Responsabilité du professionnel en matière de réparation automobile : obligations et conséquences des malfaçons

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Responsabilité du professionnel en matière de réparation automobile : obligations et conséquences des malfaçons
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Le 09 décembre 2019, Monsieur [Y] [E] achète un véhicule OPEL INSIGNA auprès de la société AUTO CENTER ESSEN pour 4.680 euros. Un contrôle technique effectué le 16 mars 2020 révèle des défaillances, mais une contre-visite le 14 mai 2020 ne signale aucun défaut. Le 17 mai 2020, Monsieur [Y] [E] confie le véhicule à Monsieur [T] [C] de PASSY AUTOS pour un changement de moteur, coûtant 3.434,50 euros. Le 28 septembre 2020, le véhicule tombe en panne en Allemagne, et la société BELLEVILLE AUTO constate que le moteur installé n’est pas conforme.

Monsieur [Y] [E] obtient la désignation d’un expert par le tribunal d’Arras, dont le rapport est déposé le 11 novembre 2022. Le 27 juin 2022, il assigne Monsieur [T] [C] devant le Tribunal judiciaire de Lille, demandant la reconnaissance de la responsabilité de ce dernier et une indemnisation de 19.561,61 euros, ainsi que des frais de procédure.

Monsieur [T] [C] conteste les demandes de Monsieur [Y] [E] et demande à être déchargé de toute responsabilité. Le 13 avril 2023, le conseil de Monsieur [T] [C] annonce qu’il ne soutiendra plus les intérêts du défendeur. La procédure est clôturée le 08 novembre 2023, avec une audience fixée au 04 juin 2024.

Le tribunal déclare Monsieur [T] [C] responsable des désordres du véhicule et l’ordonne à indemniser Monsieur [Y] [E] à hauteur de 14.479,21 euros, ainsi qu’à payer 2.000 euros pour frais irrépétibles et les dépens de la procédure. La décision est assortie de l’exécution provisoire.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

4 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Lille
RG n°
22/04121
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 01
N° RG 22/04121 – N° Portalis DBZS-W-B7G-WGNW

JUGEMENT DU 04 OCTOBRE 2024

DEMANDEUR :

M. [Y] [E]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Laurent GUILMAIN, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDEUR:

M. [T] [C]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Marine BOULANGER-MARTIN, avocat au barreau de BETHUNE
(ayant indiqué avoir dégagé sa responsabilité en date du 13 avril 2023)

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Marie TERRIER,
Assesseur : Carine GILLET,
Assesseur : Juliette BEUSCHAERT,

Greffier : Benjamin LAPLUME,

DÉBATS

Vu l’ordonnance de clôture en date du 08 Novembre 2023.

A l’audience publique du 04 Juin 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 04 Octobre 2024.

Vu l’article 804 du Code de procédure civile, Marie TERRIER, Président de chambre, entendu en son rapport oral, et qui, ayant entendu la plaidoirie, en a rendu compte au Tribunal.

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 04 Octobre 2024 par Marie TERRIER, Présidente, assistée de Benjamin LAPLUME, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Le 09 décembre 2019, Monsieur [Y] [E] a fait l’acquisition auprès de la société AUTO CENTER ESSEN située en Allemagne, d’un véhicule de marque OPEL type INSIGNA, immatriculé pour la première fois le 1er juillet 2010, moyennant le paiement de la somme de 4.680 euros. Le véhicule a fait l’objet d’un procès-verbal de contrôle technique du 16 mars 2020, faisant apparaître des défaillances majeures et mineures. Une contre-visite a été réalisée le 14 mai 2020, ne faisant mention d’aucun défaut.

Le 17 mai 2020, Monsieur [Y] [E] a confié son véhicule à Monsieur [T] [C] exploitant sous le nom commercial PASSY AUTOS afin de réaliser des travaux de changement de moteur moyennant facture de 3.434,50 euros TTC, intégralement payée.

Le 28 septembre 2020, le véhicule qui affichait un kilométrage de 201.986 kms, a subi une panne alors que Monsieur [Y] [E] se rendait sur son lieu de travail en Allemagne. Le véhicule a été confié à la société BELLEVILLE AUTO, laquelle à l’occasion de travaux de remise en état du véhicule, a indiqué que le moteur posé le 17 mai 2020 n’était pas conforme au véhicule.

Monsieur [Y] [E] a obtenu du juge des référés du tribunal judiciaire d’Arras par ordonnance du 09 septembre 2021, la désignation d’un expert désigné, en la personne de [J] [R], lequel a déposé son rapport le 11 novembre 2022.

Par acte de commissaire de justice en date du 27 juin 2022, Monsieur [Y] [E] a fait assigner Monsieur [T] [C] devant le Tribunal judiciaire de Lille, aux fins de:

Au visa de l’article R631-1 du code de la consommation, et de l’article 1231-1 du code civil,

Dire que le Tribunal Judiciaire de LILLE est compétent ;
Juger que Monsieur [C] exploitant sous le nom commercial PASSY AUTOS est responsable des dommages occasionnés sur le véhicule de Monsieur [E] ;
Condamner Monsieur [C] exploitant sous le nom commercial PASSY AUTOS au paiement de la somme de 19 561,61 euros ;
Condamner Monsieur [C] exploitant sous le nom commercial PASSY AUTOS au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner Monsieur [C] exploitant sous le nom commercial PASSY AUTOS aux entiers frais et dépens de la procédure en ce compris les frais de la procédure de référé et les honoraires d’expertise.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par la voie électronique le 22 décembre 2022, Monsieur [T] [C] exploitant sous le nom commercial PASSY AUTOS, demande au tribunal de :

Débouter Monsieur [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Laisser à la charge définitive de Monsieur [E] les frais de la procédure de référé en ceux compris les frais d’expertise ainsi que les dépens et frais de la présente procédure.
Condamner Monsieur [E] au paiement de la somme de 3.000 euros à régler à Monsieur [C] exploitant sous le nom commercial PASSY AUTOS sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par message transmis par le RPVA le 13 avril 2023, le conseil de Monsieur [T] [C], a indiqué qu’il avait dégagé sa responsabilité et qu’il n’interviendrait plus au soutien des intérêts du défendeur.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 08 novembre 2023 et l’affaire fixée à plaider à l’audience du 04 juin 2024.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait référence aux dernières écritures des parties.

La présente décision susceptible d’appel est contradictoire, conformément aux dispositions de l’article 469 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

[Y] [E] expose que le garagiste est tenu d’une obligation de résultat quant aux réparations réalisées sur un véhicule, entraînant la responsabilité sans faute du professionnel. Se fondant sur les conclusions du rapport d’expertise, [Y] [E] soutient que [T] [C] n’a pas respecté ses obligations légales et doit être déclaré responsable des désordres affectant le véhicule et tenu à réparation, au titre de l’indemnisation de son préjudice financier évalué à dire d’expert, à la somme de 19.561,66 euros.

[T] [C] conclut au rejet de la demande, indiquant qu’il ne peut lui être reproché de n’avoir pas satisfait à son obligation de garantie légale de six mois, ayant été informé de la situation du véhicule, postérieurement à ce délai, et exposant que depuis son intervention, le véhicule a parcouru 19.196 kms sans qu’aucune défaillance ne soit relevée et que sa responsabilité ne saurait être engagée, alors que d’autres interventions ont été réalisées sur le véhicule.

La responsabilité du garagiste au titre des prestations qui lui sont confiées, n’est engagée qu’en cas de faute, dès lors que les désordres surviennent ou persistent après son intervention, l’existence d’une faute et celle d’un lien causal entre la faute et les désordres sont présumées ( cass 1ère civ 11 mai 2022 n° 20-19.732 et 20-18.867).

En l’occurrence, l’expert judiciaire expose que le garage PASSY AUTOS a réalisé le 17 mai 2020 à 185.000 kms, moyennant facture de 3434,50 euros acquittée, le remplacement du moteur par un ensemble d’occasion (page 7/22), mentionne que le véhicule a subi une panne, le 28 septembre 2020 (moteur devenu bruyant : cliquetis, perte de puissance et fumée se dégageant de la sortie d’échappement) alors que [Y] [E] se déplaçait de son domicile à son lieu de travail (page 7/22) et constate dans son rapport du 10 janvier 2022 ( pièce [E] n° 11) que:

-le cylindre n°4 du moteur du véhicule (celui portant la bougie) est totalement hors norme (page 17/22)

-la surface interne du cylindre met en évidence une érosion très importante et destructrice du moteur ( page 18/22).

L’expert conclut que le cylindre n°4 est affecté des problèmes suivants :

-destruction par fusion de la bougie de préchauffage
-pression de fin de compression très basse
-érosion de la surface du cylindre

et que le moteur n’est pas réparable et doit être remplacé, ces désordres sont liés aux dysfonctionnements du moteur mis en place par PASSY AUTOS (page 19/22).

L’expert ajoute que le type de motorisation monté par PASSY AUTOS ne correspond pas à celui imposé par le constructeur (page 19/22).

Si le refus de prise en charge du moteur au titre de la garantie légale et contractuelle de six mois en validité, évoqué par l’expert, ne peut être retenu, dès lors qu’il n’est pas justifié de l’envoi et de la réception de la mise en demeure du 21 octobre 2020 adressée par [Y] [E] (annexe rapport pièce n°103), il demeure “le défaut de conformité du moteur vendu et monté sur le véhicule er la présence de malfaçons affectant la pérennité des travaux facturés : débitmètre d’air, bougies de préchauffage, collecteur d’admission non conforme, vanne EGR HS)” (page 21/22), de sorte que “le garage PASSY AUTOS n’a pas réalisé une intervention conforme aux règles de l’art”.

Il apparaît dès lors que postérieurement à l’intervention du garage PASSY AUTOS et le remplacement du moteur, des désordres affectant le véhicule ont persisté, la faute du garage est présumée, tout comme le lien entre la faute et le dommage, étant souligné que la seule intervention postérieure à la sienne est celle limitée du garage BELLEVILLE AUTO.

La responsabilité de [T] [C] exploitant sous l’enseigne commerciale PASSY AUTOS est donc engagée et il est tenu à l’indemnisation du préjudice en résultant, pour [Y] [E].

Le préjudice de [Y] [E] évalué à dire d’expert (pages 20 & 21/22), inclut le coût du remplacement du moteur (3493,50 euros TTC), les frais de gardiennage du garage BELLEVILLE AUTO où le véhicule a été entreposé (2129,40 euros TTC), les frais d’équipement de la motorisation réalisés par BELLEVILLE AUTO (1731,31 euros TTC), le préjudice de jouissance lié à l’immobilisation du véhicule premium pendant 547 jours, ramené à la somme de 6000 euros et l’utilisation du véhicule personnel de l’épouse de [Y] [E] (1425 euros), dont à déduire le prix de cession du véhicule (300 euros), soit au total la somme de 14479,21 euros, au paiement de laquelle Monsieur [T] [C] sera condamné.

Sur les autres demandes

[T] [C] qui succombe, supportera ses propres frais et les dépens y incluant ceux afférents à la procédure de référé et les honoraires de l’expert. Sa demande pour frais irrépétibles sera rejetée.

Il sera en outre condamné à payer à [Y] [E], la somme de 2.000 euros, au titre des frais irrépétibles que celui-ci a été contraint d’ exposer pour assurer sa défense et sa représentation et préserver ses droits et qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge.

La présente décision est exécutoire par provision, conformément aux dispositions de l’article 514 du code de procédure civile, sans qu’il ne soit invoqué de motifs légitimes à en disposer autrement.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant par jugement contradictoire et en premier ressort, prononcé publiquement, mis à disposition au greffe,

Déclare [T] [C] responsable des désordres supportés par le véhicule appartenant à [Y] [E], et tenu à indemnisation du préjudice de [Y] [E],

Condamne [T] [C] à payer à [Y] [E], la somme de 14.479,21 euros (quatorze mille quatre cent soixante-dix-neuf euros et vingt-et-un centimes), en réparation des préjudices en résultant pour [Y] [E],

Condamne [T] [C] à payer à [Y] [E], la somme de 2000 euros (deux mille euros) pour frais irrépétibles

Condamne [T] [C] aux dépens, y incluant ceux afférents à la procédure de référé et les honoraires de l’expert,

Dit que la présente décision est de droit assortie de l’exécution provisoire,

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

Benjamin LAPLUME Marie TERRIER


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