valeur de transaction d’un bien similaire sur le marché de l’occasion est de 10.000 euros TTC, la valeur résiduelle du véhicule litigieux peut être estimée en l’état à 1.000 euros. Il ajoute, dans son rapport, que l’érosion des pièces est relativement importante et que la chaîne a effectivement battu dans son logement, de sorte qu’en l’état, le véhicule ne peut être utilisé normalement et doit être impérativement immobilisé au domicile des demandeurs.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, qu’aucune pièce produite par Madame [H] ne contredit, il convient de considérer que lors de sa vente entre Madame [H] et les époux [Y], le véhicule Mini était affecté de vices cachés, au sens de l’article 1641 du code civil, qui le rendaient impropre à l’usage qu’ils pouvaient en attendre, alors qu’ils l’ont acheté 11.000 euros et qu’il ne comptabilisait que 96.269 km lors du contrôle technique favorable établi le 6 janvier 2021.
En conséquence, la responsabilité de Madame [H] pour vices cachés sera retenue à leur encontre.
– Sur les conséquences des vices cachés
* Sur les restitutions
L’article 1644 du code civil dispose que “l’acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix”.
En l’espèce, il convient de faire droit à la demande de Monsieur et Madame [Y] de voir condamner Madame [H] à leur restituer la somme de 11.000 euros au titre du prix de vente du véhicule.
Il convient également de condamner les demandeurs à restituer le véhicule à Madame [H], selon les modalités précisées au dispositif du présent jugement.
* Sur le remboursement des frais occasionnés par la vente
L’article 1645 du code civil dispose que : “Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur”.
En vertu de l’article 1646 du même code : “Si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu’à la restitution du prix, et à rembourser à l’acquéreur les frais occasionnés par la vente”.
En l’espèce, il doit être considéré que Madame [H] n’était pas un professionnel de l’automobile, de sorte qu’elle n’est pas réputée connaître les vices dont était affecté son véhicule, ce qui n’est d’ailleurs pas allégué.
En revanche, Madame [H] sera condamnée à rembourser aux époux [Y] les frais occasionnés par la vente litigieuse dont ils justifient, à savoir :
– 228,76 euros de frais de carte grise ;
– 706,90 euros de frais d’assurance arrêtés au 6 mars 2023, outre 17,27 euros par mois entre le 6 mars 2023 et le 6 septembre 2024, le présent jugement étant rendu le 27 août 2024, soit un total de 1 017,76 euros (706,90 euros + 310,86 euros) ; en effet, une condamnation à des frais d’assurance pour une période postérieure ne saurait être acceptée, leur paiement étant hypothétique ;
– 1 636,95 euros correspondant aux travaux qu’ils justifient avoir effectués sur le véhicule (14,79 euros pour un changement d’ampoule électrique, 309,80 euros pour le remplacement des disques et plaquettes de frein arrière, 888,86 euros pour le remplacement du tendeur de chaîne de distribution moteur, le boîtier thermostat, le refroidisseur de filtre à huile et le support de lampe de stop arrière, et 423,50 euros pour le remplacement des paliers de barre stabilisatrice et les biellettes arrière et le joint du bloc filtre à huile),
soit un total de 2 883,47 euros.
– Sur les demandes accessoires
Partie perdante, Madame [H] sera condamnée aux dépens comprenant, à titre définitif, ceux de l’instance en référé dont les honoraires de l’expert judiciaire.
La SELARL BERNASCONI ROZET MONNET-SUETY FOREST sera autorisée à les recouvrer directement en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Madame [H] sera condamnée à payer aux époux [Y] la somme demandée de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
– Déclare irrecevable la demande d’irrecevabilité pour cause de prescription formée par Madame [K] [O] épouse [H] ;
– Prononce la résolution de la vente du véhicule de marque Mini immatriculé [Immatriculation 6] intervenue le 8 janvier 2021 entre Madame [C] [V] épouse [Y] et Madame [K] [O] épouse [H] ;
– Condamne Madame [K] [O] épouse [H] à payer à Monsieur [B] [Y] et Madame [C] [V] épouse [Y] la somme de 11.000 euros au titre de la restitution du prix de vente du véhicule ;
– Ordonne la restitution du véhicule de marque Mini immatriculé [Immatriculation 6] par Monsieur [B] [Y] et Madame [C] [V] épouse [Y], à Madame [K] [O] épouse [H] , à charge pour cette dernière de venir récupérer le véhicule à ses frais sur son lieu de stationnement indiqué par Monsieur [B] [Y] et Madame [C] [V] épouse [Y], et d’assumer les frais de retour du véhicule ;
– Dit que devra récupérer le véhicule dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, à défaut de quoi Monsieur [B] [Y] et Madame [C] [V] épouse [Y] pourront en disposer comme bon leur semble ;
– Dit qu’en cas de résistance de Monsieur [B] [Y] et Madame [C] [V] épouse [Y] à restituer le véhicule, ils seront condamnés à restitution ;
– Condamne Madame [K] [O] épouse [H] à payer à Monsieur [B] [Y] et Madame [C] [V] épouse [Y] la somme totale de 2.883,47 euros au titre des frais occasionnés par la vente ;
– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
– Condamne Madame [K] [O] épouse [H] à payer à Monsieur [B] [Y] et Madame [C] [V] épouse [Y] la somme de 1.500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamne Madame [K] [O] épouse [H] aux dépens comprenant, à titre définitif, ceux de l’instance en référé dont les honoraires de l’expert judiciaire et admet la SELARL BERNASCONI ROZET MONNET-SUETY FOREST au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Remis au Greffe en vue de sa mise à disposition des parties et signé par le Président et le Greffier,
Le greffier Le président
copie exécutoire + ccc le :
à
Me Jacques BERNASCONI
Me Sandrine MARTINIANI