Responsabilité du vendeur dans la transaction équestre : obligations d’information et de conseil en question

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Responsabilité du vendeur dans la transaction équestre : obligations d’information et de conseil en question

Acquisition de la jument DOLIPOP

Madame [G] [S] a acheté une jument nommée DOLIPOP à la SARL EQUIPALINE pour un montant de 12.000 euros, selon une facture datée du 23 mai 2020.

Découverte des problèmes de comportement

Après l’achat, madame [G] [S] a constaté que la jument présentait un comportement dangereux lors des concours de saut d’obstacle. En conséquence, elle a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux, qui a ordonné une expertise judiciaire le 11 octobre 2021. L’expert a remis son rapport le 20 juin 2022.

Assignation en indemnisation

Le 2 février 2023, madame [G] [S] a assigné la SARL EQUIPALINE devant le tribunal judiciaire de Bordeaux pour obtenir une indemnisation de ses préjudices. La clôture de l’affaire a été prononcée le 11 septembre 2024.

Demandes de madame [G] [S]

Dans ses conclusions du 11 décembre 2023, madame [G] [S] a demandé au tribunal de condamner la SARL EQUIPALINE à lui verser plusieurs sommes, totalisant 14.000 euros, pour divers préjudices, ainsi que le remboursement des frais d’expertise et des dépens.

Arguments de la SARL EQUIPALINE

La SARL EQUIPALINE a contesté les demandes de madame [G] [S], arguant qu’elle n’était pas responsable des problèmes de comportement de la jument et que cette dernière avait été engagée en compétition sans incident après la vente. Elle a également soutenu que madame [G] [S] avait agi de manière imprudente en n’ayant pas fait appel à un professionnel pour l’achat.

Motivation du tribunal

Le tribunal a examiné les obligations d’information et de conseil de la SARL EQUIPALINE, concluant qu’elle n’avait pas respecté son devoir d’informer madame [G] [S] des particularités de la jument. Cependant, il a également noté que madame [G] [S] avait fait preuve de négligence dans son achat.

Partage de responsabilité

Le tribunal a décidé d’un partage de responsabilité, attribuant 80% de la faute à la SARL EQUIPALINE et 20% à madame [G] [S].

Indemnisation accordée

Le préjudice matériel total a été évalué à 8.022,50 euros, et après application de la réduction de 20% due à la négligence de madame [G] [S], l’indemnisation a été fixée à 6.418 euros.

Frais de procès et exécution provisoire

La SARL EQUIPALINE a été condamnée à payer les dépens, y compris ceux de la procédure de référé et de l’expertise judiciaire, ainsi qu’une somme de 2.000 euros à madame [G] [S] au titre des frais irrépétibles. L’exécution provisoire du jugement a été ordonnée.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quelles sont les obligations de délivrance conforme du vendeur en matière de vente d’un animal ?

La délivrance conforme est régie par les articles L217-4 à L217-9 du Code de la consommation, qui stipulent que le vendeur doit livrer un bien conforme au contrat.

L’article L217-4 précise que le bien doit être propre à l’usage habituellement attendu d’un bien semblable et doit présenter les qualités que le vendeur a présentées au consommateur.

En l’espèce, madame [G] [S] soutient que la jument DOLIPOP ne répondait pas à ces critères, car elle présentait un comportement dangereux, ce qui constitue un manquement à l’obligation de délivrance conforme.

Il est également important de noter que, selon l’article L217-5, le vendeur est tenu de garantir le consommateur contre les défauts de conformité existant lors de la délivrance du bien.

Ainsi, si la jument avait des comportements dangereux connus du vendeur, cela pourrait engager sa responsabilité pour manquement à cette obligation.

Quelles sont les conséquences d’un manquement à l’obligation d’information et de conseil ?

L’obligation d’information et de conseil est prévue par l’article 1112-1 du Code civil, qui impose à une partie de communiquer à l’autre toute information déterminante pour son consentement.

En cas de manquement, l’article 1137 du Code civil évoque la notion de réticence dolosive, qui peut entraîner l’annulation du contrat ou une action en responsabilité civile.

Dans le cas présent, la SARL EQUIPALINE aurait dû informer madame [G] [S] des particularités de la jument, notamment de son comportement et de ses origines, qui étaient déterminants pour son choix.

Le rapport d’expertise a révélé que la jument avait des caractéristiques qui la rendaient difficile à monter, ce qui aurait dû être porté à la connaissance de l’acheteur.

Le non-respect de cette obligation pourrait donc engager la responsabilité de la SARL EQUIPALINE et justifier une demande d’indemnisation.

Comment se détermine le préjudice en cas de vente d’un animal présentant des défauts ?

La détermination du préjudice est régie par l’article 1231-1 du Code civil, qui stipule que la réparation doit couvrir le dommage causé par le manquement contractuel.

Dans le cas de madame [G] [S], le préjudice matériel a été évalué à partir de la moins-value de la jument, qui a été achetée pour 12.000 euros mais dont la valeur réelle a été estimée à 6.000 euros.

De plus, les frais engagés pour la selle sur mesure et les soins vétérinaires ont également été pris en compte.

Il est important de noter que le préjudice doit être certain et direct, ce qui signifie que madame [G] [S] doit prouver que les frais engagés sont directement liés au manquement de la SARL EQUIPALINE.

Dans cette affaire, le tribunal a reconnu un préjudice total de 8.022,50 euros, mais a appliqué une réduction de 20 % en raison de la négligence de madame [G] [S] dans l’acquisition de la jument.

Quelles sont les implications des frais de justice et de l’exécution provisoire dans ce litige ?

Les frais de justice sont régis par l’article 696 du Code de procédure civile, qui stipule que la partie perdante est condamnée aux dépens.

Dans cette affaire, la SARL EQUIPALINE, ayant perdu le procès, a été condamnée à payer les dépens, y compris ceux de la procédure de référé et les frais d’expertise.

Concernant l’exécution provisoire, l’article 514 du Code de procédure civile prévoit que les décisions de première instance sont exécutoires à titre provisoire, sauf disposition contraire.

Dans ce cas, le tribunal a décidé que l’exécution provisoire était de droit, ce qui signifie que madame [G] [S] pouvait obtenir le paiement des dommages et intérêts sans attendre l’issue d’un éventuel appel.

Cela permet de garantir que la partie gagnante puisse bénéficier rapidement de la réparation de son préjudice.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 décembre 2024
Tribunal judiciaire de Bordeaux
RG
23/01153
N° RG 23/01153 – N° Portalis DBX6-W-B7H-XOR3
CINQUIÈME CHAMBRE
CIVILE

SUR LE FOND

50F

N° RG 23/01153 – N° Portalis DBX6-W-B7H-XOR3

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

[G] [S]

C/

S.A.R.L. EQUIPALINE

Grosses délivrées
le

à
Avocats : la SAS DROUOT AVOCATS
l’AARPI GRAVELLIER – LIEF – DE LAGAUSIE – RODRIGUES

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 10 DECEMBRE 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré

Madame Myriam SAUNIER, Vice-Président,
Statuant à Juge Unique

Greffier, lors des débats et du prononcé
Isabelle SANCHEZ, Greffier

DÉBATS

A l’audience publique du 08 Octobre 2024

JUGEMENT

Contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile

DEMANDERESSE

Madame [G] [S]
[Adresse 4]
[Localité 2]

représentée par Maître Marina RODRIGUES de l’AARPI GRAVELLIER – LIEF – DE LAGAUSIE – RODRIGUES, avocats au barreau de BORDEAUX

DÉFENDERESSE

S.A.R.L. EQUIPALINE immatriculée au RCS DE BORDEAUX sous le numéro 827 563 826
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Anne-Sophie VARGUES de la SAS DROUOT AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX

EXPOSE DU LITIGE

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Suivant facture du 23 mai 2020, madame [G] [S] a acquis de la SARL EQUIPALINE une jument DOLIPOP moyennant le prix de 12.000 euros.

Exposant avoir découvert que la jument présentait un comportement dangereux lors des concours de saut d’obstacle, madame [G] [S] a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux. Par ordonnance du 11 octobre 2021, le juge des référés a ordonné, au contradictoire de la SARL EQUIPALINE, une expertise judiciaire confiée à monsieur [F] [R]. L’expert a établi son rapport le 20 juin 2022.

Par acte délivré le 02 février 2023, madame [G] [S] a fait assigner la SARL EQUIPALINE devant le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins d’indemnisation de ses préjudices.

La clôture est intervenue le 11 septembre 2024 par ordonnance du juge de la mise en état du même jour.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 décembre 2023, madame [G] [S] sollicite du tribunal, sans qu’il n’y ait lieu à écarter l’exécution provisoire, de :

condamner la SARL EQUIPALINE à lui payer à titre de dommages et intérêts les sommes de :6.000 euros au titre de la moins-value,3.865 euros au titre de la selle sur mesure,160 euros au titre des frais d’ostéopathie,362 euros au titre des engagements des concours réalisés,condamner la SARL EQUIPALINE au paiement des dépens, en ce compris ceux de référé et les frais de l’expertise judiciaire, avec droit de recouvrement direct au profit de maître Marina RODRIGUEScondamner la SARL EQUIPALINE à lui payer une indemnité de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de sa demande indemnitaire, madame [S] fait valoir, en premier lieu que la SARL EQUIPALINE a manqué à son obligation de délivrance conforme, sur le fondement des articles L213-1 du code rural et de la pêche maritime dans sa version antérieure au 1er janvier 2022 lui permettant de se prévaloir des dispositions des articles L217-4, L217-5 et L217-7 à L217-9 anciens du code de la consommation qui lui sont applicables dès lors qu’elle n’est pas, en sa qualité de cavalier amateur et même titulaire d’un diplôme d’assistant-animateur d’équitation exerçant des activités non professionnelles au sein d’une écurie, un professionnel de la vente d’équidé. Ainsi, elle prétend que la jugement [M] a été vendue par la SARL EQUIPALINE pour un niveau amateur et pour permettre à sa fille de 12 ans de la monter, alors qu’elle a présenté un comportement inadapté, imprévisible et dangereux, inadéquat avec le niveau amateur, et qu’elle le présentait déjà avant la vente. Elle expose qu’elle ne pouvait pas connaitre la difficulté liée aux origines paternelles de [M], alors que les chevaux d’origine L’Arc de Triomphe ont un caractère difficile, ce que ne pouvait ignorer le vendeur professionnel, lequel connaissait également le caractère essentiel de cette information lors de l’achat.
Elle soutient en deuxième lieu que la SARL EQUIPALINE a manqué à son obligation de conseil et son devoir d’information sur les origines et les difficultés de l’animal, alors qu’elle avait spécifié son souhait d’acquérir une jument en qualité de cavalier amateur et pour que sa fille de 12 ans puisse la monter, et qu’il lui a refusé de prendre la jument à l’essai pendant quinze jours.
Madame [S] prétend en troisième lieu, au visa de l’article 1137 du code civil, que la SARL EQUIPALINE s’est rendue coupable d’un dol pour lui avoir intentionnellement dissimulé l’information selon laquelle DOLIPOP était une jument très difficile à monter du fait de ses origines paternelles, alors qu’elle avait connaissance du caractère déterminant de cette information. Elle ajoute que la vente s’est réalisée sans la fourniture de la carte de propriétaire sur laquelle figure lesdites origines, et ajoute que le prix a été payé en espèces pour « faire sauter la TVA », sans établissement d’un contrat ce qui ne peut lui être reproché, et ne saurait exclure la responsabilité du vendeur professionnel.

Sur la détermination de son préjudice, madame [S] expose subir une moins-value en ce que la jument achetée au prix de 12.000 euros a en réalité une valeur de 6.000 euros. Elle sollicite également le remboursement des frais engagés en pure perte compte tenu de l’impossibilité pour la jument de participer à des concours.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 26 février 2024, la SARL EQUIPALINE demande au tribunal de débouter madame [S] de ses demandes et de la condamner au paiement des dépens, en ce compris ceux de référé et d’expertise, et de lui payer la somme de 4.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien du rejet des prétentions indemnitaires formées à son encontre, la SARL EQUIPALINE fait valoir que les dispositions de l’article L213-1 du code rural, relatif à la vente des animaux dans sa version applicable aux faits de l’espèce, excluent la présomption d‘antériorité prévue à l’article L217-7 du code de la consommation, ce qui implique que madame [S] démontre l’antériorité du défaut allégué. Elle indique s’agissant de la qualité de consommateur que madame [S] contractait pour satisfaire un besoin personnel, mais avec les connaissances d’un amateur éclairé. Elle prétend que madame [S] a été imprudente dans son acquisition en ne se faisant pas assister par un professionnel, et en se contentant d’une visite vétérinaire fournie par le vendeur, alors qu’elle n’est pas une simple consommatrice profane au regard de son diplôme d’enseignement, de son niveau de galop 7 et du fait qu’elle est titulaire d’une licence de dirigeante d’une association équestre dont l’un des objets est l’achat et la vente de chevaux.
La SARL EQUIPALINE conteste que la jument ait présenté un comportement dangereux avant la vente, et soutient que postérieurement à la vente elle a été engagée régulièrement en compétition sans qu’aucun problème particulier ne soit signalé. Elle prétend que les difficultés sont survenues en raison de l’absence de travail préalable avec la jument, l’inaptitude actuelle de la jument étant donc la conséquence de ce manque de travail et non d’un défaut antérieur.
En réponse au manquement allégué à l’obligation de conseil, la SARL EQUIPALINE soutient avoir donné toutes les informations dont elle disposait, ne connaissant par ailleurs pas le niveau d’équitation de l’acheteur ni les conditions d’exploitation à venir du cheval, et n’ayant pas constaté antérieurement de comportement anormal de la jument. Elle ajoute que madame [S] travaillait avec des professionnels aguerris et a renoncé à se faire assister d’un professionnel dans le cadre de la vente, contrairement aux usages.
Pour contester l’existence d’un dol, la SARL EQUIPALINE expose que madame [S] échoue à démontrer l’élément essentiel et déterminant par le vendeur, soutenant au contraire avoir présenté plusieurs chevaux mais avoir répondu à la demande insistante de madame [S] d’avoir un cheval dans le sang.

MOTIVATION

Sur les prétentions indemnitaires formées par madame [S]

En vertu de l’article 1112-1 du code civil, celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. /Néanmoins, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation. /Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. / Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie./ Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir. /Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d’information peut entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.

Le non-respect de cette obligation caractérise la réticence dolosive prévue et définie à l’article 1137 du code civil, il peut donc donner lieu à l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants du code civil, et/ou à une action en responsabilité civile.

Par ailleurs, en application des dispositions de l’article 1231-1 du code civil, l’entrepreneur est tenu à une obligation de conseil envers son co-contractant profane. Lorsque sa responsabilité est engagée faute de respect de cette obligation, il est tenu au paiement de dommages et intérêts lorsqu’il en résulte un préjudice pour le co-contractant. Il appartient à l’entrepreneur de rapporter la preuve du respect de cette obligation d’information et de conseil.

La faute de la victime, ayant contribué à la réalisation de son propre préjudice, permet une exonération partielle de la responsabilité de l’auteur du manquement à l’obligation d’information.

Sur le manquement à l’obligation d’information
En l’espèce, il résulte du rapport d’expertise judiciaire que la jument acquise par Madame [S] auprès de la société EQUIPALINE est un animal qui, de par son tempérament, son origine génétique paternelle mais également le fait qu’elle ait deux vertèbres soudées, est susceptible de prendre le dessus sur son cavalier si elle n’est pas régulièrement travaillée via les bons outils techniques nécessaires au dressage d’un cheval. L’expertise permet de démontrer que ce travail doit être assidu et régulier et ne pouvait être effectué que par un professionnel ou un amateur suffisamment expérimenté pour disposer des qualités techniques et des structures essentielles à ce type de dressage, ce qui n’était pas le cas de madame [S]. Le rapport souligne ainsi qu’avec madame [S], qui ne maîtrise pas le travail et l’entraînement des chevaux en compétition, la jument n’a pas été assez travaillée de telle sorte qu’elle a pris le dessus et l’ascendant sur sa cavalière et que son comportement s’est détérioré rapidement.

Or, il ressort des échanges antérieurs à la vente entre la société EQUIPALINE et madame [S] que la société venderesse savait qu’elle recherchait un cheval pour faire des compétitions de saut d’obstacle 130 et qu’elle avait un niveau Galop 7.
Par ailleurs, l’attestation établie par madame [E], monitrice d’équitation, permet de relever qu’elle avait observé les mêmes difficultés que madame [S], sur cette jument, lors d’un concours du 17 novembre 2019, alors que DOLIPOP était montée par son ancienne propriétaire, madame [U] [V]. En outre, dans le cadre de l’expertise, une vidéo de la jument, montée par madame [U] [V], du 15 novembre 2019, qui est la dernière vidéo connue avant la vente à Madame [S], a été exploitée. L’expert a constaté les mêmes difficultés pour madame [U] [V], considérant que celle-ci ne semblait pas avoir le niveau suffisant pour encadrer la jument. Madame [U] [V] a, dans son attestation, indiqué avoir vendu la jument en raison du contexte sanitaire, mais la visite vétérinaire effectuée à cette fin l’a été le 25 février 2020 soit antérieurement à la crise sanitaire, ce qui permet de douter de la véracité de son motif de vente. Enfin, ce compte-rendu vétérinaire mentionne les anomalies radiographiques résultant des deux vertèbres soudées.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, la société EQUIPALINE, qui a vendu la jument, ne pouvait ignorer, d’une part, l’origine paternelle de la jument, mais également ces anomalies radiographiques ni même le tempérament de la jument qui apparaît comme déjà observable dans le comportement de celle-ci avec l’ancienne propriétaire. Dès lors, en tant que professionnelle de l’achat et la vente d’équidés, elle ne pouvait ignorer que cette jument ne pouvait être mise en toutes les mains.
Aussi, même si, comme l’affirme la défenderesse, madame [S] a insisté pour acheter cette jument, en lieu et place du cheval pour lequel elle était venue, il appartenait à la société EQUIPALINE de la prévenir des difficultés susceptibles d’intervenir ce qu’elle ne démontre pas avoir fait. A cet égard, l’annonce Facebook portée aux débats par la société EQUIPALINE, dont il n’est pas possible de déterminer si c’est bien celle d’origine, n’est nullement suffisante à informer de ces difficultés puisqu’elle indique seulement que la jument avait « un peu de caractère ». Or, ces difficultés étaient nécessairement déterminantes du consentement de Madame [S] puisqu’il ressort de l’expertise qu’elle n’était pas en capacité, ni matériellement ni techniquement, de gérer la jument.

Or, au contraire, et comme l’a souligné l’expertise, la société EQUIPALINE a vendu la jument en ne rédigeant aucun contrat, susceptible de la protéger contre toute action ultérieure mais surtout de nature à préciser l’usage pour lequel la jument était achetée. Elle a vendu, en outre, la jument, sans fournir préalablement la carte du propriétaire et sans proposer à Madame [S] de faire plusieurs essais.

Il en résulte que la société EQUIPALINE n’a pas respecté son obligation précontractuelle d’information en s’abstenant de prévenir madame [S] des particularités de la jument qu’elle s’apprêtait à acquérir et des conséquences de celles-ci. Ce faisant, sa responsabilité est engagée.

Cependant, il convient de relever que malgré son statut d’amateur éclairé équin disposant d’un diplôme d’enseignement d’assistant animateur d’équitation, madame [S] ne maîtrise pas le travail et l’entrainement des chevaux de compétition et aurait ainsi dû se faire conseiller lors de cet achat. Au contraire, elle a accepté d’acquérir la jument sans contrat, sans carte de propriétaire, sans faire réaliser sa propre visite d’achat comme il est d’usage et en n’essayant le cheval qu’une fois avant de l’acheter.
Ce faisant, elle a fait preuve de négligence de telle sorte qu’elle a concouru à la réalisation de son propre dommage.
Il convient dès lors de conclure à un partage de responsabilité entre la société EQUIPALINE et madame [S], étant précisé que la responsabilité de la société est supérieure à celle de madame [S], du fait de sa qualité de professionnelle de l’achat et de la vente d’équidé. La part de responsabilité de madame [S] sera fixée à 20%.

Sur le préjudice
Il résulte de ce qui précède que, si la société EQUIPALINE avait respecté son obligation précontractuelle d’information, madame [S] n’aurait pas acquis la jument DOLIPOP, même s’il a été conclu à un partage de responsabilité du fait de sa propre faute, dès lors qu’elle aurait su qu’elle ne disposait pas des compétences nécessaires pour en prendre soin.
En premier lieu, la jument a été payée 12.000 euros. Il ressort de l’expertise qu’un travail de remise en route, pour un coût de 6.000 euros, serait nécessaire pour qu’elle retrouve le niveau attendu de telle sorte qu’elle ne pourrait, à ce jour, être vendue moins de 6.000 euros. Aussi, ce préjudice, lié à la perte de valeur de l’animal, de 6.000 euros, est certain.

En deuxième lieu, s’agissant de l’achat de la selle sur mesure, il convient de relever, d’une part, que la selle a servi a minima jusqu’à la dernière compétition effectuée par madame [S] avec la jument, le 10 novembre 2020. D’autre part, madame [S] est toujours en possession de la jument mais également de la selle et n’indique pas sa valeur actuelle. Aussi, elle ne saurait être intégralement indemnisée de ce préjudice, occasionné par l’acquisition d’une selle dont l’utilité est désormais réduite, qui sera limité à la moitié de sa valeur, soit à la somme de 1 932,5 euros.

En troisième lieu, il est constant que madame [S] a tenté, en faisant appel à plusieurs professionnels, de remédier aux difficultés qu’elle a rencontrées avec la jument, de telle sorte qu’elle sera indemnisée des frais d’ostéopathie justifiés, par une facture, à hauteur de 90 euros.

N° RG 23/01153 – N° Portalis DBX6-W-B7H-XOR3

En quatrième lieu, il est constant que la jument a été montée par madame [S] sur 24 concours entre le 5 juillet et le 10 novembre 2020, dont trois seulement où elle a été éliminée. Elle ne justifie pas d’engagements à des concours qui n’auraient pu être honorés en raison des difficultés rencontrées avec la jument de telle sorte qu’aucune indemnisation ne sera accordée pour ce poste de préjudice.

Le préjudice matériel subi par madame [S], directement lié à la faute de la société EQUIPALINE s’élève donc à la somme totale de 8.022,50 euros. Du fait de sa propre faute dans la survenance de ce préjudice, son droit à indemnisation doit être réduit de 20%.

En conséquence, il convient de calculer son droit à indemnisation en retenant 80 % de la somme correspondant au préjudice matériel selon le calcul suivant : (8.022, 5 X 80) /100, soit la somme de 6.418 euros.

Ainsi, la société EQUIPALINE sera condamnée à payer à madame [S] la somme de 6.418 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation de son préjudice matériel, et le surplus des demandes sera rejeté.

Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

Dépens
En vertu de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.[…]

En l’espèce, la SARL EQUIPALINE perdant la présente instance, il convient de le condamner au paiement des dépens, en ce compris les dépens de la procédure de référé et le coût de l’expertise judiciaire, avec droit de recouvrement direct au profit de maître Marina RODRIGUES.

Frais irrépétibles
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : 1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;/[…] /Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations./ Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent. / […]

En l’espèce, la société EQUIPALINE, partie perdante et condamnée aux dépens, devra verser à madame [S] la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de sa propre demande de ce chef.

Exécution provisoire
Conformément à l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
L’article 514-1 du code de procédure civile dispose que le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. /Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée.

En l’espèce, il convient donc de rappeler que l’exécution provisoire du jugement est de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

Condamne la SARL EQUIPALINE à payer à madame [G] [S] la somme de 6.418 euros de dommages et intérêts ;

Déboute madame [G] [S] du surplus de ses prétentions indemnitaires ;

Condamne la SARL EQUIPALINE au paiement des dépens, en ce compris les dépens de la procédure de référé et le coût de l’expertise judiciaire, avec droit de recouvrement direct au profit de maître Marina RODRIGUES ;

Condamne la SARL EQUIPALINE à payer à madame [G] [S] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SARL EQUIPALINE de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que le présent jugement assorti de l’exécution provisoire de droit ;

La présente décision est signée par Madame Myriam SAUNIER, Vice-Présidente, et Isabelle SANCHEZ, Greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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