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N° de minute : 139/2023
COUR D’APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 24 Juillet 2023
Chambre Civile
Numéro R.G. : N° RG 21/00037 – N° Portalis DBWF-V-B7F-RXN
Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 21 Décembre 2020 par le Tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° :18/2242)
Saisine de la cour : 05 Février 2021
APPELANTS
Mme [W] [T]
née le 15 Mai 1983 à [Localité 10]
M. [E] [N]
né le 05 Mai 1982 à [Localité 11]
demeurant ensemble : [Adresse 2] – [Localité 6]
Tous deux représentés par Me Marie-katell KAIGRE, avocat au barreau de NOUMEA, substituée par Maître Charlotte ROLIN, du même barreau
INTIMÉS
M. [R] [K]
né le 05 Janvier 1977 à [Localité 8]
Mme [Z] [X] épouse [K]
née le 14 Juin 1977 à [Localité 9]
demeurant ensemble : [Adresse 4] – [Localité 7]
Tous deux représentés par Me Valérie LUCAS membre de la SELARL D’AVOCATS LUCAS MARCHAIS, avocat au barreau de NOUMEA
S.A.R.L. DNS IMMOBILIER, représentée par son gérant en exercice
Siège social : [Adresse 1] – [Localité 7]
Représentée par Me Marie-laure FAUCHE membre de la SELARL LFC AVOCATS, avocat au barreau de NOUMEA
S.C.P. BERNIGAUD ET BERGEOT, notaires associés, représentée par son gérant en exercice
Siège social : [Adresse 5] – [Localité 7]
Représentée par Me Philippe REUTER membre de la SELARL D’AVOCATS REUTER-DE RAISSAC-PATET, avocat postulant au barreau de NOUMEA et par Me Benjamin PORCHER membre de la SELAS PORCHER & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 25 Mai 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe DORCET, Président de chambre, président,
M. Thibaud SOUBEYRAN, Conseiller,
Madame Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseillère,
qui en ont délibéré, sur le rapport de Madame Béatrice VERNHET-HEINRICH.
Greffier lors des débats : Mme Isabelle VALLEE
Greffier lors de la mise à disposition : Mme Cécile KNOCKAERT
ARRÊT :
– contradictoire,
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
– signé par Monsieur Thibaud SOUBEYRAN, conseiller en remplacement de M. Philippe DORCET, président empêché, et par Mme Cécile KNOCKAERT adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l’article R 123-14 du code de l’organisation judiciaire, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
***************************************
PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
Mme [W] [T] et M. [E] [N] ont acquis le 25 février 2015 auprès de M. [R] [K] et de Mme [Z] [X] , son épouse, un ensemble immobilier situé à [Adresse 3] le lot n °4 du lotissement ‘Les privilèges du [Adresse 3]’pour le prix de 39.000.000 francs pacifique.
Par requête déposée le 23 juillet 2018, Mme [W] [T] et M. [E] [N] ont fait appeler à comparaître devant le tribunal de première instance de Nouméa , au visa des articles 1641 et suivants, 1147 et 1382 du Code civil, leurs vendeurs à savoir, M. et Mme [K], la société Agence DNS immobilier et la SCP Bernigaud-Bergeot, office notarial, aux fins de voir prononcer la résolution judiciaire de la vente compte tenu du vice caché affectant le bien.
Pour l’essentiel , ils faisaient valoir que les vendeurs leur ont dissimulé volontairement la construction d’un lotissement social à la place du projet initial des ‘privilèges du [Adresse 3]’qui prévoyait la construction de 30 maisons d’habitation , l’agence immobilière mandatée ainsi que le notaire rédacteur ayant commis des fautes à cet égard, invoquant en outre la discordance entre le cadastre et la barrière naturelle du bien dissimulant un empiétement sur le fonds voisin.
Par jugement en date du 21 décembre 2020, le tribunal de première instance de Nouméa a :
– débouté Mme [W] [T] et M. [E] [N] de leur action fondée sur les vices cachés affectant le bien immobilier acquis le 25 février 2015 et de l’ensemble de leurs demandes ;
-débouté les parties de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
-débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
-dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire de la présente décision ;
-condamné Mme [W] [T] et M. [E] [N] à payer à M. et Mme [K] la somme de 100.000 francs pacifique en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
-condamné Mme [W] [T] et M. [E] [N] à payer à l’agence DNS immobilier la somme de 100.000 francs pacifique en application de l’article 700 du code de procédure civile
-condamné Mme [W] [T] et M.[E] [N] à payer à la SCP Bernigaud-Bergeot, la somme de 100.000 francs pacifique en application de l’article 700 du code de procédure civile;
-condamné Mme [W] [T] et M. [E] [N] aux dépens de la présente instance avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit des avocats de la cause .
PROCÉDURE D’APPEL
Mme [W] [T] et M. [E] [N] ont relevé appel de ce jugement par requête enregistrée au greffe de la cour le 5 février 2021.
Dans leurs dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 29 avril 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, ils demandent à la cour de :
-infirmer le jugement rendu par le tribunal de première instance de Nouméa le 21 décembre 2020,
1 -débouter M. et Mme [K], l’agence DNS Immobilier et la SCP Bernigaud-Bergeot, de leurs demandes fins et conclusions,
2 -rappeler que les vendeurs ont reçu l’un des gérants de la Sci Veracruz dès novembre 2014 et ont été tenus alors personnellement informés du projet de lotissement de 75 logements et des importantes conséquences pour les acquéreurs,
3-constater qu’une information officielle et précise avait été communiquée par le promoteur au notaire et aux vendeurs dès le 28 novembre 2014 sur l’abandon du précédent projet au profit d’un lotissement comprenant environ 75 maisons individuelles situé tout autour du bien immobilier vendu,
4-rappeler que le notaire a transmis cette information aux vendeurs et à l’agence immobilière dès le 1er décembre 2014 en leur demandant de communiquer l’information aux acquéreurs, sans suite,
5-constater que l’intégralité des informations ainsi officiellement transmises n’a pas été répercutée aux acquéreurs avant la vente et ne figure ni explicitement, ni intégralement dans l’acte de vente, intervenue le 15 février 2015,
6 -constater que le projet de lotissement annexé à la vente en février 2015 concernait 30 maisons individuelles avait été officiellement abandonné par le promoteur et que cette information n’avait pas été répercutée aux acquéreurs,
7 -constater que Mme [W] [T] M. et [E] [N] ne prétendent pas ignorer la possibilité d’un lotissement autour de la villa acquise, mais démontrent ignorer que le nouveau de projet de lotissement de 75 villas prévu dès novembre 2014 par la sci Veracruz avait été communiqué aux vendeurs, au notaire et à l’agence immobilière,
A titre principal, constater le dol des vendeurs,
8- dire et juger que M. et Mme [K] avaient connaissance du nouveau projet de lotissement et l’ont caché alors qu’ils avaient conscience de l’importance de le communiquer aux acquéreurs, commettant ainsi un dol viciant le consentement des acquéreurs,
A titre subsidiaire, constater les vices cachés,
9- dire et juger que le bien vendu recelait lors de la vente des vices cachés
10- dire et juger que les vendeurs ayant fait preuve de mauvaise foi, la clause de non-garantie contenue dans l’acte de vente ne peut donc s’appliquer ;
11- dire et juger que ces vices rendent l’immeuble impropre à sa destination ou en réduit fortement l’usage ;
Et, par conséquent,
12- constater la faute du notaire,
13- constater que la scp Bernigaud-Bergeot, était tenue d’informer les acquéreurs de la teneur du courrier de la sci Veracruz en date du 28 novembre 2014 et de préciser l’ampleur du projet de lotissement projeté depuis novembre 2014 par le promoteur ;
14- dire et juger que la Scp Bernigaud-Bergeot, a commis un manquement à son obligation d’assurer l’efficacité de l’acte de vente ;
15- dire et juger que la scp Bernigaud-Bergeot, a contribué aux dommages subis par Mme [W] [T] et M. [E] [N] ;
16- constater la faute de l’agence immobilière
17- dire et juger que l’agence DNS Immobilier a commis un manquement à son obligation de conseil
18- constater que l’agence DNS Immobilier était tenue d’informer les acquéreurs de la teneur du courrier de la sci Veracruz en date du 28 novembre 2014 depuis le courriel du notaire du 1 er décembre 2014 ;
19- dire et juger que l’agence DNS Immobilier a contribué aux dommages subis par Mme [W] [T] et M. [E] [N] ;
20- condamner in solidum M. et Mme [K] l’agence DNS Immobilier et la scp Bernigaud-Bergeot, à indemniser Mme [W] [T] et M. [E] [N] des préjudices subis, tels qu’estimés par l’expertise à intervenir,
A titre principal ,
21- constater que Mme [W] [T] et M. [E] [N] n’auraient jamais acquis la villa s’ils avaient été informés du projet de lotissement de la sci Veracruz au jour de la vente,
22- prononcer l’anéantissement de la vente immobilière
23- constater que Mme [W] [T] M. et [E] [N] bénéficieront de nouveau du bénéfice de primo accédant,
24-condamner in solidum M. et Mme [K], l’agence DNS Immobilier et la scp Bernigaud-Bergeot, à indemniser Mme [W] [T] et M. [E] [N] des préjudices suivants
– 326 820 euros soit 39 000 084 francs pacifique pour la restitution du prix de vente,
– 390 euros soit 46 539 francs pacifique pour les frais bancaires
– 3 020 000 francs pacifique pour les frais de notaires
– A parfaire pour les frais d’assurance
– A parfaire pour les intérêts payés,
25-ordonner une expertise comptable afin d’évaluer précisément l’étendue des préjudices subis au jour de la décision à intervenir ;
26- condamner in solidum M. et Mme [K], l’agence DNS Immobilier et la SCP Bernigaud-Bergeot, à indemniser Mme [W] [T] et M. [E] [N] des préjudices suivants
– leur préjudice moral par le versement de la somme de 5 000 000 francs pacifique;
– les frais de déménagement par la somme de 500 000 francs pacifique ,
– le préjudice de jouissance quotidien par le versement de la somme de 250 000 francs pacifique par mois d’occupation à compter du début des travaux,
Subsidiairement sur l’étendue de la responsabilité du notaire et de l’agence immobilière,
27 – condamner la scp Bernigaud-Bergeot, à indemniser Mme [W] [T] et M. [E] [N] du préjudice subi du fait de son manquement à l’obligation d’information par le versement de la somme de 2 000 000 francs pacifique ,
28- Subsidiairement, condamner l’agence DNS Immobilier du préjudice subi du fait de son manquement à l’obligation d’information par le versement de la somme de 2 000 000 francs pacifique
A titre infiniment subsidiaire, constater la faute civile des vendeurs,
29- dire et juger que M. et Mme [K], l’agence DNS Immobilier et la scp Bernigaud-Bergeot, devront être condamnés à indemniser Mme [W] [T] et M. [E] [N] des préjudices subis
30- constater que Mme [W] [T] et M. [E] [N] sollicitent une action estimatoire,
31- ordonner avant dire droit une mesure d’expertise afin d’évaluer le bien immobilier objet du présent contentieux,
– désigner à cet effet tel expert qui lui plaira avec mission de :
-convoquer les parties,
-se faire remettre les titres de propriété successifs,
-consulter le cadastre et le plan d’implantation de la villa et de son jardin,
-vérifier la limite de propriété du bien,
-décrire et évaluer le pavillon sis [Adresse 3], [Localité 6]
Païta
– du tout, dresser rapport après avoir au préalable adressé aux parties un pré-rapport afin qu’elles puissent faire valoir leurs éventuelles observations,
– dire que l’expert accomplira sa mission conformément aux articles 273 et suivants du Code de procédure civile et qu’il déposera son rapport dans le délai de six mois à compter de sa saisine,
31 – condamner, à titre provisionnel, dans l’attente de la réalisation des opérations d’expertise, M. et Mme [K], à indemniser Mme [W] [T] et M. [E] [N] par le versement de la somme de 84 000 euros, ou 10’023’888 francs pacifique ,
32- condamner la scp Bernigaud-Bergeot, à Mme [W] [T] et M.[E] [N] du préjudice subi du fait de son manquement à l’obligation d’information par le versement de la somme de 2 000 000 francs pacifique ,
33- condamner l’agence DNS Immobilier du préjudice subi du fait de son manquement à l’obligation d’information par le versement de la somme de 2 000 000 francs pacifique ,
34- condamner in solidum M. et Mme [K], l’agence DNS et la scp Bernigaud-Bergeot, à payer les frais et honoraires supportés pour l’expertise à venir et ce avec distraction au profit de la Selarl Kaigre
En tout état de cause,
35-dire que les sommes ainsi prononcées seront augmentées des intérêts à taux légal à compter de la date de la demande initiale en justice,
36- dire que ces intérêts se capitaliseront en application des dispositions de l’article 1154 du Code civil,
37-condamner in solidum M. et Mme [K], l’agence DNS et la scp Bernigaud-Bergeot, à payer des entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Kaigre pour ceux dont elle aurait fait l’avance sans avoir reçu provision ; payer 260 000 francs pacifique sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et 450 000 francs pacifique en appel.
*****
Dans ses dernières conclusions, auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, notifiées par voie électronique le 8 juin 2022, la scp Bernigaud-Bergeot, demande à la cour de :
– liminairement, déclarer irrecevable la demande nouvelle formée par Mme [W] [T]et M . [E] [N] à l’encontre de la scp Bernigaud-Bergeot, tendant à sa condamnation à leur régler une somme de 2.000.000 francs pacifique
-confirmer intégralement le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a débouté la demande reconventionnelle de la scp Bernigaud-Bergeot, au titre du caractère abusif de l’action adverse,
Statuant à nouveau sur ce point,
– condamner Mme [W] [T] et M. [E] [N] à verser à la scp Bernigaud-Bergeot, une somme de 500.000 francs pacifique au titre du caractère abusif de leurs prétentions
En tout état de cause,
– débouter Mme [W] [T] et M. [E] [N] et toute autre partie de l’intégralité de leurs prétentions en ce qu’elles sont dirigées contre la scp Bernigaud-Bergeot,
-condamner Mme [W] [T] et M [E] [N] ou toute autre partie succombant à verser à la scp Bernigaud-Bergeot, une somme de 1.000.000 francs pacifique au titre des frais irrépétibles;
-condamner Mme [W] [T] et M.[E] [N] ou toute autre partie succombant
au paiement des entiers dépens, dont distraction au profit de Me [M] qui affirme en avoir fait la plus grande avance.
*****
Dans leurs dernières écritures notifiées par voie électronique le 12 octobre 2021, auxquelles il y a lieu de se reporter pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, M. et Mme [K] demandent à la cour de :
– les recevoir en leurs présentes écritures et les dire bien fondées.
– débouter Mme [W] [T] et M. [E] [N] de l`intégralité de leurs demandes;
I/ Sur la forme, statuer ce que de droit sur la recevabilité de l’appel
II / Sur le fond,
-constater que M. et Mme [K] ont procédé à la vente en toute transparence et bonne foi avec la communication des informations dont ils disposaient à la date de la signature de la vente avec l’assistance de professionnels ;
En conséquence,
-confirmer le jugement du 21 décembre 2020 dans l’intégralité de ses dispositions, sauf celle ayant débouté M. et Mme [K] de leur demande de dommages et intérêts au titre du caractère abusif de la procédure engagée à leur encontre
Et statuant à nouveau à titre incident sur ce point,
-constater que Mme [W] [T] et M. [E] [N] ont été informés à plusieurs reprises avant la signature de l’acte réitératif de vente du fait que l’autorisation de lotir telle qu’initialement prévue était devenue caduque et que ce serait un lotissement d’environ 75 villas individuelles qui serait construit en lieu et place ,seule information dont disposait les parties à la date du 24 février 2015
-constater que Mme [W] [T] et M. [E] [N] ont signé une clause selon laquelle ils feraient leur affaire des désagréments qui pourraient être engendrés par la construction d’un lotissement ;
-constater que le nouvel arrêté de lotir n’a été pris que deux ans et demi après la vente, autorisant la construction d’un lotissement de 74 villas individuelles et 37 bâtiments à usage d’habitation ;
-constater que Mme [W] [T] et M. [E] [N] ont signé une clause prenant le bien en l’état, notamment en ce qui concerne sa surface ,
En conséquence,
-dire et juger que la procédure de Mme [W] [T] et M. [E] [N] revêt un caractère abusif, ces derniers ayant agi avec une légèreté blâmable au vu des éléments du dossier ci-avant rappelés et qu’à ce titre ils seront condamnés à hauteur de 500 000 francs pacifique à titre de dommages et intérêts au profit de M. et Mme [K],
En tout état de cause,
-condamner Mme [W] [T] et M. [E] [N] à verser à M. et Mme [K] la somme de 500 000 francs pacifique au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Lucas qui bénéficiera des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
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Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 juin 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la société DNS Immobilier demande à la cour de:
-confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [W] [T] et M. [E] [N] de leurs entières, fins, prétentions et demandes.
-accueillant la concluante en sa demande incidente :
-infirmer pour le surplus et statuant à nouveau du chef des dommages et intérêts sollicités par l’agence concluante et des frais irrépétibles.
-condamner Mme [W] [T] et M. [E] [N] à servir à la société DNS Immobilier la somme de 500.000 francs pacifique à titre de dommages et intérêts.
-condamner Mme [W] [T] et M. [E] [N] à servir à l’agence concluante la somme de 400.000 francs pacifique au titre des frais irrépétibles de première instance et la même somme au titre des frais irrépétibles d’appel.
-condamner les appelants au paiement des entiers dépens dont distraction au profit de la selarl LFC avocats, aux offres de droit.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 18 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes de ‘constater’, ‘dire et juger’, ‘ voir supprimer’ ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile, mais des moyens . Ne saisissant la cour d’aucune demande, la juridiction n’a pas à statuer en conséquence sur les points repris aux paragraphes,2,3,4,5,6,7,8,9,10,11,12,1,3,14,15, 16,17,18,19,20,21,29,et 30 des dernières conclusions d’appelant.
En l’espèce, la cour est saisie de l’appel principal de Mme [W] [T] et M. [E] [N] qui contestent la décision du tribunal les ayant déboutés de leur demande tendant à l’annulation de la vente de leur immeuble et de leurs demandes subsidiaires tendant à l’obtention de la réduction du prix de vente .
La cour est également saisie des appels incidents de l’office notarial, rédacteur de l’acte de vente, des vendeurs, et de l’agence immobilière tendant l’octroi d’une indemnité fondée sur le caractère abusif de la procédure engagée à leur encontre.
I. Sur les demandes tendant à l’anéantissement de la vente
A. Sur la demande fondée sur l’action en garantie des vices cachés
Le tribunal de première instance a débouté Mme [W] [T] et M. [E] [N] de leur action fondée sur les vices cachés, ainsi que de toutes leurs demandes subsidiaires, considérant que la caducité du projet initial de lotissement avait bien été portée à leur connaissance dès la signature du compromis de vente le 21 novembre 2014 et qu’ils avaient par ailleurs, en apposant leur paraphe et en signant l’acte de vente du 25 février 2015, reconnu avoir pris connaissance du courrier daté du 28 novembre 2014, sur lequel Maître [F] , avocat du promoteur ‘sci Veracruz’ annonçait le nouveau projet de construction ‘ d’environ 75 villas’. Le tribunal excluait par ailleurs toute volonté de dissimulation de la part des vendeurs, en se fondant sur le fait que le permis de construire finalement accordé pour 37 bâtiments à usage d’habitation et 74 villas individuelles ,n’avait été délivré que deux ans plus tard , par arrêté du 17 août 2017.
Les premiers juges rejetaient également le second moyen soulevé par les acquéreurs, tiré de l’empiétement de leur parcelle sur le terrain voisin, qu’ils exposaient avoir découvert à l’occasion des travaux de terrassement du lotissement estimant qu’ils ne démontraient pas la mauvaise foi des vendeurs , de sorte que la clause de non garantie leur était bien opposable.
M. [E] [N] et Mme [W] [T] demandent à la cour d’infirmer cette décision et de prononcer l’anéantissement de la vente . Ils exposent que même si l’acte de vente fait référence au courrier du 28 novembre 2014, il ne le reproduit pas ‘in extenso’ et ne porte de ce fait aucune information précise sur le contenu du nouveau projet portant non plus sur des villas de bon standing mais sur un lotissement HLM par le FSH portant sur 75 logements.
Ils rappellent qu’ils ne reprochent pas en soi l’ignorance du projet de la construction d’un lotissement mais la dissimulation du changement de projet par la Sci Veracruz, abandonnant la construction de 30 villas individuelles pour un lotissement intermédiaire de 75 logements. Ils font valoir que la clause de non garantie prévue à l’acte de vente ne peut leur être opposée en raison de la connaissance qu’avaient les vendeurs de cette information déterminante . Ils exposent que les quatre conditions requises pour la mise en oeuvre de la garantie pour vices cachées sont bien réunies à savoir en premier lieu la gravité du défaut reproché, qui est manifeste au cas d’espèce, le changement dans le projet de construction modifiant radicalement l’environnement de la maison acquise. Ils font état d’un second défaut tenant à la discordance entre les biens immobiliers décrits lors de la vente et le terrain acquis , évoquant ici, la présence d’une végétation riche qui était un critère d’achat essentiel à leurs yeux et qui a été supprimée en raison des travaux . M. [E] [N] et Mme [W] [T] précisent que ces défauts graves ont été occultés et qu’ils ne les ont découverts que deux ans plus tard, au jour de la signature de la convention relative aux servitudes. Ils estiment que la volonté de dissimulation par les époux [K] est évidente puisqu’ils ont été informés par le promoteur de la véritable nature du projet , directement et oralement par le gérant de la société de promotion, puis par courrier daté du 28 novembre 2014, rédigé par son conseil Maître [F] , adressé au notaire rédacteur, qui les avait aussitôt invités à leur transmettre l’information.
Ils considèrent que le caractère occulte des défauts a été renforcé par la faute du notaire et des vendeurs qui ont maintenu en annexe à l’acte de vente, une quarantaine de pages portant sur le projet de construction initial du lotissement ‘ les privilèges du [Adresse 3]’, portant sur 30 villas de standing supérieur alors que ce projet était en réalité caduc et abandonné au profit du second, portant sur plus de 70 logements. Ils soulignent l’aberration consistant à l’annexion de ce projet pourtant caduc depuis plusieurs mois , tandis que dans le même temps, le notaire et les vendeurs s’abstenaient d’y joindre in extenso le courrier du 28 novembre 2014 de maître [F] sur lequel était clairement exposé le projet de la construction de 75 logements et n’y voient que la preuve d’une volonté de les tromper. Enfin l’antériorité, c’ est à dire la connaissance qu’avaient les vendeurs et le notaire de ce nouveau projet est acquise par la production de ce courrier adressé par le cabinet D & S.
A titre subsidiaire, M. [E] [N] et Mme [W] [T] estiment qu’ils sont fondés à réclamer l’indemnisation de leurs préjudices, dans le cadre de l’action estimatoire , en raison de la faute commise par les vendeurs qui ne les a pas informés de la nature du nouveau projet. Ils estiment que leur immeuble est fortement déprécié par la proximité de ces logements sociaux, dans des proportions qui pourront être déterminées par une expertise.
M et Mme [K] demandent à la cour de confirmer la décision du tribunal en déboutant M. [E] [N] et Mme [W] [T] de toutes leurs demandes . Ils font valoir qu’ils se sont portés eux mêmes acquéreurs de la maison et du terrain avant leur mariage le 24 avril 2007, ce bien constituant le lot n° 4 d’un lotissement dénommé ‘ les Prililèges du [Adresse 3]’ . Ils exposent qu’aucun bornage n’était apparent, l’ensemble du terrain étant alors grillagé , cette clôture aérienne étant déjà à l’époque doublée d’une végétation présente en limite de propriété. Ils font valoir qu’ils ont décidé de vendre leur bien après l’avoir fait estimé par deux agences immobilières auxquelles ils ont donné mandat non exclusif de vente pour un prix demandé de 29 000 000 francs pacifique, conforme aux estimations faites par ces professionnels.
M et Mme [K] exposent que le compromis de vente signé le 21 novembre 2014 porte expressément mention en page trois du fait que le projet initial de lotissement ‘ les Privilèges du [Adresse 3]’ ,autorisé par arrêté de la Province Sud était caduc ainsi que cela figurait sur la note délivrée par cette dernière le 19 décembre 2006. Ils font valoir que, quelques jours plus tard, ils ont reçu du notaire la copie du courrier que le conseil de la société Véracruz lui avait envoyé, daté du 28 novembre 2014, au terme duquel le projet de construction du lotissement finalement retenu pour 75 logements était annoncé, et qu’à la suite de cette lettre, des échanges étaient intervenus de sorte que les acquéreurs s’en trouvaient parfaitement informés, ainsi que cela ressort, selon eux des mentions portées en page 5 et 6 de l’acte de vente, signé des acquéreurs déclarant être parfaitement informés de cette situation.
Ils soutiennent que la clause de non garantie, figurant en page 10 de l’acte de vente est parfaitement valide dès lors qu’ils sont de bonne foi, qu’on ne peut leur reprocher d’avoir dissimulé le nouveau programme immobilier des lors que M. [E] [N] et Mme [W] [T] savaient d’une part que l’ancien projet de construction du lotissement ‘ les privilèges du [Adresse 3] ‘ était caduc , et qu’ils avaient d’autre part été informés dans le courant du mois de décembre 2014 du contenu du nouveau programme portant désormais sur 75 villas, information qu’ils avaient également reçue, le jour de la réitération de la vente, par l’intermédiaire du notaire, qui leur a lu et expliqué le courrier de maître [F] du 28 novembre 2014. Enfin, ils font valoir qu’on ne peut leur reprocher d’avoir dissimuler la matérialité du programme immobilier qui n’a été finalisé que deux ans après la vente par la délivrance de permis de construire portant finalement sur 37 bâtiments à usage d’habitation et 74 villas.
L’agence immobilière DNS Immobilier reprend les mêmes arguments pour conclure à la confirmation du jugement ayant rejeté l’ensemble des demandes formées par acquéreurs. En substance, M. [E] [N] et Mme [W] [T] savaient que le projet initial était abandonné, ont appris le projet de la nouvelle demande de lotissement formée par la sci Veracruz, dans le courant du mois de décembre 2014. Cette information leur a été confirmée lors de la vente, par la lecture du courrier de maître [F], sans qu’ils n’émettent la moindre protestation ni réserve, pendant près de deux ans et demi. Surtout, l’agence DNS Immobilier fait valoir que même si la cour entendait ordonner la résolution de la vente, aucune garantie ne saurait être recherchée auprès de l’agence immobilière et aucune condamnation in solidum ne saurait être prononcée à son encontre, la restitution du prix de vente ne pouvant incomber qu’aux vendeurs qui ont reçu ledit prix.
La scp Bernigaud- Bergeot fait valoir qu’elle ne saurait être tenue à une quelconque garantie, à l’égard des vendeurs, qui sont seuls tenus le cas échéant à la restitution du prix de vente, ou d’une partie du prix de vente, dans l’hypothèse où la cour ferait droit à la demande subsidiaire fondée sur l’action estimatoire. Elle souligne que cette solution s’impose sauf à procurer aux vendeurs un enrichissement sans cause, au terme d’un processus par lequel ils obtiendraient la restitution du bien sans avoir à restituer le prix . De la même manière, la scp Bernigaud- Bergeot conteste être tenue au remboursement des frais de notaire estimant que cette demande devrait être formée à l’encontre de l’administration fiscale, et frais bancaires, en exposant que si la vente devait être anéantie par la cour, cette décision entérinerait également l’anéantissement du contrat de prêt immobilier contracté pour financer l’acquisition, sous réserve que M. [E] [N] et Mme [W] [T] agissent effectivement contre l’établissement bancaire.
S’agissant de l’action estimatoire, engagée à titre subsidiaire par les acquéreurs, la scp Bernigaud- Bergeot fait valoir, outre le fait qu’elle ne concernerait le cas échéant que les vendeurs, qu’elle ne saurait prospérer sans la preuve de la matérialité des désagréments allégués par M. [E] [N] et Mme [W] [T] en soulignant qu’à ce jour, la dépréciation prétendument subie par l’immeuble du fait de la proximité du lotissement à caractère social est purement hypothétique.
Il ressort de l’article 1641 du code civil que ‘ le vendeur est tenu de la garantie à raison des vices cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine ou qui en diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise , ou n’en aurait donné qu’un prix moindre s’il les avait connus’. L’article 1643 précise que le vendeur reste tenu des vices cachés même s’il ne les a pas connus, à moins qu’il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie.
Au cas d’espèce, il appartient en conséquence aux demandeurs à l’action en garantie, d’établir, d’une part l’existence d’un vice antérieur à la vente , rendant l’immeuble acquis impropre à l’usage auquel il est destiné, et de démontrer que les vendeurs, à savoir M. et Mme [K] et eux seuls vendeurs non professionnels, avaient connaissance de ces défauts au moment de la signature du compromis et de la vente.
La cour considère que les premiers juges les ont à juste titre déboutés des prétentions formées de ce chef .
En effet s’agissant du premier défaut invoqué, tiré de l’empiétement allégué de la parcelle acquise sur le fonds voisin, non seulement ils n’apportent aucun élément tangible justifiant de sa matérialité , mais encore, ne démontrent aucunement que leurs vendeurs , qui ne sont restés propriétaires de ce bien que pendant sept ans , avaient connaissance de ce que les limites apparentes de la parcelle, bordée par des arbres et une barrière végétale , n’étaient pas conformes aux relevés cadastraux.
De la même manière ,l’intégration de l’immeuble acquis au sein d’un lotissement était parfaitement connue et assumée par M. [E] [N] et Mme [W] [T] , qui en avaient été informés des le 21 novembre 2014 au moment de la signature du compromis de vente même s’il était précisé qu’à ce jour, le lotissement n’avait toujours pas été accompli.
Les acquéreurs ne démontrent pas en quoi, l’information portée par le courrier du 28 novembre 2014 dont ils soutiennent avoir été privés affectait l’immeuble d’un vice, le rendant impropre à l’usage auquel il était destiné. En effet, cette information portait uniquement à la connaissance des destinataires l’intention de la société Véracruz de lancer un nouveau programme immobilier portant sur la construction d’environ 75 villas. Cette décision, en elle même, ne peut être considérée comme venant bouleverser les prévisions des acquéreurs, qui étaient dès la signature du compromis informés de l’intégration de l’immeuble acquis au sein d’un lotissement , non encore accompli.
M. [E] [N] et Mme [W] [T] prétendent le contraire en soutenant que le projet initial portait non pas sur 74 ou 75 villas mais sur une trentaine seulement de maisons individuelles, qualifiées de bon standing , ce qui modifiait toute l’économie du programme. Cependant , force est de constater qu’ils n’apportent aucune preuve du contenu du projet de lotissement initial, quant à la dimension des lots, ou la qualité des constructions, par rapport à l’annonce faite aux termes du courrier du 28 novembre 2014.
En définitive, la cour observe que ce qui a considérablement modifié l’économie du programme immobilier, ce sont les autorisations finalement délivrées par l’autorité administrative, en août 2017, de construire, à côté des 74 villas envisagées , 37 bâtiments à usage d’habitation à vocation sociale. Mais M. [E] [N] et Mme [W] [T] ne peuvent se prévaloir de cette situation auprès de leurs vendeurs, qui ignoraient que le promoteur avait choisi cette orientation, au moment de la vente conclue deux ans auparavant.
En définitive, il n’existe aucune preuve tangible de l’existence d’un vice affectant l’immeuble, au moment de la vente et le rendant impropre à l’usage d’habitation auquel il était destiné. Il en découle que M. [E] [N] et Mme [W] [T] seront déboutés tant de leur demande tendant à la résolution de la vente que de leurs demandes subsidiaires visant à obtenir une restitution partielle du prix de vente, et à la mise en oeuvre préalable d’une expertise en vue de déterminer le montant de leurs préjudices.
B. Sur la demande fondée sur l’action en nullité
M. [E] [N] et Mme [W] [T] reprochent au tribunal d’avoir omis de statuer sur la responsabilité des vendeurs pour réticence dolosive.
Ils demandent à la cour de considérer que la connaissance du vice par les vendeurs et l’absence d’information est constitutive de dol en se prévalant de plusieurs décisions rendues par la troisième chambre civile de la cour de cassation . Ils rappellent en effet que M. et Mme [K] ont été dûment informés de la nature du projet de construction du lotissement à caractère social par la société de promotion et son conseil, dans le courrier délivré le 28 novembre 2014, aux termes duquel Maître [F] insistait sur la charge leur incombant d’aviser l’acquéreur potentiel de leur bien de cette situation. Ils font valoir qu’aucune information ne leur a été donnée et que si cela avait été le cas, ils n’auraient certainement pas acquis l’immeuble , qui a depuis lors perdu une partie de sa valeur.
M et Mme [K] , contestent formellement avoir volontairement dissimulé la construction du lotissement social à la place du projet initial du lotissement dénommé ‘ les privilèges du Mont de Mou’ en rappelant les termes de l’acte notarié portant réitération de la vente, aux termes duquel M. [E] [N] et Mme [W] [T] ont formellement reconnu avoir été parfaitement informés de la situation et en avoir accepté tous les désagréments. Ils précisent qu’il leur était matériellement impossible de dissimuler la nature du projet, qui n’a été défini , que deux ans et demi plus tard, par l’arrêté ayant autorisé la construction de 37 bâtiments à usage d’habitation en plus des 74 villas.
La scp Bernigaud- Bergeot n’a pas développé de moyen de défense spécifique pour s’opposer à la demande de nullité du contrat de vente fondée sur le dol .
L’agence DNS Immobilier n’a pas développé non plus de moyen de défense particulier pour s’opposer à la demande de nullité de la vente , relativement au dol invoqué.
Selon la théorie générale des contrats, énoncée aux articles 1108 et suivants du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 applicable en Nouvelle Calédonie, la validité des conventions suppose notamment le consentement de la partie qui s’oblige, lequel est exclu lorsqu’il a été donné par erreur, extorqué par violence, ou surpris par dol.
La loi ajoute sous l’article 1116 du code que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que , sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Le texte précise que le dol ne se présume pas et doit être prouvé.
Ainsi, pour obtenir gain de cause, M. [E] [N] et Mme [W] [T] doivent établir que leurs vendeurs connaissaient au jour de la vente la nature exacte du projet de lotissement, c’est à dire la vocation sociale du programme immobilier , mais encore démontrer qu’ils étaient conscients que cette vocation sociale constituait dans l’esprit des acquéreurs un élément qui les aurait détournés de l’achat et enfin, caractériser les pratiques mises en oeuvre pour dissimuler cette situation et emporter leur adhésion à l’acquisition du bien.
Or, force est de constater que M. [E] [N] et Mme [W] [T] , n’ignoraient pas que l’environnement urbain du bien qu’ils envisageaient d’acheter allait évoluer, puisque l’aménagement d’un lotissement était annoncé dès la signature de la promesse de vente . Ils ne peuvent pas d’avantage soutenir que ce projet initial portait sur la construction de villas individuelles de bon standing qui aurait valorisé leur propre lot, faute de produire la moindre pièce ou document d’urbanisme comportant une description suffisante du programme permettant de s’en convaincre. La cour observe en effet ce d’autant qu’aucune précision n’ait jamais été donnée sur ce point, puisqu’il ressort de la promesse de vente, que l’arrêté d’autorisation de lotir remontant au 3 décembre 2003 était devenu caduc ainsi que cela ressort de la note de renseignement délivrée par la Province Sud le 19 décembre 2006.
Ainsi, il est établi, qu’au moment où ils ont signé la promesse de vente, auprès de l’agence immobilière le 21 novembre 2014 , ils étaient informés, de ce qu’un lotissement avait été autorisé par l’autorité administrative mais que celle-ci était frappée de caducité depuis plusieurs années et que l’aménagement du lotissement envisagé ne s’était pas concrétisé.
Pour autant, M. [E] [N] et Mme [W] [T] ne peuvent prétendre avoir été abusés par les vendeurs qui leur auraient volontairement dissimulé l’existence d’un nouveau projet de lotissement soutenu par la société Véracruz, puisqu’il ressort des mentions portées en pages 5 et 6 de l’acte de vente, qu’ils ont été informés dans les termes suivants ‘ qu’aux termes d’un courrier en date du 28 novembre 2014, le cabinet d’avocat [F] a indiqué que la société civile immobilière Veracruz avait décidé de réaliser un lotissement et qu’au milieu de ce futur lotissement se trouvait le bien , objet des présentes’. M. [E] [N] et Mme [W] [T], au paragraphe suivant ont encore déclaré ‘ avoir été parfaitement informés de cette situation des désagréments que pourrait causer la réalisation de ce nouveau lotissement et faire leur affaire personnelle de cette situation , sans recours contre le notaire et le vendeur’.
Ils ne sauraient utilement s’appuyer sur le fait que les vendeurs se seraient volontairement abstenus de leur livrer de manière explicite le contenu de ce courrier , pour caractériser leur réticence dolosive, dès lors, que la teneur de cette correspondance, évoquant uniquement la construction de 75 villas environ, ne donnait aucune indication quant à la coloration sociale du projet. Ainsi que cela a déjà été énoncé ci dessus, au jour de la vente , ni les vendeurs, ni le notaire rédacteur, ni l ‘agence immobilière ayant servi d’intermédiaire entre les parties, ne pouvaient avoir connaissance de la vocation sociale du programme immobilier qui ne devait être révélée que deux ans plus tard par l’arrêté délivré le 17 août 2017 par le président de la Province Sud, autorisant l’organisme Calédonie Habitat, filiale du fonds social de l’habitat , à construire sur la zone, 75 bâtiments à usage d’habitation.
Dans ces conditions, il y a lieu d’écarter le moyen tiré du dol, soulevé par M. [E] [N] et Mme [W] [T] devant la cour et de confirmer en conséquence le rejet de leurs prétentions, visant à titre principal à l’anéantissement de la vente.
II Sur les demandes fondées sur la faute alléguée du notaire et de l’agence immobilière
Le tribunal a rejeté les moyens invoqués par les acquéreurs fondés sur la faute civile commise par le notaire et l’agence immobilière et les a en conséquence déboutés de leur prétentions financières tendant à condamnation in solidum des vendeurs, de l’agence immobilière et du notaire rédacteur à la réparation de leurs différents préjudices ( préjudice moral et frais de déménagement, à une somme globale de 5 500 000 francs pacifique outre 250 000 francs par mois à compter du début des travaux de terrassement au titre du préjudice de jouissance)
Devant la cour, ils réitèrent à titre principal les mêmes demandes de condamnation in solidum mais forment à titre subsidiaire , une demande en paiement de 2 000 000 francs pacifique à titre de dommages intérêts à l’encontre de chacun des deux professionnels , à savoir l’agence immobilière et l’étude notariale en s’appuyant sur la même argumentation mais en invoquant un autre fondement juridique, tiré de leur manquement à leur obligation d’information.
– Sur la faute l’agence DNS Immobilier .
M. [E] [N] et Mme [W] [T] exposent agir sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, telle que définie à l’article 1147 du Code civil. Ils font valoir que l’agence immobilière était tenue au titre du mandat qui lui avait été confié de renseigner l’acquéreur sur les particularités essentielles du bien , et de vérifier , au besoin avec l’assistance d’un tiers que l’immeuble vendu par ses soins est bien conforme à la description qui en a été faite aux acquéreurs. Cela emportait selon les acquéreurs, d’une part l’obligation de les informer sur la nature des projets de construction en cours, et d’autre part de s’assurer que la désignation du terrain indiqué au sein de l’acte de vente correspondait effectivement à la surface occupée par l’ensemble immobilier acquis, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
M. [E] [N] et Mme [W] [T] soutiennent que si l’agence DNS Immobilier les avait informés, de la nature du nouveau projet de construction, ils ne se seraient pas portés acquéreurs du bien. Ils sollicitent pour cette raison sa condamnation au paiement de la somme de 2 000 000 francs pacifique à titre de dommages intérêts pour manquement à son obligation d’information
L’agence DNS s’oppose à toutes ces prétentions . Elle fait valoir en premier lieu que les consorts [T]- [N] n’apportent aucune preuve tangible de leurs allégations en ce qui concerne l’empiétement de leur terrain sur le fonds voisin, qu’ils auraient découvert en 2017 ou 2018 au moment de la réalisation des travaux et qu’ils sont de mauvaise foi en niant leurs propres déclarations, lorsqu’ils prétendent avoir découvert en 2018 le projet de lotissement qu’ils avaient déclaré accepter expressément dans l’acte de vente. Enfin l’agence DNS fait valoir que M. [E] [N] et Mme [W] [T] n’apportent aucune preuve des préjudices dont ils réclament réparation.
La cour, retient comme les premiers juges, que M. [E] [N] et Mme [W] [T] n’établissent pas que la désignation du terrain sur le compromis ne correspond pas à la surface effectivement occupée par l’ensemble immobilier qu’ils ont acquis. La cour observe également qu’aux termes du compromis de vente signé le 21 novembre 2014, M. [E] [N] et Mme [W] [T] étaient parfaitement informés de l’existence du projet initial de lotissement , de sa caducité mais également du fait que la vente aurait lieu sous les charges et conditions résultant d’un arrêté de lotissement, et le cas échéant, d’arrêtés modificatifs et complémentaires de ce lotissement ainsi que cela apparaît très clairement au paragraphe intitulé ‘Information à l’acquéreur relative aux règles du lotissement’ , en page 5 du compromis. M. [E] [N] et Mme [W] [T] ne pouvaient en conséquence ignorer que le projet initial pouvait évoluer.
Dans ces conditions, aucun défaut d’information ne peut être reproché à l’agence DNS.
Sous le bénéfice et au regard des motifs déjà exposés, ayant écarté les moyens tirés du dol et des vices cachés, la cour confirmera le jugement ayant rejeté la demande en réparation des préjudices y afférent, à savoir le préjudice moral,les frais de déménagement, et le préjudice de jouissance.
– Sur la faute du notaire , la scp Bernigaud- Bergeot.
M. [E] [N] et Mme [W] [T] considèrent que le notaire engage sa responsabilité civile extra contractuelle sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, pour avoir manqué à son obligation d’assurer l’efficacité de l’acte de vente. Ils considèrent que le notaire, qui avait été officiellement informé par le courrier du 28 novembre 2014, du changement de projet du lotissement et de l’importance de ces modifications ainsi décidées, et dont l’attention avait été attirée sur la nécessité d’en informer les acquéreurs potentiels, aurait du annexer ce courrier à l’acte plutôt que d’y faire simplement référence, en soutenant aujourd’hui, sans le prouver que ce courrier aurait été lu le jour de la vente. Ils soutiennent que du fait de cette négligence, l’acte de vente est privé d’efficacité car le bien acquis ne correspond pas , du fait du mensonge, sur la nature du lotissement, au bien décrit.
Ils soutiennent par ailleurs , que pour s’assurer de l’efficacité de l’acte de vente , le notaire avait pour obligation d’examiner le plan cadastral et de mentionner de façon précise le règlement du lotissement auquel appartient le bien vendu. Ainsi, il est écrit que l’immeuble vendu fait partie intégrante du lotissement ‘ les privilèges du [Adresse 3]’ alors qu’il faisait partie du lotissement ‘les villas du [Adresse 3]’ .
Ils considèrent que ces erreurs affectent la valeur du bien et sont à l’origine des préjudices dont ils souffrent, de sorte que le notaire doit être tenu in solidum avec les vendeurs à les indemniser de leurs préjudices. A titre subsidiaire, ils réclament la condamnation de l’office notarial à leur payer la somme de 2 000 000 francs pacifique, à titre de dommages intérêts , au titre de sa responsabilité civile.
La scp Bernigaud- Bergeot soulève la fin de non recevoir de cette demande nouvelle en cause d’appel formée à son encontre par M. [E] [N] et Mme [W] [T] tendant à sa condamnation à leur verser une somme de 2 000 000 francs pacifique à titre de dommages intérêts pour manquement à l’obligation d’information en application de l’article 564 du code de procédure civile.
Sur le fond, elle affirme n’encourir aucune responsabilité civile en faisant valoir que les acquéreurs n’apportent aucune preuve tangible de l’empiétement de leur terrain sur le fonds voisin , et que , si tant est que cet empiétement soit bien réel, elle n’aurait aucune part de responsabilité dans cette situation selon une jurisprudence constante, qui ne retient la responsabilité des notaires dans les actes qu’ils rédigent pour les erreurs qui les affectent, que si et seulement si, ces erreurs portent sur des éléments dont ils pouvaient se rendre compte. Or, elle n’avait aucune obligation de se rendre sur place pour confronter le cadastre avec les limites existantes sur le terrain.
Elle dénie également toute responsabilité contractuelle , en lien avec le prétendu défaut d’information au sujet du projet de lotissement en rappelant que l’intégration du bien acquis par M. [E] [N] et Mme [W] [T] dans un lotissement était indiqué dans le compromis, que l’acte de vente a repris et énoncé chronologiquement l’ensemble des étapes et des évolutions de ce projet , depuis sa création en 2003 et ce jusqu’au courrier du 28 novembre 2014, par lequel le conseil du promoteur faisant part d’un nouveau projet de lotissement. Elle soutient avoir lu aux acquéreurs le contenu de ce courrier évoquant la construction de 75 villas environ, et rappelle qu’ils ont explicitement reconnu à l’acte de vente avoir été parfaitement informés de cette situation et accepté d’en supporter les désagréments. Elle convient cependant qu’à ce moment là , personne ni M. [E] [N] et Mme [W] [T], ni elle même ne pouvait savoir que finalement l’autorisation de construire délivrée par la mairie le 17 août 2017 , porterait sur 37 bâtiments à usage d’habitation en plus des 75 villas dont il était déjà question.
La scp Bernigaud- Bergeot observe ainsi que même si ce courrier du 28 novembre 2014 avait été purement et simplement annexé à l’acte de vente, les acquéreurs n’auraient pas pour autant pris connaissance de la présence de logement sociaux, puisque cette correspondance n’annonçait que la construction des villas ce qui en soit ne bouleversait pas l’économie générale du programme immobilier.
Sur la recevabilité de la demande .
Selon l’article 564 du code de procédure civile, les seules prétentions nouvelles recevables devant la cour sont celles qui sont formées pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses, ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait nouveau.
L’examen du dossier de première instance met en évidence que M. [E] [N] et Mme [W] [T] , avaient certes saisi les premiers juges de diverses demandes indemnitaires , sollicitant la condamnation in solidum des vendeurs, de l’agence immobilière et de l’office notarial au titre de la réparation de leur préjudice moral, ( 5 000 000 francs pacifique ) des frais de déménagement ( 500 000 francs ) et de leur préjudice de jouissance ( soit 250 000 francs par mois depuis le début des travaux ) mais, ces demandes, fondées sur l’anéantissement de la vente, sont distinctes de la demande en dommages intérêts formée à hauteur de 2 000 000 francs pacifique, fondée sur la responsabilité de l’office notarial à raison de son manquement à l’obligation d’information dont l’objet est de sanctionner le manquement à une obligation accessoire sans remettre en cause l’existence même du contrat de vente.
La demande sera en conséquence déclarée irrecevable devant la cour.
III. Sur les demandes reconventionnelles en dommages intérêts
Le tribunal a rejeté la demande en dommages intérêts formée par chaque partie défenderesse à l’encontre de M. [E] [N] et Mme [W] [T] , fondée sur le caractère abusif de leur action en justice au motif que l’exercice d’un droit ne dégénère en abus qu’à la seule condition de démontrer l’acte de malice ou de mauvaise foi, non rapporté en l’espèce.
M. et Mme [K], la société DNS immobilier et la scp Bernigaud-Bergeot réitèrent leur demande devant la cour, sollicitant respectivement de ce chef, la condamnation de M. [E] [N] et Mme [W] [T] au paiement des sommes de 500 000 francs pacifique, 400 000 francs pacifique, et 500 000 francs en faisant valoir qu’ils n’ont fait valoir aucun moyen sérieux au soutien de leurs prétentions, ni devant les premiers juges, ni devant la cour devant laquelle ils ont persisté dans leurs errements.
La cour rappelle que l’intention de nuire ne se présume pas et ne saurait pas non plus se déduire du résultat du procès même lorsqu’il aboutit au rejet de la totalité des prétentions dont la juridiction a été saisie. Il en est de même lorsque la partie perdante en première instance poursuit sans succès ses adversaires en cause d’appel , le droit d’appeler étant une garantie fondamentale . Il ne peut être sanctionné que sur la preuve d’un abus, c’est à dire de la démonstration que l’action a été engagée dans le seul dessein de nuire à la partie défenderesse. Cette preuve n’est pas rapportée en l’espèce.
Le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef.
IV Sur l ‘application de l’article 700 du Code de procédure civile
Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge des intimés l’intégralité des frais irrépétibles qu’ils ont du exposer. Il convient de condamner M. [E] [N] et Mme [W] [T] à verser à chacune des parties intimées une somme de 150 000 francs pacifique au titre des frais irrépétibles qu’elles ont du exposer en cause d’appel.
V Sur les dépens .
M. [E] [N] et Mme [W] [T] seront condamnés en tous les frais et dépens de première instance et d’appel avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, au profit des avocats de la cause.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, conformément à la loi
– Confirme le jugement rendu le 21 décembre 2020 par le tribunal de première instance de Nouméa n° RG 20/635 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
– Déclare irrecevable la demande nouvelle formée par M. [E] [N] et Mme [W] [T] tendant à la condamnation de la scp Bernigaud-Bergeot au paiement d’une somme de 2 000 000 francs en réparation du préjudice subi du fait de son manquement à l’obligation d’information,
– Condamne M. [E] [N] et Mme [W] [T] à verser à M. et Mme [R] [K] la somme de 150 000 francs pacifique sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour d’appel,
– Condamne M. [E] [N] et Mme [W] [T] à verser à la scp Bernigaud-Bergeot la somme de 150 000 francs pacifique sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour d’appel,
– Condamne M. [E] [N] et Mme [W] [T] à verser à la société DNS Immobilier la somme de 150 000 francs pacifique sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour d’appel,
– Condamne M. [E] [N] et Mme [W] [T] aux entiers dépens de l’instance d’appel.
Le greffier, Le président.