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République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
TROISIEME CHAMBRE
ARRÊT DU 07/09/2023
****
N° de MINUTE : 23/269
N° RG 22/04234 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UPFX
Ordonnance (N° 18/05199) rendue le 23 Juin 2022 par le tribunal judiciaire de Lille
APPELANT
Maître [C] [M]
de nationalité Française
[Adresse 11]
[Localité 4]
Représenté par Me Véronique Vitse-Boeuf, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, assistée de Me Philippe Klein, avocat au barreau d’Aix-en-Provence, avocat plaidant
INTIMÉS
Monsieur [E] [Y]
né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Localité 6]
Madame [T] [S] épouse [Y]
née le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 14]
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Localité 6]
Représentés par Me Thomas Molins, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, assisté de Me Nathalie Lepert – de Courville, avocat au barreau de Dijon
Caisse de Credit Mutuel de [Localité 12] Est
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Anne-Sophie Vérité, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, assistée de Me Virginie Rosenfeld, avocat au barreau de Marseille, avocat plaidant
SA ACM VIE prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 7]
[Localité 8]
Défaillante, à qui la déclaration d’appel a été signifiée le 27 octobre 2022 à personne habilitée
DÉBATS à l’audience publique du 31 mai 2023 tenue par Yasmina Belkaid magistrat chargé d’instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Guillaume Salomon, président de chambre
Claire Bertin, conseiller
Yasmina Belkaid, conseiller
ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 7 septembre 2023 après prorogation du délibéré du 6 juillet 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 15 mai 2023
****
Par acte d’huissier du 3 Août 2012, les époux [Y] ont fait assigner la caisse de crédit mutuel de [Localité 12] Est, la société ACM Vie et M. [C] [M], notaire, devant le tribunal de grande instance de Marseille en responsabilité.
Par ordonnance du 17 Mai 2018, le juge de la mise en état de ce tribunal a ordonné le renvoi du dossier devant le tribunal judiciaire de Lille.
Le notaire et les époux [Y], invoquant l’existence d’une procédure pénale pendante devant le tribunal judiciaire de Marseille consécutive à un dépôt de plainte pour des faits d’escroquerie, ont sollicité un sursis à statuer.
Par ordonnance du 23 juin 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lille a :
rejeté la demande de sursis à statuer,
renvoyé l’affaire à la mise en état du 7 octobre 2022 ;
condamné les époux [Y] à payer la somme de 2.000 euros à la caisse de crédit mutuel de [Localité 12],
réservé les dépens.
M. [M] a interjeté appel de la décision par déclaration du 5 septembre 2022 en toutes ses dispositions.
Aux termes de ses conclusions notifiées le18 novembre 2022, M. [M] demande à la cour de :
réformer l’ordonnance du 23 juin 2022
ordonner le sursis à statuer dans l’instance au fond dans l’attente d’une décision pénale définitive dans la procédure pendante à [Localité 13]
débouter la caisse de crédit mutuel de [Localité 12] Est de ses demandes contraires
condamner tout contestant aux entiers dépens.
M. [M] considère que le sursis à statuer s’impose d’autant plus que la banque détient d’ores et déjà un titre exécutoire dans la mesure où par arrêt du 15 octobre 2014, la cour de cassation a déclaré le pourvoi non admis contre l’arrêt de la cour d’appel de Dijon du 11 juin 2013 qui a débouté les époux [Y] de leur contestation de la validité du titre exécutoire du crédit mutuel et a validé les mesures d’exécution entreprises par celle-ci aux fins de recouvrer les sommes dues en vertu de l’acte authentique de prêt qu’il a reçu le 28 juillet 2004.
Il précise également que le juge d’instruction a rendu son ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel de Marseille de sorte que l’issue de la procédure pénale est proche.
Dans ses conclusions notifiées le 8 décembre 2022, la caisse de crédit mutuel de [Localité 12] Est demande à la cour de :
A titre principal :
déclarer irrecevable l’appel interjeté contre l’ordonnance rendue le 23 juin 2022 par le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Lille, formé le 5 septembre 2022 par Maître [C] [M],
confirmer en tant que de besoin l’ordonnance rendue le 23 juin 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lille
A titre subsidiaire :
débouter Maître [C] [M] de ses demandes, fins et prétentions
confirmer en tant que de besoin l’ordonnance rendue le 23 juin 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lille
en toute hypothèse :
débouter Maître [M] de ses demandes, fins et prétentions
confirmer en tant que de besoin l’ordonnance rendue le 23 juin 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lille
condamner Maître [M] à lui payer la somme de 3 500 au titre de l’article 700 du code de procédure civile
condamner Maître [M] aux entiers dépens
Le crédit mutuel s’oppose à la demande de sursis à statuer en invoquant les dispositions de l’article 4 qui n’impose le sursis à statuer que sur le seul jugement de l’action civile exercée devant une juridiction civile en réparation du dommage causé par l’infraction.
Il ajoute qu’il n’est pas concerné par la procédure pénale pendante devant le tribunal judiciaire de Marseille dont la complexité et la durée prévisionnelle de son issue risquent de porter atteinte à ses droits de créancier, rappelant que la présente instance a été introduite il a près de 10 ans.
Dans leurs conclusions notifiées le 19 janvier 2023, M. [E] [Y] et Mme [T] [S], intimés et appelants incidents, demandent à la cour de :
constater et déclarer recevables en leur appel incident
Sur l’irrecevabilité, au visa des articles 379, 380, 776 alinéa 2 du code de procédure civile:
déclarer l’appel de l’ordonnance de rejet de sursis à statuer formée par Me [M] recevable en ce que la demande d’autorisation d’appel immédiat n’est pas applicable s’agissant du recours contre une décision de rejet de sursis à statuer
Sur le sursis à statuer, au visa du jugement du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Dijon du 21 juin 2022 :
constater que la créance de la caisse de crédit mutuel de [Localité 12] est réglée et qu’il est d’une bonne administration de la justice d’attendre l’issue de la procédure pénale.
réformer la décision en ce qu’elle les a condamné à payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et dire que les condamnations au titre des frais irrépétibles doivent être réservées dans l’attente de la décision au fond.
statuer ce que de droit sur les dépens.
Au soutien de leur demande de sursis à statuer, les époux [Y] font valoir que l’issue d’une procédure pénale pendante devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix en Provence aura une incidence sur la décision civile.
Ils reprochent par ailleurs au premier juge de ne pas avoir pris en compte la circonstance qu’ils se sont acquittés du paiement de la créance du crédit mutuel en faisant valoir qu’ils ont payé la somme totale de 292 067,23 euros par voie de saisies attributions et que leur dette résiduelle représente la somme de 114,32 euros ainsi que l’a jugé définitivement le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Dijon le 21 juin 2022.
Ils estiment ainsi qu’il importe de surseoir à statuer dans l’attente de la décision pénale afin d’éviter une contrariété de décisions.
Ils considèrent par ailleurs qu’il n’y a aucune urgence à ce que la procédure au fond en nullité des prêts et en responsabilité soit jugée avant la décision pénale.
La société ACM Vie, à laquelle la déclaration d’appel a été régulièrement signifiée, n’a pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 15 mai 2023.
MOTIFS
A titre liminaire, la cour observe qu’elle n’est plus saisie de la question de la recevabilité de l’appel qui a été tranchée par ordonnance du 13 avril 2023 par laquelle le président de la présente cour d’appel a dit que l’appel interjeté par M. [M] à l’encontre de l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lille le 23 juin 2022 était recevable.
Sur la demande de sursis à statuer
Aux termes de l’article 4 du code de procédure pénale, l’action civile en réparation du dommage causé par l’infraction prévue par l’article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l’action publique.
Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.
La mise en mouvement de l’action publique n’impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu’elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.
En dehors des cas où la loi le prévoit, l’instance est suspendue à temps ou jusqu’à la survenance d’un événement par décision discrétionnaire du juge, en vue d’une bonne administration de la justice, conformément aux articles 377 et suivants du code de procédure civile.
La cour relève que le sursis à statuer est sollicité par M. [M] et les époux [Y] pour une bonne administration de la justice, l’article 4 du code de procédure pénale n’imposant en effet le sursis à statuer que sur le seul jugement de l’action civile en réparation du dommage causé par l’infraction de sorte qu’en dehors de cette hypothèse, la demande de sursis à statuer est appréciée discrétionnairement par le juge, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice.
En l’espèce, les époux [Y] exposent qu’ils ont acquis des biens immobiliers par l’intermédiaire de la société Appolonia et financés par le crédit mutuel aux termes d’un acte notarié reçu par M. [M].
Il ressort des explications des parties que plusieurs investisseurs, dont les époux [Y], dénonçant les agissements frauduleux de la société Appolonia, ont porté plainte dans le courant de l’année 2008 auprès du procureur de la république de Marseille et qu’une instruction a été ouverte des chefs d’escroquerie en bande organisée, faux et usage de faux, association de malfaiteurs, exercice illégal de l’activité d’intermédiaire en opérations de banque, abus de confiance.
Dans le cadre de la présente procédure introduite par acte d’huissier de justice du 3 août 2012, les époux [Y], au visa des articles 1109, 1116 et 1304 du code civil, poursuivent la nullité des actes de prêt conclus avec le crédit mutuel et ACM Vie et recherchent la responsabilité du notaire, M. [M].
La demande de nullité des actes de prêt est fondée sur la réticence dolosive du Crédit Mutuel et de l’assureur de groupe la société ACM Vie.
La responsabilité du notaire est recherchée aux motifs que celui-ci s’est abstenu de tout devoir de conseil et qu’il a facilité l’opération d’escroquerie en authentifiant les actes de vente sans avoir jamais rencontré les acquéreurs et en donnant ainsi une apparence de légalité à Appolonia.
La cour observe que le réquisitoire définitif du 19 juillet 2021 n’est pas produit au débat et que seul le dispositif de l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel est communiqué et il apparait que M. [M] a la qualité de prévenu dans cette procédure pénale en cours.
Néanmoins, la responsabilité pénale du notaire, instrumentaire de l’acte de prêt qui a par ailleurs dressé l’acte de procuration ensuite utilisé pour la représentation des époux [Y] à l’acte de prêt, quand bien même serait-elle retenue, n’est pas de nature à entrainer, à elle seule, la nullité des actes authentiques qu’il a dressés.
Il n’est par ailleurs ni établi ni même allégué que le crédit mutuel et la société ACM Vie ont été mis en examen pour les faits reprochés par les époux [Y], la banque indiquant qu’elle est en réalité partie civile dans ce dossier et que les faits poursuivis portent sur les opérations de vente et non sur les contrats de prêt souscrits auprès du crédit mutuel qui est étrangère à la procédure pénale.
Il est au demeurant constant que le crédit mutuel a versé les fonds dont il a réclamé le remboursement et que les époux [Y] ont réglé la somme de 292 067,23 euros à l’occasion de précédentes voies d’exécution forcée pratiquées par la Banque, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Dijon, dans sa décision définitive du 21 juin 2022, ayant dit que la créance du crédit mutuel s’élève désormais à la somme de 114,32 euros de sorte que la validité du titre exécutoire n’a pas été remise en cause.
L’absence d’urgence compte tenu du paiement de la créance de la banque ne constitue pas un motif justifiant qu’il soit fait droit à la demande de sursis à statuer.
Dans ces conditions, il n’est nul besoin d’attendre l’issue de la procédure pénale actuellement pendante devant le tribunal judiciaire de Marseille.
La demande de sursis à statuer sera donc rejetée.
L’ordonnance querellée sera ainsi confirmée.
Sur les autres demandes
Le sens de la décision conduit à confirmer l’ordonnance critiquée sur les dépens et les frais irrépétibles.
Par ailleurs, M. [M] sera condamné aux dépens de l’instance d’appel ainsi qu’au paiement à la caisse de crédit mutuel de [Localité 12] Est de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés dans le cadre de la procédure d’appel en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lille le 23 juin 2022 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne M. [C] [M] aux dépens d’appel,
Condamne M. [C] [M] à payer à la caisse de crédit mutuel de [Localité 12] Est la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile en cause d’appel.
Le Greffier
Fabienne Dufossé
Le Président
Guillaume Salomon