Responsabilité du Notaire : 23 mai 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 21/01296

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Responsabilité du Notaire : 23 mai 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 21/01296
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ARRÊT N°

MW/FA

COUR D’APPEL DE BESANÇON

– 172 501 116 00013 –

ARRÊT DU 23 MAI 2023

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire

Audience publique du 21 mars 2023

N° de rôle : N° RG 21/01296 – N° Portalis DBVG-V-B7F-EMZH

S/appel d’une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE LONS-LE-SAUNIER en date du 05 mai 2021 [RG N° 19/00947]

Code affaire : 53B Prêt – Demande en remboursement du prêt

[E] [V], [O] [N] épouse [V] C/ CAISSE DE CREDIT MUTUEL VALDOIE GIROMAGNY

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [E] [V]

né le [Date naissance 3] 1979 à [Localité 5],

demeurant [Adresse 4]

Représenté par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT – PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant

Représenté par Me Laurent CHARLOPIN, avocat au barreau de DIJON, avocat plaidant

Madame [O] [N] épouse [V]

née le [Date naissance 2] 1978 à [Localité 5],

demeurant [Adresse 4]

Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT – PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant

Représentée par Me Laurent CHARLOPIN, avocat au barreau de DIJON, avocat plaidant

APPELANTS

ET :

CAISSE DE CREDIT MUTUEL VALDOIE GIROMAGNY Société Coopérative de crédit à capital variable et à responsabilité statutéairement limitée immatriculée au RCS de BELFORT sous le numéro B 778 725 093 agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés pour ce audit siège

Sise [Adresse 1]

Représentée par Me Serge PAULUS de la SCPA STORCK – PAULUS – SCHMITT, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant

Représentée par Me Caroline LEROUX, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant

INTIMÉE

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

Magistrats rapporteurs : Monsieur Michel Wachter, Président, et Monsieur Dominique Rubey, vice-président placé, conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, avec l’accord des Conseils des parties.

Greffier : Fabienne Arnoux, Greffier.

Lors du délibéré :

Monsieur Michel Wachter, président, et Monsieur Dominique Rubey, vice-président placé, ont rendu compte conformément à l’article 786 du Code de Procédure Civile à Monsieur Jean-François Lévêque, conseiller.

L’affaire, plaidée à l’audience du 21 mars 2023 a été mise en délibéré au 23 mai 2023. Les parties ont été avisées qu’à cette date l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

Le 3 octobre 2007, M. [E] [V] et son épouse, née [O] [N], ont acquis, par l’intermédiaire de la société Apollonia, un appartement en l’état futur d’achèvement situé à [Localité 6] (94).

Pour financer cette acquisition, les époux [V] ont contracté, auprès de la société coopérative Caisse de Crédit Mutuel Valdoie Giromagny (CCM), un prêt immobilier d’un montant de 230 755 euros selon acte authentique passé devant Maître [K] [L], notaire.

A la suite du dépôt d’une plainte pour escroquerie, déposée le 10 avril 2008 auprès du procureur de la République de Marseille, une information judiciaire a été ouverte, mettant en cause les dirigeants de la société Apollonia ainsi que plusieurs de ses intermédiaires, notariaux et bancaires, dans le cadre de laquelle les époux [V] se sont constitués partie civile.

Par exploit du 20 août 2009,les époux [V] ont par ailleurs fait assigner la société Apollonia en responsabilité devant le tribunal de grande instance de Marseille.

Les époux [V] ont cessé d’honorer les échéances du prêt à compter du mois de septembre 2009, et le 21 mai 2010, la CCM s’est prévalue de la déchéance du terme.

Par exploits des 21 et 24 octobre 2011, la CCM a fait assigner les époux [V], le notaire, la société Apollonia, la SNC Prestige et Rénovation, la SA MMA IARD et la Caisse régionale de garantie de la responsabilité professionnelle des notaires de la cour d’appel d’Aix en Provence devant le tribunal de grande instance de Lons le Saunier aux fins :

– de constatation ou prononcé de la déchéance du contrat de prêt immobilier ;

– de paiement des sommes dues au titre de ce prêt ;

– le cas échéant, l’engagement de la responsabilité du notaire, de la société Apollonia et de la société Prestige et Rénovation, et leur condamnation in solidum au paiement des mêmes sommes .

Par ordonnance du 15 mars 2012, le juge de la mise en état, saisi par le notaire, a :

– sursis à statuer jusqu’au terme de l’instance pénale en cours devant le tribunal de grande instance de Marseille ;

– débouté les parties de leurs autres demandes dont celle formulée par les époux [V] ainsi que par la CCM de voir constatée la connexité entre l’instance ouverte devant le tribunal de grande instance de Lons le Saunier et celle pendante devant le tribunal de grande instance de Marseille.

Par ordonnance du 31 octobre 2019, le juge de la mise en état a :

– ordonné la disjonction des demandes dont la CCM a saisi le tribunal ;

– révoqué le sursis à statuer prononcé le 15 mars 2012 concernant l’action en paiement engagée par la CCM à l’encontre des époux [V] ;

– dit que le sursis à statuer était maintenu jusqu’au terme de l’instance pénale pendante devant le tribunal de grande instance de Marseille pour les autres demandes dont la CCM avait saisi le tribunal.

Par arrêt du 30 juin 2020, la cour d’appel de Besançon a confirmé cette ordonnance.

La CCM a alors demandé au tribunal :

– de rejeter les nouvelles demandes de sursis à statuer formées par les époux [V] ;

– de constater ou prononcer la déchéance du terme ;

– de condamner solidairement les époux [V] au paiement du solde du prêt ;

– à titre subsidiaire, en cas d’annulation du prêt, de les condamner solidairement à la restitution du capital mis à disposition ;

– de constater la prescription de la demande en nullité du prêt ;

– subsidiairement, de rejeter cette demande ;

– de constater la prescription de la demande en déchéance du droit aux intérêts ;

– subsidiairement, de rejeter cette demande.

Les époux [V] ont sollicité :

– qu’il soit sursis à statuer jusqu’au prononcé d’une décision pénale définitive ;

– le prononcé de la nullité du prêt pour dol ;

– subsidiairement, le prononcé de sa résolution judiciaire aux torts exclusifs de la CCM ;

– la compensation entre le capital emprunté et les échéances réglées ;

– le paiement de la somme de 230 755 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de chance de ne pas contracter ;

– le paiement de la somme de 20 000 euros en réparation de leur préjudice moral.

Par jugement du 5 mai 2021, le tribunal judiciaire a :

– déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer formée par M. [E] [V] et Mme [O] [N], épouse [V], à l’encontre de l’action en paiement de la société coopérative Caisse de Crédit Mutuel Valdoie Giromagny ;

– déclaré irrecevable la demande de nullité du contrat de prêt pour dol formée par M. [E] [V] et Mme [O] [N], épouse [V], car étant frappée par la prescription ;

– débouté M. [E] [V] et Mme [O] [N], épouse [V], de l’intégralité de leurs autres demandes ;

– condamné solidairement M. [E] [V] et Mme [O] [N], épouse [V], à payer à la société coopérative Caisse de Crédit Mutuel Valdoie Giromagny la somme de 334 573,02 euros, outre les intérêts au taux conventionnel de 5,10 % et le taux d’assurance de 0,50 %, à compter de la déchéance du terme et jusqu’au parfait paiement des sommes dues ;

– condamné solidairement M. [E] [V] et Mme [O] [N], épouse [V], à payer à la société coopérative Caisse de Crédit Mutuel Valdoie Giromagny la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné solidairement M. [E] [V] et Mme [O] [N], épouse [V], aux entiers dépens de l’instance ;

– prononcé l’exécution provisoire de la décision.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu :

– que l’arrêt de la cour d’appel de Besançon ayant confirmé l’ordonnance du juge de la mise en état du 31 octobre 2019 avait statué sur l’exception de procédure que constituait la demande de sursis à statuer, et qu’il avait dès lors autorité de chose jugée ;

– que la demande de nullité du contrat de prêt pour dol était prescrite comme ayant été formée par des conclusions du 6 février 2020, alors que les époux [V] faisaient état de manoeuvres renvoyant à la plainte déposée le 10 avril 2008 auprès du procureur de la république de Marseille ; que les fonds ayant été mis à disposition, et ayant financé l’acquisition d’un bien dont les époux [V] étaient propriétaires, ils ne pouvaient plus opposer à la CCM l’exception d’exécution perpétuelle ;

– que les époux [V] échouaient à démontrer la responsabilité de la banque ; qu’en effet, l’absence d’annexion de la procuration reçue par un notaire pour les représenter à l’acte de vente ne privait pas celui-ci de son caractère authentique et exécutoire ; qu’ils ne démontraient ni l’inachèvement du bien financé, ni la réalité d’une perte financière en raison de l’impossibilité de percevoir les loyers ; que la faute de la banque, qui, en refusant de débloquer les fonds au promoteur, aurait contribué à sa déconfiture, n’était pas établie ; que le chantage n’était pas plus démontré ;

– qu’il convenait en conséquence de faire droit à la demande en paiement de la banque, dont le montant n’était pas discuté.

Les époux [V] ont relevé appel de cette décision le 13 juillet 2021 en déférant à la cour l’ensemble de ses chefs.

Par ordonnance d’incident du 27 avril 2022, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de radiation formée par la CCM du fait de l’absence d’exécution de la décision déférée.

Par ordonnance d’incident du 10 novembre 2022, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de la CCM en omission de statuer portant sur sa précédente décision.

Par conclusions notifiées le 13 octobre 2021, les appelants demandent à la cour :

– d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

* déclaré irrecevables les demandes de sursis à statuer et de nullité du contrat de prêt pour dol formées par les époux [V] ;

* débouté les époux [V] de l’intégralité de leurs autres demandes ;

* condamné solidairement M. et Mme [V] à payer au Crédit Mutuel Valdoie Giromagny la somme de 334 573,02 euros, outre les intérêts au taux conventionnel de 5,10 % et le taux d’assurance de 0,50 % à compter de la déchéance du terme et jusqu’à parfait paiement des sommes dues ;

* condamné solidairement M. et Mme [V] à payer au Crédit Mutuel Valdoie Giromagny la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’instance ;

Statuant à nouveau :

In limine litis,

Vu l’article 378 du code de procédure civile et l’article 4 du code de procédure pénale,

Vu le principe général de bonne administration de la justice,

Vu les procédures civiles et pénales en cours devant le tribunal de grande instance de Marseille,

– de surseoir à statuer jusqu’au prononcé d’une décision pénale définitive à rendre sur l’information judiciaire ouverte par le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Marseille sous le n° G08/00012 ;

Au principal,

Vu les articles 1116 (désormais 1137), 1147 (désormais 1231-1), 1382 (désormais 1240), 1384 (désormais 1242) et 1984 et suivants du code civil,

Vu les articles L 121-21, L 312 et suivants du code de la consommation,

Vu les articles L 519-1 et suivants du code monétaire et financier

Vu les articles L 341-1 et suivants du code monétaire et financier,

– de prononcer la nullité du contrat de prêt consenti aux époux [V] ;

A titre subsidiaire :

– de prononcer la résolution judiciaire du contrat de prêt aux torts exclusifs de la Caisse de Crédit Mutuel Valdoie Giromagny ;

En tout état de cause,

– d’ordonner la compensation entre le montant du capital en principal emprunté et le montant total des échéances que les époux [V] ont déjà payées ;

– de condamner la société Caisse de Crédit Mutuel Valdoie Giromagny à payer à M. et Mme [V] la somme de 230 755 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice résultant de la perte de chance de ne pas contracter ;

– de débouter la société Caisse de Crédit Mutuel Valdoie Giromagny de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

– de dire et juger que la somme de 334 573,02 euros intègre les intérêts au taux conventionnel de 5,10 % et taux d’assurance de 0,5 % jusqu’au 1er septembre 2019 ;

– de condamner la société Caisse de Crédit Mutuel Valdoie Giromagny à payer à M. et Mme [V] la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral et celle de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions transmises le 7 janvier 2022, la Caisse de Crédit Mutuel Valdoie Giromagny demande à la cour :

Vu les articles 4, 1149, 1185, 1304, 1318, 1907, 1984, 1998, 2224, 2242 du code civil (dans leurs versions applicables),

Vu l’article L. 110-4 du code de commerce,

Vu l ‘article L.519-1 du code monétaire et financier,

Vu les articles L.218-2, L.312-2, L. 312-3, L. 312-7, L. 312-10, L. 312-12, L. 312-14, L. 313-1, L. 313-2, L. 313-24 et L. 137-2 du code de la consommation (dans leurs versions applicables),

Vu les articles 31, 501, 700 du code de procédure civile,

Vu le décret n° 71-941 du 26 novembre 1971,

– de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

En tout état de cause et statuant à nouveau, (sic) :

– de déclarer la demande de la CCM Vadoie Giromagny recevable et bien fondée,

In limine litis, sur la nouvelle demande de sursis à statuer,

– de constater que la nouvelle demande de sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure pénale formulée par les consorts [V]-[N] a déjà été tranchée par l’ordonnance du 31 octobre 2019 rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lons le Saunier, qui a été confirmée en toutes ses dispositions par un arrêt rendu par la cour d’appel de Besançon en date du 30 juin 2020, revêtant ainsi l’autorité de la chose jugée ;

– de déclarer irrecevable la demande de sursis à statuer ;

– de rejeter en tout état de cause la nouvelle demande de sursis à statuer de l’action en paiement initiée par la CCM Valdoie à l’encontre des consorts [V]-[N] dans l’attente de l’issue de la procédure pénale ;

Sur le fond,

A titre liminaire,

– de dire et juger que consorts [V]-[N] ne sont pas fondés à se prévaloir des dispositions des articles L 313-1 et suivants du code de la consommation ;

A títre principal, sur la demande en paiement de la CCM,

– de constater la déchéance du terme du contrat de prêt consenti par la CCM Valdoie aux consorts [V]-[N] selon contrat de prêt accepté le 21 août 2007 et reçu selon acte notarié du 3 octobre 2007 par devant Maître [L] ;

– au besoin, de prononcer la déchéance judicaire du terme du contrat de prêt ;

– de condamner solidairement M. [V] et Mme [N] à verser à la CCM Valdoie Giromagny, au titre du prêt reçu par Maître [K] [L] en date du 3 octobre 2007, d’un montant à l’origine de 230 755 euros retracé en compte 204 606 02, la somme de 334 573,02 euros non compris les intérêts au taux conventionnel de 5,100 % et taux d’assurance de 0,500 % à compter du 1er septembre 2019 et jusqu’à complet paiement ;

Sur les demandes reconventionnelles des consorts [V]-[N] :

Sur la nullité du contrat de prêt de la CCM Valdoie Giromagny en raison du dol,

– de constater que la demande en nullité du prêt formulée par les consorts [V]-[N] a été formulée pour la première fois par conclusions notifiées en date du 6 février 2020 ;

– de constater, au besoin de déclarer que la demande en nullité du prêt des consorts [V]-[N] est prescrite ;

– de dire et juger en tout état de cause que les consorts [V]-[N] ont ratifié le contrat de prêt ;

Subsidiairement,

– de dire et juger que la CCM Valdoie n’a commis aucun dol à l’égard des consorts [V]-[N] et qu’en tout état de cause leur consentement n’a pas été vicié ;

– de rejeter la demande de nullité des consorts [V]-[N] du contrat de prêt de la CCM Valdoie Giromagny ;

Sur la responsabilité contractuelle de la CCM Valdoie Giromagny,

– de constater que la demande de déchéance des intérêts du prêt par les consorts [V]-[N] a été formulée pour la première fois par conclusions notifiées en date du 6 février

2020 ;

– de constater, au besoin de déclarer que la demande de déchéance des intérêts du prêt des consorts [V]-[N] est prescrite ;

Subsidiairement,

– de dire et juger que la CCM Valdoie Giromagny n’a aucunement manqué à son obligation de mise en garde, ni à son devoir de vérification et de recherche, ou de contrôle interne ;

– de dire et juger en tant que de besoin qu’aucun manquement à la législation Scrivener n’est à constater ;

– de rejeter l’ensemble des demandes reconventionnelles des consorts [V]-[N] ;

Subsidiairement, si l’acte notarié constatant le prêt était annulé,

– de condamner solidairement les consorts [V]-[N] à rembourser à la CCM, le solde dû au titre du prêt en cause à savoir un montant de 206 142,78 euros, correspondant aux sommes décaissées, pour le crédit dont le montant en principal était de 230 755 euros retracé en compte n° 204 606 02, non compris les intérêts courant au taux légal à compter de chaque décaissement ;

– de condamner les consorts [V]-[N] à une indemnisation correspondant au préjudice subi par la CCM résultant de l’annulation du contrat de prêt ;

– de condamner les consorts [V]-[N] à une somme correspondant à l’intégralité des intérêts courant au taux contractuels, ainsi que les indemnités qui étaient dues pour toute la durée du prêt s’il avait été valable et exécuté ;

– de constater qu’en raison de l’indivisibilité des contrats de vente et de prêt, la CCM dispose d’une action contractuelle directe contre le vendeur et le notaire à relever et garantir l’emprunteur du montant de la somme à restituer ;

En tout etat de cause,

– de déclarer les demandes des consorts [V]-[N] prescrites ;

– de débouter les consorts [V]-[N] de l’intégralité de leurs fins et conclusions ainsi que de leurs demandes indemnitaires ;

– de condamner solidairement les consorts [V]-[N] à payer à la CCM Valdoie Giromagny la somme de 8 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– de condamner solidairement les consorts [V]-[N] aux entiers frais et dépens de l’instance ;

– de dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire du jugement à intervenir (sic), au besoin

de l’ordonner.

La clôture de la procédure a été prononcée le 28 février 2023.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l’exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

Sur ce, la cour,

Sur le sursis à statuer

Le sursis à statuer s’analyse en une exception de procédure, comme étant un moyen tendant à suspendre le cours de l’instance.

Par application de l’article 794 du code de procédure civile les ordonnances du juge de la mise en état n’ont pas, au principal, l’autorité de la chose jugée à l’exception de celles statuant sur les exceptions de procédure, sur les fins de non-recevoir, sur les incidents mettant fin à l’instance et sur la question de fond tranchée en application des dispositions du 6° de l’article 789.

La décision de révocation du sursis à statuer prononcée le 31 octobre 2019, et confirmée par arrêt du 30 juin 2020, a donc autorité de la chose jugée, de sorte que les époux [V] étaient irrecevables à présenter une nouvelle demande de sursis à statuer fondée sur des circonstances strictement identiques.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur la nullité du contrat de prêt pour dol

Le contrat de prêt litigieux ayant reçu exécution, les époux [V] ne peuvent plus se prévaloir d’une exception de nullité perpétuelle. Ils ne peuvent pas plus argumenter sur l’imprescriptibilité des moyens de défense, alors que l’annulation d’un contrat pour dol ne s’analyse pas en un moyen de défense, mais en une demande au fond.

Dès lors, il appartenait aux emprunteurs d’agir en annulation du contrat de prêt pour dol dans les cinq années de la découverte de ce dernier.

Le premier juge a pertinemment retenu que cette découverte pouvait être datée du 10 avril 2008, date de la plainte déposée auprès du parquet de Marseille, laquelle fait état des manoeuvres invoquées au soutien de la demande de nullité.

Or, les époux [V] ont pour la première fois formulé leur prétention tendant à l’annulation du prêt pour dol dans des conclusions déposées le 6 février 2020, soit alors qu’ils avaient connaissance des causes potentielles de cette nullité depuis près de douze ans.

C’est vainement que les appelants prennent argument du sursis à statuer prononcé le 15 mars 2012, et révoqué le 31 octobre 2019, alors que cette mesure ne les mettait pas dans l’impossibilité d’agir.

La décision entreprise sera donc confirmée en ce qu’elle a déclaré irrecevable comme prescrite la demande en annulation du prêt pour dol.

Sur la résolution du contrat de prêt

Les époux [V] reprennent en appel leur demande tendant à voir prononcer la résolution du contrat de prêt en raison des fautes commises par la banque, savoir le refus de procéder aux derniers déblocages de fonds entre les mains du promoteur, ainsi que l’exercice à leur égard d’un chantage à la déchéance du terme.

Il n’est ni contestable, ni d’ailleurs contesté que la CCM n’a pas procédé entre les mains de la SNC Prestige Rénovation aux derniers déblocages de fonds nécessaires à l’achèvement des travaux de réhabilitation de l’ensemble immobilier de [Localité 6] dans lequel se situe l’appartement acquis par les époux [V] en état futur d’achèvement. Si, à la demande de la société Prestige Rénovation, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris avait condamné la CCM Valdoie Giromagny à lui payer la somme provisionnelle de 666 004,40 euros au titre de ces déblocages, cette décision a cependant été infirmée sur ce point par un arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 11 septembre 2009 qui a retenu l’existence de contestations sérieuses s’opposant aux déblocages sollicités. Il est par ailleurs établi par une ordonnance du tribunal de grande instance de Créteil du 23 juillet 2014 procédant à la désignation d’un administrateur provisoire pour la gestion de la copropriété qu’à cette date les locaux n’avaient pas été livrés par le constructeur. Les appelants établissent d’autre part par la production d’une attestation établie par le cabinet SGF le 15 avril 2021, syndic de la copropriété litigieuse, qu’à cette date celle-ci ne faisait toujours pas l’objet d’une exploitation, la résidence n’ayant pas été livrée aux copropriétaires, et les locaux étant vacants. La CCM indique elle-même dans ses écritures que ‘l’immeuble est en totale déshérence’. Ainsi, c’est à tort que le premier juge a retenu que la preuve de l’inachèvement du bien n’était pas rapportée. Cette absence d’achèvement est à mettre en lien de causalité directe avec le défaut de déblocage des fonds, étant observé que le promoteur a été placé en liquidation judiciaire le 10 mai 2012. Dès lors que les biens acquis n’ont jamais été livrés, les acquéreurs n’ont pu les mettre en location, de sorte qu’ils n’ont pu bénéficier des revenus qu’ils en attendaient.

Pour autant, la seule matérialité de l’absence de déblocage des fonds ayant entraîné l’arrêt des travaux ne suffit pas à engager la responsabilité de la CCM, et il convient pour ce faire d’établir qu’elle a, en cela, commis une faute envers les appelants.

Il convient en premier lieu de rappeler que les déblocages non réalisés ne concernaient pas uniquement le prêt octroyé aux époux [V], mais également ceux consentis à plus de 25 autres investisseurs acquéreurs de lots dans le même immeuble, pour un montant total de plus de 666 000 euros. Or, il n’est pas établi, ni même soutenu que le déblocage par la banque des seuls fonds représentatifs du solde des capitaux mis à disposition des époux [V] aurait, au regard de son montant limité, permis l’achèvement des travaux par le promoteur et la livraison du bien aux emprunteurs, tandis que ceux-ci ne fournissent pas d’éléments de nature à établir dans quelles conditions le refus de déblocage est intervenu concernant les autres investisseurs, et qu’il résulte de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 11 septembre 2009 que la banque était à tout le moins légitime à refuser le déblocage concernant un certain nombre de prêts pour lesquels la déchéance du terme avait été antérieurement prononcée pour défaut de paiement.

Ensuite, et surtout, le refus de déblocage est intervenu alors que l’affaire dite Apollonia avait éclaté depuis plusieurs mois, et que la CCM Valdoie Giromagny, légitimement inquiète des conséquences des agissements potentiellement frauduleux de celle-ci, compte tenu du volume des dossiers de prêts conclus par son entremise, avait pris l’attache des emprunteurs concernés, parmi lesquels les époux [V], contactés par courrier du 3 avril 2009, aux fins de vérification de la sincérité des informations fournies lors de l’instruction de la demande de crédit. Il était ainsi sollicité des emprunteurs de confirmer l’exactitude de ces informations, dont la teneur était rappelée par les documents joints, et, le cas échant, de communiquer tous éléments relatifs à des crédits qui n’auraient pas été mentionnés. Or, les appelants n’ont apporté strictement aucune réponse à cette demande. Pourtant, il n’est pas contesté qu’alors que le prêt litigieux avait été accordé au vu de documents ne faisant état d’aucun autre engagement, les époux [V] étaient d’ores et déjà liés par quatre autres contrats de prêt souscrits auprès d’autres établissements de crédit pour financer l’acquisition d’autres biens immobiliers du même type. Ils ne pouvaient donc ignorer l’inadéquation entre les informations détenues par la CCM et la réalité de leurs engagements, de sorte qu’en s’abstenant sciemment d’en informer l’intimée par le biais de la réponse sollicitée par celle-ci, les époux [V] ont fait preuve de mauvaise foi dans l’exécution du contrat. Ils ne peuvent dès lors faire grief à la banque d’avoir, au regard de leur défaut de réponse, caractéristique d’un manquement contractuel, suspendu le déblocage du solde des fonds.

Le deuxième reproche formulé par les appelants consiste à soutenir que la CCM se serait livrée à leur égard à un chantage à la déchéance du terme, en exigeant sous la menace de cette déchéance qu’ils confirment que les informations fournies lors de la demande de crédit étaient exactes. Toutefois, si, comme il vient d’être évoqué, la banque a effectivement contacté les époux [V] aux fins de vérification des informations fournies dans le cadre de l’instruction de la demande, puis les a relancés à plusieurs reprises en l’absence de réponse de leur part, ces demandes ne peuvent s’analyser en un chantage, alors qu’au regard des circonstances particulières liées à la mise en cause de la société Apollonia la demande de la banque apparaissait légitime, et que la déchéance du terme, dont il était notamment fait état dans le courrier du conseil de la CCM du 26 août 2009, n’était invoquée qu’à titre général de sanction de l’inobservation par les emprunteurs de leurs obligations contractuelles.

Les griefs formulés par les époux [V] n’étant pas caractérisés, le jugement déféré devra être confirmé en ce qu’il a écarté la demande tendant à la résolution du contrat de prêt, ainsi que la demande accessoire en octroi de dommages et intérêts équivalents au montant du capital prêté.

Sur les sommes dues au titre du prêt

Si, dans les motifs de leurs dernières écritures, les époux [V] sollicitent la déchéance de la CCM de son droit aux intérêts pour violation des dispositions du code de la consommation, force est de constater qu’aucune demande n’est formulée à ce titre dans le dispositif de ces mêmes conclusions, qui seules saisissent la cour en application de l’article 954 du code de procédure civile. En tout état de cause, la CCM fait valoir à juste titre que les dispositions du code de la consommation sont inapplicables au prêt litigieux, dès lors qu’il a été contracté par les époux [V], non pas pour réaliser une opération d’investissement isolée, mais dans le cadre d’investissements à visée fiscale de grande ampleur, qui ont au final porté, selon indications de l’intimée non contredites par les appelants, sur l’acquisition de 14 biens immobiliers pour un montant total de près de 2 000 000 euros, et pour laquelle ils se sont immatriculés au RCS en qualité de loueur en meublé professionnel. Ainsi, nonobstant la référence faite par le prêt au code de la consommation, il était indubitablement destiné à financer une activité professionnelle, fût-elle accessoire, ce dont il n’est au demeurant pas établi que la CCM ait été effectivement informée à la date de souscription.

Les sommes acc ordées à la CCM en vertu du prêt litigieux, lesquelles sont suffisamment établies par les pièces contractuelles produites aux débats, seront confirmées, sauf s’agissant des intérêts, que le premier juge a fait courir à compter de la déchéance du terme, alors que le montant alloué incluait déjà des intérêts échus depuis cette date. Les intérêts courront donc sur la somme de 334 573,02 euros à compter du 1er septembre 2019.

Sur les autres dispositions

La décision entreprise sera confirmée s’agissant des dépens et des frais irrépétibles.

Les appelants seront condamnés aux dépens d’appel, ainsi qu’à payer à la CCM la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il sera rappelé, en réponse aux conclusions de l’intimée, que le présent arrêt n’étant pas susceptible d’une voie de recours suspensive, il n’y a pas lieu de statuer sur l’exécution provisoire.

Par ces motifs

Statuant contradictoirement, après débats en audience publique,

Confirme le jugement rendu le 5 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Lons le Saunier, sauf en ce qu’il a condamné solidairement M. [E] [V] et Mme [O] [N], épouse [V], à payer à la société coopérative Caisse de Crédit Mutuel Valdoie Giromagny la somme de 334 573,02 euros, outre les intérêts au taux conventionnel de 5,10 % et le taux d’assurance de 0,50 %, à compter de la déchéance du terme et jusqu’au parfait paiement des sommes dues ;

Statuant à nouveau du chef infirmé :

Condamne solidairement M. [E] [V] et Mme [O] [N], épouse [V], à payer à la société coopérative Caisse de Crédit Mutuel Valdoie Giromagny la somme de 334 573,02 euros, outre les intérêts au taux conventionnel de 5,10 % et le taux d’assurance de 0,50 %, à compter du 1er septembre 2019 ;

Condamne M. [E] [V] et Mme [O] [N], épouse [V], aux dépens d’appel ;

Condamne M. [E] [V] et Mme [O] [N], épouse [V], à payer à la Caisse de Crédit Mutuel Valdoie Goiromagny la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.

Le greffier, Le président,

 


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