Responsabilité du Notaire : 9 février 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/13175

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Responsabilité du Notaire : 9 février 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/13175
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 09 FEVRIER 2023

N° 2023/31

Rôle N° RG 19/13175 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEYGC

[A] [R]

[E] [I] épouse [R]

[W] [D]

C/

[H] [O]

[X] [L]

SA BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Philippe RAFFAELLI

Me Paul GUEDJ

Me Françoise BOULAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 03 Juillet 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 14/08572.

APPELANTS

Monsieur [A] [R]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 12] (TUNISIE),

demeurant [Adresse 7]

représenté par Me Philippe RAFFAELLI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Sandra VERGNAUD, avocat au barreau de BEZIERS

Madame [E] [I] épouse [R]

née le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 9] (81),

demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Philippe RAFFAELLI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Sandra VERGNAUD, avocat au barreau de BEZIERS

Monsieur [W] [D]

né le [Date naissance 4] 1975 à [Localité 10],

demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Philippe RAFFAELLI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Maître [H] [O], ès qualités de mandataire liquidateur de la société MM LA PROVENCE,

demeurant [Adresse 2]

défaillant

Maître [X] [L]

demeurant [Adresse 8]

représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

assisté de Me Jean-luc FORNO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substituant Me François LOUSTAUNAU de la SCP LOUSTAUNAU FORNO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

SA BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE, représentée par son directeur général, venant aux droits de la BANQUE POPULAIRE COTE D’AZUR (BPCA),

dont le siège social est sis [Adresse 5]

représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Patrice MANCEAU, avocat au barreau de PARIS substituant Me Gilbert MANCEAU, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Françoise PETEL, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Valérie GERARD, Première Présidente de chambre

Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre

Madame Françoise PETEL, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Février 2023.

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Février 2023

Signé par Madame Valérie GERARD, Première Présidente de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Le 5 avril 2012, la SARL La Table des Templiers a acquis de la SARL Service Midi un fonds de commerce de bar restaurant situé à [Localité 11] pour le prix de 350.000 euros.

Suivant acte reçu le 4 décembre 2012 par Me [X] [L], notaire à [Localité 11], la SARL La Table des Templiers a revendu ce fonds à la SARL MM La Provence, représentée par Mme [E] [I] agissant en qualité de gérante associée, moyennant le prix de 430.000 euros.

Ce prix a été financé, à hauteur de 330.000 euros, par un prêt, au taux de 3,85 %, remboursable en 84 mensualités, consenti par la Banque Populaire Côte d’Azur, intervenante à l’acte notarié.

Par actes sous seing privé du 29 novembre 2012, M. [A] [R], Mme [E] [I] et M. [W] [D] se sont portés cautions solidaires des engagements, au titre de ce prêt, de la SARL MM La Provence envers la banque, chacun dans la limite de la somme de 198.000 euros et pour une durée de 108 mois.

Selon jugement du 21 octobre 2013, le tribunal de commerce de Fréjus a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la SARL MM La Provence, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 15 septembre 2014.

Le 26 décembre 2013, la Banque Populaire Côte d’Azur a déclaré sa créance au passif de ladite procédure collective.

Par acte du 23 septembre 2014, la banque a fait assigner M. [A] [R], en sa qualité de caution, en paiement devant le tribunal de grande instance de Draguignan.

Par exploits des 28 janvier et 3 février 2015, M. [A] [R], Mme [E] [I], M. [W] [D] et Me [H] [O], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL MM La Provence, ont fait assigner la Banque Populaire Côte d’Azur et Me [X] [L], en nullité des actes de cautionnement et responsabilité, devant ce même tribunal.

Selon acte du 19 juin 2015, la Banque Populaire Côte d’Azur a fait assigner M. [W] [D], en sa qualité de caution, en paiement devant cette même juridiction.

Ces différentes procédures ont été jointes par ordonnances du juge de la mise en état.

Par jugement du 3 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Draguignan a :

‘ donné acte à la Banque Populaire Méditerranée de ce qu’elle vient aux droits de la Banque Populaire Côte d’Azur,

‘ donné acte à la Banque Populaire Méditerranée de ce qu’elle donne mainlevée du cautionnement de M. [W] [D] souscrit le 29 novembre 2012,

‘ condamné solidairement M. [A] [R] et Mme [E] [R] à payer à la Banque Populaire Méditerranée la somme de 156.857,40 euros avec intérêts au taux contractuel de 3,85 % l’an à compter du 26 décembre 2013 s’agissant de Mme [E] [R] et à compter du 23 septembre 2014 s’agissant de M. [A] [R] en leurs qualités de cautions,

‘ débouté M. [A] [R], Mme [E] [R], M. [W] [D] et Me [H] [O] ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL MM La Provence de leur action en nullité des actes de cautionnements souscrits le 29 novembre 2012 et de leurs actions en responsabilité exercées contre la Banque Populaire Méditerranée et contre Me [X] [L], notaire,

‘ condamné solidairement M. [A] [R], Mme [E] [R], M. [W] [D] aux dépens, lesquels seront recouvrés pour ceux la concernant par la SELARL Bouzereau et Kerkerian sous son affirmation de droit et fixés au passif de la procédure collective de la société MM La Provence au rang des frais de justice,

‘ dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ni au prononcé de l’exécution provisoire.

Suivant déclaration du 9 août 2019, M. [A] [R], Mme [E] [I] et M. [W] [D] ont interjeté appel de cette décision.

Aux termes de leurs dernières conclusions communes notifiées et déposées le 22 avril 2020, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, les trois appelants dont M. [W] [D] demandent à la cour de :

– accueillir l’appel principal comme régulier en la forme et juste au fond, et y faisant droit,

– mettre à néant le jugement du 3 juillet 2019 en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a jugé qu’ils étaient des cautions non averties,

et statuant à nouveau,

et constatant l’intervention de Me [L] ès qualités de conseil de l’acquéreur et du vendeur,

tenant la liquidation judiciaire de la société La Table des Templiers,

1 – à l’égard de Me [L], notaire :

– dire que Me [L] a manqué à son devoir de conseil et de mise en garde à l’égard de la société MM La Provence,

– dire que Me [L] a commis une faute entrainant préjudice, non seulement pour la société MM La Provence, mais encore pour les associés, eux-mêmes cautions, en omettant de préciser dans l’acte de cession les chiffres d’affaires et les bénéfices commerciaux, voire une estimation de ceux-ci, concernant la période d’exploitation du fonds de commerce par la société La Table des Templiers, et les chiffres d’exploitation précédents,

vu l’arrêt du 7 juillet 2016 rendu par la cour d’appel d’Aix-en-Provence retenant le dol incident justifiant réduction de prix et octroi de dommages et intérêts,

– dire que le préjudice subi par les cautions correspond à la fois au montant de l’apport personnel fait par les trois requérants, et en outre aux sommes susceptibles d’être sollicitées à leur encontre alors en qualité de caution au titre des cautionnements obtenus par la banque,

– condamner en conséquence Me [L] au paiement de la somme de 160.543 euros correspondant aux sommes avancées par eux pour l’acquisition du fonds perdu du fait de la liquidation judiciaire, somme à répartir à concurrence de 45.667 euros pour M. [D], 94.667 euros pour Mme [R] et 20.209 euros pour M. [R], sauf répartition différente qu’il plairait au tribunal de retenir,

– complémentairement, si les actes de cautionnement recueillis par la Banque Populaire Méditerranée n’étaient pas annulés, et sous réserve de la condamnation de la banque à des dommages et intérêts, condamner in solidum avec la Banque Populaire Méditerranée venant aux droits de la Banque Populaire Côte d’Azur et Me [L] au paiement de la somme complémentaire de 198.000 euros à titre de dommages et intérêts augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 2012 pour les manquements relevés en ce qu’ils ont causé préjudice,

– condamner Me [L] au paiement de la somme de 50.000 euros au titre du préjudice moral subi par les trois cautions,

– condamner Me [L] au paiement de la somme de 8.000 euros, à chacun d’eux, au titre des frais irrépétibles de l’article 700 du code de procédure civile, frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d’appel,

2 – à l’égard de la Banque Populaire Méditerranée :

– prononcer la nullité des actes de cautionnement au regard de l’illusion créée dans l’esprit des cautions qui croyaient bénéficier, faute d’information communiquée par la banque, d’une garantie de la société Oseo alors que les conditions générales d’application des garanties Oseo, qui ne leur ont pas été communiquées, feraient de la garantie Oseo une garantie ne bénéficiant qu’au prêteur,

– débouter en conséquence la Banque Populaire Méditerranée de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– débouter la Banque Populaire Méditerranée de son appel incident comme non justifié et non fondé,

subsidiairement, pour défaut d’information sur la garantie Oseo, retenant la perte de chance subie par les cautions,

– condamner la banque au paiement d’une somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance devant se compenser avec d’éventuelles créances de la banque contre les cautions,

complémentairement,

– dire que la banque a commis une faute en se contentant d’une fiche de renseignement qui ne mentionnait pas les revenus de l’année 2012 et ne portait renseignement que des revenus obsolètes de l’année 2011,

– dire qu’en tout état de cause la banque a commis une faute en ne vérifiant pas les revenus mentionnés par les cautions sur la fiche de renseignement,

– dire que la fiche de renseignement comprend des falsifications grossières portées par la banque sur les revenus de Mme [R],

– ordonner en tant que de besoin une expertise graphologique, à l’effet de déterminer qui est l’auteur des mentions contestées par les époux [R] concernant d’une part une allocation de la somme de 18.000 euros, ensuite les chiffres 0, 4 et 5 qui ne sont pas de leurs mains, et enfin en ce qui concerne le rajout dans la rubrique « Charges mensuelles » d’un montant de crédit sollicité de 4.626 euros,

– réformer par ailleurs le jugement du 3 juillet 2019 en ce qu’il a été jugé que leurs actes de cautions auraient été proportionnés au jour où ils ont été consentis,

– statuant à nouveau, dire que leurs cautionnements étaient disproportionnés au jour où ils ont été consentis tant sur le fondement de l’article L332-1 du code de la consommation que de l’article 1147 du code civil,

– dire par ailleurs que la banque ne rapporte pas la preuve du caractère proportionné des engagements de caution au moment où ceux-ci sont appelés,

– confirmer le jugement du 3 juillet 2019 seulement en ce qu’il a jugé qu’ils étaient des cautions non averties,

– en revanche, réformer le jugement en ce qu’il a jugé que la banque n’était pas débitrice d’un devoir de mise en garde à leur égard,

– dire que les cautions sont en droit de se prévaloir du dol par réticence tel qu’il a été jugé par arrêt du 7 juillet 2016 à l’encontre de la société MM La Provence,

– dire que la banque a commis une faute en s’abstenant de vérifier la situation financière du cessionnaire et en ne satisfaisant pas à son devoir de mise en garde à l’égard des cautions,

– dire que la Banque Populaire Méditerranée a manqué à son devoir de mise en garde et de conseil à leur égard, deux d’entre eux en qualité d’associés et les trois comme cautions solidaires,

– condamner en outre la Banque Populaire Méditerranée, venant aux droits de la Banque Populaire Côte d’Azur, à leur verser une somme de 160.543 euros correspondant aux sommes payées (hors engagements de caution) par eux pour l’acquisition du fonds perdu du fait de la liquidation judiciaire, somme à répartir à concurrence de 45.667 euros pour M. [D], 94.667 euros pour Mme [R] et 20.209 euros pour M. [R], sauf répartition différente qu’il plairait au tribunal de retenir,

– condamner la Banque Populaire Méditerranée, venant aux droits de la Banque Populaire Côte d’Azur, au titre des fautes commises et pour le cas où les actes de caution ne seraient pas annulés, à leur verser une somme de 198.000 euros à titre de dommages et intérêts et ordonner au besoin la compensation des sommes dues entre les parties, les requérants à titre de cautions,

– condamner la Banque Populaire Méditerranée, venant aux droits de la Banque Populaire Côte d’Azur, au paiement de la somme de 50.000 euros au titre du préjudice moral subi par les trois cautions,

– condamner la Banque Populaire Méditerranée venant aux droits de la Banque Populaire Côte d’Azur à leur payer la somme de 8.000 euros, chacun, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– les condamner aux entiers dépens d’instance dont distraction au profit de Me Raffaelli, avocat aux offres et affirmation de droit.

Par de nouvelles conclusions notifiées et déposées le 29 novembre 2021, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile, M. [A] [R] et Mme [E] [I], seuls, demandent à la cour de :

– recevoir leur appel,

– infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

– condamner Me [X] [L] à leur payer, créanciers solidaires, la somme de 75.000 euros augmentée des éventuelles sommes qui seront accordées à la banque au titre du cautionnement, ainsi que toutes sommes qui seraient accordées à la banque quel qu’en soit son motif, en réparation de la faute qu’il a commise et du préjudice engendré,

– annuler pour vice du consentement leurs actes d’engagement de cautionnement,

– débouter la banque de sa demande de paiement en raison de cette annulation,

surabondamment,

– débouter la banque de toutes ses demandes de condamnation au titre de ces cautionnements les considérant comme disproportionnés,

subsidiairement, si la caution n’était pas déchargée ou le cautionnement n’était pas annulé,

– condamner la banque en réparation de la faute causée, dans le cadre de l’inexécution de son obligation de mise en garde, à leur payer créanciers solidaires la somme de 160.543 euros, outre les intérêts échus sur le capital de la banque,

– ordonner compensation entre cette somme et les sommes accordées à la banque mais réduire la clause pénale de la majoration des intérêts,

– débouter la banque de son appel incident sur le quantum de sa créance,

– débouter la banque de sa demande d’intérêts en raison de la décharge des intérêts à l’égard de la caution, née de l’absence d’information annuelle de celle-ci, ordonner que la banque de recalculer sa créance déduction faite en capital des sommes reçues par elle,

– réduire la clause pénale de majoration de 3 points comme étant excessive,

en toute hypothèse,

– condamner les parties succombantes au paiement de la somme de 5.000 euros à chacun d’eux au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d’appel.

Par conclusions récapitulatives notifiées et déposées le 14 octobre 2022, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile, la Banque Populaire Méditerranée demande à la cour de :

‘ lui donner acte de ce qu’elle vient aux droits de la Banque Populaire Côte d’Azur,

à titre principal,

‘ infirmer le jugement du tribunal de commerce de Draguignan du 3 juillet 2019 en ce qu’il «condamne solidairement M. [A] [R] et Mme [E] [R] à payer à la Banque Populaire Méditerranée la somme de 156.857,40 euros avec intérêts au taux contractuel de 3,85 % l’an à compter du 26 décembre 2013 s’agissant de Mme [E] [R] et à compter du 23 septembre 2014 s’agissant de M. [A] [R] en leurs qualités de caution »,

et statuant à nouveau sur le chef du jugement infirmé,

‘ condamner solidairement M. [A] [R] et Mme [E] [R] née [I] à lui payer la somme de 177.248,50 euros outre intérêts au taux de 6,85 % l’an, subsidiairement au taux de 3,85% l’an, à compter du 15 septembre 2014,

‘ infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan du 3 juillet 2019 en ce qu’il «dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile »,

et statuant à nouveau sur le chef du jugement infirmé,

‘ condamner solidairement M. [A] [R] et Mme [E] [R] née [I] à lui payer une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance,

‘ confirmer le jugement en ses autres dispositions,

subsidiairement,

‘ confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan du 3 juillet 2019 en toutes ses dispositions,

en tout état de cause,

‘ ne pas statuer sur les chefs ci-après du dispositif des conclusions des appelants du 30 octobre 2019 qui ne sont pas des prétentions :

– « (‘) au regard de l’illusion créée dans l’esprit des cautions qui croyaient bénéficier, faute d’information communiquée par la banque, d’une garantie de la Société Oséo alors que les conditions générales d’application des garanties Oseo, qui ne leur ont pas été communiquées, feraient de la garantie Oséo une garantie ne bénéficiant qu’au prêteur. »

– « dire et juger que la banque a commis une faute en se contentant d’une fiche de renseignement qui ne mentionnait pas les revenus de l’année 2012 et ne portait renseignement que des revenus obsolètes de l’année 2011.

dire et juger qu’en tout état de cause la banque a commis une faute en ne vérifiant pas les revenus mentionnés par les cautions sur la fiche de renseignement,

dire et juger que la fiche de renseignement comprend des falsifications grossières portées par la banque sur les revenus de Mme [R], »

dire et juger les cautionnements de Mme [R], M. [R] et M. [D] étaient disproportionnés au jour où ils ont été consentis tant sur le fondement de l’article L332-1 du code de la consommation que de l’article 1147 du code civil,

dire et juger par ailleurs que la banque ne rapporte pas la preuve du caractère proportionné des engagements de caution au moment où ceux-ci sont appelés »

« dire et juger que les cautions sont en droit de se prévaloir du dol par réticence tel qu’il a été jugé par arrêt du 7 juillet 2016 à l’encontre de la Société MM La Provence,

dire et juger que la banque a commis une faute en s’abstenant de vérifier la situation financière du cessionnaire et en ne satisfaisant pas à son devoir de mise en garde à l’égard des cautions.

dire et juger que la Banque Populaire Méditerranée a manqué à son devoir de mise en garde et de conseil à l’égard des époux [R] et de M. [D], deux d’entre eux en qualité d’associé et les trois comme cautions solidaires,

vu le préjudice subi par les époux [R] et M. [D] qui ont perdu une chance de ne pas contracter, et de ne pas offrir caution (‘) »,

‘ déclarer irrecevables les appelants en leurs demandes, subsidiairement, les débouter de leurs demandes, fins, moyens et conclusions,

‘ condamner solidairement M. [A] [R], Mme [E] [R] née [I] et M. [W] [D] aux dépens, ceux d’appel distraits au profit de Me Françoise Boulan, membre de la SELARL Lexavoue Aix-en-Provence, avocat associé, aux offres de droit,

‘ condamner solidairement M. [A] [R], Mme [E] [R] née [I] et M. [W] [D] à lui payer une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Suivant conclusions notifiées et déposées le 23 janvier 2020, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile, Me [X] [L] demande à la cour de :

‘ confirmer le jugement entrepris,

‘ débouter les appelants de l’ensemble de leurs demandes,

‘ les condamner au paiement de la somme de 4.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ les condamner aux entiers dépens distraits au profit de la SCP Cohen Guedj Montero Daval-Guedj, avocats.

Assigné en sa qualité de mandataire liquidateur de la société MM La Provence, suivant acte délivré à domicile le 5 novembre 2019, Me [H] [O] n’a pas constitué avocat.

MOTIFS

Sur la nullité des actes de cautionnement :

Les appelants soutiennent, au visa de l’ancien article 1116 du code civil, que leurs actes de cautionnement doivent être annulés sur le fondement de l’erreur ou du dol.

Ils exposent qu’il résulte de l’arrêt rendu par la cour d’appel le 7 juillet 2016 que l’acquéreur du fonds a été victime d’un dol par son vendeur, que ce dol a nécessairement induit en erreur les cautions, lesquelles se sont engagées sur une opération qu’elles pensaient viable économiquement, Mme [E] [I] étant à la fois caution et dirigeante de la société victime du dol.

Les époux [R]-[I] ajoutent qu’il était également déterminant pour les cautions de limiter leur engagement en étant trois cofidéjusseurs, que, cependant, M. [W] [D] a été déchargé de son cautionnement par la banque, qu’ainsi, ils se voient désormais seuls poursuivis et donc seuls à supporter la totalité du risque.

Ils font en outre valoir que leur consentement a été vicié par la banque qui n’a pas indiqué clairement dans l’acte de prêt la nature exacte de la garantie d’Oseo, présentée comme participant au risque.

La Banque Populaire Méditerranée réplique que, ni la fiche signalétique, ni les conditions générales de la garantie, dont les appelants ont reçu communication, n’indiquent que la société Oséo serait cofidéjusseur, qu’aucune pièce ne vient accréditer la thèse par eux avancée de la substitution d’Oséo aux engagements de cautions en cas de défaillance de la société emprunteuse.

Elle indique que le fait que l’une des cautions, en l’occurrence M. [W] [D], ait été déchargée de son engagement, lequel était limité à la moitié du montant de la créance, et n’était pas déterminant de celui des autres cautions, ne permet pas aux appelants de se prévaloir d’une erreur sur l’étendue de leurs engagements.

L’intimée soutient que le nouveau moyen de nullité fondé sur le dol du vendeur doit également être écarté, qu’en effet, l’acte de cession du fonds de commerce n’est pas annulé par l’arrêt du 7 juillet 2016, qu’ensuite, le cautionnement est un engagement accessoire du prêt, et non de l’acte de vente financé par ledit prêt, que, par ailleurs, sa créance ayant été admise au passif de la procédure collective de la SARL MM La Provence, elle ne peut être remise en cause dans son principe et son quantum, qu’enfin, aux termes de l’article 1110 du code civil dans sa version ici applicable, l’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet, tel n’étant pas le cas en l’espèce.

Sur ce, si, par arrêt du 7 juillet 2016, la cour, qui a en conséquence opéré une réduction du prix de vente, a dit que la SARL MM La Provence avait été victime d’un dol incident lors de l’acquisition du fonds de commerce de la SARL La Table des Templiers, il reste que les cautions ne sauraient, pour prétendre à la nullité de leur engagement, se prévaloir de ce dol, ou de l’erreur qu’il a selon elles entraînée sur la solvabilité de l’emprunteur et sa capacité à pouvoir assumer le prêt.

En effet, l’erreur qu’invoquent les appelants ne saurait être imputée à la Banque Populaire Méditerranée, quand, notamment, ils font eux-mêmes valoir que la solvabilité de l’emprunteur était tout aussi déterminante pour cette dernière que pour les cautions, et, par ailleurs, ne porte pas sur la substance de leur engagement.

S’agissant de la décharge dont a bénéficié M. [W] [D] selon courrier du 4 mai 2017, les époux [R]-[I] ne démontrent pas que leur engagement était conditionné par l’existence de la garantie donnée par ce dernier, alors d’ailleurs que chaque acte de cautionnement du 29 novembre 2012 indique notamment que «'(‘) au cas où d’autres personnes se seraient également portées caution du débiteur principal, il n’incomberait pas à la banque de m’informer de la dénonciation par l’une d’elles de son engagement.’»

En ce qui concerne la garantie d’Oseo, dont les conditions d’intervention comme co-preneur de risque à hauteur de 50 % de l’encours du prêt sont notamment précisées dans la notification de garantie jointe à la fiche signalétique du prêt, il ne peut qu’être constaté que les appelants, qui, aux termes de l’acte de cautionnement que chacun d’eux a signé, ont d’ailleurs déclaré parfaitement connaître toutes les conditions de l’obligation garantie, n’établissent pas la confusion dont ils soutiennent avoir été victimes quant à la nature de la participation d’Oseo, ni, en tout état de cause, le caractère déterminant qu’aurait eu celle-ci dans leur propre engagement.

Les demandes tendant à voir déclarer nuls les actes de cautionnement du 29 novembre 2012 sont en conséquence rejetées.

Sur la disproportion des engagements de caution :

Au visa de l’article L.332-1 du code de la consommation, les appelants invoquent le caractère manifestement disproportionné de leur cautionnement.

S’agissant de M. [W] [D], qui n’est pas poursuivi en paiement par la Banque Populaire Méditerranée, laquelle a renoncé à se prévaloir de son engagement de caution, le grief est sans objet.

M. [A] [R] et Mme [E] [I] soutiennent que la fiche de renseignements que produit l’intimée comporte des rajouts qui doivent être écartés comme formellement contestés, que, par ailleurs, le tribunal ne pouvait suivre la banque qui sollicitait qu’il soit tenu compte de la valeur de leur maison d’habitation en capital pour apprécier la disproportion, que, outre que les revenus de l’épouse sont assortis d’une mention «’x12’» qui ne leur est pas opposable, ceux de l’époux sont, non pas actualisés à la date de l’engagement, mais ses revenus de l’année précédente.

La Banque Populaire Méditerranée réplique notamment que, l’obtention d’une fiche de renseignements n’étant pas une obligation pour elle, la discussion entreprise par les appelants sur certaines mentions manuscrites est sans portée dès lors qu’ils ne fournissent pas d’éléments propres à démontrer que leur engagement serait disproportionné à leur patrimoine, que, leur demande, qui ne figurait pas dans leurs premières écritures, tendant à voir déclarer qu’elle ne peut se prévaloir des cautionnements sur le fondement de l’ancien article L.341-4 du code de la consommation, ne peut plus être formulée en application du principe de concentration des demandes en cause d’appel selon l’article 910-4 du code de procédure civile, qu’en tout état de cause, les cautions n’apportent pas la preuve d’une disproportion en l’état des informations parcellaires qu’elles communiquent.

Sur ce, il est tout d’abord observé que le grief de disproportion par lequel une caution entend s’opposer à la demande en paiement formulée à son encontre constitue un moyen, et non une prétention, de sorte que les dispositions de l’article 910-4 précité ne lui sont pas applicables, pas plus qu’il n’a lieu, contrairement à ce prétend la banque, de figurer dans le dispositif des conclusions pour être recevable.

Il est par ailleurs rappelé que, pour l’application des dispositions de l’article L.332-1 invoqué, selon lequel un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation, c’est à la caution qu’il incombe de rapporter la preuve de la disproportion qu’elle allègue, et au créancier qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné d’établir qu’au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.

Le caractère manifestement disproportionné du cautionnement s’apprécie au regard, d’une part, de l’ensemble des engagements souscrits par la caution, d’autre part, de ses biens et revenus, sans tenir compte des revenus escomptés de l’opération garantie.

A cet égard, les époux [R]-[I], qui ne contestent pas avoir signé la fiche de renseignements datée du 12 novembre 2012 que produit l’intimée, soutiennent que les mentions qui y sont portées sont cependant erronées, en ce qui concerne les revenus de l’épouse, dans la mesure où, après l’indication «’1500’» apposée par cette dernière, a été postérieurement ajoutée, d’une main qui n’est, ni la sienne, ni celle de son époux, la mention «’x12’».

A l’appui de cette dénégation d’écriture, ils versent aux débats un avis d’expert, en l’occurrence celui de Mme [Y], dont il ressort que, en l’état des seuls éléments soumis à son appréciation, ladite mention chiffrée ne peut être attribuée à Mme [E] [I] et n’est pas de la main de M. [A] [R].

Cet avis étant corroboré par les avis d’imposition produits par les appelants qui font apparaître les revenus nets imposables de l’épouse, au titre des salaires et assimilés, comme étant de 10.683 euros pour l’année 2010 et de 1.252 euros pour l’année 2011, la contestation de ce chef est retenue.

S’agissant des revenus de l’époux, l’argumentation développée quant à leur défaut d’actualisation est pour le moins mal fondée, dès lors que l’avis d’imposition le plus récent communiqué par les appelants est celui sur les revenus de 2011, dont il ressort que M. [A] [R] a perçu, pour l’année considérée, la somme de, au titre des salaires et assimilés, 26.818 euros, soit celle qui figure dans la fiche litigieuse.

Aux termes de ce document, l’époux a indiqué percevoir d’autres revenus pour un montant de 9.732 euros, somme sur laquelle les appelants ne font pas de remarque, étant observé que, de l’avis d’imposition sus-évoqué, il ressort que leur foyer fiscal percevait des revenus de capitaux mobiliers et des revenus fonciers, justifiant ainsi de l’existence d’un patrimoine, mobilier et immobilier, sur lequel ils ne fournissent cependant pas davantage d’informations.

En ce qui concerne leur patrimoine, M. [A] [R] et Mme [E] [I], mariés sous le régime de la communauté légale, ne donnent en effet aucune explication, se contentant de prétendre que la maison dont il est fait état dans la fiche de renseignements, d’ailleurs indiquée comme étant un bien propre sans qu’il soit toutefois précisé auquel d’entre eux, constituait leur résidence principale et ne pouvait en conséquence être prise en compte pour apprécier la disproportion.

Mais, les «’conditions générales de la garantie Oseo en matière de crédit’» dont ils entendent désormais ainsi se prévaloir concernent les mesures de sûreté ou d’exécution sur l’habitation, et non sa valeur patrimoniale à prendre en considération.

A cet égard, la valeur du bien par eux estimée à 250.000 euros au 12 novembre 2012 n’est pas contestée.

Sa valeur nette n’est en revanche pas précisée, en l’absence de mention quant au capital restant dû à cette date au titre de l’emprunt immobilier d’un montant initial de 134.462 euros, contracté sur 25 ans et dont la dernière échéance se situe en avril 2028. Ceci étant, selon un tableau d’amortissement émanant de BNP Paribas par ailleurs fourni, ce capital était alors de 108.515,89 euros, d’où une valeur nette de l’immeuble de l’ordre de 140.000 euros.

Sur la fiche, qui fait état de placements sous forme d’un livret A, n’est pas davantage mentionnée la valeur de ce patrimoine mobilier.

Enfin, Mme [E] [I] détenant 3750 des 5000 parts, soit 75 % du capital social, de la SARL MM La Provence, les appelants ne justifient pas, ainsi que le relève la Banque Populaire Méditerranée, de la valeur de ces parts sociales, quand il ressort de l’acte d’acquisition du fonds de commerce que la société en a financé partiellement le prix, comptant à concurrence de la somme de 80.000 euros, de ses fonds personnels.

Dans ces conditions, faute par les cautions de démontrer la réalité, quant à sa nature et sa valeur, de leur situation patrimoniale et eu égard aux seuls éléments précités, il ne saurait être considéré que l’engagement litigieux, souscrit le 29 novembre 2012 dans la limite de la somme de 198.000 euros, était manifestement disproportionné aux biens et revenus de M. [A] [R] ou de Mme [E] [I].

Le moyen tiré de l’application de l’article L.332-1 du code de la consommation est en conséquence écarté.

Sur la créance de la Banque Populaire Méditerranée :

Pour s’opposer à la demande en paiement telle que formulée par la banque, les appelants font valoir que, en ce qui concerne le capital, il ne résulte pas des pièces produites une décision de l’admission de la créance supérieure à la somme accordée par le premier juge, que, s’agissant des intérêts, l’intimée ne justifie pas de l’information annuelle de la caution imposée par l’article L.313-9 ancien du code de la consommation ou l’article L.313-22 du code monétaire et financier, qu’enfin, la majoration de trois points constitue une clause pénale qui doit être réduite en raison de son caractère excessif par application des anciens articles 1126 et suivants du code civil.

La Banque Populaire Méditerranée réplique que la demande de déchéance des intérêts, qui était absente des conclusions notifiées dans le délai de l’article 908 du code de procédure civile, est irrecevable, qu’elle a reçu du liquidateur judiciaire de la SARL MM La Provence la somme de 26.171,83 euros le 6 juin 2021, qu’elle produit le décompte actualisé de sa créance sur la débitrice principale, de 499.222,66 euros, au 5 octobre 2022, sauf mémoire des intérêts qui continuent à courir.

Mais, l’irrecevabilité soulevée par l’intimée au visa de l’article 910-4 du code de procédure civile ne peut être retenue, dès lors que la déchéance des intérêts, sollicitée sur le fondement de dispositions d’ordre public, ne constitue qu’un moyen par lequel la caution entend voir réduire sa dette envers le créancier, qu’elle a toujours contestée.

Et, étant observé que la Banque Populaire Méditerranée, qui ne prétend d’ailleurs pas même y avoir procédé, ne verse aux débats aucun élément de nature à justifier de ce qu’elle aurait respecté, dans les termes prescrits, l’obligation d’information annuelle de la caution que lui impose notamment l’article L.313-22 du code monétaire et financier invoqué, l’intimée doit, en application de ce texte, être déchue, dans ses rapports avec les époux [R]-[I], des intérêts échus depuis le 31 mars 2013, date avant laquelle devait intervenir pour la première fois ladite information, rappel fait que les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre créancier et caution, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

En conséquence, au vu, notamment, du contrat de prêt, du tableau d’amortissement y annexé, de la déclaration de créance de la banque au passif de la procédure collective de la SARL MM La Provence, et des décomptes produits, la créance de la Banque Populaire Méditerranée, dans ses rapports avec les cautions, s’élève à la somme de 300.708,22 euros, dont ces dernières ne sont redevables, compte tenu de la participation contractuelle de garantie à concurrence de 50 % de l’encours du crédit, qu’à hauteur de la moitié, soit la somme de 150.354,11 euros.

M. [A] [R] et Mme [E] [I] sont donc solidairement condamnés à payer à l’intimée cette somme, outre intérêts au taux légal à compter de leur mise en demeure, laquelle résulte en l’espèce de l’assignation du 23 septembre 2014.

Sur le devoir de mise en garde :

Les appelants reprochent à la Banque Populaire Méditerranée de n’avoir pas respecté le devoir de mise en garde qu’elle avait à leur égard.

M. [A] [R] et Mme [E] [I] exposent qu’ils ne peuvent être considérés comme avertis, même en ce qui concerne l’épouse qui a été brièvement gérante de la société, alors que préalablement, ils n’ont jamais eu de postes de direction ou de fonctions où ils auraient effectué des actes de financement pour des acquisitions de fonds de commerce.

Ils soutiennent que le banquier de la société venderesse ne pouvait ignorer les difficultés financières de cette dernière, ni son absence de trésorerie, qu’en tant que professionnel, l’intimée ne pouvait raisonnablement se fonder sur un prévisionnel établi sur un document aussi sommaire qu’une attestation de chiffre d’affaires d’avril à octobre 2012, sans exiger un document complet pouvant établir en sus du chiffre d’affaires les charges sur cette période et qui aurait permis de connaître la rentabilité de l’affaire, que la faute est d’autant plus importante que la banque écrit elle-même, lors de la remise de la liasse fiscale de la venderesse, que, si elle avait connu les chiffres de cette dernière, elle n’aurait pas accordé le financement, que cela a permis le dol, que l’opération était indubitablement vouée à l’échec.

Ils sollicitent, en réparation du préjudice causé par la perte de chance de ne pas être poursuivis au titre du cautionnement souscrit du fait du manquement de la banque, la somme de 160.543 euros de dommages et intérêts.

La Banque Populaire Méditerranée réplique que cette demande, désormais formulée dans leurs dernières conclusions, est, sur le fondement de l’article 910-4 du code de procédure civile, irrecevable pour ne pas avoir été présentée dans les premières écritures des appelants notifiées dans le délai de l’article 908 du même code, cette prétention ne pouvant en effet se confondre avec celle alors formée tendant à la voir condamner à leur verser une somme de 160.543 euros correspondant aux sommes payées (hors engagements de caution) par les requérants pour l’acquisition du fonds perdu du fait de la liquidation judiciaire.

Elle fait valoir qu’elle n’était en tout état de cause tenue d’aucune obligation de mise en garde, qu’en effet, les cautions sont, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, en l’espèce averties, qu’elles contrôlaient et animaient la SARL MM La Provence, que M. [A] [R] bénéficiait d’une large expérience professionnelle dans le secteur de la restauration, qu’en outre, ayant occupé successivement deux postes de directeur commercial, il avait aussi une solide expérience de gestion d’entreprise.

Elle ajoute que l’obligation de mise en garde est conditionnée à l’inadaptation de l’engagement aux capacités financières de la caution ou à l’existence d’un risque d’endettement né de l’octroi du prêt, dont la charge de la preuve incombe à la caution, que l’opération n’impliquait pas, a priori, un risque particulier de mise en jeu du cautionnement, selon les informations fournies par l’expert-comptable intégrées dans le prévisionnel qui lui a été soumis, que les appelants ne s’expliquent pas sur les causes de la baisse du chiffre d’affaires du fonds après sa reprise, que cette baisse ne lui est en rien imputable.

Sur ce, la demande de dommages et intérêts ne saurait être déclarée irrecevable au visa de l’article 910-4 du code de procédure civile, lequel ne fait pas obstacle à ce que les parties modifient le fondement juridique de l’une de leurs prétentions ou soulèvent des moyens nouveaux au soutien de cette prétention.

L’obligation de mise en garde à laquelle le banquier dispensateur de crédit peut être tenu envers une caution est subordonnée à deux conditions, la qualité de caution non avertie et l’existence, au regard des capacités financières de cette dernière ou de l’emprunteur, d’un risque d’endettement né de l’octroi du prêt.

Contrairement à ce que prétend l’intimée, à laquelle incombe la charge de la preuve à cet égard, il ne résulte nullement du curriculum vitae de Mme [E] [I] que celle-ci puisse être qualifiée de caution avertie.

Au regard de ses précédents emplois, cuisinière puis secrétaire assistante commerciale dans une entreprise de vente et location de matériel médical, il n’est en effet pas établi que lorsqu’elle a souscrit le cautionnement litigieux, le 29 novembre 2012, l’appelante disposait d’une compétence et d’une expérience en matière économique et financière lui permettant de mesurer les risques attachés à ses engagements.

Et le fait qu’elle soit associée et gérante de la SARL MM La Provence, alors nouvellement créée, ne saurait suffire à lui conférer ce caractère.

En ce qui concerne M. [A] [R], dont il apparaît d’ailleurs, au vu des statuts et du Kbis de ladite société, qu’il n’en était, ni gérant, ni associé, le fait qu’il ait été manager de salle dans un restaurant durant un an et demi et précédemment directeur commercial dans des sociétés de vente et location de matériel médical ne peut suffire à justifier de ses compétences en matière financière.

Il doit, dès lors, être également considéré comme une caution non avertie.

Ceci étant, les appelants, dont il a été plus haut retenu qu’ils ne justifiaient pas de la réalité de leur situation patrimoniale et financière à la date de souscription de leur engagement, ne démontrent pas l’existence, au regard de leurs capacités financières, d’un risque d’endettement né de l’octroi du prêt consenti à la SARL MM La Provence.

S’agissant des capacités financières de cette dernière, il a été soumis à l’appréciation de la Banque Populaire Méditerranée un dossier, prévisionnel de création d’activité de décembre 2012 à novembre 2015, comportant des données et analyses comptables quant à l’activité prévisionnelle de la société emprunteuse sur trois ans, dont il ne ressort pas que le prêt accordé était inadapté à ses capacités de remboursement telles qu’alors envisagées au regard des éléments, en termes notamment de chiffre d’affaires et de charges, communiqués à son rédacteur par la société elle-même.

Dans ces conditions, les cautions, qui ne sauraient imputer à l’établissement prêteur, lequel s’est basé sur les documents que lui a transmis le cessionnaire pour obtenir son financement, les rétentions d’informations quant à la valeur réelle du fonds de commerce cédé désormais reprochées à la société venderesse, ne sont pas fondées à rechercher la responsabilité de l’intimée au titre d’un devoir de mise en garde dont celle-ci n’était pas débitrice à leur égard.

Les demandes en paiement de dommages et intérêts formées à l’encontre de la Banque Populaire Méditerranée sont en conséquence rejetées et le jugement confirmé de ce chef.

Sur la responsabilité du notaire :

Exposant que la SARL MM La Provence a été victime, lors de la vente du fonds de commerce, d’un dol de la part du vendeur, ce qui a entrainé sa mise en redressement judiciaire puis sa liquidation, l’opération étant vouée à l’échec, les appelants font valoir que le notaire, qui a établi le compromis et l’acte de cession, a omis de se conformer aux obligations de l’article L.141-1 du code de commerce, que sa faute à l’égard de la société cessionnaire constitue un fait illicite qui ouvre droit, pour les tiers cautions qui établissent un lien de causalité avec leur préjudice, à réparation.

Ils précisent que la cour a, dans son arrêt du 7 juillet 2016, retenu le dol pour cette cession intervenue en décembre 2012 au motif que le vendeur disposait nécessairement d’éléments comptables lui permettant d’évaluer le résultat déficitaire de l’exercice, que ce dol a été permis par la faute commise par le notaire qui aurait dû exiger les résultats d’exploitation pour les mentionner dans l’acte, qu’en outre, ce dernier, tenu d’éclairer les parties, d’appeler leur attention sur la portée, les effets et les risques des actes auxquels il prête son concours, a manqué à son devoir de mise en garde et de conseil en omettant d’alerter les parties sur le risque lié à l’absence de mentions propres au texte précité, que la faute du notaire, qui a permis le dol, cause un préjudice aux cautions, appelées par la banque en raison de la perte de solvabilité de la SARL MM La Provence.

Ils soutiennent que, si la cession n’avait pas été réalisée, ils ne se seraient pas portés cautions, et, d’autre part, n’auraient pas fait d’apport personnel pour une somme totale de 100.000 euros, que leur préjudice est donc égal à l’apport personnel augmenté des sommes réclamées par la banque au titre du cautionnement.

Me [X] [L] réplique, s’agissant des dispositions de l’article L.141-1 du code de commerce, qu’a été mentionnée et annexée à l’acte de vente une attestation d’expert-comptable mentionnant les chiffres d’affaires mensuels réalisés d’avril à octobre 2012, qu’il n’y avait pas pour lui à douter de leur véracité, que, concernant les résultats d’exploitation, la durée d’exploitation est trop courte pour qu’il existe un exercice comptable clôturé, qu’en l’espèce, il a sollicité de la part du comptable une estimation du résultat pour cette période d’exploitation, qui ne lui a cependant pas été fournie, qu’il ne lui incombait pas de se livrer à un exercice comptable alors même que l’expert-comptable en titre estimait être dans l’incapacité d’y pourvoir.

Il fait remarquer que l’absence de résultats d’exploitation pour la période non clôturée est sans incidence véritable sur les éléments d’appréciation qui ont déterminé l’acquéreur, lequel a affirmé, aux termes de l’acte, avoir été mis en possession de l’ensemble des livres comptables de l’exploitation.

L’intimé fait valoir que, n’ayant pas été mandaté pour recueillir le consentement des cautions, il ne lui était en conséquence pas possible de délivrer un conseil sur la portée d’un acte régularisé en dehors de toute intervention, que l’action manque en toute hypothèse d’une démonstration quant à la faute du notaire, l’existence d’un lien de causalité avec un préjudice réparable, que le notaire n’a pas pour rôle de se substituer à l’acquéreur quant à l’appréciation de « l’affaire » qu’il se propose d’acquérir et d’exploiter, et des résultats à en attendre, qu’il n’est pas davantage responsable des contingences économiques extérieures, ni des compétences du cessionnaire quant à l’exploitation du fonds acquis, qu’aucun des éléments mis en exergue par les appelants ne relève de la compétence ou du domaine d’intervention du notaire susceptible de générer un devoir de conseil.

Sur ce, il est constant que, par arrêt du 7 juillet 2016 dont il n’est pas contesté qu’il soit définitif, il a été dit que la SARL MM La Provence avait été victime d’un dol incident lors de l’acquisition du fonds de commerce de la SARL La Table des Templiers, et cette dernière condamnée à payer à Me [H] [O], en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL MM La Provence, la somme de 80.000 euros au titre de la réduction du prix et celle de 20.000 euros de dommages et intérêts.

La cour a retenu le dol au titre de la rétention de l’information sur le déficit de l’exploitation, considérant que le vendeur avait pu cacher à l’acquéreur une importante dégradation de la rentabilité et de la valeur du fonds en s’abstenant de communiquer toute information sur les résultats de 2011 et 2012.

S’agissant de l’acte de cession, aux termes de l’article L.141-1 invoqué, la SARL La Table des Templiers était tenue d’y énoncer les résultats d’exploitation réalisés pendant la période du 5 avril au 4 décembre 2012.

Or, l’acte notarié contenant cession du fonds de commerce indique que, pour la période d’avril à octobre 2012, le résultat n’est pas déterminé.

Par les documents qu’il verse aux débats, Me [X] [L], rédacteur de l’acte en cause, justifie avoir sollicité de l’expert-comptable de la société venderesse une attestation mentionnant, outre le chiffre d’affaires pour la période considérée, une estimation du résultat, ce à quoi il lui a été répondu que le résultat au 31 octobre 2012 n’était pas encore connu, le comptable l’invitant à prendre contact avec le vendeur, lequel lui a par ailleurs indiqué ne pouvoir lui fournir le résultat.

Dans ces conditions, le notaire instrumentaire, qui ne pouvait se substituer au vendeur auquel incombe l’obligation d’information en application du texte précité, devait en revanche, s’agissant d’énonciations prescrites à peine d’une éventuelle nullité de son acte, attirer l’attention de l’acquéreur sur leur omission.

Ceci étant, les appelants, qui ne sont pas parties à l’acte litigieux et envers lesquels le notaire n’était donc tenu d’aucun devoir d’information et de conseil, n’établissent pas que le manquement qu’ils reprochent à ce dernier, dont la responsabilité n’est ici pas recherchée par la SARL MM La Provence, soit à l’origine du préjudice qu’ils invoquent, alors d’ailleurs que la vente n’a pas été annulée, mais le prix du fonds de commerce cédé réduit.

Les demandes en paiement de dommages et intérêts formées à l’encontre de Me [X] [L] sont en conséquence rejetées, et le jugement également confirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt de défaut,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a condamné solidairement M. [A] [R] et Mme [E] [R] à payer à la Banque Populaire Méditerranée la somme de 156.857,40 euros avec intérêts au taux contractuel de 3,85 % l’an à compter du 26 décembre 2013 s’agissant de Mme [E] [R] et à compter du 23 septembre 2014 s’agissant de M. [A] [R] en leurs qualités de cautions,

L’infirme de ce chef, et statuant à nouveau,

Condamne solidairement M. [A] [R] et Mme [E] [I] à payer à la Banque Populaire Méditerranée la somme de 150.354,11 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2014,

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [A] [R], Mme [E] [I] et M. [W] [D] à payer à la Banque Populaire Méditerranée la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. [A] [R], Mme [E] [I] et M. [W] [D] à payer à Me [X] [L] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Les condamne aux dépens, dont distraction conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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