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MINUTE N° 421/2023
Copie exécutoire à
– Me Valérie SPIESER
– la SELARL ACVF ASSOCIES
Le 8 septembre 2023
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 08 Septembre 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : 2 A N° RG 19/03651 – N° Portalis DBVW-V-B7D-HFE2
Décision déférée à la cour : 11 Juillet 2019 par le tribunal de grande instance de STRASBOURG
APPELANTS et intimés sur incident :
1) Monsieur [BA] [S]
demeurant [Adresse 8]
2) Madame [TM] [W] épouse [P]
3) Monsieur [PJ] [P]
demeurant tous les deux [Adresse 22]
4) Madame [CW] [I] épouse [AN]
5) Monsieur [OG] [AN]
demeurant tous les deux [Adresse 16]
6) Monsieur [AS] [Z]
demeurant [Adresse 27]
7) Madame [DI] [X] épouse [KS]
8) Monsieur [N] [KS]
demeurant tous les deux [Adresse 23]
9) Monsieur [EZ] [Y]
demeurant [Adresse 32]
10) Monsieur [R] [D]
demeurant [Adresse 9]
11) Monsieur [H] [L]
demeurant [Adresse 18]
12) Madame [CX] [E]
demeurant [Adresse 21]
13) Monsieur [ZT] [O]
demeurant [Adresse 31]
14) Madame [UN] [G]
demeurant [Adresse 32]
15) Monsieur [LF] [C]
16) Madame [V] [VB] [SL] [RW] [VM]
épouse [C]
demeurant tous les deux [Adresse 30]
17) Madame [J] [T] épouse [CY]
18) Monsieur [XD] [CY]
demeurant tous les deux [Adresse 10]
19) Monsieur [XD] [U]
20) Madame [F] [YP] épouse [U]
demeurant tous les deux [Adresse 12]
21) Madame [YE] [YS] épouse [JD]
22) Monsieur [B] [JD]
demeurant tous les deux [Adresse 29]
23) Monsieur [JR] [UA]
24) Madame [FM] [SZ] épouse [UA]
demeurant tous les deux [Adresse 33]
25) Madame [A] [JD] épouse [HB]
demeurant [Adresse 2]
26) Monsieur [BH] [NV]
demeurant [Adresse 4]
27) Madame [DY] [IP]
demeurant [Adresse 26]
28) Monsieur [EL] [NH]
demeurant [Adresse 28]
29) Monsieur [OI] [RK]
30) Madame [F] [IC] épouse [RK]
demeurant tous les deux [Adresse 3]
31) Monsieur [MU] [DK]
32) Madame [V] [EX] épouse [DK]
demeurant tous les deux [Adresse 24]
33) Monsieur [M] [BV]
demeurant [Adresse 17]
34) Monsieur [PX] [WP]
demeurant [Adresse 20]
35) Monsieur [LF] [IN]
36) Madame [VO] [XR] épouse [IN]
demeurant tous les deux [Adresse 25]
37) Monsieur [K] [XB]
demeurant [Adresse 14]
38) Monsieur [ZT] [LD]
39) Madame [BI] [RY] épouse [LD]
demeurant tous les deux[Adresse 1]
40) Monsieur [CJ] [JO].
demeurant [Adresse 19]
41) La SCI DERBEZ prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 5]
42) La SARL ANTROPOS prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 15]
43) La SARL JS PATRIMOINE prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 6]
44) La SARL LA NOE prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 11]
45) La SARL THIGANE, agissant poursuites et diligences de ses représentant légaux,
ayant son siège social [Adresse 7]
tous représentés par Me Valérie SPIESER, avocat à la cour.
avocat plaidant : Me MONIN, avocat à VERSAILLES
INTIMÉE et appelante sur incident :
Maître [V] [LT]
demeurant [Adresse 13]
représentée par la SELARL ACVF ASSOCIES, avocat à la cour
avocat plaidant : Me KWIATKOWSKI, avocat à STRASBOURG
INTIMÉE :
La SCP COLET ET [LT], prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 13]
représentée par la SELARL ACVF ASSOCIES, avocat à la cour
avocat plaidant : Me KWIATKOWSKI, avocat à STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 17 Mars 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre
Madame Myriam DENORT, Conseiller
Madame Nathalie HERY, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN
ARRÊT contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Dans le cadre d’une opération de promotion immobilière menée par la société Phy Promotion consistant en la réhabilitation du château de [Localité 34] (Bas-Rhin), et en l’édification de bâtiments annexes en vue de la réalisation d’un complexe hôtelier de luxe, Maître [V] [LT], notaire associée de la SCP Gilles Colet et [V] [LT], notaires associés à [Localité 35], a été notamment chargée de l’établissement des actes d’acquisition des bâtiments et de vente des différents lots après division en volumes, des états descriptifs de division, des règlements de copropriété, et des statuts d’une association syndicale libre CS constituée entre les différentes copropriétaires.
C’est ainsi que, le 27 décembre 2006, Me [LT] a reçu l’acte de vente par lequel la société Phy promotion a acquis les bâtiments du château et le terrain attenant, avec réserve d’un droit d’usage et d’habitation au profit des vendeurs qui habitaient toujours le château jusqu’au 31 mars 2007. Le prix était payable comptant à concurrence d’un certain montant, le solde devant faire l’objet d’un crédit relais selon acte de prêt établi le même jour par Me [LT]. Le notaire a également établi, à cette date, un état descriptif de division des biens immobiliers en volumes, le règlement de copropriété et l’état descriptif de division du volume A, ainsi que les statuts de l’association syndicale libre CS constituée entre tous les copropriétaires des volumes A, B, C et D ayant pour objet la gestion des équipements communs après achèvement, et des jardins.
Les premiers lots du volume A correspondant au château dont les façades et la toiture sont classées à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques, et à son pont d’accès, ont été vendus en l’état dès le 29 décembre 2006. Les lots des autres volumes ont fait l’objet de ventes en l’état futur d’achèvement.
Antérieurement à ces actes, avaient été établis, par acte sous seing privé du 22 décembre 2006, les statuts de l’association syndicale libre du château de [Localité 34] constituée entre la société Phy Promotion et les copropriétaires du volume A dont l’objet était de réaliser collectivement la restauration complète et groupée du château dans les parties communes et privatives pour son adaptation en résidence hôtelière.
Suite à l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, le 27 avril 2010, puis de liquidation judiciaire, le 7 septembre 2010, à l’encontre de la société Phy Promotion, et à l’absence d’achèvement des travaux, quarante-quatre acquéreurs ont engagé, le 6 juin 2013, une action en responsabilité dirigée contre Maître [V] [LT], notaire, et la SCP Gilles Colet et [V] [LT] devant le tribunal de grande instance de Strasbourg, pour manquement à leur obligation de conseil s’agissant de la viabilité du projet et du régime juridique et fiscal applicable, ainsi que pour absence de vérifications suffisantes relatives aux conditions de la garantie intrinsèque.
Par jugement du 11 juillet 2019, le tribunal a rejeté les demandes et condamné les demandeurs aux dépens et au paiement à Me [LT] et à la SCP Gilles Colet et [V] [LT] d’une indemnité de procédure de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Les acquéreurs ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 9 août 2019, en toutes ses dispositions, intimant Me [LT] et la SCP Gilles Colet et [V] [LT].
Les appelants ont saisi le conseiller de la mise en état de conclusions d’incident aux fins de voir déclarer irrecevables la constitution et les conclusions de la SCP Gilles Colet et [V] [LT] sur le fondement des articles 960 et 961 du code de procédure civile, au motif qu’ils avaient appris par l’assureur de la SCP Gilles Colet et [V] [LT], dans le cadre d’une procédure parallèle en cours devant le tribunal judiciaire de Paris, que ladite société avait été dissoute le 3 novembre 2015 par arrêté du Garde des Sceaux, de sorte qu’elle n’avait plus de représentant légal. Par ordonnance du 6 janvier 2022, confirmée sur déféré par arrêt de cette cour du 24 juin 2022, le conseiller de la mise en état a rejeté la fin de non-recevoir soulevée concernant la constitution de la SCP Gilles Colet et [V] [LT], et constaté, pour le surplus, que suite aux conclusions déposées le 6 septembre 2021, l’incident n’avait plus d’objet, puisque la SCP ne formulait plus de demandes.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 7 février 2023.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 2 février 2023, les consorts [S]-[Z]-[Y] et autres, acquéreurs des lots, demandent à la cour de :
– déclarer les appelants recevables et bien fondés en leur appel et y faisant droit ;
– déclarer irrecevable la constitution de la SCP Gilles Colet et [V] [LT] ;
– déclarer la SCP Gilles Colet et [V] [LT] irrecevable en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions et en son appel incident ;
– déclarer Maître [V] [LT] irrecevable et infondée en son appel incident ;
– infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau de :
– débouter Maître [V] [LT] et la SCP « Gilles Colet et [V] [LT], notaires associés » de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions et de leur appel incident ;
– déclarer que Maître [V] [LT], a manqué à son devoir de conseil et à son obligation de sécurité juridique ;
– déclarer Maître [V] [LT] responsable du préjudice subi par les appelants ;
– condamner Maître [V] [LT] à réparer les préjudices des appelants, à savoir :
Sur le montant des travaux restant à effectuer :
– Concernant le bâtiment A :
‘ Monsieur [BA] [S] : 145 056,34 euros ;
‘ Monsieur [AS] [Z] : 66 918,26 euros ;
‘ Monsieur et Madame [PJ] [P] : 118 609,60 euros ;
‘ Monsieur [LF] [C] : 161 084,66 euros ;
‘ Monsieur et Madame [JR] [UA] : 199 151,93 euros ;
‘ Madame [YE] [JD], ainsi que Monsieur [B] [JD] et Madame [A] [HB] : 224 797,25 euros ;
‘ Monsieur [BH] [NV] : 163 889,62 euros ;
‘ Madame [DY] [IP] : 72 928,88 euros ;
‘ Monsieur et Madame [OI] [RK] : 115 403,94 euros ;
‘ Monsieur et Madame [MU] [DK] : 84 549,41 euros ;
‘ Monsieur et Madame [MG] [KS] : 236 417,79 euros ;
‘ la SCI Derbez : 80 943,04 euros ;
‘ Monsieur et Madame [LF] [IN] : 526 530,46 euros ;
‘ Monsieur [K] [XB] : 172 304,49 euros ;
‘ Monsieur et Madame [XD] [CY] : 189 134,23 euros ;
‘ Monsieur et Madame [ZT] [LD] : 91 361,45 euros ;
– Concernant le bâtiment B :
‘ Monsieur [H] [L] : 127 440,39 euros ;
‘ Madame [CX] [E] : 90 441,57 euros ;
‘ Madame [V] [C] : 84 644,03 euros ;
‘ Monsieur et Madame [OG] [AN] : 116 688,60 euros ;
‘ Monsieur [M] [BV] : 116 373,37 euros ;
‘ la SARL Antropos : 96 239,11 euros ;
‘ la SARL JS Patrimoine : 235 590,80 euros ;
‘ la SARL la Noé : 186 680,68 euros ;
– Concernant le bâtiment E :
‘ Monsieur [EZ] [Y] : 90 650,36 euros ; – 45/51 –
‘ Monsieur [R] [D] : 180 696,38 euros ;
‘ Monsieur [ZT] [O] : 97 902,38 euros ;
‘ Madame [UN] [G] : 102 132,73 euros ;
‘ Monsieur et Madame [XD] [U] : 84 607,00 euros ;
‘ Monsieur et Madame [OG] [AN] : 238 410,43 euros
‘ Monsieur [EL] [NH] : 97 902,38 euros ;
‘ Monsieur [PX] [WP] : 106 060,92 euros ;
‘ la SARL Thigane : 97 902,38 euros ;
‘ Monsieur [CJ] [JO] : 77 354,97 euros.
Sur la perte de loyers :
– Concernant le lot A :
‘ Monsieur [BA] [S] : 67 383,25 euros ;
‘ Monsieur et Madame [AS] [Z] : 38 814,25 euros ;
‘ Monsieur et Madame [PJ] [P] : 92 706,58 euros ;
‘ Monsieur [LF] [C] : 81 578,58 euros ;
‘ Monsieur et Madame [JR] [UA] : 119 536,83 euros ;
‘ Madame [YE] [JD], ainsi que Monsieur [B] [JD] et Madame [A] [HB] : 108 284,00 euros ;
‘ Monsieur [BH] [NV] : 76 576,33 euros ;
‘ Madame [DY] [IP] : 48 792,00 euros ;
‘ Monsieur et Madame [OI] [RK] : 105 877,50 euros ;
‘ Monsieur et Madame [MU] [DK] : 56 112,58 euros ;
‘ Monsieur et Madame [MG] [KS] : 152 014,19 euros ;
‘ la SCI Derbez : 40 142,83 euros ;
‘ Monsieur et Madame [LF] [IN] : 232 270,25 euros ;
‘ Monsieur [K] [XB] : 107 206,15 euros
‘ Monsieur et Madame [XD] [CY] : 88 783,25 euros ;
‘ Monsieur et Madame [ZT] [LD] : 49 148,67 euros ;
– Concernant le bâtiment B :
‘ Monsieur [H] [L] : 183 312,00 euros ;
‘ Madame [CX] [E] : 109 157,83 euros ;
‘ Madame [V] [C] : 102 400,50 euros ;
‘ Monsieur et Madame [OG] [AN] : 207 109,50 euros ;
‘ Monsieur [M] [BV] : 148 561,00 euros ;
‘ la SARL Antropos : 121 410,00 euros ;
‘ la SARL JS Patrimoine : 293 683,00 euros ;
‘ la SARL la Noé : 257 906,00 euros ;
– Concernant le bâtiment E :
‘ Monsieur [EZ] [Y] : 89 585,75 euros ;
‘ Monsieur [R] [D] : 192 225,50 euros ;
‘ Monsieur [ZT] [O] : 109 157,83 euros ;
‘ Madame [UN] [G] : 112 421,33 euros ;
‘ Monsieur et Madame [XD] [U] : 96 112,75 euros ;
‘ Monsieur et Madame [OG] [AN] : 193 812,67 euros
‘ Monsieur [EL] [NH] : 118 252,83 euros ;
‘ Monsieur [PX] [WP] : 109 157,83 euros ;
‘ la SARL Thigane : 109 157,83 euros ;
‘ Monsieur [CJ] [JO] : 86 322,25 euros.
A titre subsidiaire, sur la perte de valeur des biens :
– Concernant le bâtiment A :
‘ Monsieur [BA] [S] : 208 694 euros ;
‘ Monsieur [AS] [Z] : 123 816 euros ;
‘ Monsieur et Madame [PJ] [P] : 277 619,89 euros ;
‘ Monsieur [LF] [C] : 311 230 euros ;
‘ Monsieur et Madame [JR] [UA] : 353 218 euros ;
‘ Madame [YE] [JD], ainsi que Monsieur [B] [JD] et Madame [A] [HB] : 469.200,36 euros ;
‘ Monsieur [BH] [NV] : 297 412,70 euros ;
‘ Madame [DY] [IP] : 154 574,69 euros ;
‘ Monsieur et Madame [OI] [RK] : 189 039,60 euros ;
‘ Monsieur et Madame [MU] [DK] : 165 196 euros ;
‘ Monsieur [MG] [KS] : 463 484 euros ;
‘ la SCI Derbez : 137 441 euros ;
‘ Monsieur et Madame [LF] [IN] : 873 173,24 euros ;
‘ Monsieur [K] [XB] : 366 386,20 euros ;
‘ Monsieur et Madame [XD] [CY] : 301 595,84 euros ;
‘ Monsieur et Madame [ZT] [LD] : 192 765 euros ;
– Concernant le bâtiment B :
‘ Monsieur [H] [L] : 354.390 euros ;
‘ Madame [CX] [E] : 213 851 euros ;
‘ Madame [V] [C] : 217.044 euros ;
‘ Monsieur et Madame [OG] [AN] : 262 780 euros ;
‘ Monsieur [M] [BV] : 293 872 euros ;
‘ la SARL Antropos : 245 748 euros ;
‘ la SARL JS Patrimoine : 581 877 euros ;
‘ la SARL la Noé : 514 516 euros ;
– Concernant le bâtiment E :
‘ Monsieur [EZ] [Y] : 182 660 euros ;
‘ Monsieur [R] [D] : 347 125,23 euros ;
‘ Monsieur [ZT] [O] : 193 420 euros ;
‘ Madame [UN] [G] : 229 718 euros ;
‘ Monsieur et Madame [XD] [U] : 196 833 euros ;
‘ Monsieur et Madame [OG] [AN] : 380 412 euros ;
‘ Monsieur [EL] [NH] : 197.654 euros ;
‘ Monsieur [PX] [WP] : 223.380 euros ;
‘ la SARL Thigane : 197 653 euros ;
‘ Monsieur [CJ] [JO] : 176 623 euros ;
– déclarer et juger que les pertes de loyers seront actualisées au jour de l’arrêt à intervenir ;
– condamner Maître [V] [LT] à payer à chaque appelant la somme de 30 000 euros au titre du préjudice moral ;
– condamner Maître [V] [LT] au paiement des entiers dépens de première instance et d’appel ;
– condamner Maître [V] [LT] à payer, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 5 000 euros à chaque appelant.
Au soutien de leur appel, ils font valoir que Me [LT] qui avait une connaissance globale de l’opération, tant dans ses éléments économique, financiers que fiscaux, et la maîtrise complète du dossier dont elle a rédigé la majeure partie des actes juridiques, a manqué aux devoirs de sa profession tels que prévus à l’article 3.2.1 du règlement intérieur national des notaires. Ils lui reprochent ainsi :
– une faute dans le choix du régime juridique des actes s’agissant des lots du volume A, pour avoir accepté de passer les ventes sous la forme de ventes de lots à aménager, sans tenir compte des termes des promesses de vente et de l’importance des travaux à réaliser, alors que les lots n’étaient pas individualisés ni même construits, et que ces ventes auraient dû relever à l’évidence du régime plus protecteur des ventes en l’état futur d’achèvement ;
– d’avoir manqué à son devoir de conseil en n’attirant pas l’attention des acquéreurs sur les conséquences du régime juridique choisi qui permettait le versement de montants bien supérieurs à ceux qui auraient pu être exigés en fonction de l’état d’avancement des travaux, et qui les privait d’une garantie d’achèvement, sans s’assurer qu’ils avaient conscience que les fonds seraient perdus en cas d’inachèvement ;
– de même, d’avoir considéré que la vente du lot n° 48 du volume E passée le 21 avril 2009 au profit de M. [O] portait sur un bien achevé, alors qu’elle disposait d’éléments lui permettant de mettre en doute la véracité de l’attestation de l’architecte du 10 mars 2009 affirmant que les travaux étaient achevés ;
– d’avoir soumis les ventes des lots du volume A à un régime fiscal non conforme à leur objet, et d’avoir ainsi manqué à son obligation d’assurer la sécurité juridique des actes.
Ils soutiennent que la soumission des ventes à un régime juridique inadapté les a privés de la sécurité juridique et des dispositions protectrices existant en matière de vente en l’état futur d’achèvement, notamment d’une garantie de bonne fin prenant la forme d’une garantie extrinsèque, outre l’absence de condition suspensive tenant à la réalisation des travaux, à l’obtention des permis de diviser et de construire et de l’autorisation du changement de destination de l’immeuble. Ils considèrent que Me [LT] aurait dû refuser de passer les ventes des lots du volume A sous une forme autre que la vente en l’état futur d’achèvement, ou à tout le moins les informer des risques, observant que si certains d’entre eux étaient assistés de conseils, ces derniers n’avaient pas, à la différence de Me [LT], une vision globale de l’opération dans son ensemble.
Les appelants reprochent également à Me [LT] un manquement à son devoir de conseil quant à la faisabilité juridique et financière du projet, ainsi que s’agissant des ventes en l’état futur d’achèvement concernant les lots des volumes B – conciergerie – et E – extension des communs -, de ne pas avoir justifié ni leur avoir notifié les conditions dans lesquelles la garantie d’achèvement avait été obtenue, alors qu’au moment de la conclusion des ventes en l’état futur d’achèvement le financement à 75 % n’était pas assuré, et que le notaire n’ignorait ni la fragilité financière du montage et l’absence de fonds propres de la société Phy promotion, ni la communauté d’associés et d’intérêts existant entre d’une part cette société, d’autre part les sociétés MH construction, Double point, cette dernière ayant acquis des lots financés au moyen d’un crédit vendeur, et enfin l’association syndicale libre [Localité 34], ni le fait que toutes les ventes et achats effectués par ces sociétés ne reposaient sur aucun financement extérieur sain mais sur des transferts de société à société et sur des prêts, outre le remboursement par l’intermédiaire de Me [LT] du prêt contracté par la société Phy Promotion auprès d’un bailleur de fonds privé pour le règlement de la partie du prix d’acquisition du château payable comptant, au moyen de fonds destinés à financer les travaux. Les appelants déduisent des déclarations de Me [LT] au cours de l’enquête pénale qu’elle les a volontairement trompés sur les conditions d’acquisition de la garantie.
Les appelants soutiennent qu’ils subissent un préjudice certain puisqu’ils sont propriétaires de biens qui ont perdu leur valeur sauf à réaliser des travaux qu’ils ne peuvent financer, et qui sont invendables en l’état, outre une perte de revenus locatifs depuis juillet 2009, chaque investisseur ayant signé un contrat de bail commercial dès le début de l’opération avec une société Les Chevaliers de [Localité 34] créée par le promoteur pour exploiter l’hôtel, ce préjudice étant en relation causale directe avec les fautes reprochées à Me [LT].
Leur préjudice correspond au montant des travaux restant à effectuer et frais annexes, ainsi qu’à une perte de loyers, subsidiairement à une perte de valeur de leurs biens, outre un préjudice moral résultant du fait qu’ils doivent rembourser des emprunts sans bénéficier des revenus escomptés, pour certains d’entre eux à titre de complément de retraite, outre le temps passé à l’entretien du château pour éviter qu’il ne tombe en ruine.
Ils estiment que si la cour devait retenir une perte de chance elle serait totale, ou a minima de 90 %.
Ils concluent enfin à l’irrecevabilité de l’appel incident pour absence de moyens de droit, outre que la SCP Gilles Colet et [V] [LT] n’avait plus d’existence légale au jour où cet appel incident a été formé. Ils relèvent que le tribunal a statué ultra petita en allouant une indemnité de procédure à Me [LT] supérieure à ce qu’elle demandait. En outre, la SCP qui n’avait plus d’existence légale ne pouvait bénéficier d’une telle indemnité.
*
Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 5 septembre 2022, Me [V] [LT] demande à la cour de déclarer les appelants mal fondés en leur appel de les débouter de l’ensemble de leurs conclusions et prétentions, de confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu’il n’a pas condamné in solidum les demandeurs.
Subsidiairement en cas d’infirmation du jugement entrepris, elle demande à la cour de :
– dire, juger et constater que les appelants ont uniquement perdu une chance de ne pas contracter,
– fixer cette perte de chance à un pourcentage symbolique ;
En tout état de cause :
– condamner in solidum les appelants à payer à Maître [LT] une indemnité de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– les condamner in solidum en tous les dépens de première instance et d’appel,
Subsidiairement,
– laisser à la charge des appelants une part prépondérante des dépens de première instance et d’appel ;
Sur appel incident, de :
– déclarer Me [V] [LT] bien fondée en son appel incident,
En conséquence,
– infirmer le jugement entrepris, mais uniquement en ce qu’il n’a pas condamné in solidum les demandeurs,
et statuant à nouveau de ce chef,
– condamner in solidum les demandeurs et appelants à verser à l’intimée la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner in solidum les demandeurs et appelants aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel.
Me [LT] conteste toute faute de sa part, soulignant qu’elle n’est pas à l’origine du montage du projet qui était commercialisé avant son intervention.
S’agissant du choix du régime juridique des actes de vente, l’intimée fait valoir que les ventes de lots issus du volume A portaient sur des immeubles bâtis et achevés, encore habités, et que les appelants ne démontrent pas que les travaux de restauration équivalaient à une reconstruction qui aurait justifié de soumettre les ventes au régime des ventes en l’état futur d’achèvement, ce qui ne peut être déduit du seul fait qu’un permis de construire soit sollicité, ou du coût des travaux, ou encore du fait que le château doive être cloisonné. Elle soutient que pour que les travaux de rénovation soient considérés comme une construction neuve ils doivent répondre aux critères posés aux articles 257-7° 1.c) ou 245 A du code général des impôts.
Au surplus, elle relève que les travaux n’étaient pas à la charge du promoteur mais devaient être décidés et suivis par une association syndicale libre constituée entre les copropriétaires du volume A en dehors de son ministère, les décisions étant prise par l’assemblée générale à la majorité absolue des voix. Elle soutient qu’il appartenait donc aux acquéreurs de prendre une part active au processus décisionnel de réalisation des travaux et de faire respecter les statuts de l’association syndicale libre, ainsi que de pallier à la carence du syndic, le gérant de la société Phy promotion, en faisant nommer un syndic provisoire. Elle considère qu’en s’abstenant de le faire ils ont commis une faute directement à l’origine de leur préjudice, le notaire ne pouvant être tenu pour responsable de la carence des copropriétaires.
Me [LT] soutient que le choix du régime juridique des actes correspondait au but poursuivi par les investisseurs qui était de bénéficier du régime fiscal de faveur lié aux investissements dans des monuments historiques, ce qui nécessitait que les travaux soient effectués par les propriétaires et excluait le régime de la vente en l’état futur d’achèvement. Elle ajoute ne pas être responsable du fait que l’association syndicale libre [Localité 34] a décidé de travaux plus importants que ceux prévus initialement.
L’intimée approuve donc les motifs du jugement qu’elle fait siens, et observe que si l’administration fiscale a pu remettre en cause le régime fiscal, c’est uniquement en raison de mouvements de fonds anormaux entre l’association syndicale libre [Localité 34] et la société Phy promotion auxquels elle est totalement étrangère, rappelant que le notaire n’est pas tenu d’une obligation de conseil et de mise en garde concernant l’opportunité d’une opération de défiscalisation ou concernant la solvabilité des parties.
S’agissant de la vente du lot n°48 à M. [O], elle fait valoir qu’elle s’est basée sur l’attestation de l’architecte et qu’elle ne disposait d’aucun élément lui permettant de douter de la véracité de cette attestation.
Elle considère que l’opération était juridiquement et financièrement faisable si la société Phy promotion n’avait pas détourné les fonds, soulignant que celle-ci a été placée en redressement judiciaire deux ans après la passation des actes de vente, or à cette date, elle ne présentait pas de signes d’insolvabilité, et rien ne laissait présager, à ce stade, que l’opération ne pourrait pas être menée à son terme.
S’agissant de la prétendue absence de vérifications quant à la garantie intrinsèque, elle indique que lorsqu’elle n’était pas en mesure de vérifier l’existence d’un financement à hauteur de 75% elle a inséré des conditions suspensives dans les actes, dans les autres cas elle a constaté l’acquisition de la garantie intrinsèque, le terrain d’assiette du programme pouvant être pris en considération au titre des fonds propres.
Subsidiairement, sur le préjudice, elle indique que les appelants ne démontrent pas avoir déclaré leur créance au passif de la société Phy promotion, ce qui constituerait une faute de leur part la privant de toute subrogation, alors que les actifs de celle-ci ont vocation à être vendus. Elle conteste l’existence d’un lien de causalité entre les fautes qui lui sont reprochées et l’inachèvement des travaux, outre que les montants mis en compte ne sont pas justifiés.
S’agissant de la perte de loyers, elle conteste également le lien de causalité et relève qu’il faut tenir compte de l’imposition qui aurait été supportée. Elle soutient qu’il s’agirait tout au plus d’une perte de chance de renoncer à l’opération, or il n’est pas démontré que si les appelants avaient reçu les conseils prétendument omis ils auraient renoncé à leur investissement, outre le fait que dans un cas comme dans l’autre ils n’auraient pas perçu de loyers puisque la société locataire a déposé son bilan.
Elle ajoute que la SCI Derbez a déjà obtenu une indemnisation à ce titre de la part de l’assureur de son conseiller financier, et que les appelants ont par ailleurs obtenu de la juridiction pénale la condamnation de la société Phy promotion et de ses trois dirigeants au paiement de dommages et intérêts.
L’intimée conteste la perte de valeur alléguée, contestant les conclusions de l’expertise sur lesquels les appelants se fondent, ainsi que la demande au titre du préjudice moral qui est manifestement excessive. Subsidiairement, seule la perte d’une chance de ne pas investir pourrait être retenue et serait nulle en l’espèce, puisque l’inachèvement du chantier est imputable à la carence des constructeurs et à l’association syndicale libre.
Enfin, son appel incident est fondé sur la jurisprudence selon laquelle tous les responsables d’un même dommage doivent être condamnés à le réparer en totalité.
Pour l’exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.
MOTIFS
1- Sur les fins de non-recevoir
Aucun moyen n’est invoqué au soutien de la demande tendant à voir prononcer l’irrecevabilité de la constitution de la SCP Gilles Colet et [V] [LT], laquelle, au surplus, se heurte à l’autorité de chose jugée de l’ordonnance du conseiller de la mise en état du 6 janvier 2022 qui l’a rejetée.
La demande tendant, au visa de l’article 954 du code de procédure civile, à déclarer la SCP Gilles Colet et [V] [LT] irrecevable en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions et en son appel incident, est sans objet, puisqu’aucune demande, ni appel incident ne sont formés au nom de cette société dans les dernières conclusions de la partie intimée.
Enfin, l’absence prétendue de fondement juridique à l’appel incident de Maître [V] [LT] n’a pas pour conséquence de rendre cet appel incident irrecevable, et ne peut tout au plus conduire qu’à son rejet.
Les fin de non-recevoir soulevées par les appelants seront donc rejetées.
2- Sur la responsabilité du notaire
2-1 Sur le choix du régime juridique des actes s’agissant des lots du volume A et du lot n° 48 acquis par M. [O] dans le volume E
2-1-1- les lots du volume A
Pour écarter la responsabilité du notaire à ce titre, le tribunal, après avoir examiné les actes de vente, a constaté qu’ils ne répondaient pas aux critères énoncés par l’article 1601-3 du code civil pour être qualifiés de ventes en l’état futur d’achèvement, et a considéré qu’ils répondaient à l’objectif de défiscalisation manifestement recherché par les acquéreurs au vu notamment de la date des ventes toutes passées en fin d’année, qui impliquait que les travaux soient réalisés par le propriétaire.
Le tribunal ne s’est toutefois pas prononcé sur le point de savoir si le régime juridique choisi pour la vente des lots du volume A – le château existant – était conforme aux caractéristiques des biens vendus, ou si, comme le soutiennent les appelants, l’ampleur des travaux à réaliser et l’absence d’individualisation des lots ne devaient pas conduire le notaire à soumettre les ventes au régime juridique plus protecteur de la vente en l’état futur d’achèvement.
Selon l’article 1601-3 code civil, la vente en l’état futur d’achèvement est le contrat par lequel le vendeur transfère immédiatement à l’acquéreur ses droits sur le sol ainsi que la propriété des constructions existantes. Les ouvrages à venir deviennent la propriété de l’acquéreur au fur et à mesure de leur exécution ; l’acquéreur est tenu d’en payer le prix à mesure de l’avancement des travaux.
Le vendeur conserve les pouvoirs de maître de l’ouvrage jusqu’à la réception des travaux.
Dans le cas présent, les ventes des lots du volume A correspondant au château portent sur des locaux à aménager d’une certaine superficie, selon esquisse, le mesurage ayant été effectué, selon le cas, par M. [WC], géomètre-expert ou par le vendeur. Il sera relevé qu’il ne ressort d’aucun desdits actes que le mesurage aurait été réalisé par le notaire comme cela est soutenu par les acquéreurs, les certificats établis par Me [LT] dans le cadre des ventes aux époux [RK]-[IC] – volume A – et à Mme [C] – volume B – mentionnant que le mesurage a été effectué par le vendeur.
Les appelants soutiennent que les ventes portaient sur des lots ‘virtuels’ qui n’étaient pas encore individualisés physiquement, du fait notamment d’une absence de cloisonnement intérieur, et soulignent l’ampleur des travaux à réaliser incluant la restructuration de tout l’intérieur du château mais aussi la réfection des toitures, des accès, des ouvertures et même des fondations dont le coût excédait celui du foncier.
Ils reprochent également à Me [LT] de ne pas avoir tenu compte des termes des promesses dans lesquelles les travaux à réaliser étaient prédéfinis, des plans et un budget y étant annexés.
Sur ce dernier point, il sera relevé que non seulement aucune promesse de vente n’est versée aux débats, mais aussi qu’aucun des actes de vente relatifs au lots du volume A ne fait référence à un avant-contrat.
Il convient de constater que les lots dépendant du volume A, objets des ventes litigieuses, sont tous situés au sein du château existant lequel était toujours habité au moment de son acquisition par la société Phy promotion et des premières ventes en cause.
Si les travaux envisagés consistaient en une restructuration totale de l’intérieur du bâtiment, en vue de sa transformation en résidence hôtelière, il n’est en revanche pas démontré que l’aménagement des locaux impliquait des travaux de gros oeuvre ou de fondations, les travaux de cette nature visés dans la notice – annexe n°23 de Me Spieser – ne se rapportant en effet qu’à la dépendance et non au château lui-même. De même, s’agissant des travaux de toiture, la notice fait seulement référence à un traitement insecticide et fongicide des bois de charpente ainsi qu’à une vérification de tous les bois existants, et à un remaniage ou remplacement de la couverture selon avis ABF (architecte des bâtiments de France). Par ailleurs, si une rénovation des huisseries et une restauration des volets battants était prévue, il n’est pas démontré qu’une modification des ouvertures avait été envisagée, étant au surplus rappelé que ta toiture et les façades du château sont inscrites à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques. De la même manière, les travaux concernant les parties communes portaient seulement sur une mise aux normes, et une rénovation des revêtements, avec restauration des sols existants.
Il résulte ainsi de cette notice que les travaux envisagés consistaient essentiellement en la rénovation et la restructuration intérieure de locaux existants, en vue de leur transformation en résidence hôtelière, avec création de sanitaires, mais ne comprenaient pas de travaux de structure d’une ampleur telle qu’ils puissent être assimilés à une reconstruction.
Le fait que les lots ne soient pas encore cloisonnés, que les travaux nécessitent un permis de construire et qu’une autorisation de changement de destination soit requise est par ailleurs sans incidence quant à la qualification de la vente.
En outre, si le programme des travaux avait certes été initialement défini par la société Phy Promotion, aucun des actes de vente relatifs aux lots du volume A, à l’exception toutefois de celui acquis par les époux [RK]-[IC], ne mettaient à la charge de cette dernière une obligation de réaliser lesdits travaux, lesquels devaient en effet être réalisés par l’association syndicale libre [Localité 34] regroupant les propriétaires du volume A dont les statuts enregistrés le 28 décembre 2016 avaient été établis par acte sous seing privé, en dehors du ministère de Me [LT], par la société Phy Promotion et certains des appelants.
Les actes reçus par Me [LT] ne comportent par ailleurs aucun engagement des acquéreurs de payer au vendeur un acompte sur les travaux devant être réalisés avant construction de leurs lots, à l’exception toutefois de l’acte de vente des époux [RK]-[IC] du 30 décembre 2008 qui prévoit une répartition du prix entre le financement du foncier et le financement de travaux à la charge du promoteur, dont une partie restait séquestrée entre les mains du notaire pour garantir leur achèvement.
En revanche, il ne ressort d’aucun des autres actes de vente que le prix stipulé aurait inclus, pour partie, le coût des travaux, étant relevé à cet égard que si les époux [CY] ont effectivement effectué un versement de fonds au titre des travaux entre les mains du notaire, ce versement était distinct du prix de vente indiqué dans l’acte reçu par Me [LT], et a été reversé par le notaire à l’association syndicale libre [Localité 34] et non à la société Phy promotion, vendeur. À cet égard, l’intimée évoque un paiement effectué par erreur entre ses mains, ce qui n’est pas sérieusement contredit. Il n’est en effet pas établi que le notaire avait été chargé de l’encaissement des fonds destinés au financement des travaux, seuls quelques versements ponctuels ayant ainsi été enregistrés en sa comptabilité et reversés à l’association syndicale libre qui aurait dû en être destinataire.
Les constatations de Mme [GA], expert judiciaire mandaté par le tribunal judiciaire de Paris dans le cadre du litige opposant les acquéreurs aux constructeurs, confirment d’ailleurs que les montants versés par les acquéreurs à l’association syndicale libre [Localité 34] au titre des travaux étaient distincts du prix des lots payé à la société Phy promotion.
Les appelants soutiennent que l’intervention de l’association syndicale libre [Localité 34] dont le président était le gérant de la société Phy promotion était un montage artificiel donnant l’apparence que les acquéreurs maîtrisaient les travaux, alors qu’en réalité ils étaient pilotés par le promoteur. Me [LT] oppose à juste titre que les décisions concernant la réalisation des travaux doivent, aux termes de l’article 11.2 des statuts, être prises par l’assemblée générale à la majorité absolue des voix de tous les propriétaires, étant souligné que la propriété d’un lot autre que cave ou garage confère une voix, de sorte que l’assemblée générale des propriétaires avait, à tout le moins, un pouvoir de contrôle des travaux réalisés dont elle avait confié la réalisation au promoteur.
Enfin, la destination des lots acquis étant exclusivement commerciale, les acquéreurs ayant en effet conclu concomitamment des baux commerciaux avec la société Les Chevaliers de [Localité 34], les biens vendus ne relevaient donc pas du secteur protégé. En outre, l’objectif poursuivi par les acquéreurs était manifestement non seulement de réaliser un investissement locatif destiné à leur procurer un complément de revenus, mais également, et nécessairement, de bénéficier d’une défiscalisation dans le cadre de la loi du 4 août 1962, dite ‘loi Malraux’, au titre des dépenses liées à la restauration du château et des intérêts d’emprunts, s’agissant d’un bâtiment inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques, dans la mesure où d’une part cet avantage était mis en exergue dans la documentation commerciale de la société Phy promotion remise aux acquéreurs (annexe n°4a des appelants), d’autre part, ils n’ignoraient pas que des travaux de restructuration importants devaient être entrepris, et où enfin, comme l’a relevé, le premier juge, les ventes des lots du volume A ont pour la quasi-totalité d’entre elles été passées en fin d’année 2006, 2007, et 2008. Or le bénéfice de cet avantage fiscal était incompatible avec une vente passée sous le régime de la vente en l’état futur d’achèvement, le propriétaire devant en effet avoir la qualité de maître de l’ouvrage pour pouvoir y prétendre.
Par voie de conséquence, il n’est pas démontré que les ventes des lots du volume A auraient du relever du régime de la vente en l’état futur d’achèvement, ni à raison de l’ampleur des travaux à réaliser qui étaient à la charge des acquéreurs, ni par leur nature, s’agissant de la transformation d’un château en résidence hôtelière à destination commerciale, ce régime étant par ailleurs incompatible avec l’objectif de défiscalisation poursuivi par les acquéreurs.
Il n’est enfin pas non plus démontré en quoi le régime fiscal desdits actes, y compris celui des époux [RK]-[IC], ne serait pas conforme à leur objet.
Les ventes des lots du volume A ne relevant ni par leur nature, ni par leur objet du régime juridique de la vente en l’état futur d’achèvement, il ne peut être reproché au notaire d’avoir accepté de passer les ventes sous une autre forme que la vente en l’état futur d’achèvement, et de ne pas avoir alerté les acquéreurs ‘sur les risques d’acheter un lot virtuel sans recourir à une vente en l’état futur d’achèvement’.
2-1-2 le lot n° 48 acquis par M. [O] dans le volume E
Aux termes de l’acte reçu le 21 avril 2009 par Me [LT] la vente du lot n° 48 dépendant du volume E – extension des communs – portait sur un bien achevé. A cet égard, le tribunal a exactement retenu qu’il n’était pas démontré que Me [LT] aurait disposé d’éléments de nature à l’amener à mettre en doute la véracité de l’attestation établie par l’architecte du 10 mars 2009 affirmant que les travaux étaient achevés, le notaire n’ayant pas à se rendre sur place pour vérifier l’état d’achèvement des travaux, l’immeuble fût-il à une vingtaine de kilomètres de son étude.
Il sera en effet relevé que contrairement à ce que soutiennent les appelants, le contrat de réservation signé le 12 mars 2009 par la SARL Athom, représentée par son gérant, M. [ZF] [LT], époux de Me [LT], société dont elle détient des parts, concernant le lot n°49, voisin du lot litigieux, ne porte pas, nonobstant son intitulé, sur une vente en l’état futur d’achèvement, les mentions obligatoires relatives à une telle vente ayant été biffées, ce qui prive de portée l’argument tiré du caractère prétendument volontaire des erreurs ou anomalies relevées dans l’acte de vente de la société Athom reçu le 25 mai 2009 par Me [GN], notaire à [Localité 35], dont il n’est au demeurant pas démontré qu’elles soient imputables à Me [LT] plutôt qu’à une confusion opérée par le promoteur lui-même.
La requalification de cette vente en vente en l’état futur d’achèvement n’est donc pas davantage justifiée.
2-2 Sur l’absence de conseil quant à la faisabilité juridique et financière du montage
Les appelants reprochent également à Me [LT] un manquement à son devoir de conseil quant à la faisabilité juridique et financière du projet, et se référent notamment à cet égard au rapport d’expertise judiciaire déposé le 20 février 2020 par Mme [GA], expert judiciaire désigné dans le cadre de la procédure dirigée contre les constructeurs, selon laquelle le choix rédactionnel des actes par Me [LT] avait contribué à monter un dossier financier inadapté pour le bâtiment A et à ouvrir la possibilité pour la société Phy promotion de procéder à des appels de fonds excessifs pour les bâtiments B – conciergerie – et E – extension -.
Outre le fait qu’il n’appartient pas à l’expert qui avait pour mission de ‘constater l’état d’avancement des travaux réalisés sous la maîtrise d’ouvrage de la société Phy Promotion’ de porter une appréciation juridique sur les actes établis par le notaire, il a été précédemment retenu que, s’agissant des lots du volume A, ils ne pouvaient relever du régime de la vente en l’état futur d’achèvement.
Me [LT] fait valoir à bon droit que le notaire n’est pas tenu d’une obligation de conseil et de mise en garde concernant l’opportunité d’une opération de défiscalisation ou concernant la solvabilité des parties, ni d’informer les acquéreurs sur un risque d’inachèvement des travaux qu’elle ne pouvait suspecter lorsqu’elle a reçu les actes.
En effet, comme l’a retenu le tribunal, si Me [LT] a reçu la quasi totalité des actes concernant l’opération, elle n’a pas pour autant participé au montage juridique de l’opération qui avait été élaboré avant son intervention par les conseils du promoteur, les statuts de l’association syndicale libre [Localité 34] ayant notamment été élaborés en dehors de son ministère, et la société Phy promotion ayant initialement chargé un autre notaire, Me [OW], de l’établissement des actes. À cet égard, il n’est nullement établi que Me [OW] aurait refusé d’instrumenter du fait du manque de fiabilité de l’opération, comme l’affirment les appelants sans le démontrer, le courrier du promoteur sur lequel ils s’appuient évoquant le manque de diligence du notaire pressenti.
Il n’est pas non plus démontré qu’au jour de l’établissement des actes de vente litigieux, Me [LT] aurait disposé d’informations qu’elle n’aurait pas révélé aux acquéreurs, le notaire ne pouvant en effet déceler les manquements du premier maître d’oeuvre dans la conception technique du projet et dans l’évaluation du coût des travaux à réaliser, ni anticiper l’impéritie des maîtres d’oeuvre qui se sont succédés soulignée par Mme [GA], ni enfin suspecter les détournements de fonds opérés par les dirigeants de la société Phy Promotion qui n’ont été révélés qu’en 2010, soit plus de trois ans après la conclusion des premières ventes et une année après le dernier acte qu’elle avait reçu, alors qu’au 31 décembre 2007, la société avait réalisé un résultat net de 310 000 euros ne laissant nullement augurer une impossibilité de mener le projet à son terme.
Contrairement à ce qu’affirment les appelants, il n’est en effet pas établi que lorsqu’elle a adressé, le 31 décembre 2006, un chèque d’un montant de 504 500 euros à l’association syndicale libre [Localité 34] correspondant aux fonds versés par erreur à son étude par certains acquéreurs de lots pour le financement des travaux, Me [LT] avait connaissance du fait que ces fonds allaient être détournés de leur objet par le président de l’association syndicale libre, M. [AW] [KE], et par M. [HO] [TK], gérant de la société MH Construction en charge de la réalisation des travaux, à laquelle les fonds avaient été versés par le premier, afin de rembourser M. [AF] [BW], bailleur de fonds privé ayant prêté à la société Phy Promotion les fonds correspondant à son apport personnel pour l’achat du château, l’intimée l’ayant toujours démenti au cours de l’enquête pénale, et ce quand bien même Me [LT] avait-elle connaissance de la reconnaissance de dette établie le 27 décembre 2006 par la société Phy Promotion, M. [AW] [KE] et M. [HO] [TK], ses associés, au profit de M. [BW] prévoyant le remboursement en priorité de ce dernier au plus tard le 15 janvier 2007.
Enfin, il n’incombait pas non plus au notaire de solliciter une autorisation de diviser et de changement d’affectation, et il ne peut lui être reproché de ne pas avoir inséré dans les actes de vente en l’état une clause érigeant l’obtention de ces autorisations en condition suspensive, alors que les travaux n’étaient pas à la charge du promoteur mais des acquéreurs.
C’est donc à bon droit que le tribunal n’a retenu aucun manquement de Me [LT] à son devoir de conseil.
2-3 sur l’effectivité de la garantie intrinsèque
Pour écarter la responsabilité du notaire s’agissant des manquements allégués relatifs à l’effectivité de la garantie intrinsèque prévue dans les ventes en l’état futur d’achèvement portant sur les lots des volumes B et E, le tribunal a considéré que les éléments qui avaient été transmis au notaire attestaient de l’achèvement des fondations, et que la condition tenant à l’existence d’un financement à hauteur de 75% du montant du prix global par des fonds propres et/ou le prix des ventes conclues était remplie, pour chacun des deux volumes, à raison des seules ventes passées sans qu’il soit nécessaire de tenir compte des fonds propres, soulignant que les ventes pour lesquelles Me [LT] n’était pas en mesure d’attester que cette condition était remplie avaient été assorties d’une condition suspensive tenant à l’obtention de ce financement qui avait été levée. Le tribunal a relevé que si les acquéreurs n’avaient pas pu faire jouer cette garantie du fait de la liquidation judiciaire de la société Phy promotion, cela ne pouvait être imputé au notaire.
Les appelants reprochent à Me [LT] une absence de vérification des conditions d’application de la garantie intrinsèque, faisant valoir qu’à aucun moment le notaire n’a justifié, ni notifié aux acquéreurs les conditions dans lesquelles la garantie d’achèvement avait été obtenue, et soutiennent que notamment au moment de la conclusion des ventes en l’état futur d’achèvement des lots du volume E le financement à 75 % était loin d’être assuré.
Ils font valoir que l’intimée s’est contentée des seules affirmations du promoteur quant à l’existence de fonds propres à hauteur de 700 000 euros, alors qu’elle avait l’obligation légale de solliciter une attestation émanant d’un organisme de crédit, et qu’elle n’a pas même pris la précaution de demander une attestation d’un commissaire aux comptes.
Ils soulignent que Me [LT] ne pouvait pas non plus considérer que le terrain d’assiette pouvait être pris en compte au titre de fonds propres, puisque à la date à laquelle elle a attesté de l’existence des fonds propres le prêt afférent à l’acquisition du foncier n’était pas encore remboursé, outre le caractère fantaisiste de l’évaluation retenue.
Ils estiment que Me [LT] les a ainsi volontairement trompés sur les conditions d’acquisition de la garantie et prétendent qu’elle n’ignorait pas la fragilité financière du montage et l’absence de fonds propres de la société Phy promotion.
L’intimée objecte que lorsqu’elle n’était pas en mesure de vérifier l’existence d’un financement à hauteur de 75%, elle a inséré dans les actes des conditions suspensives, dans les autres cas elle a constaté l’acquisition de la garantie intrinsèque, ajoutant que selon une réponse ministérielle du 13 juillet 1972 le prix du terrain d’assiette peut être pris en compte dans la détermination des fonds propres, ce qui l’a amenée à ne pas solliciter d’attestation écrite d’une banque ou d’un organisme bancaire ou financier. Elle ajoute que les lots des deux volumes ont tous été vendus dans un délai assez court et qu’elle n’a pas tenu compte des ventes au profit de la société Double point qui portaient sur des lots du volume A non concerné.
*
L’article R.261-18 du code de la construction et de l’habitation, dans sa version applicable au litige énonce : ‘ la garantie d’achèvement résulte de l’existence de conditions propres à l’opération lorsque cette dernière répond à l’une ou à l’autre des conditions suivantes :
[…]
b) Si les fondations sont achevées et si le financement de l’immeuble ou des immeubles compris dans un même programme est assuré à concurrence de 75 p. 100 du prix de vente prévu :
– par les fonds propres au vendeur ;
– par le montant du prix des ventes déjà conclues ;
– par les crédits confirmés des banques ou établissements financiers habilités à faire des opérations de crédit immobilier, déduction faite des prêts transférables aux acquéreurs des logements déjà vendus.
Toutefois, le taux de 75 p. 100 est réduit à 60 p. 100 lorsque le financement est assuré à concurrence de 30 p. 100 du prix de vente par les fonds propres du vendeur.
Pour l’appréciation du montant du financement ainsi exigé, il est tenu compte du montant du prix des ventes conclues sous la condition suspensive de la justification de ce financement dans les six mois suivant l’achèvement des fondations.
Selon l’article R. 261-20 du même code : ‘ pour l’application des dispositions de l’article R. 261-18, b, le contrat doit préciser :
– que l’acheteur reconnaît être averti de la teneur desdites garanties ;
– que le vendeur tient à tout moment à la disposition de l’acheteur justification de ces garanties, en l’étude du notaire ayant reçu l’acte de vente.
Les justifications sont constituées :
– en ce qui concerne le montant du prix des ventes déjà conclues, par une attestation du notaire ;
– en ce qui concerne les crédits confirmés ou les fonds propres, par une attestation délivrée par une banque ou un établissement financier habilité à faire des opérations de crédit immobilier.
Conformément à l’article R.261-20 précité, le notaire n’est pas tenu de notifier aux acquéreurs les conditions dans lesquelles la garantie intrinsèque d’achèvement a été constituée, mais seulement de les informer que le vendeur tient à tout moment à leur disposition justification de ces garanties, en son étude, mention qui figure effectivement dans les acte de vente en l’état futur d’achèvement en cause qui reprennent intégralement les dispositions réglementaires susvisées. Aucun manquement de Me [LT] n’est donc caractérisé à cet égard.
Les ventes litigieuses portent sur les lots des volumes B et E constitués par des studios.
Il est admis par les parties que s’agissant des ventes du volume B l’achèvement des fondations est intervenu le 22 octobre 2007, de sorte que la garantie d’achèvement devait être constituée au plus tard le 22 avril 2008 par la justification d’un financement à hauteur de 75 % du prix des ventes prévues, soit à hauteur de 2 125 890 euros.
Le 31 octobre 2007, Me [LT] a reçu cinq actes de vente en l’état futur d’achèvement portant sur des lots du volume B, assortis d’une condition suspensive tenant à la constitution de la garantie intrinsèque d’achèvement, et a établi, le même jour, un acte constatant la réalisation de la condition suspensive aux termes duquel le financement des travaux de ce volume était assuré à hauteur de 75 % au moyen du montant global des ventes reçues ce jour à hauteur de 1 914 604 euros, et de fonds propres investis dans l’opération à concurrence de 520 000 euros. Elle a apposé, le même jour, sur les actes de vente, un cachet attestant de la réalisation à cette date de la condition suspensive.
Les appelants critiquent à juste titre cette appréciation, en ce que d’une part le montant total des ventes retenu est inexact dans la mesure où il inclut le prix du mobilier, le montant des ventes des seuls biens immobiliers totalisant en réalité seulement 1 711 045 euros ; d’autre part, en ce que pour retenir l’existence de fonds propres à concurrence du montant qu’il indique le notaire n’a pas sollicité d’attestation délivrée par une banque ou un établissement financier habilité à faire des opérations de crédit immobilier comme l’exigent les dispositions impératives du dernier alinéa de l’article R.261-20, cette attestation ne pouvant être substituée par une attestation du promoteur, ni même du notaire ; et enfin, en ce que la valeur du terrain ne peut être prise en compte au titre des fonds propres du vendeur, qu’à la condition que le prix en ait été intégralement versé et que l’élément d’actif qui représente la valeur du terrain ne soit pas compensé par un élément de passif tel qu’un prêt ou une charge hypothécaire, or à la date du 31 octobre 2007, le prêt contracté par la société Phy Promotion pour l’acquisition du château n’était pas intégralement remboursé, le solde ayant en effet été réglé par un chèque émis par Me [LT] le 6 novembre 2007.
Par voie de conséquence, en constatant que la garantie intrinsèque d’achèvement était acquise à la date du 31 octobre 2007, alors que tel n’était manifestement pas le cas Me [LT] a commis une faute.
Il convient toutefois de constater que le prix d’achat du château et de ses dépendances ayant été intégralement réglé le 6 novembre 2007, et le prêt contracté par la société Phy Promotion pour le paiement des fondations ayant également été intégralement remboursé le 16 novembre 2007, la société venderesse disposait, à cette date, et donc nécessairement avant le 22 avril 2008, date à laquelle expirait le délai imparti au vendeur pour justifier de la constitution de la garantie intrinsèque, d’un élément d’actif correspondant à la valeur d’assiette du terrain d’une superficie de 562 m² au titre des fonds propres suffisant pour permettre de constituer cette garantie, même à supposer que la valeur de 520 000 euros retenue soit excessive comme l’affirment les appelants, cette valeur ne pouvant manifestement pas être inférieure à la somme de 203 559 euros nécessaire pour que la garantie soit acquise, qui correspond à une valorisation du foncier de 362 euros par mètre carré particulièrement faible.
Par voie de conséquence, si Me [LT] a certes commis une faute en considérant à tort, et de manière prématurée, que la garantie intrinsèque était acquise à la date du 31 octobre 2007, sans avoir obtenu l’attestation d’une banque ou d’un établissement de crédit s’agissant des fonds propres, cette faute est toutefois dépourvue de lien de causalité avec les préjudices subis découlant de l’inachèvement des travaux, dès lors que la garantie pouvait parfaitement être constituée par le vendeur dans le délai de six mois à compter de l’achèvement des fondations, tous les lots du programme ayant au surplus été vendus dès le 2 juin 2008.
S’agissant des ventes du volume E, l’achèvement des fondations est intervenu le 7 juin 2008, de sorte que la garantie d’achèvement devait être constituée au plus tard le 7 décembre 2008 par la justification d’un financement à hauteur de 75 % du prix des ventes prévues pour ce volume, soit à hauteur de 1 914 560,52 euros.
Le 18 juillet 2008, Me [LT] a reçu cinq actes de vente en l’état futur d’achèvement portant sur des lots du volume E, assortis d’une condition suspensive tenant à la constitution de la garantie intrinsèque d’achèvement, et a établi, le même jour, un acte constatant la réalisation de la condition suspensive aux termes duquel le financement des travaux de ce volume était assuré à hauteur de 75 % au moyen du montant global des ventes reçues le même jour et le 15 juillet 2008 à hauteur de 1 304 121,28 euros, et de fonds propres investis dans l’opération à concurrence de 700 000 euros, correspondant comme précédemment à la valeur du terrain d’assiette du volume E d’une superficie de 1 299 m². Elle a apposé, le même jour, sur les actes de vente un cachet attestant de la réalisation à cette date de la condition suspensive.
Si le produit total des ventes indiqué dans cette attestation correspond au total des prix des seules ventes immobilières, et si à cette date le terrain d’assiette ne faisait plus l’objet d’un emprunt, en revanche comme précédemment, Me [LT] a commis une faute en s’abstenant de solliciter la délivrance d’une attestation de fonds propres par une banque ou un établissement financier habilité à faire des opérations de crédit immobilier en méconnaissance des dispositions impératives du dernier alinéa de l’article R.261-20 du code de la construction et de l’habitation
Il sera toutefois constaté que, s’agissant des lots du volume E, la garantie intrinsèque était acquise le 14 novembre 2008, au moyen du montant global des ventes immobilières qui totalisait 2 033 424,28 euros. La garantie intrinsèque étant acquise, sans recours aux fonds propres de la société Phy promotion, avant l’expiration du délai de six mois courant à compter de l’achèvement des fondations, la faute du notaire ayant consisté à établir de manière prématurée une attestation de réalisation de la condition suspensive sans avoir sollicité une attestation d’une banque ou d’un établissement de crédit s’agissant des fonds propres est, comme précédemment, dépourvue de lien de causalité avec le préjudice subi par les acquéreurs qui trouve son origine dans les détournements de fonds opérés par les dirigeants et associés de la société Phy Promotion, et dans l’impéritie des maîtres d’oeuvre, ce qui ne peut être imputé au notaire.
Les motifs et considérations qui précédent rendent inopérants les développements des appelants relatifs à une prétendue collusion de Me [LT] avec la société Phy Promotion destinée à tromper les acquéreurs, en permettant la mise en place d’un système destiné à produire des bénéfices artificiels.
Les fautes commises par Me [LT] étant dépourvues de lien de causalité avec le préjudice allégué, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a déboutés les appelants de leurs demandes indemnitaires.
3- Sur les autres demandes
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a mis les dépens à la charge des appelants qui supporteront également les dépens d’appel, mais infirmé en ce qu’il les a condamnés à payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à Me [LT] et à la SCP Gilles Colet et [V] [LT], statuant ainsi ultra petita, les défendeurs ayant limité leurs prétentions à cet égard à la somme de 7 000 euros.
La SCP ayant été dissoute par arrêté du Garde de Sceaux, ministre de la justice du 3 novembre 2015, et n’ayant donc plus d’existence légale antérieurement au jugement, aucune indemnité de procédure ne pouvait lui être allouée.
Il sera donc alloué à Me [V] [LT], seule, une indemnité de procédure de 7 000 euros pour la procédure de première instance et le même montant pour la procédure d’appel. Les appelants seront condamnés in solidum au paiement de cette somme, s’agissant d’une instance qu’ils ont engagée collectivement, et seront déboutés de leurs propres demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,
REJETTE les fins de non-recevoir soulevées par les appelants concernant la constitution de la SCP Gilles Colet – [V] [LT], les prétentions et appel incident de cette société et l’appel incident de Me [V] [LT] ;
CONSTATE qu’aucune demande n’est formée au nom de la SCP Gilles Colet – [V] [LT] qui n’a plus d’existence légale ;
CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné les appelants à payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à Me [V] [LT] et à la SCP Gilles Colet et [V] [LT] ;
INFIRME le jugement entrepris dans cette limite ;
Statuant à nouveau de ce seul chef,
CONDAMNE in solidum les appelants à payer à Me [V] [LT] la somme de 7 000 euros (sept mille euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance ;
Ajoutant au jugement,
CONDAMNE in solidum les appelants aux entiers dépens d’appel ainsi qu’à payer à Me [V] [LT] la somme de 7 000 euros (sept mille euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les DEBOUTE de leur demande sur ce fondement.
Le greffier, La présidente,