Responsabilité du propriétaire face aux troubles anormaux de voisinage et aux obligations de mise en conformité des installations sanitaires

·

·

Responsabilité du propriétaire face aux troubles anormaux de voisinage et aux obligations de mise en conformité des installations sanitaires

Contexte de l’affaire

M. [E] [C], décédé le [Date décès 3] 2022, était propriétaire d’un appartement au 23ème étage d’un immeuble. M. [Y] [U] possédait l’appartement au-dessus, au 24ème étage, qu’il avait loué à M. [W] [J], décédé en 2018 et assuré par la Macif. M. [C] a subi des dégâts des eaux provenant de l’appartement de M. [U] et a demandé une expertise judiciaire en 2018, suivie d’une assignation en responsabilité en 2020.

Procédures judiciaires

L’expertise judiciaire a été ordonnée par le tribunal en mars 2019, et les opérations ont été étendues à la Macif en janvier 2020. M. [C] a assigné M. [U] en novembre 2020, et ce dernier a ensuite assigné la Macif en garantie en juin 2021. Les deux affaires ont été jointes en octobre 2021. Après le décès de M. [C], sa fille, Mme [S] [C], a demandé la réouverture de l’affaire, ce qui a été accordé en juin 2023.

Demandes de Mme [S] [C]

Dans ses conclusions, Mme [S] [C] a demandé au tribunal de reconnaître la responsabilité de M. [U] pour les dégâts subis par son père, de condamner M. [U] à réaliser des travaux de mise aux normes dans son appartement, et de lui verser des indemnités pour divers préjudices, y compris matériel, financier, de jouissance, moral et des frais de conseil.

Réponses de M. [Y] [U]

M. [U] a contesté les demandes de Mme [C], arguant que les dégâts étaient liés à des sinistres survenus pendant la location de son appartement par M. [J]. Il a également soutenu que les travaux réalisés avaient suffi à remédier aux problèmes d’humidité et a demandé à ce que les préjudices soient réduits.

Expertise judiciaire

L’expert judiciaire a confirmé que les dégâts des eaux subis par M. [C] étaient dus à des défectuosités dans les installations sanitaires de l’appartement de M. [U]. Il a noté que les travaux effectués par M. [U] n’étaient pas conformes aux normes en vigueur et a recommandé des travaux supplémentaires pour remédier à la situation.

Décision du tribunal

Le tribunal a déclaré recevables les demandes de Mme [C] et a condamné M. [U] à réaliser les travaux nécessaires dans un délai de trois mois, sous astreinte. Il a également ordonné à M. [U] de verser à Mme [C] une somme totale de 16.723,42 € pour les préjudices subis, ainsi que des frais supplémentaires au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Appel en garantie contre la Macif

M. [U] a tenté d’appeler la Macif en garantie, mais le tribunal a rejeté cette demande, affirmant que la responsabilité des désordres relevait uniquement de M. [U] en tant que propriétaire.

Conclusion et dépens

M. [U] a été condamné à payer les dépens, y compris les frais d’expertise, et la SELARL Chauvin de la Roche Houfani a été autorisée à recouvrer ces dépens. L’exécution provisoire du jugement a été maintenue, et les parties ont été déboutées de leurs demandes supplémentaires.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quelle est la responsabilité de M. [U] en matière de troubles anormaux de voisinage ?

La responsabilité de M. [U] est engagée sur le fondement des troubles anormaux de voisinage, qui est une notion juridique permettant de demander réparation pour des nuisances dépassant les inconvénients normaux du voisinage.

Selon l’article 544 du Code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, sous réserve de ne pas causer de dommages à autrui.

L’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 précise que chaque copropriétaire doit jouir de ses parties privatives sans porter atteinte aux droits des autres copropriétaires.

Dans ce cas, les nombreux dégâts des eaux subis par M. [C] en raison des installations défectueuses de M. [U] constituent un trouble anormal.

L’expert judiciaire a confirmé que les désordres étaient imputables aux installations sanitaires de M. [U], ce qui engage sa responsabilité de plein droit, indépendamment de toute faute.

Quels sont les préjudices que Mme [C] peut réclamer à M. [U] ?

Mme [C] peut réclamer plusieurs types de préjudices à M. [U], notamment le préjudice matériel, financier, de jouissance, moral et les frais de conseil.

Le préjudice matériel a été évalué par l’expert judiciaire à 1.350 €, actualisé à 1.555 €, en raison des dommages causés par les infiltrations d’eau.

Le préjudice financier, quant à lui, s’élève à 993,92 €, correspondant aux frais de courtage pour retrouver un nouvel assureur après la résiliation de son contrat initial.

Le préjudice de jouissance, évalué à 8.007 €, est justifié par la perte de jouissance de son appartement pendant la période des dégâts.

Le préjudice moral, en raison des désagréments subis, a été fixé à 1.000 €.

Enfin, les frais de conseil engagés pour l’expertise s’élèvent à 5.372,50 €.

Quelles sont les obligations de M. [U] en matière de travaux de remise aux normes ?

M. [U] est condamné à réaliser des travaux de remise aux normes de son appartement, conformément aux préconisations de l’expert judiciaire.

L’article R 3111-8 du Code de la Construction et de l’Habitation impose que les installations sanitaires doivent être conformes aux normes en vigueur, notamment en matière d’étanchéité.

L’expert a précisé que les travaux doivent inclure la purge complète des revêtements, le ragréage des sols, la mise en place d’une étanchéité au sol, et la pose d’un carrelage.

M. [U] doit réaliser ces travaux dans un délai de trois mois à compter de la signification du jugement, sous astreinte de 1.500 € par mois de retard.

Cette obligation est renforcée par le fait que les installations défectueuses sont à l’origine des troubles subis par M. [C].

Comment se déroule l’appel en garantie de M. [U] contre la Macif ?

M. [U] a tenté d’appeler en garantie la Macif, l’assureur de son ancien locataire, M. [J], en soutenant que ce dernier était responsable des dommages.

Cependant, l’expert judiciaire a clairement établi que la responsabilité des désordres relevait exclusivement de M. [U] en tant que propriétaire.

Les articles 1147 ancien, 1231-1 et 1240 du Code civil, ainsi que les dispositions du Code des assurances, stipulent que la responsabilité civile incombe au propriétaire des lieux.

L’expert a précisé que les défectuosités des installations sanitaires relevaient de la seule responsabilité de M. [U], et non de celle de M. [J].

Ainsi, l’appel en garantie de M. [U] contre la Macif a été rejeté, confirmant que la responsabilité des dommages ne peut être transférée à l’assureur du locataire.

Quelles sont les conséquences financières pour M. [U] suite à la décision du tribunal ?

Suite à la décision du tribunal, M. [U] est condamné à verser à Mme [C] une somme totale de 16.723,42 € pour couvrir les préjudices subis.

Cette somme inclut le préjudice matériel, financier, de jouissance, moral et les frais de conseil, comme détaillé précédemment.

De plus, M. [U] doit également payer 3.000 € à Mme [C] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, qui couvre les frais non compris dans les dépens.

Il est également condamné à verser 1.500 € à la Macif pour les frais engagés dans le cadre de la procédure.

Enfin, M. [U] supportera les dépens, y compris les frais d’expertise judiciaire, ce qui alourdit encore sa charge financière suite à cette affaire.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 décembre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG
20/11933
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le :

8ème chambre
1ère section

N° RG 20/11933
N° Portalis 352J-W-B7E-CTI6T

N° MINUTE :

Assignation du :
25 Novembre 2020

JUGEMENT
rendu le 10 Décembre 2024
DEMANDERESSE

Madame [S] [C], venant aux droits de Monsieur [E] [C], décédé
[Adresse 8]
[Localité 4]

représentée par Maître Victoire DE BARY de l’AARPI SHERPA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0575

DÉFENDEURS

Monsieur [Y] [U]
domicilié chez la S.A.S. GID
[Adresse 2]
[Localité 6]

représenté par Maître Baptiste LAMPIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1705

MACIF (Mutuelle Assurance des Commerçants et Industriels de France et des cadres et des salariés de l’Industrie et du Commerce)
[Adresse 1]
[Localité 7]

représentée par Maître Myriam HOUFANI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0089
Décision du 10 Décembre 2024
8ème chambre 1ère section
N° RG 20/11933 – N° Portalis 352J-W-B7E-CTI6T

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Laure BERNARD, Vice-Présidente
Monsieur Julien FEVRIER, Juge
Madame Muriel JOSSELIN-GALL, Vice-Présidente

assistés de Madame Justine EDIN, Greffière

DÉBATS

A l’audience du 11 Septembre 2024 tenue en audience publique devant Monsieur Julien FEVRIER, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

M. [E] [C], décédé le [Date décès 3] 2022, était propriétaire d’un appartement situé au 23ème étage de la tour [9], [Adresse 5] à [Localité 11].

M. [Y] [U] est propriétaire de l’appartement situé au dessus de celui de M. [C], au 24ème étage du même immeuble.

M. [U] a loué cet appartement à M. [W] [J], lequel est décédé à l’été 2018 et était assuré auprès de la Macif.

Indiquant subir de nombreux dégâts des eaux en provenance de l’appartement de M. [U] et en dernier lieu le 27 avril 2018, M. [C] a sollicité une expertise judiciaire auprès du juge des référés du tribunal judiciaire de Paris.

Par ordonnance du 7 mars 2019, il a été fait droit à sa demande.

Par ordonnance du 17 janvier 2020, les opérations d’expertise ont été rendues communes à la Macif.

L’expert judiciaire, M. [H] [L], a déposé son rapport le 1er octobre 2020.

Par la suite, M. [C] a assigné M. [U] en responsabilité devant le tribunal par acte d’huissier de justice du 25 novembre 2020.

Cette affaire a été enregistrée sous le numéro 20/11933.

Par acte d’huissier de justice du 9 juin 2021, M. [U] a assigné la Macif, assureur de M. [J], en garantie devant le tribunal.

Cette seconde affaire a été enregistrée sous le numéro 21/07842.

Le 25 octobre 2021, la jonction entre ces deux affaires a été ordonnée sous le premier numéro.

Suite au décès de M. [C], Mme [S] [C], son unique héritière, a sollicité la révocation de l’ordonnance de clôture du 27 juin 2022.

Par jugement du 6 juin 2023, il a été fait droit à cette demande et l’affaire a été renvoyée à la mise en état.

*

Dans ses dernières écritures notifiées par le réseau privé des avocats le 7 juin 2023, Mme [S] [C] demande au tribunal de :

 » Vu notamment les articles 544, 651, 1240 et 1242 du code civil,
Vu l’article 45 du Règlement sanitaire de la ville de [Localité 10],
Vu l’article R 3111-8 du Code de la Construction et de l’habitation,
Vu le rapport d’expertise,

Madame [S] [C], venant aux droits de Monsieur [C], conclut qu’il plaise au Tribunal Judiciaire de Paris de bien vouloir:

Lui DONNER ACTE de son intervention aux fins de reprendre l’instance ;

DIRE et JUGER qu’elle est recevable et bien fondée en son action ;

DIRE et JUGER que Monsieur [U] a engagé sa responsabilité à l’égard de Monsieur [C] ;

En conséquence :

CONDAMNER Monsieur [U] à faire réaliser les travaux de remise aux normes des pièces humides de son appartement tels que préconisés par l’expert judiciaire, et ce dans un délai de 3 mois à compter de la signification du jugement à intervenir sous astreinte de 1 500,00 € par mois de retard ;

CONDAMNER Monsieur [U] à justifier de la réalisation desdits travaux ;

CONDAMNER monsieur [U] à lui payer la somme de 20 928,42 € outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 12 octobre 2020, soit :

1 555,00 € au titre du préjudice matériel ;
993,92 € au titre du préjudice financier ;
8 007,00 € au titre du préjudice de jouissance ;
5 000,00 € au titre du préjudice moral ;
5 372,50 au titre des frais de conseil engagés pour l’expertise ;

CONDAMNER Monsieur [U] à lui payer la somme de 6 000,00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER Monsieur [U] aux entiers dépens en ce compris les frais d’expertise pour un montant de 5 550,00 € « .

*

Dans ses dernières écritures notifiées par le réseau privé des avocats le 22 octobre 2021, M. [Y] [U] demande au tribunal de :

 » Vu notamment l’assignation de Monsieur [C] du 25 novembre 2020
Vu le rapport d’expertise de M [L]
Vu notamment les articles 1147 ancien du CC, 1231-1 du CC, 1240 du CC et 331 du CPC, L 121-1 et suivants du Code des assurances, 7 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, 1719 et suivants du Code Civil

Il est demandé au Tribunal de :

ordonner la jonction de cette procédure principale avec la procédure initiée par Monsieur [U] contre la MACIF (RG 21/ 07842) distribuée également au sein de la présente Chambre,

débouter M [C] de sa demande de travaux sous astreinte,

ramener les prétentions de M [C] à de plus justes proportions sur les préjudices matériel, financier, et de jouissance

débouter M [C] de ses demandes au titre du préjudices moral et frais de conseil engagés pour l’expertise,

recevoir Monsieur [U] comme bien fondé en son action, sa demande en intervention forcée et sa demande en garantie à l’encontre de la société MACIF,

condamner la société MACIF, à la garantir de toutes condamnations, y compris du chef de l’article 700 du CPC et des dépens, qui pourraient être prononcées à son encontre si les demandes à l’instance principale de M [C] étaient par extraordinaire reconnues fondées,

condamner la société MACIF au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du CPC, outre les entiers dépens « .

*

Dans ses dernières écritures notifiées par le réseau privé des avocats le 16 janvier 2024, la Macif demande au tribunal de :

 » Débouter Monsieur [U] – ou tout autre partie – de ses demandes à l’encontre de la Macif,

Condamner Monsieur [U] à payer à la Macif la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du CPC,

Condamner Monsieur [U] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Chauvin de la Roche-Houfani, avocats aux offres de droit, et ce en application de l’article 699 du CPC « .

*
Il est renvoyé aux conclusions récapitulatives des parties pour l’exposé des moyens de droit et de fait à l’appui de leurs prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 29 janvier 2024 et l’affaire a été plaidée le 11 septembre 2024. La décision a été mise en délibéré au 10 décembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Mme [C] justifie de sa qualité d’ayant droit de M. [C] en produisant un acte de notoriété.

Aucune des parties ne discute cette qualité, ni la recevabilité de son intervention volontaire à la procédure.

L’intervention volontaire de Mme [C], comme ses demandes, seront déclarées recevables.

Par ailleurs, la jonction sollicitée par M. [U] a déjà été ordonnée et sa demande n’a donc plus d’objet.

Sur les demandes principales de Mme [C]

A l’appui de ses demandes, Mme [C] fait valoir que :
– M. [C] a été victime de nombreux dégâts des eaux en provenance de l’appartement de M. [U] ;
– les canalisations de l’appartement de M. [U] étaient en mauvais état;
– l’assureur de M. [C] a résilié le contrat au 31 décembre 2017 compte-tenu de la récurrence des sinistres ;
– un nouveau sinistre est survenu le 27 avril 2018 (le 9ème en 5 ans) ;
– M. [C] a été contraint de régler une surprime pour retrouver un assureur ;
– le locataire de M. [U] ne l’a pas indemnisé ;
– l’expert judiciaire impute les désordres à l’appartement de M. [U];
– l’expert judiciaire considère que les travaux de reprise réalisés par M. [U] ne sont pas conformes aux normes en vigueur ;
– elle vient aux droits de son père ;
– la responsabilité de M. [U] est recherchée sur le fondement des troubles anormaux de voisinage, sur le fondement délictuel car il n’a pas respecté ses obligations de propriétaire bailleur et encore sur le fondement de l’article 1242 du code civil ;
– l’absence d’étanchéité est une non-conformité imputable au seul bailleur ;
– M. [U] n’a pas transmis à l’expert de devis de mise aux normes de ses installations sanitaires ;
– le tribunal ne pourra qu’ordonner la réalisation des travaux de mise en conformité ;
– pendant sept ans, M. [C] a subi de multiples dégâts des eaux et préjudices ;
– le préjudice matériel a été validé par l’expert judiciaire à hauteur de 1.350 €, réactualisé à 1.555 € ;
– le préjudice financier est en lien avec la surprime d’assurance ;
– le préjudice de jouissance est évalué à 5 % de la valeur locative du logement de 75 m2 sur une période de 68 mois ;

– M. [C] a également subi un préjudice moral en raison de dégâts des eaux réguliers ;
– M. [C] a engagé divers frais qui ne relèvent pas des frais irrépétibles.

En défense, M. [U] fait valoir que :
– il est propriétaire non occupant d’un appartement au 23ème étage du [Adresse 5] à [Localité 10] ;
– l’expert a retenu un taux d’humidité de 0 % dans les pièces visées par l’assignation ;
– les sinistres ont eu lieu entre 2013 et 2018 à une période où l’appartement était occupé par M. [J], son locataire assuré auprès de la Macif ;
– il a rénové les lieux après le décès de M. [J] à l’été 2018 et reloué l’appartement ;
– l’expert a constaté que plus aucune humidité ne perdurait et les causes des désordres ont été supprimées ;
– la demande de travaux doit être rejetée ;
– le préjudice de jouissance doit être limité car M. [C] n’a jamais eu à quitter son bien ;
– les autres préjudices sont contestés.

*

Vu l’article 544 du code civil qui prévoit que la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

L’article 9 alinéa 1er de la loi du 10 juillet 1965 précise en outre que « chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble. »

Le droit pour le propriétaire de jouir et de disposer de sa chose de la manière la plus absolue, sauf usage prohibé par les lois ou par les règlements, est limité par l’obligation qu’il a de ne causer à la propriété d’autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux du voisinage.

La théorie des troubles anormaux du voisinage invoquée par la demanderesse consacre une responsabilité objective, fondée sur la constatation du dépassement d’un seuil de nuisance sans qu’il soit nécessaire d’imputer celui-ci à une faute ou à l’inobservation d’une disposition législative ou réglementaire.

Inversement, il est admis que le respect des dispositions légales et des règles d’urbanisme n’exclut pas l’existence éventuelle de troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage.

Les juges du fond apprécient souverainement le caractère excessif du trouble allégué tant au regard de sa permanence et de sa gravité que de la situation des lieux.

L’action fondée sur un trouble anormal du voisinage est une action en responsabilité civile extracontractuelle qui, indépendamment de toute faute, permet à la victime de demander réparation au propriétaire de l’immeuble à l’origine du trouble, responsable de plein droit.

Vu l’article 9 du code de procédure civile qui dispose que  » il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.  »

Sur ce,

Sur la matérialité des désordres et les responsabilités

Dans son rapport, l’expert judiciaire indique que :  » nous avons examiné les désordres mentionnés expressément dans l’assignation, affectant la cuisine du logement de monsieur [C].

Ces désordres sont apparus dès octobre 2013 et jusqu’en avril 2018, soit neuf dégâts des eaux. Les huit premiers ont été déclarés à l’assureur du demandeur, la Matmut, non attraite à la procédure. Le dernier n’a pas pu être déclaré étant donné que monsieur [C] n’était plus assuré.
Son contrat auprès de la Matmut a été résilié le 31 décembre 2017 du fait de la sinistralité importante de son logement. Monsieur [C] a pu à nouveau assurer son logement auprès de Maxance à compter d’août 2018.

Dans la cuisine, nous avons relevé d’importantes traces d’infiltrations au plafond et sur le mur de la gaine technique. Ces traces présentent des cloques sur environ 5 m2…

Le logement du demandeur, monsieur [E] [C], situé au 23ème étage dudit immeuble, a été endommagé dans la cuisine par des infiltrations à répétition depuis 2013 et jusqu’en 2017. Ces infiltrations ont pour origine le logement situé immédiatement au dessus, appartenant à monsieur [Y] [U], défendeur. Des fuites sur les installations de la cuisine et l’absence d’étanchéité au sol sont les causes des écoulements qui ont endommagé le plafond et les murs de la cuisine du logement de monsieur [C]…

Les dégradations ayant endommagé le bien de monsieur [C] sont à imputer à monsieur [Y] [U], en sa qualité de propriétaire du logement à l’origine des désordres. Les défectuosités relevées sur les installations sanitaires du logement, depuis les premiers désordres, relèvent de la seule responsabilité du propriétaire des lieux… « .

Les conclusions de l’expert judiciaire, qui confirment celles des experts d’assurance intervenus avant lui, imputent de manière certaine l’origine des désordres constatés chez M. [C] aux installations sanitaires privatives défectueuses de l’appartement de M. [U].

Au regard du nombre important de dégâts des eaux subis par M. [C] et des désordres causés durant une longue période dans son appartement, l’existence d’un trouble anormal de voisinage sera retenue.

En sa qualité de propriétaire des installations sanitaires privatives à l’origine des désordres, la responsabilité de plein droit de M. [U] est donc engagée.

Sur la demande de travaux sous astreinte

Mme [C] sollicite la condamnation de M. [U] à faire réaliser les travaux de remise aux normes des pièces humides de son appartement tels que préconisés par l’expert judiciaire, dans un délai de trois mois à compter de la signification du jugement à intervenir et sous astreinte de 1.500 € par mois de retard.

S’agissant de ce point, dans son rapport, l’expert judiciaire précise que  » les quelques rénovations entreprises par monsieur [U], dès que son logement a été vacant en 2018, ont permis de supprimer les fuites actives et ainsi de stopper les écoulements.

Toutefois ces travaux ne suffisent pas à rendre les installations du logement parfaitement conformes aux normes et règlements sanitaires en vigueur qui imposent une parfaite étanchéité des pièces d’eau. Sur ce dernier point, il est précisé que la salle de bains ne dispose pas non plus du système réglementaire d’étanchéité au sol, ce qui a engendré de nouveaux désordres qui ont endommagé l’entrée du logement de monsieur [C] en 2019 ; désordres non traités dans le cadre de la présente expertise.

Les installations sanitaires du logement de monsieur [U], en l’état, ne sont pas parfaitement conformes aux normes et règlements sanitaires en vigueur…

Le devis de mise en conformité demandé au défendeur n’a pas été transmis…

La rénovation devra comprendre les prestations énumérées ci-après, réalisées dans le respect des normes et règlements en vigueur et être effectuées par une entreprise qualifiée, dûment assurée, à savoir :
Dans les pièces humides :
– purge complète des revêtements de sol et muraux,
– ragréage des sols et façon de chape lissée,
– mise en place d’une étanchéité au sol, de type SEL, avec remontées de 15 cm sur les murs périmétriques,
– pose d’un carrelage au sol des pièces humides sur toute la surface des pièces… « .

L’expert judiciaire a déjà rappelé dans son rapport les normes applicables en la matière.

M. [U] ne justifie pas avoir réalisé des travaux conformes aux préconisations de l’expert judiciaire.

Au regard des conclusions de l’expert judiciaire, des trop nombreux dégâts des eaux dont l’appartement de M. [U] est à l’origine depuis de nombreuses années et des normes imposées par le règlement sanitaire de la Ville de [Localité 10], il convient de condamner M. [U] à réaliser les travaux de mise aux normes de son appartement dans les conditions fixées au dispositif.

Sur la réparation des préjudices

S’agissant du préjudice matériel, l’expert judiciaire l’a fixé à 1.350 € en octobre 2020 sur la base d’un devis établi en août 2018. Si une actualisation de ce devis peut être envisageable, la méthode proposée par la demanderesse n’est pas suffisamment probante. Il aurait été plus pertinent de solliciter une actualisation du devis initial sur la base de l’indice BT01. En l’état, le préjudice matériel sera limité à la somme fixée par l’expert judiciaire.

S’agissant du préjudice financier invoqué à hauteur de 993,92 € au titre des frais de courtage pour retrouver un nouvel assureur et du surcoût de la nouvelle assurance, l’expert judiciaire le considère justifié. La demanderesse démontre que l’assureur initial Matmut a effectivement résilié le contrat d’assurance et que plusieurs assureurs ont refusé d’assurer l’appartement ensuite, avant qu’un nouvel assureur ne propose une cotisation annuelle de 607,95 €. Ce préjudice sera donc retenu.

S’agissant du préjudice de jouissance invoqué à hauteur de 8.007 €, il correspond à 5 % de la valeur locative de l’appartement de 75 m2 en retenant une valeur moyenne de loyer de 31,40 €/m2 et une période de trouble allant d’octobre 2013 à décembre 2017, puis d’avril 2018 à décembre 2019, date à laquelle l’expert a donné l’autorisation de réaliser les travaux de reprise. L’expert judiciaire considère que ce préjudice est justifié.

La répétition des dégâts des eaux et les désordres sont confirmés par le rapport d’expertise et les autres pièces produites. L’évaluation du préjudice de jouissance apparaît cohérente, de sorte que l’indemnité réclamée sera allouée.

S’agissant du préjudice moral, la répétition des dégâts des eaux durant plusieurs années dans l’appartement de M. [C], les dégradations régulières et la résiliation de son contrat par son propre assureur permet de retenir un tel préjudice et de le fixer à 1.000 €.

S’agissant des frais invoqués à hauteur de 5.372,50 €, ils sont effectivement en lien avec les désordres car il s’agit des frais d’avocat pour la procédure de référé expertise et de frais de recherche de fuite. Ils seront retenus à hauteur de 5.372,50 €.

M. [U], responsable des préjudices, sera condamné à verser ces sommes à Mme [C], soit une somme globale de 16.723,42 €, avec intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement

Sur l’appel en garantie de M. [U] contre la Macif

M. [U] fait valoir qu’il n’a pas à supporter les fautes de son ancien locataire, M. [J], assuré auprès de la Macif et que le locataire est civilement responsable vis à vis de son propriétaire. Il invoque les articles 1147 ancien du code civil, 1231-1 et 1240 du même code,
L 121-1 et suivants du code des assurances, 7 de la loi du 6 juillet 1989 et 1719 et suivants du code civil.

De son côté, la Macif fait valoir que l’expert judiciaire n’a pas retenu la responsabilité de M. [J], mais celle de M. [U] en raison du fait que les pièces d’eau ne respectent pas le règlement sanitaire de la Ville de [Localité 10] en matière d’étanchéité des sols. Les problématiques d’étanchéité des installations sanitaires relèvent de la responsabilité exclusive du propriétaire.

Vu les articles 1147 ancien du code civil, 1231-1 et 1240 du même code, L 121-1 et suivants du code des assurances, 7 de la loi du 6 juillet 1989 et 1719 et suivants du code civil.

En l’espèce, aucune faute de M. [J] n’est effectivement démontrée.

Dans son rapport, l’expert judiciaire n’a pas retenu la responsabilité du locataire et a clairement précisé que  » les défectuosités relevées sur les installations sanitaires du logement, depuis les premiers désordres, relèvent de la seule responsabilité du propriétaire des lieux… « .

Il n’incombait pas au locataire de refaire l’étanchéité des pièces d’eau de l’appartement loué par M. [U].

Dans ces conditions, l’appel en garantie dirigé contre la Macif en qualité d’assureur de M. [J] sera rejeté.

Sur les demandes accessoires

En application de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

M. [U], partie perdante, supportera les dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire.

La SELARL Chauvin de la Roche Houfani est autorisée à recouvrer les dépens dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée et il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

M. [U] sera condamné à verser à Mme [C] une somme de 3.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [U] sera condamné à verser à la Macif une somme de 1.500 € à ce titre également.

La demande du défendeur à ce titre sera rejetée.

En application des articles 514 et 515 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. Le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Il statue d’office ou à la demande d’une partie.

En l’espèce, il n’y a pas lieu de suspendre l’exécution provisoire du jugement.

Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats en audience publique, en premier ressort et par jugement contradictoire, par mise à disposition au greffe:

DECLARE recevables l’intervention volontaire et les demandes de Mme [S] [C] ;

CONDAMNE M. [Y] [U] à faire réaliser les travaux de remise aux normes de son appartement situé au 24ème étage de la tour [9], [Adresse 5] à [Localité 11] dans les conditions fixées par l’expert judiciaire, à savoir :

 » La rénovation devra comprendre les prestations énumérées ci-après, réalisées dans le respect des normes et règlements en vigueur et être effectuées par une entreprise qualifiée, dûment assurée, à savoir :
Dans les pièces humides :
– purge complète des revêtements de sol et muraux,
– ragréage des sols et façon de chape lissée,
– mise en place d’une étanchéité au sol, de type SEL, avec remontées de 15 cm sur les murs périmétriques,
– pose d’un carrelage au sol des pièces humides sur toute la surface des pièces… « .

CONDAMNE M. [Y] [U] à réaliser ces travaux dans un délai de trois mois à compter de la signification du jugement, sous astreinte provisoire de 500 € pendant une première période de six mois et à en justifier auprès de Mme [S] [C] ;

DIT que l’astreinte provisoire ci-dessus prononcée sera, le cas échéant, liquidée par le juge de l’exécution, conformément aux dispositions de l’article L.131-3 du code des procédures civiles d’exécution ;

CONDAMNE M. [Y] [U] à payer à Mme [S] [C] une somme de 16.723,42 €, avec intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement, au titre des préjudices matériel, financier, de jouissance, moral et de frais de conseil ;

REJETTE l’appel en garantie de M. [Y] [U] contre la Macif ;

CONDAMNE M. [Y] [U] à payer à Mme [S] [C] une somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE M. [Y] [U] à payer à la Macif une somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [Y] [U] aux dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire ;

AUTORISE la SELARL Chauvin de la Roche Houfani à recouvrer les dépens dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile;

DIT n’y avoir lieu à suspendre l’exécution provisoire ;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.

Fait et jugé à Paris le 10 Décembre 2024.

La Greffière La Présidente


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x