Your cart is currently empty!
N° RG 19/10511 – N° Portalis DBX6-W-B7D-T3YC
PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE
63B
N° RG 19/10511 – N° Portalis DBX6-W-B7D-T3YC
Minute n° 2024/00
AFFAIRE :
[Z] [N], [Y] [H]
C/
S.C.P. OFFICE NOTARIAL D’ANDERNOS LES BAINS, [F] [T]
Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : la SELARL CDN JURIS
la SCP LAYDEKER – SAMMARCELLI – MOUSSEAU
la SELAS SALVIAT + JULIEN-PIGNEUX + PUGET ET ASSOCIES
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 23 JANVIER 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :
Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente,
Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente
Madame Delphine DUPUIS-DOMINGUEZ, Juge
Assistées de :
Madame Ophélie CARDIN, Greffier
DEBATS :
A l’audience publique du 12 Décembre 2023 sur rapport de Delphine DUPUIS-DOMINGUEZ, Juge, conformément aux dispositions de l’article 785 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT:
Contradictoire
Premier ressort,
Par mise à disposition au greffe,
DEMANDEURS :
Madame [Z] [N]
née le 10 Décembre 1951 à SALAUNES (33160)
29 rue Jules Massenet
33160 SAINT MEDARD EN JALLES
représentée par Maître Anne JULIEN-PIGNEUX de la SELAS SALVIAT + JULIEN-PIGNEUX + PUGET ET ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant
Monsieur [Y] [H]
né le 08 Janvier 1950 à ARES (33740)
12 rue Pierre Benoit
33160 SAINT MEDARD EN JALLES
représenté par Maître Anne JULIEN-PIGNEUX de la SELAS SALVIAT + JULIEN-PIGNEUX + PUGET ET ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant
N° RG 19/10511 – N° Portalis DBX6-W-B7D-T3YC
DEFENDEURS :
S.C.P. OFFICE NOTARIAL D’ANDERNOS LES BAINS
91 boulevard de la République
33510 ANDERNOS LES BAINS
représentée par Maître Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER – SAMMARCELLI – MOUSSEAU, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant
Monsieur [F] [T]
né le 28 Janvier 1962 à BORDEAUX (33000)
14 rue Sébastopol
33120 ARCACHON
représenté par Maître Nadine DESSANG de la SELARL CDN JURIS, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant
EXPOSE DU LITIGE
M. [B] [T], est décédé le 14 avril 1992, et son épouse Mme [I] [C] épouse [T], avec laquelle il était marié sous le régime de la communauté, le 6 février 2002 à BORDEAUX (Gironde).
Ils laissent pour recueillir leur succession :
– Mme [Z] [H] épouse [N]
– M. [Y] [H], les deux enfants de Mme [I] [C] issus de son union avec son premier époux M. [H]
– M. [F] [T], leur fils
L’actif de succession se compose pour l’essentiel d’une maison d’habitation sise à AUDENGE et de liquidités, pour un total de 125.492,18 euros.
L’ouverture de la succession a été confiée à Maître [M] [D], notaire à ANDERNOS- LES-BAINS qui a établi un acte authentique de partage le 10 juillet 2003.
Estimant que cet acte comporte une erreur à leur détriment, M. [Y] [H] et Mme [Z] [N] ont demandé au notaire de préparer un acte rectificatif, dont le projet leur a été adressé le 23 janvier 2019. Aux termes de ce dernier, M. [F] [T] doit à Mme [Z] [H] épouse [N] et à M. [Y] [H], une soulte de 13.862,21 euros chacun. M. [F] [T] n’a pas donné suite à la mise en demeure que lui a adressé Mme [Z] [H] épouse [N] le 8 mars 2019.
Considérant que le non paiement de ces deux sommes a pour cause l’erreur qu’ils reprochent au notaire, M. [Y] [H] et Mme [Z] [N] ont fait citer la SCP Office notarial d’ANDERNOS-LES-BAINS et M. [F] [T] devant le tribunal judiciaire de BORDEAUX, par acte d’huissier des 29 et 30 octobre 2019, aux fins d’obtenir leur condamnation in solidum à réparation du préjudice résultant de la faute alléguée.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 8 février 2023, M. [Y] [H] et Mme [Z] [N] demandent au tribunal sur le fondement des articles 2224, 887,1240 1302-1 du code civil et 1435 du code de procédure civile de :
les déclarer recevables et bien fondés en leurs demandesdéclarer Me [M] [D] ès qualité de notaire, membre de la SCP Office notarial d’ANDERNOS-LES-BAINS responsable civilement en raison des fautes commises dans le partage de la succession [T]-[C] pour manquement à son devoir de conseilA titre principalhomologuer le projet d’acte rectificatif du partage de la succession [T]-[C] dressé par Me [E] en 2019 notamment en ce qu’il a attribué pour le montant réel de leurs droits dans la succession :la somme de 26.026,03 euros à M. [H]la somme de 26.026,03 euros à Mme [N]la somme de 25.839,16 euros à M. [T]dire et juger que cet acte rectificatif annule et remplace l’acte de partage de la succession [T]-[C] instrumenté par Me [M] [D] le 10 juillet 2003En conséquencecondamner M. [T] à verser la somme de 13.862,21 euros à Mme [N] et au paiement des intérêts légaux à compter du courrier recommandé du 8 mars 2019condamner M. [T] à verser la somme de 13.862,21 euros à M. [H] et au paiement des intérêts légaux à compter du courrier recommandé du 8 mars 2019à titre subsidiaire si le juge n’homologuait pas l’acte rectificatif établi par Me [E]ordonner un partage rectificatif de la succession [T]-[C]désigner pour cela tel notaire qu’il plairadire que cet acte rectificatif aura pour effet d’annuler et remplacer l’acte de partage de la succession [T]-[C] instrumenté par Me [M] [D] le 10 juillet 2003en conséquence, condamner M. [T] à verser à Mme [N] et à M. [H] la somme de 13.862,21 euros chacun et au paiement des intérêts légaux à compter du courrier recommandé du 8 mars 2019à titre très subsidiaire si le juge ne retenait pas le vice du consentement et considérait que les sommes indument perçues par M. [T] devaient être soumises à répétitioncondamner M. [T] à la restitution des sommes qu’il a indument perçues- à Mme [N] 13.862,21 euros
N° RG 19/10511 – N° Portalis DBX6-W-B7D-T3YC
– à M. [H] 13.862,21 euros
condamner M. [T] au paiement des intérêts légaux à compter du courrier recommandé du 8 mars 2019En tout état de causedébouter la SCP Office Notarial d’ANDERNOS-LES-BAINS et M. [T] de leurs demandescondamner la SCP Office Notarial d’ANDERNOS- LES-BAINS prise en la personne de son représentant légal à verser la somme de 3.000 euros à Mme [N] et M. [H] au titre de leur préjudice financiercondamner la SCP Office Notarial d’ANDERNOS-LES-BAINS prise en la personne de son représentant légal à verser la somme de 3.000 euros à Mme [N] et M. [H] au titre de leur préjudice moralcondamner in solidum la SCP Office Notarial d’ANDERNOS-LES-BAINS prise en la personne de son représentant légal et M. [T] à la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civileles condamner aux entiers dépensordonner l’exécution provisoire du jugement
Par conclusions notifiées le 14 avril 2023, la SCP Office Notarial d’ANDERNOS-LES-BAINS demande au tribunal de :
A titre principaljuger irrecevables comme tardives les demandes formulées par M. [Y] [H] et Mme [Z] [N]A titre subsidiairedébouter M. [Y] [H] et Mme [Z] [N] de l’ensemble de leurs demandes à l’encontre de la SCP Office notarial d’ANDERNOS-LES-BAINSdébouter M. [F] [T] de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la SCP Office notarial d’ANDERNOS-LES-BAINSA titre plus subsidiairecondamner M. [F] [T] à garantir la SCP Office Notarial d’ANDERNOS- LES-BAINS des condamnations qui seraient prononcées à son encontre au profit de M. [Y] [H] et de Mme [Z] [N]En tout état de causecondamner toute partie succombante à verser à la SCP Office notarial d’ANDERNOS- LES-BAINS une somme de 3.500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civilecondamner toute partie succombante aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP LAYDEKER SAMMARCELLI MOUSSEAU, avocat, sur ses affirmations de droit
Dans ses dernières conclusions notifiées le 6 septembre 2023, M. [F] [T], sur le fondement des articles 2224, 1217, 1231-1 et 1240 du code civil et 122 du code de procédure civile demande au tribunal de :
juger prescrites et donc irrecevables les demandes de Mme [Z] [N] et de M. [H] à son encontre et les en déboutersubsidiairement, si par extraordinaire la prescription n’était pas admisedébouter Mme [Z] [N] et M. [Y] [H] de leurs demandes dirigées à son encontretrès subsidiairement, si par extraordinaire la demande de M. [H] et de Mme [N] était accueilliejuger que la SCP Office notarial d’ANDERNOS-LES- BAINS a engagé sa responsabilité à son égarden conséquence, condamner la SCP Office notarial d’ANDERNOS-LES-BAINS à lui payer la somme de 27.724,20 euros à titre de dommages-intérêts, ladite somme étant assortie des éventuels intérêts légaux demandésen toutes hypothèsescondamner la SCP Office Notarial d’ANDERNOS-LES-BAINS à lui payer 5.000 euros en réparation de son préjudice moraldébouter la SCP Office Notarial d’ANDERNOS-LES-BAINS de l’ensemble de ses demandes à son égarddébouter M. [Y] [H] de l’ensemble de ses demandes à son égarddébouter M. [Y] [H] et Mme [Z] [N] de leur demande d’exécution provisoirecondamner in solidum Mme [N] M. [H] et la SCP Office notarial d’ANDERNOS-LES-BAINS à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civilecondamner solidairement Mme [N] M. [H] et la SCP Office notarial d’ANDERNOS-LES-BAINS aux dépens
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 9 novembre 2023.
MOTIVATION
1-Sur la prescription
La SCP office notarial d’ANDERNOS-LES-BAINS soulève la prescription de l’action des demandeurs, arguant de ce qu’ils étaient personnellement présents le 10 juillet 2003 et qu’ils ont paraphé l’intégralité des pages de l’acte authentique de partage, avant de le signer. Dès lors, selon la défenderesse, le délai de prescription pour l’action en responsabilité et en répétition de l’indu courait à compter du 10 juillet 2003. Ayant été abrégé par la loi du 17 juin 2008, il aurait expiré le 19 juin 2013. Le fait que les demandeurs, ayant un doute sur la charge de l’entretien de la sépulture de leur mère, aient repris contact avec l’étude notariale en 2018 pour solliciter copie de l’acte authentique et qu’à cette occasion ils aient demandé à une autre notaire de l’étude de recalculer les modalités du partage, ne saurait révéler une difficulté concernant l’acte initial, et reporter à ce nouveau projet le point de départ du délai de prescription. En effet, M. [Y] [H] et Mme [Z] [H] épouse [N] avaient, selon la défenderesse, tout loisir de consulter cet acte plus tôt, ne pouvant prétexter de ce qu’ils n’ont pas été mis en possession de l’acte authentique, puisqu’il ne s’agirait que de la copie de l’original qu’ils ont personnellement signé.
M. [G] [T] soulève également la prescription de l’action des demandeurs, puisque l’acte authentique du 10 juillet 2003 comportait déjà, selon lui, l’erreur alléguée. Les demandeurs ne pourraient donc voir fixer le point de départ du délai au mois de janvier 2019, moment où ils ont reçu le projet d’acte rectificatif, car cela reviendrait à reporter indéfiniment et de leur seule volonté la possibilité d’agir en nullité de l’acte.
M. [Y] [H] et Mme [Z] [H] épouse [N] rétorquent qu’il faut retenir comme point de départ du délai de prescription, la date à laquelle ils ont découvert l’erreur, soit le 23 janvier 2019. C’est en effet à cette date, affirment-ils, qu’ils ont pu obtenir copie de l’acte authentique de partage, qui ne leur avait jamais été communiqué par le notaire, l’associée de celui-ci ayant refait les calculs et mis en exergue l’erreur commise initialement. Ils considèrent inconcevable de faire peser sur eux un devoir de vérification qui ne devrait incomber qu’au notaire. Ils disent enfin M. [F] [T] particulièrement mal fondé à se prévaloir de la prescription de leur action, tandis qu’il recherche lui-même la responsabilité du notaire.
SUR CE
L’article 122 du code de procédure civile dispose : “constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.”
L’article 2224 du code civil dispose : “les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.”
La prescription d’une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il a été révélé à la victime, si celle-ci n’en avait pas précédemment connaissance.
Par ailleurs, le notaire, en tant que rédacteur et authentificateur de l’acte qu’il instrumente, doit prendre toutes les dispositions utiles pour en assurer l’efficacité et la validité même s’il n’en a pas été le négociateur. Il est également tenu à un devoir de conseil pour tout acte qu’il a authentifié ou dont il a supervisé la rédaction, l’obligation de conseil s’entendant comme l’obligation d’éclairer les parties et d’attirer leur attention de manière complète et circonstanciée, sur la portée, les effet et les risques des actes qu’il reçoit.
S’agissant d’un acte auquel il a prêté son concours en sa qualité d’officier ministériel, le notaire engage sa responsabilité civile sur le fondement de la responsabilité délictuelle de l’article 1240 du code civil en cas de manquement préjudiciable aux parties aux obligations précitées.
La responsabilité du notaire peut être retenue et ouvrir droit à des dommages et intérêts sur ce fondement, dès lors qu’est établie l’existence d’une faute commise par lui ayant directement causé un dommage à celui qui l’invoque.
En l’espèce, les demandeurs considèrent que le point de départ du délai de prescription est le 23 janvier 2019, date à laquelle ils indiquent avoir découvert l’erreur qu’ils reprochent au notaire d’avoir commise dans l’acte de partage.
Toutefois, les pièces produites aux débats notamment la copie de l’acte authentique et le projet d’acte rectificatif ne permettent pas de confirmer leurs allégations. En effet, il n’est pas contesté et il ressort des pièces du dossier que M. [Y] [H] et Mme [Z] [H] épouse [N] étaient présents lors de la signature de l’acte de partage authentique, le 10 juillet 2003, qu’ils en ont paraphé chaque page et qu’ils y ont apposé leur signature. Préalablement à cette signature, le projet d’acte leur a été adressé, par courrier du notaire du 18 juin 2003. Si les annotations portées au crayon de papier sur les exemplaires des actes en cause versés aux débats tendent à prouver que M. [Y] [H] et Mme [Z] [H] épouse [N] ont entendu voir rectifier le montant de leurs droits dans le partage, celles-ci ne sont pas datées, de sorte qu’elles ne permettent pas de fixer le point de départ d’un délai pour agir.
Force est de constater, qu’il n’est donc pas établi que les demandeurs n’étaient pas en mesure de critiquer la répartition des droits dès la signature de l’acte authentique, et que c’est le projet d’acte rectificatif qui leur a révélé la possibilité de le faire. De plus, ni la lecture de l’acte initial de partage, ni celle du projet d’acte rectificatif et du courrier du notaire l’accompagnant, ne mettent en évidence une répartition erronée des droits des copartageants.
Par conséquent, le délai de prescription des demandes en réparation des dommages, en ce qu’elles sont fondées sur une contestation des termes de l’acte authentique de partage, sera fixé à la date de la signature de celui-ci, 10 juillet 2003. Réduit de 10 à 5 ans par la loi du 17 juin 2008, il a couru à compter de son entrée en vigueur, 19 juin 2008, et expiré le 19 juin 2013, de sorte que l’action intentée les 29 et 30 octobre 2019 doit être déclarée irrecevable car prescrite.
2-Sur les demandes annexes
En application de l’article 696 du code de procédure civile, les demandeurs supporteront la charge des entiers dépens de l’instance.
L’équité conduit par ailleurs à débouter l’ensemble des parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :
– DECLARE irrecevable car prescrite l’action intentée par Mme [Z] [T] épouse [N] et M. [Y] [H],
-DEBOUTE Mme [Z] [T] épouse [N], M. [Y] [H], M. [F] [T] et la SCP office notarial d’ANDERNOS-LES-BAINS de leurs plus amples demandes et contraires y compris de celles fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
-CONDAMNE M. [Y] [H] et Mme [Z] [T] épouse [N] aux entiers dépens de l’instance
La présente décision est signée par Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente, et Madame Ophélie CARDIN, Greffier.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT