Responsabilité du Notaire : 8 juin 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 22/01094

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Responsabilité du Notaire : 8 juin 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 22/01094
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/01094 – N°Portalis DBVH-V-B7G-IMIV

ET-AB

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE CARPENTRAS

06 janvier 2022

RG:20/00639

[G]

C/

[Z]

[S]

RAFFIN

RAFFIN

Grosse délivrée

le 08/06/2023

à Me Jean-marie CHABAUD

à Me Jean-michel DIVISIA

à Me Didier ADJEDJ

à Me Emmanuelle VAJOU

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 08 JUIN 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CARPENTRAS en date du 06 Janvier 2022, N°20/00639

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre,

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère,

Mme Séverine LEGER, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Audrey BACHIMONT, Greffière, lors des débats, et Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 14 Mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 11 Mai 2023 et prorogé au 08 Juin 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANT :

Monsieur [B] [G]

né le 20 Juillet 1951 à [Localité 13]

[Adresse 10]

[Localité 8]

Représenté par Me Jean-marie CHABAUD de la SELARL SARLIN-CHABAUD-MARCHAL & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Nadine QUESADA, Plaidant, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉS :

Maître Guy GERAUD

[Adresse 19]

[Localité 11]

Représenté par Me Jean-michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Monsieur [A] [S]

né le 07 Septembre 1974 à [Localité 12]

[Adresse 7]

[Localité 18]

Représenté par Me Didier ADJEDJ de la SELASU AD CONSEIL AVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS

Monsieur [N] [V]

né le 04 Octobre 1961 à [Localité 14] (ALGERIE)

[Adresse 16]

[Localité 4]

Représenté par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Sonia GHERZOULI de la SELARL SG AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau D’AVIGNON

Monsieur [C] [V]

né le 04 Novembre 1964 à [Localité 15]

[Adresse 6]’

[Localité 9]

Représenté par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Sonia GHERZOULI de la SELARL SG AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau D’AVIGNON

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 08 Juin 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [B] [G] est propriétaire d’une maison d’habitation sis [Adresse 5] à [Localité 18], située sur les parcelles cadastrées n°[Cadastre 2] et [Cadastre 3].

Par courrier du 2 avril 2013 M. [B] [G] a, par le biais de son notaire Me [Z], fait part à son voisin [Y] [V] de sa volonté d’acquérir sa propriété située lieudit [Adresse 17], cadastrée n°[Cadastre 1] afin de remédier, notamment, aux infiltrations d’eau provenant de cette propriété et affectant son bien d’habitation.

Par lettre du 12 août 2013, [Y] [V] a transmis à Me [Z] une offre de vente pour le prix de 28 500 euros, à déduire la somme de 500 euros pour frais de bureau d’étude pour établissement du rapport sur les termites nécessaire pour passer l’acte, soit la somme de 28 000 euros.

Par lettre du 21 août 2013, Me [Z] a informé [Y] [V] de l’acceptation de son offre par M. [G] et a sollicité de sa part plusieurs informations relatives à son état civil aux fins de rédiger un compromis de vente.

Par mail du 27 novembre 2013, Me [Z] a informé son client M. [G], de la volonté de [Y] [V] de faire procéder à l’évaluation de sa maison par expert préalablement à la rédaction de tout compromis de vente.

[Y] [V] est décédé le 20 mars 2014, laissant pour lui succéder ses fils, [N] et [C] [V].

Par acte notarié du 30 août 2015, MM. [N] et [C] [V] ont donné procuration à titre irrévocable et définitif l’un à l’autre ou à défaut, à tous clercs de l’étude de Me [Z], de vendre la pleine propriété de l’immeuble A[Cadastre 1] moyennant le prix de 30 000 euros payable comptant à la signature de l’acte de vente à recevoir par Me [Z]. Les consorts [V] ont précisé à l’acte que le mandat entérinait le compromis de vente passé entre leur père et M. [G] aux prix de 28 500 euros porté à la somme de 30 000 euros, les diagnostics étant mis à la charge des vendeurs.

Le 10 septembre 2015 la mairie a levé son droit de préemption sur le bien.

La note d’information relative à l’urbanisme et l’environnement de la parcelle a également été établie le 14 septembre 2015.

Par courrier recommandé du 21 septembre 2015, Me [Z] a adressé à M. [G] le projet d’acte de vente, lui précisant expressément qu’il disposait d’un délai de rétractation de dix jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre conformément aux dispositions de l’article L.227-1 du code de la construction et de l’habitation.

Par acte du 23 janvier 2016, les consorts [V] ont signé un compromis de vente avec M. [A] [S], s’étant porté acquéreur du bien pour la somme de 30 000 euros. Cet acte authentique a été réitéré le 21 mai 2019 devant Me Géraud.

Par courriers recommandés avec accusé de réception du 26 juillet 2019 et du 29 juillet 2019, M. [G] a mis en demeure les consorts [V] et Me [Z] de régulariser la vente du bien à son profit.

Par actes du 12 juin 2020 et du 24 juin 2020, M. [G] a assigné les consorts [V], Me [Z] et M. [S] devant le tribunal judiciaire de Carpentras afin de voir, à titre principal, prononcer la nullité de la vente intervenue entre les consorts [V] et [S] et obtenir l’exécution forcée de la vente à son profit, sous astreinte de 500 euros par jour de retard. Il sollicitait également la condamnation solidaire des défendeurs au paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts outre le paiement de la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par jugement réputé contradictoire du 6 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Carpentras a :

– débouté M. [B] [G] de toutes ses demandes ;

– condamné M. [B] [G] aux dépens ;

– condamné M. [B] [G] à payer la somme de 2 000 euros à M. [N] [V], la même somme à M. [C] [V], la même somme à Maître [Z] et la même somme à M. [S], au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rejeté toutes les autres demandes.

Le tribunal a estimé que si M. [G] n’avait pas usé de sa faculté de rétractation, ce dernier ne rapportait pas la preuve de son consentement sur le nouveau prix de vente proposé par les consorts [V] de sorte qu’aucune vente parfaite n’était intervenue entre eux.

Par déclaration du 22 mars 2022, M. [B] [G] a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 31 octobre 2022, la procédure a été clôturée le 28 février 2023 et l’affaire fixée à l’audience du 14 mars 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS

Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 octobre 2022, M. [G], appelant, demande à la cour de :

– débouter M. [S] et les consorts [V] de toutes demandes et appel incident dirigés à son encontre,

– infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté les défendeurs de leurs plus amples demandes,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

– prononcer l’annulation de la vente de la parcelle Section A n°[Cadastre 1] située lieudit [Adresse 17], consentie par les consorts [V] à M. [A] [S] selon acte reçu par Me [Z], notaire à [Localité 11], [Adresse 19],

– ordonner l’exécution forcée de la vente de la parcelle cadastrée Section A n°[Cadastre 1] située lieudit [Adresse 17] de 68 ca, entre les consorts [V] et lui-même,

– ordonner la signature de l’acte authentique de vente sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

– juger que la juridiction de céans se réserve la faculté de liquider l’astreinte,

A titre subsidiaire,

– juger recevable et bien fondée son action en revendication de propriété,

– condamner M. [S] à lui restituer la parcelle litigieuse,

– juger que la vente consentie par les consorts [V] au profit de M. [S] selon acte reçu par Me [Z], lui est inopposable,

En toute hypothèse,

– ordonner la publication de l’arrêt à intervenir au service de la publicité foncière,

– lui octroyer l’autorisation de recourir à la force publique pour déloger les intimés ainsi que tout occupant de leur chef des lieux dans les deux mois suivant la signification de la décision à intervenir,

– juger que toute amélioration ou transformation du bien lui demeurera acquise sans droit à indemnisation au profit des intimés,

– condamner les intimés in solidum au paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis,

– condamner les défendeurs in solidum à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [G] fait valoir en substance que la vente intervenue entre lui-même et les consorts [V] est parfaite au sens des articles 1583 et 1589 du code civil puisqu’il y a eu accord sur le prix et la chose suite à l’offre de [Y] [V] par courrier du 12 août 2013 proposant la vente du bien pour la somme de 28 000 euros, offre qu’il a acceptée dès le 21 août 2013 et entérinée par l’acte notarié du 30 août 2015 ainsi que par la déclaration d’intention d’aliéner du 10 septembre 2015. Il considère que chacun de ces actes constitue un compromis de vente et que dés lors qu’il ne s’est pas rétracté dans le délai imparti par l’article L.271-1 du code de la construction son consentement au contrat de vente antérieur a été scellé le 3 octobre 2015 soit dix jours après la notification du projet d’acte de vente le 21 septembre 2015.

Par voie de conséquence, il s’estime fondé à obtenir à titre principal l’annulation de la vente conclue entre les consorts [V] et M. [S] en méconnaissance de ses droits et à titre subsidiaire, que la vente conclue entre les consorts [V] et M. [S] lui sera déclarée inopposable puisqu’il rapporte la preuve de l’antériorité de la vente intervenue à son profit ainsi que la mauvaise foi du tiers, M. [S], lequel avait connaissance des actes passés entre les consorts [V] et [G] eu égard sa qualité de conseiller municipal.

Il soutient encore que les consorts [V] ont engagé leur responsabilité contractuelle en refusant de vendre en dépit de leur promesse unilatérale définitive et irrévocable de vente et du compromis de vente, acté en la forme authentique. Il est ainsi fondé à se prévaloir des dispositions de l’article 1217 du code civil et à obtenir devant la cour la condamnation des vendeurs à l’exécution forcée de la vente.

Il considère par ailleurs que les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité civile professionnelle de Me [Z] sont réunies puisqu’il a commis une faute en ne procédant pas à la publication de l’acte authentique accepté par toutes les parties à l’issue du délai de renonciation. Il ajoute que Me [Z] a engagé sa responsabilité en manquant à son devoir de conseil.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 février 2023, les consorts [V], intimés à titre principal et appelants à titre incident, demandent à la cour de :

– confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a rejeté toutes les autres demandes,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

– condamner M. [G] à leur verser la somme de 5 000 euros chacun à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

– condamner Me [Z] à leur verser la somme de 5 000 euros chacun à titre de dommages intérêts en réparation de sa faute,

A titre subsidiaire,

– débouter M. [G] de l’ensemble de ses demandes dirigées à leur encontre,

– débouter M. [S] de l’ensemble de ses demandes dirigées à leur encontre,

– condamner Me [Z] à les relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre,

– condamner Me [Z] à leur verser la somme de 30 000 euros en contrepartie du prix de vente qu’ils seraient tenus de restituer à M. [S],

– condamner Me [Z] à leur verser la somme de 10 000 euros chacun à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,

En tout état de cause,

– débouter M. [G] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– débouter M. [S] de ses demandes dirigées à leur encontre,

– débouté M. [S] et Me [Z] de toute demande et appel incident dirigés à leur encontre,

– condamner M. [G] et M. [V] à leur verser la somme de 5 000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils soutiennent essentiellement qu’aucun accord sur le prix ni compromis de vente, n’est intervenu entre eux et M. [G]. En outre, aucune procuration a été donnée à Me [Z] pour vendre le bien de sorte qu’en l’absence de promesse unilatérale de vente et de consentement réciproque au sens des articles 1124 et 1589 du code civil, M.[G] n’est nullement fondé en ses demandes.

Au regard des difficultés rencontrées, ils considèrent que Me [Z] a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en mentionnant d’une part, l’existence d’un compromis signé entre M. [G] et leur père aux actes de procuration et en adressant d’autre part, un projet de vente à M. [G] alors qu’il était dépourvu de mandat exprès. Ainsi, selon eux le notaire a manqué à son devoir de probité et de rigueur, et a concouru directement à la réalisation de leur préjudice.

A titre subsidiaire, ils soutiennent que se sont les manquements commis par le notaire qui sont la conséquence de la situation actuelle et c’est à lui de supporter seul les conséquences de l’annulation de la vente ainsi que l’ensemble des condamnations faisant droit aux demandes de M. [G] et aux demandes subsidiaires de M. [S].

Par conclusions notifiées par voie électroniques le 23 février 2023, Me [Z], intimé, demande à la cour de :

-confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

– débouter M. [G], les consorts [V] et M. [S] de toutes leurs demandes dirigées à son encontre,

– condamner M. [G] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Me [Z] fait valoir qu’aucun compromis ou accord sur le prix et la chose n’est intervenu entre M. [G] et les consorts [V] de sorte qu’il n’a commis aucune faute en intervenant dans le cadre de la vente [V]/[S] et en respectant le secret professionnel lui interdisant d’informer M. [G] de cette opération.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 septembre 2022, M.[S], intimé et appelant à titre incident, demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages-intérêts,

– débouter M. [G] de l’intégralité de ses demandes comme étant irrecevables et infondées,

Subsidiairement,

– juger que l’effet translatif de la vente intervenue entre lui-même et les consorts [V] est validé,

– débouter M. [G] de ses demandes,

Plus subsidiairement,

– débouter M. [G] de ses demandes de dommages-intérêts dirigées à son encontre,

En tout état de cause,

– condamner Me [Z] les consorts [V] à le relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,

– condamner Me [Z] et les consorts [V] à lui payer solidairement les sommes suivantes :

60 140,10 euros au titre des travaux,

3 790 euros au titre des frais d’actes exposés en vain,

470,20 euros a titre des frais de constats exposés en vain,

– condamner les consorts [V] à lui restituer la somme de 30 000 euros correspondant au prix de vente,

En tout état de cause,

– condamner M. [G] à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, outre la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Subsidiairement,

– condamner Me [Z] et les consorts [V] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [S] soutient que M. [G] ne rapporte pas la preuve d’une vente parfaite qui serait intervenue à son profit avec les consorts [V].

Subsidiairement, il soutient que l’action en nullité exercée par M. [G] sur le fondement de l’article 1589 du Code civil est irrecevable puisque la jurisprudence rappelle de manière constante que la nullité de la vente de la chose d’autrui ne peut être invoquée que par l’acquéreur de l’immeuble et non par le véritable propriétaire et ce, conformément aux dispositions de l’article 1599 du code civil.

A titre plus subsidiaire, si cette action était déclarée recevable, il estime la demande en annulation de la vente non fondée puisque la preuve de sa mauvaise foi n’est pas rapportée de sorte que la vente conclue par acte authentique publié est opposable à M. [G].

Enfin, si la cour venait à prononcer la nullité de la vente, il s’oppose à la demande de M. [G] de dommages-intérêts non fondée et en tout état de cause, il estime que Me [Z] et les consorts [V] doivent être tenus de le relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre. Il se dit pleinement fondé au regard de leurs manquements, à les voir condamner à lui payer à titre de dédommagement les sommes dépensées afin d’acquérir le bien ainsi que les travaux qu’il a réalisés, outre la restitution du prix de vente par les consorts [V],

En tout état de cause, il est fondé à obtenir la condamnation de M. [G] à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison du caractère abusif de la procédure.

Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

M.[G] fait grief aux premiers juges à titre principal de l’avoir débouté de sa demande d’exécution forcée de la vente litigieuse et refusé d’annuler la vente passée entre MM [V] et M.[S] au motif qu’il n’y avait pas eu accord des parties sur le prix, alors que, par son courrier du 12 août 2013 M.[Y] [V], a accepté la vente de sa maison au prix de 28 000 euros, et qu’il y a depuis cette date accord sur la chose et le prix entre les parties, conforté par les procurations ‘à titre irrévocable et définitive’ du 30 août 2015 rédigées par Me [Z] par ses deux héritiers, données au notaire de vendre la pleine propriété à M.[G], et par la projet d’acte de vente du 21 septembre 2015 également rédigées par Me [Z] notaire.

MM. [V] héritiers de leur père lui oppose l’absence de tout compromis antérieur et l’absence d’accord de leur part ainsi qu’en toute hypothèse, la renonciation à l’acquisition de ce bien immobilier de sa part.

L’article 1583 du Code civil dispose que la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé.

Un accord partiel suffit à former le contrat, à condition qu’il porte sur les éléments essentiels.

En l’espèce, c’est à tort que l’appelant invoque les courriers de M.[Y] [V] et du notaire des 12 août 2013 et 21 août 2013 comme valant accord sur la chose et le prix, alors que ces courriers sont suivis d’un courriel du 23 août 2013 du notaire à M.[G] ainsi rédigé : ‘Je vous informe que nous avons répondu favorablement comme convenu, à l’offre de Monsieur [V], pour la petite maison d’habitation sise à [Localité 18].

Le vendeur devrait effectuer les diagnostics nécessaires à la mise en place du compromis, nous lui avons également demandé ses coordonnées téléphoniques afin d’accélérer les échanges.

Je ne manquerai pas de vous tenir informé aussitôt que de nouveaux éléments parviennent à l’Etude…’;

d’un courriel du 5 novembre 2013 ainsi rédigé : ‘A toutes fins utiles, je vous informe que nous avons reçu l’avis de réception du courrier envoyé à Monsieur [V] (délivré le 22 octobre )

En espérant que la réponse suive rapidement!’ ;

et d’un courriel du 27 novembre 2013 ainsi rédigé : ‘objet vente par Monsieur [V].

Cher Monsieur,

Je reviens vers vous dans la cadre de la vente citée en objet, et vous informe avoir pris attache auprès du conseil de Monsieur [V] qui m’a indiqué que son client souhaitait, préalablement à la rédaction de tout compromis de vente, faire évaluer sa maison par un expert.

Nous avons sollicité Maître [J] afin que cette expertise soit faite dans les meilleurs délais, notamment en raison des infiltrations qui endommagent votre maison.

J’attends leur retour sur la date de l’expertise et ne manquerai pas de le relancer en l’absence de prompte réponse. (…)’.

Il ressort de ces courriers que, contrairement à ce que soutient M. [G], aucun accord n’est intervenu sur tous les éléments essentiels du contrat, notamment, la fixation du prix puisque sollicitant des expertises et donc une évaluation, M.[Y] [V] se réservait la possibilité de modifier le prix de 28 000 euros accepté par M.[G].

Ainsi la proposition de M.[V] suivie de la demande de nouvelle évaluation, doivent s’analyser comme la poursuite de la négociation débutée entre les parties depuis plusieurs mois sur le prix de vente.

De la même façon, les courriels échangés entre le notaire et M.[G] après le décés de M.[V] en 2014 sur l’état de la succession, sur l’état hypothécaire du bien, ne sauraient démontrer la formalisation d’un accord entre les parties que M.[G] chercherait à faire exécuter, ni la procuration irrévocable et définitive donnée par ses héritiers l’un à l’autre ou à toutes personnes habilités par le notaire de vendre à M.[G] le bien litigieux, ce d’autant que cette procuration si elle évoque un compromis de vente passé avec leur père, elle ne reprend pas le prix accepté par M.[G] de 28 000 euros et prévoit une vente au prix de 30 000 euros en contradiction avec la lettre du notaire évoquée ci-dessus et informant M.[V] de l’acceptation de M.[G] au prix de 28 000 euros.

Ces éléments ne permettent donc pas de considérer la vente comme parfaite entre M.[G] et M.[Y] [V]. S’il est en effet exact qu’il y avait un accord entre eux celui-ci n’était que de principe et en l’absence de la signature du compromis envisagé et d’un accord sur le prix de vente, il ne pouvait valoir vente.

Le décés de M.[V] ne leur a pas permis de poursuivre leurs négociations. Toutefois, au regard des procurations irrévocables et définitives de vendre à M.[G] du 30 août 2015 signées par MM. [V], de la déclaration d’intention d’aliéner et du le projet d’acte de vente adressé pour signature le 21 septembre 2015, la question se pose de savoir si au final, un accord n’est pas en revanche intervenu entre les héritiers de M.[V] et M.[G] sur la vente du bien cette fois au prix de 30 000 euros, cet accord fixant les éléments essentiels de la vente entre eux.

Il ressort en effet de ces documents que les vendeurs acceptent de vendre le bien litigieux à M.[G] comme leur père l’avait envisagé et au prix d’un commun accord entre les héritiers et M.[G] de 30 000 euros.

Ce sont ces mentions qui seront reportées sur la déclaration d’intention d’aliéner examinée par le conseil municipal de [Localité 18] en septembre 2015 qui ne saurait valoir contrairement à ce qu’il est soutenu, à elle seule vente, et sur le projet d’acte adressé par Me [Z] aux parties le 21 septembre 2015.

Aucune remarque ne sera faite au notaire par M.[G] sur le prix de vente, ce qui confirme que cette somme comme l’indique les procurations, a été fixée d’un commun accord.

De même, l’intention de vendre pour les vendeurs à ce prix et l’intention d’acheter de la part de M. [G] à ce même prix, ne peuvent être contestées en 2015.

Pour autant, il n’en demeure pas moins que cette vente malgré la rédaction de l’acte n’a pas eu lieu.

Il ne ressort d’aucun courriel échangé entre le notaire et M.[G] que celui-ci l’ait mandaté pour convoquer les parties pour la signature de l’acte. En revanche, le courriel de Me [P] futur successeur de Me [Z] du 12 décembre 2016 et qui fait suite au courriel de M.[V] du qui l’interroge quant aux intentions de M.[G] et sur l’éventuelle annulation du compromis par ce dernier, demande à M.[G] d’indiquer sa position quant à la vente et l’informe que les consorts [V] ont un autre potentiel acquéreur. Or, malgré cette information cruciale M.[G] ne démontre pas avoir adressé au notaire une réponse visant à confirmer son intention d’acheter.

Par ailleurs, il ressort de la lettre de Me [Z] au conseil de M.[G] du 2 décembre 2019, du courriel de M.[N] [V] du 11 décembre 2016, que M.[G] avait opposé au moment de conclure la vente qu”il ne voulait pas être le dindon de la farce’ arguant que le voisin immédiat revendiquait une ‘servitude de parking automobile’ faisant état d’une ancienne servitude d’aire datant du XIXème siècle et qu’à ce titre il avait proposé une réduction du prix, et ne s’était plus manifesté. Il a été rappelé ci-dessus qu’il n’avait pas répondu au notaire qui lui demandait de se positionner au regard de la possibilité pour les vendeurs de vendre à un autre candidat acquéreur.

Dés lors, il y a lieu au regard de ces éléments de s’interroger sur la renonciation à la vente de M.[G] invoquée par M.[N] [V] à deux reprises dans ses courriels du 11 décembre 2016 et du 12 février 2017.

La renonciation est un acte juridique par lequel le titulaire du droit abdique une prérogative ou un ensemble de prérogatives qui ne peut être présumé.

Il est de jurisprudence constante également qu’il ne se déduit pas du simple silence ou de la simple inaction de son titulaire et il ne peut résulter que d’actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer. Mais elle peut être tacite dés lors que les circonstances établissent de façon non équivoque la volonté de renoncer.

En l’espèce, M.[G] a exprimé en vue de sa rencontre avec Me [Z] à Me [P] à une date certes qui n’est pas indiquée sur la pièce 4 produite par ce dernier, que ‘compte tenu des servitudes importantes qui en apparence grèvent l’immeuble et dont (je) n’ai pas été informé, il me semble que la prudence commande de surseoir à l’acquisition.’ M.[G] reconnaît toutefois que ce courriel est en fait une note de travail auquel il lui a été apporté réponse par courriel du mois de septembre 2015.

Il ressort également du courrier adressé par son assureur la Maif à [N] [V] le 3 février 2017 que M.[G] a indiqué être victime d’infiltrations en provenance de la maison lui appartenant et que des travaux avaient été préconisés pour faire cesser les désordres. Cet assureur lui enjoignait ainsi qu’à son frère de faire les travaux sous peine de saisir la justice pour les faire exécuter sous astreinte. Il en ressort que M.[G] à cette période ne se considérait pas ou plus propriétaire de cet immeuble puisqu’il avait demandé à son assureur habitation d’intervenir.

De même, et comme rappelé ci-dessus il n’a pas répondu au notaire qui l’interrogeait en décembre 2016 sur sa position quant à la vente.

Enfin à aucun moment il n’a mandaté Me [Z] ou Me [P] aux fins de réitération de la vente par acte authentique. Soit il est resté silencieux aux demandes de prendre position soit il s’est considéré comme voisin victime d’infiltrations provenant de l’immeuble [V] mais en aucun cas comme propriétaire du bien litigieux. Il s’est écoulé encore deux ans après qu’il a été interrogé par Me [P] sur ce qu’il entendait faire quant à la vente du bien litigieux avant que les consorts [V] ne réalisent la vente avec M.[S].

Il sera ajouté même si cet événement est postérieur à la vente [V]-[S] reçu au mois de janvier 2019, qu’il n’a formulé aucune observation quant à la propriété du bien lors du constat d’huissier d’état des lieux dressé à la demande de M.[S] le 17 juin 2019 et s’est présenté comme un voisin.

L’ensemble de ces éléments caractérise une renonciation tacite sans équivoque de M.[G] dés février 2017, à se prévaloir de la promesse de vente passée avec les héritiers de M.[V].

Il s’en déduit qu’il ne pouvait plus revendiquer l’exécution forcée d’une promesse de vente synallagmatique à laquelle il avait sans équivoque renoncer et que les consorts [V] étaient parfaitement libérés de leurs obligations contractuelles ce qui leur permettaient de passer la vente avec M.[S]. Le simple fait que ce dernier ait été présent au conseil municipal ayant statué sur la déclaration d’aliéner dans la vente envisagée au profit de M.[G] ne peut caractériser sa mauvaise foi ni la collusion frauduleuse entre lui et les consorts [V].

M.[G] sera débouté de ses demandes en exécution forcée de la vente, en nullité ou d’inopposabilité de la vente reçue par Me [Z] le 24 janvier 2019 passée entre MM [V] et M.[S].

La jugement de première instance mérite confirmation de ces chefs.

Sur la responsabilité du notaire

-à l’égard de M.[G]

C’est avec raison que les premiers juges retenant que M.[G] avait renoncé à acquérir, décision que la cour vient de confirmer, ont débouté M.[G] de ses demandes de dommages et intérêts formées contre le notaire.

Il sera ajouté que ne saurait être mis à la charge de Me [Z] tenu au secret des transactions qu’il passe, de ne pas avoir informé M.[G] du nom du potentiel candidat acquéreur du bien litigieux. Le moyen tiré du manquement à son devoir de conseil doit être également écarté dés lors qu’il a été rappelé supra qu’à de nombreuses reprises Me [P] de l’étude notariale de Me [Z] avait interrogé M.[G] quant à ses intentions postérieurement au mois d’août 2015 sur la vente et informé celui-ci d’un autre candidat acquéreur de la parcelle.

Il ne peut enfin lui reprocher alors que d’autres ventes le concernant étaient passées en son étude de ne pas lui avoir dit notamment en 2018 que la vente [V] / [S] était en train de se finaliser.

Outre que rien ne l’empêcher de questionner le notaire sur la suite donner par les consorts [V] à ce nouveau projet de vente et du nouveau candidat acquéreur, le notaire qui avait pris acte de sa renonciation à acquérir n’avait pas à l’informer sur une vente qui ne le concernait plus.

En l’absence de toute faute démontrée imputable au notaire, M.[G] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts et la décision déférée également confirmée de ce chef.

-à l’égard de MM [V]

Soutenant qu’il n’avait été donné aucun mandat au notaire de vendre et que par ses mentions erronées le notaire il a vicié leur consentement MM [V] font grief au tribunal de les avoir déboutés de leur demande de dommages et intérêts.

Il reproche au notaire d’avoir manqué à son devoir de probité et de les avoir par ses actions volontaire ou involontaires, induits en erreur sur leurs engagements vis à vis de M.[G].

Or, contrairement à ce qu’ils soutiennent la cour a retenu que par les procurations de vendre à M.[G] et l’accord sur le prix de 30 000 euros, confirmé par la rédaction du projet d’acte de vente, ils ont de leur plein gré passé avec ce dernier une promesse synallagmatique de vente du bien litigieux.

Ils ne démontrent pas que la mention d’un compromis passé par leur père ait été déterminante de leur consentement à promettre à M.[G] et en toute hypothèse à supposer que cette erreur ait présidé à leur consentement, ils ne rapportent pas la preuve d’un préjudice en lien de causalité avec la faute du notaire qui aurait porté de fausses mentions sur les procurations irrévocable et définitive, l’action de M.[G] en annulation de la vente à M.[S] ayant échoué.

De ces éléments, il ressort en toute hypothèse qu’à défaut de préjudice subi démontré, leur demande de dommages et intérêts ne saurait aboutir et la décision déférée doit être là encore confirmée.

Sur les demandes de dommages et intérêts

-formée par M.[G] à l’encontre de MM [V] et de M. [S]

La rupture des relations étant intervenue suite à la renonciation de M.[G] à acquérir et aucune déloyauté dans les négociations, dans la promesse passée, ni aucune mauvaise foi imputable aux consorts [V] ou M.[S] n’étant caractérisée, il convient de confirmer la décision déférée en ce qu’elle a rejeté ce chef de demande à leur encontre.

-formée par MM [V] et par M.[S] l’encontre de M.[G]

L’exercice d’une action en justice de même que la défense à une telle action constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à l’octroi de dommages intérêts que dans le cas de légèreté blâmable.

La preuve d’un tel comportement n’étant pas rapportée en l’espèce, la succombance de M.[G] ne suffisant pas à le démontrer ,les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive seront rejetée.

Sur les mesures accessoires

Partie perdante, M.[B] [G] supportera la charge des dépens d’appel.

Il est en revanche équitable d’allouer à MM [V] ensemble, M.[S] et Me [Z] la somme de 2 000 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, que M. [B] [G] sera condamné à leur payer.

Les autres demandes sur le même fondement seront rejetées.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Condamne M.[B] [G] à supporter la charge des dépens d’appel ;

Le condamne à payer à MM [V] ensemble, M.[S] et Me [Z] la somme de 2 000 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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