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ARRET
N°
[Y] [J]
C/
S.C.P. PELEGRIN CAHOUET
PM/SGS
COUR D’APPEL D’AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU VINGT CINQ MAI
DEUX MILLE VINGT TROIS
Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : N° RG 22/01442 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IMQT
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS DU VINGT HUIT FEVRIER DEUX MILLE VINGT DEUX
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur [I] [Y] [J]
né le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 6] (PORTUGAL)
de nationalité Portugaise
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Antoine CANAL, avocat au barreau d’AMIENS
Plaidant par Me Louis DELVOLVE, avocat au barreau de VERSAILLES
APPELANT
ET
S.C.P. PELEGRIN CAHOUET SCP immatriculée au RCS de BEAUVAIS sous le numéro 513 890 9 47, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me CHOCHOY, substituant Me Franck DERBISE de la SCP LEBEGUE DERBISE, avocat au barreau d’AMIENS
INTIMEE
DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :
L’affaire est venue à l’audience publique du 16 mars 2023 devant la cour composée de Mme Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre, Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre et M. Pascal MAIMONE, Conseiller, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.
A l’audience, la cour était assistée de Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffier.
Sur le rapport de M. Pascal MAIMONE et à l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré et le président a avisé les parties de ce que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 mai 2023, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
PRONONCÉ :
Le 25 mai 2023, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Madame Christina DIAS DA SILVA, Président de chambre et Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffier.
*
* *
DECISION :
Suivant acte sous seing privé en date du 20 septembre 2017 rédigé par la SCP Pelegrin-Cahouet (ci-après dénommée le notaire), titulaire d’un office notarial à [Localité 5] (60), M. [I] [Y] [J] et la SARL Garage des 2 Tilleuls ont signé un compromis de vente aux termes duquel M. [I] [Y] [J] offrait de se porter acquéreur du fonds de commerce de garage, réparation automobile, vente de voitures neuves et d’occasion, dépendant de la SARL Garage des 2 Tilleuls situé sur la commune de Gouvieux (60), pour le prix de 230 000 €.
Ce compromis précisait notamment :
– que le cessionnaire dispose d’un apport personnel de 70 000 € et entend souscrire un crédit bancaire pour un montant de 172 800 €, d’une durée de sept ans, au taux d’intérêt maximum hors assurance de 2,3 %, accompagné de toutes ses garanties ;
– que le cessionnaire s’engage à solliciter un financement aux conditions ci-dessus précisées ;
– que les parties conviennent d’une convention suspensive de demande de prêt prévoyant que l’accord de prêt devra être obtenu dans un délai de 60 jour ‘à compter des présentes’ et justifier par la production écrite de cet accord donné par l’organisme financier ;
– que la production de cet accord rendra la condition suspensive réalisée.
Ce compromis contient par ailleurs, la clause suivante ‘Le cédant déclare que la SARL Garage des 2 Tilleuls a contracté avec un contrat d’agent commercial dont la copie sera transmise.
L’accord de Citroën à la cession devra être obtenu préalablement à la constatation authentique de la réalisation des présentes.’
M. [Y] [J] a demandé à trois établissements bancaires de financer cette opération.
La Caisse d’Epargne a refusé par courrier du 28 novembre 2017 de lui accorder le prêt qu’il sollicitait à hauteur de 180 000 € au taux de 1,33 %.
La Banque Populaire Rives de Paris a refusé par courrier du 19 décembre 2017 de lui accorder le prêt qu’il sollicitait à hauteur de 180 000 €.
Par courrier en date du 2 décembre 2017, le Crédit du Nord a accepté de financer le rachat du fonds de commerce par 1’octroi d’un prêt de 180 000 € sur une durée de 84 mois au taux de 1,50 % hors assurance, sous réserve notamment du passage de la franchise Citroën à la franchise Midas début 2018.
Le 13 décembre 2017, la SCP Pelegrin-Cahouet a adressé un courriel au conseil de la SARL Garage des 2Tilleuls en l’informant qu’elle disposait de l’accord de prêt et que la condition était donc, selon lui, réalisée.
Par courrier recommandé en date du 18 janvier 2018, la SARL Garage des 2 Tilleuls a mis en demeure M. [Y] [J] de régulariser la vente par acte authentique ou de s’acquitter de la clause pénale convenue représentant 10 % du prix de vente, estimant que la condition suspensive d’obtention du prêt était réalisée.
M. [Y] [J], considérant que la condition suspensive d’obtention de prêt ne s’était pas réalisée a refusé de signer l’acte de vente.
La SARL Garage des 2 Tilleuls a fait assigner M. [Y] [J] devant le tribunal de commerce de Pontoise aux fins d’obtenir le paiement de la cause pénale de 10 % convenue.
Par jugement du 7 novembre 2018, le tribunal de commerce de Pontoise a condamné M. [Y] [J] à payer la SARL Garage des 2 Tilleuls la somme de 23 000 € au titre de la clause pénale et celle de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [Y] [J] a interjeté appel de cette décision et a fait l’objet le 3 janvier 2019 d’une saisie attribution de la part de la SARL Garage des 2 Tilleuls à hauteur de la somme de 25 581,22 € en exécution du jugement rendu par le tribunal de commerce de Pontoise le 7 novembre 2018.
Par arrêt rendu le 5 mars 2020, la cour d’appel de Versailles a confirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Pontoise le 7 novembre 2018, en considérant notamment que la condition suspensive du prêt était réputée accomplie en raison de la non-conformité des prêts sollicités par M. [Y] [J] par rapport aux caractéristiques définies dans la promesse, et, en raison de la modification par M. [Y] [J] de son projet en cours de demande de prêt auprès du Crédit du Nord, ce qui a motivé le refus de prêt de l’établissement bancaire.
Par acte d’huissier en date du 7 mai 2020, M. [Y] [J] a fait assigner la SCP Pelegrin-Cahouet devant le tribunal judiciaire de Beauvais aux fins d’entendre dire que l’étude notariale a commis des fautes engageant sa responsabilité et la voir condamner en conséquence à lui payer les dommages et intérêts consécutifs aux préjudices subis, outre les frais irrépétibles et les dépens.
Par jugement du 28 février 2022, le tribunal judiciaire de Beauvais a :
– Dit que le notaire a commis une faute dans l’exécution de sa mission de conseil et d’information au préjudice de M. [I] [Y] [J] ;
– Dit cependant qu’il n’est pas démontré l’existence d’un préjudice direct et certain subi par M.
[I] [Y] [J] en lien direct avec la faute commise par le notaire de sorte que la responsabilité civile professionnelle du notaire n’est pas engagée ;
– Débouté en conséquence M. [Y] [J] de toutes ses demandes ;
– Condamné M. [Y] [J] à verser au notaire la somme de 3 500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamné M. [Y] [J] à supporter la charge des dépens ;
– Rappelé que le jugement bénéficie de l’exécution provisoire de droit.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 28 février 2022, M. [Y] [J] a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions transmises par la voie électronique le 24 juin 2022, M. [Y] [J] demande à la cour de :
– Dire et juger que le notaire en indiquant au conseil de la SARL Garage des 2 Tilleuls que la vente du fonds de commerce de celle-ci au profit de M. [Y] [J] était parfaite, alors que l’accord de principe donné par le Crédit du Nord l’avait été après l’expiration du délai de 60 jours.
– Dire et juger que le notaire a commis une faute en n’intervenant pas auprès du constructeur Citroën pour obtenir son accord à la cession du fonds de commerce.
– Dire et juger que le notaire a commis une faute en ne rappelant pas non plus au vendeur du fonds de commerce qu’il lui appartenait d’obtenir l’accord du constructeur Citroën à la cession du fonds de commerce.
– Dire et juger que la faute ainsi commise par le notaire est en relation directe avec le préjudice subi par lui.
Par voie de conséquence :
– Infirmer le jugement entrepris.
– Condamner le notaire à lui verser les sommes suivantes :
*27 081,22 €, à titre principal,
*3 105 € au titre des frais d’avocat,
*630 € au titre des frais bancaires,
*3 000 € au titre du préjudice moral,
*3 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par conclusions transmises par la voie électronique le 18 juillet 2022, la SCP Pelegrin-Cahouet demande à la cour de :
– Infirmer le jugement en ce qu’il a retenu l’existence de fautes qui lui sont imputables,
– Le confirmer pour le surplus,
En conséquence,
A titre principal,
– Juger qu’il n’a commis aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité civile professionnelle,
En conséquence,
– Débouter M. [Y] [J] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
A titre subsidiaire,
– Juger que M. [Y] [J] ne démontre pas l’existence d’un préjudice personnel, actuel, certain et direct avec la faute qui aurait selon lui été commise,
En conséquence,
– Débouter M. [Y] [J] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
En tout état de cause,
– Condamner M. [Y] [J] à lui verser une somme de 4 000 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner M. [Y] [J] aux entiers dépens
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l’exposé de leurs prétentions et moyens.
Par ordonnance du 18 janvier 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture et renvoyé l’affaire pour plaidoiries à l’audience du 16 mars 2023.
CECI EXPOSE, LA COUR,
Sur la responsabilité du notaire :
Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En application de ses dispositions, il est considéré :
– que le notaire étant tenu d’éclairer les parties et de s’assurer de la validité et de l’efficacité des actes qu’il rédige et commet une faute lorsqu’il manque à ces obligations ;
– que le notaire est tenu d’un devoir de conseil et d’information.
Par ailleurs, l’article 1304-3 du même code dispose que la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y a un intérêt en a empêché l’accomplissement. La condition suspensive est réputée défaillie si son accomplissement a été provoqué par la partie qui y avait un intérêt.
M. [Y] [J] reproche à la SCP Pelegrin-Cahouet :
-d’avoir omis de tenir compte que l’accord de principe donné par le Crédit du Nord après l’expiration du délai de 60 jours
– d’avoir omis de se soucier de l’existence d’un accord de la société Citroën à la réalisation de la vente et omis d’intervenir auprès de cette société pour que cette condition selon lui suspensive soit levée.
– d’avoir commis une erreur de droit en écrivant au conseil du vendeur que l’accord de financement donné par le vendeur rendait l’accord de volontés parfait et permettait la réitération de la vente par acte authentique.
Contrairement à ce qu’affirme M. [Y] [J] l’obtention de l’accord de la société Citroën n’a pas été mentionnée dans le compromis comme une condition suspensive de son engagement, lui permettant d’échapper à la réitération de la vente. La fourniture de cet accord n’a été prévue par le compromis que comme un préalable à la signature de l’acte authentique.
Il importe donc peu que le notaire en ne se souciant pas de l’existence de cet accord ait pu être négligent dès lors que cette faute n’est pas en lien avec l’obligation pour M. [Y] [J] de régler la clause pénale.
Par ailleurs, en indiquant le 13 décembre 2017 au conseil de la SARL Garage des 2 Tilleuls que la vente du fonds de commerce de celle-ci au profit de M. [Y] [J] était parfaite, alors qu’elle ne disposait que d’un accord de principe donné sous conditions par le Crédit du Nord et après l’expiration du délai de 60 jours prévus par le compromis, la SCP Pelegrin-Cahouet a incontestablement agit avec légèreté et transmis des renseignements erronés au conseil de la SARL Garage des 2 Tilleuls.
Pour autant, ce n’est pas cet écrit fautif qui a contraint M. [Y] [J] à payer à la SARL Garage des 2 Tilleuls la clause pénale prévue au compromis: en effet M. [Y] [J] a été condamné au paiement de la clause pénale car aucun des trois prêts qu’il a sollicités n’a été demandé aux conditions prévues par le compromis.
En conséquence, M. [Y] [J] ne justifie d’aucun manquement du notaire en lien avec la condamnation en paiement de la clause pénale prononcée par la cour d’appel de Versailles.
Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
M. [Y] [J] succombant, il convient de le condamner aux dépens d’appel, de le débouter de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure d’appel et de le condamner à verser au notaire une indemnité de procédure de 2 000 €.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort :
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Condamne M. [I] [Y] [J] à payer à la SCP Pelegrin-Cahouet la somme de 2 000 €par application en appel des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs plus amples demandes ;
Condamne M. [I] [Y] [J] aux dépens d’appe
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE