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COUR D’APPEL
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°
DU : 22 Mars 2023
N° RG 21/01558 – N° Portalis DBVU-V-B7F-FUNF
VTD
Arrêt rendu le vingt deux Mars deux mille vingt trois
Sur APPEL d’une décision rendue le 21 Juin 2021 par le Tribunal judiciaire de CLERMONT-FERRAND (RG n° 20/00864 ch 1 cab 1)
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre
Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller
Madame Virginie DUFAYET, Conseiller
En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé
ENTRE :
La dénommée ‘SCI YAGO-CHAMP’
Société civile immobilière immatriculée au RCS de Clermont-Ferrand sous le n° 811 408 665 00016
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentant : la SARL TRUNO & ASSOCIES, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANTE
ET :
M. [I] [K]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Non représenté, assigné à personne
La société dénommée ‘SASU MONF’BARBER 63″ prise en la personne de son représentant légal Monsieur [I] [K]
SAS à associé unique immatriculée au RCS de Clermont-Ferrand sous le n° 849 536 743 00016
[Adresse 4]
[Localité 5]
Non représentée, assignée à personne morale (personne habilitée)
copie PG
La SCP [O]-MORY Notaires Asociés
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIES, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND
INTIMÉS
DÉBATS :
Après avoir entendu en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, à l’audience publique du 25 Janvier 2023, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame THEUIL-DIF et Madame DUFAYET, magistrats chargés du rapport, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré.
ARRET :
Prononcé publiquement le 22 Mars 2023 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu la communication du dossier au ministère public le 27 octobre 2022 et ses conclusions écrites du 21 novembre 2022, reçues au greffe de la troisième chambre civile et commerciale le 22 novembre 2022, dûment communiquées le même jour par la communication électronique, aux parties qui ont eu la possobilité d’y répondre utilement ;
EXPOSE DU LITIGE
La SCI Yago-Champ est propriétaire d’un local commercial situé au rez-de-chaussée d’un ensemble immobilier en copropriété, [Adresse 4] à [Localité 5].
Aux termes d’un acte authentique du 9 avril 2019 établi par la SCP [O]-Mory, la SCI Yago-Champ a donné à bail commercial au profit de la SASU Monf’Barber 63, les lots n°2, 6 et 39 dont elle est propriétaire pour une exploitation de l’activité ‘coiffure-barbier-esthétique et vente de produits cosmétiques’.
Suivant correspondance du 13 mai 2019, la société Foncia en sa qualité de syndic du syndicat des copropriétaires de l’immeuble a écrit à la SCI Yago-Champ en ces termes : ‘Après vérification dans le règlement de copropriété, il s’avère qu’en aucun cas, il ne pourra être exploité 2 commerces de même nature dans le groupe d’immeuble. Le local commercial appartenant à M. [G] est déjà occupé par un salon de coiffure, il n’est donc pas possible pour vous de garder un bail avec cette activité commerciale’.
La SASU Monf’Barber 63 a décidé de surseoir à tout commencement d’activité et n’a pas réglé le loyer commercial convenu dans l’attente d’une solution.
Aucune issue transactionnelle n’a pu aboutir.
Par acte d’huissier du 20 février 2020, la SCI Yago-Champ a fait assigner la SASU Monf’Barber 63, M. [I] [K] son gérant, et la SCP [O]-Mory devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, aux fins de voir :
– prononcer la résiliation judiciaire du bail commercial aux torts de la SASU Monf’Barber 63 ;
– ordonner l’expulsion de la SASU Monf’Barber 63 ainsi que de tout occupant de son chef, si besoin était, avec le concours de la force publique ;
– fixer le montant de l’indemnité d’occupation à la somme mensuelle de 900 euros en cas de maintien du preneur dans les lieux, conformément au bail prévoyant une majoration de 50 % du montant en de telles circonstances ;
– dire et juger que la SCP [O]-Mory a engagé sa responsabilité civile professionnelle à son égard ;
– condamner solidairement la SASU Monf’Barber 63 et M. [K] in solidum avec la SCP [O]-Mory, à lui payer la somme de 5 400 euros, somme à parfaire au jour du jugement à intervenir à raison de 600 euros par mois écoulé ;
– si par impossible une quelconque condamnation venait à être prononcée à son encontre, condamner la SCP [O]-Mory à la relever et garantir indemne de toute condamnation prononcée à son encontre ;
– rejeter toute demande plus ample ou contraire ;
– condamner in solidum la SASU Monf’Barber 63, M. [I] [K] son gérant et la SCP [O]-Mory à lui payer une indemnité de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.
La SASU Monf’Barber 63 et M. [K] ont formé une demande reconventionnelle, à savoir de :
– prononcer la résiliation judiciaire du bail commercial aux torts exclusifs du bailleur ;
– dire et juger que la SCP [O]-Mory, notaire instrumentaire, a manqué à ses obligations professionnelles de nature à engager sa responsabilité ;
– condamner solidairement la SCP [O]-Mory et la SCI Yago-Champ à payer à la SASU Monf’Barber 63 la somme de 101 905,78 euros à titre de dommages et intérêts ;
– débouter la SCI Yago-Champ de l’ensemble de ses demandes ;
– condamner la SCP [O]-Mory à relever indemne la SASU Monf’Barber 63 et M. [K], en qualité de caution solidaire du preneur, de toutes condamnations qui pourraient être éventuellement mises à leur charge au bénéfice de la SCI Yago-Champ.
Par jugement du 21 juin 2021, le tribunal a :
– prononcé la résiliation du bail commercial conclu par acte authentique du 9 avril 2019 ;
– débouté la SCI Yago-Champ de toutes ses demandes à l’encontre de la SASU Monf’Barber 63 et de M. [I] [K] ;
– condamné in solidum la SCP [O]-Mory et la SCI Yago-Champ à payer à la SASU Monf’Barber 63 la somme de 28 205,78 euros ;
– fixé le partage de responsabilité entre co-obligés comme suit :
80 % pour la SCI Yago-Champ ;
20 % pour la SCP Pouderoux -Mory ;
– débouté la SASU Monf’Barber 63 de ses autres demandes ;
– condamné in solidum la SCP [O]-Mory et la SCI Yago-Champ à payer à la SASU Monf’Barber 63 la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné in solidum la SCP [O]-Mory et la SCI Yago-Champ aux entiers dépens ;
– fixé le partage de responsabilité entre co-obligés comme suit pour les condamnations précitées :
80 % pour la SCI Yago-Champ ;
20 % pour la SCP Pouderoux -Mory ;
– condamné la SCI Yago-Champ et la SCP [O]-Mory à se garantir de toutes condamnations prononcées à leur encontre, à proportion du partage de responsabilité ainsi fixé ;
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Le tribunal a considéré que la bailleresse avait manqué à son obligation de délivrance, que le preneur était fondé à opposer l’exception d’inexécution et que le bail devait être résilié aux torts du bailleur. En outre, il a énoncé que le notaire avait omis de s’assurer de l’annexion au règlement de copropriété du projet de bail litigieux comme prévu au règlement et avait omis de prévoir les conditions dans lesquelles ce contrat de bail devrait être exercé.
Suivant déclaration électronique reçue au greffe de la cour en date du 13 juillet 2021, la SCI Yago-Champ a interjeté appel du jugement.
Les locaux commerciaux ont été restitués par le preneur le 1er septembre 2021.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 11 octobre 2021, l’appelante demande à la cour, au visa des articles 1103, 1217, 1224 et 1240 du code civil, d’infirmer le jugement sauf en ce qu’il a prononcé la résiliation du bail commercial et a débouté la SASU Monf’Barber 63 de sa demande au titre d’un préjudice commercial, et statuant à nouveau, de :
– dire et juger que la SCP [O]-Mory a engagé sa responsabilité civile professionnelle à son égard ;
– condamner solidairement la SASU Monf’Barber 63 et M. [K] in solidum avec la SCP [O]-Mory à lui payer une somme de 13 800 euros ;
– rejeter toute demande plus ample ou contraire ;
– en tout état de cause, condamner la SCP [O]-Mory à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre et dire n’y avoir lieu à partage de responsabilité entre le notaire et le bailleur ;
– condamner in solidum la SASU Monf’Barber 63, M. [K] in solidum et la SCP [O]-Mory à lui payer une indemnité de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance.
Elle soutient ne s’être jamais opposée à l’exploitation du local par son preneur, et ce n’est que par suite du courrier du 13 mai 2019 adressé par la société Foncia que le notaire lui a écrit en indiquant avoir demandé au preneur de différer l’ouverture du fonds de commerce. Ce que décrit le preneur, ne relève pas d’un manquement à l’obligation de délivrance conforme du bailleur, mais d’une volonté délibérée de sa part.
Elle ajoute qu’elle a confié la rédaction du bail à un notaire pour que ce dernier s’assure de la sécurité juridique de l’acte en analysant, si besoin était, les clauses du règlement de copropriété, et en refusant d’instrumenter le cas échéant. Or, le règlement de copropriété prévoyait une clause de non-concurrence interdisant l’exercice de deux commerces de même nature : il appartenait au notaire de vérifier cette information et d’alerter les parties sur cette difficulté.
Par ailleurs, elle conteste les préjudices retenus par le tribunal, et elle fait valoir notamment que les travaux de la facture de la SASU B2C n’ont pas été réalisés.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées en date du 30 décembre 2021, la SCP [O]-Mory demande à la cour de :
– déclarer la SCI Yago-Champ mal fondée en son appel à son encontre ;
– recevoir son appel incident et le déclarer fondé ;
– mettre à néant le jugement en ce qu’il a retenu sa responsabilité ;
– débouter la SCI Yago-Champ, la SASU Monf’Barber 63 et M. [K], de toutes demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre ;
– les condamner in solidum au paiement d’une indemnité de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir notamment que le notaire ne peut être tenu d’une responsabilité que si par suite d’une absence de vérification d’information, l’efficacité de son acte peut être remise en cause. Or, l’efficacité du bail qu’elle a reçu ne peut être mise en échec que si la clause du règlement de copropriété invoquée par le syndic est licite. Elle estime que la clause qui prévoit qu’à l’intérieur d’un même immeuble, il ne peut être installé deux commerces de même nature, constitue une restriction qui est manifestement abusive aux droits de chacun des copropriétaires, sans pour autant que ladite restriction puisse s’expliquer par le souci de préserver les intérêts de la copropriété.
La SASU Monf’Barber 63 et M. [I] [K], à qui l’appelante a signifié sa déclaration d’appel le 1er septembre 2021 et ses conclusions le 11 octobre 2021, n’ont pas constitué avocat.
Le ministère public a émis un avis favorable à la confirmation du jugement, avis notifié et déposé le 22 novembre 2022.
Il sera renvoyé pour l’exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 novembre 2022.
MOTIFS
– Sur les relations contractuelles entre la SCI Yago-Champ et la SASU Monf’Barber 63
Selon l’article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière :
1° de délivrer la chose louée ;
2° d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ;
3° d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.
L’obligation de délivrance implique une mise à disposition du bien, objet du bail, qui soit conforme aux prévisions contractuelles, notamment en permettant l’affectation prévue originairement. Ainsi que l’a relevé le tribunal, le bailleur a l’obligation de vérifier au préalable si certaines restrictions administratives n’interdisent pas cette affectation.
Selon le bail notarié du 9 avril 2019, et notamment le paragraphe relatif à la destination des lieux loués figurant en page 3 de l’acte, ‘les locaux faisant l’objet du bail devront être consacrés par le preneur à l’exploitation de son activité de Coiffure-Barbier-Esthétique et Vente de Produits Cosmétiques à l’exclusion de toute autre même temporairement […]. Il est fait observer que l’activité dont il s’agit ne contrevient ni aux dispositions des articles L.631-7 et suivants du Code de la construction et de l’habitation ni à des dispositions réglementaire contractuelles pouvant exister.’
Or, le 13 mai 2019, la société Foncia, syndic de copropriété de l’immeuble dans lequel l’activité devait être exercée, a écrit au propriétaire bailleur, la SCI Yago-Champ, afin de lui signaler qu’elle avait été informée de l’activité commerciale de ses locataires, à savoir un salon de coiffure, et qu’après vérification dans le règlement de copropriété, il ne pouvait être exploité deux commerces de même nature dans le groupe d’immeubles (article 2 : ‘[…] En aucun cas il ne pourra être exploité deux commerces de même nature dans le Groupe d’Immeubles’) ; que le local commercial appartenant à M. [G] était déjà occupé par un salon de coiffure et qu’il n’était pas possible pour la SCI Yago-Champ de garder un bail avec cette activité commerciale.
Le notaire rédacteur de l’acte a fait savoir le 17 mai 2019 à la SCI Yago-Champ qu’il avait demandé au preneur, la SASU Monf’Barber 63 et à son gérant de différer l’ouverture du fonds de commerce au vu de la difficulté rencontrée.
En première instance, la SCI Yago-Champ avait sollicité le prononcé de la résiliation judiciaire du bail commercial dans la mesure où la SASU Monf’Barber 63 avait réglé un seul loyer depuis la signature de l’acte.
Or, le preneur s’est opposé à cette demande et a sollicité à titre reconventionnel la résiliation judiciaire du bail aux torts de la SCI Yago-Champ au motif que le bailleur n’aurait pas respecté son obligation de délivrance conforme : il a soutenu s’être retrouvé dans l’impossibilité d’exploiter son activité professionnelle de ‘Coiffure-Barbier-Esthétique et Vente de Produits Cosmétiques’ dans la mesure où le règlement de copropriété dont il n’avait pas eu connaissance auparavant, interdisait l’exploitation de deux commerces de même nature, et qu’il n’avait pas pu ainsi jouir et disposer librement du local commercial litigieux.
La SCI Yago-Champ estime pour sa part que ce que décrit le preneur ne relève pas d’un manquement à l’obligation de délivrance conforme, mais d’une volonté délibérée de sa part, aucun empêchement d’exploiter n’étant caractérisé.
Il n’est pas contesté que la SASU Monf’Barber 63 a découvert cette clause de non concurrence figurant dans le règlement de copropriété de l’immeuble dans lequel le local loué se situe, postérieurement à la signature du bail. Elle se trouvait ainsi directement exposée au risque d’une action judiciaire exercée par le syndicat des copropriétaires ou par le propriétaire bailleur M. [G] cité dans le courrier sus-visé, en annulation de son contrat de bail, d’autant qu’aucune action n’a été initiée par la SCI Yago-Champ aux fins de voir annuler cette clause.
En l’état, le règlement de copropriété interdisait l’exercice de l’activité de coiffure que devait exercer la SASU Monf’Barber 63, et ce, alors même que le bail stipulait une destination exclusive, à savoir ‘Coiffure-Barbier-Esthétique et Vente de Produits Cosmétiques, à l’exclusion de toute autre même temporairement’.
Le tribunal a donc, à juste titre, considéré que la SCI Yago-Champ avait manqué à son obligation de délivrance conforme, le bailleur ayant l’obligation de vérifier au préalable si certaines restrictions ‘administratives’ n’interdisaient pas la destination des locaux stipulée au bail.
La demande aux fins de résiliation judiciaire du bail est désormais sans objet dans la mesure où les locaux ont été restitués par le preneur le 1er septembre 2021. Toutefois, le jugement sera confirmé en ce qu’il a énoncé que du fait du manquement de la SCI Yago-Champ à son obligation de délivrance, la SASU Monf’Barber 63 était fondée à opposer l’exception d’inexécution et en ce qu’il a débouté le bailleur de toutes ses demandes formées à l’encontre de la SASU Monf’Barber 63 et de son gérant, M. [I] [K].
De même, et au vu de ses propres manquements, la demande de la SCI Yago-Champ en paiement des loyers formée contre le notaire sera rejetée.
– Sur la responsabilité du notaire
Le notaire rédacteur d’un acte est tenu d’assurer sa régularité et son efficacité juridique.
Il engage sa responsabilité délictuelle lorsqu’il lui est reproché un manquement à ses obligations professionnelles en tant que rédacteur d’un acte authentique. Trois conditions sont nécessaires pour mettre en oeuvre sa responsabilité : une faute, un préjudice et un lien de causalité.
Il doit avant de dresser les actes, procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires pour assurer l’utilité et l’efficacité de ces actes.
Par ailleurs, il est tenu d’éclairer les parties et d’appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée, les effets et les risques des actes auxquels il est requis de donner la forme authentique.
En l’espèce, il n’est pas contesté ni contestable que Me [O], notaire à [Localité 5], a omis de s’assurer de l’annexion au règlement de copropriété du projet de bail litigieux comme prévu au règlement, et a omis de prévoir les conditions dans lesquelles ce contrat devrait être exercé.
Le notaire soutient néanmoins que la clause litigieuse de non-concurrence figurant au règlement de copropriété est illicite en s’appuyant sur l’article 8 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 qui prévoit que le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits de propriété qui ne soit pas justifiée par la destination de l’immeuble. Il estime qu’un bail commercial n’est pas incompatible avec la destination de l’immeuble qui était mixte. Ainsi, il conclut qu’il n’a pas conclu un acte qui contrevenait à la règle de droit, susceptible de priver l’efficacité de telle sorte que les parties pouvaient parfaitement exécuter les termes du bail.
Pourtant dans son courrier du 17 mai 2019, Me [O] a bien indiqué avoir conseillé à la SASU Monf’Barber 63 de différer l’ouverture du fonds de commerce, indépendamment d’une action contre la copropriété pour faire déclarer nulle la clause du règlement de copropriété qui a été reprise dans le compromis et dans l’acte l’acquisition de la SCI Yago-Champ. Il a en outre écrit qu’il était impératif de trouver une solution amiable devant s’orienter sur la résiliation du bail.
Indépendamment de la licéité d’une telle clause, c’est bien l’absence de vérification préalable du notaire à la conclusion de l’acte qui est à l’origine de la situation de blocage où lui-même a conseillé au preneur de différer le début de son activité. Me [O] ne peut chercher à s’exonérer de ses obligations en plaidant a posteriori que les parties pouvaient ‘parfaitement exécuter les termes du bail’ alors même que la SASU Monf’Barber 63 se trouvait exposée au risque de voir son bail annulé.
Si le tribunal a donc, à bon droit, retenu la responsabilité du notaire, le jugement sera toutefois infirmé quant au partage de responsabilité qu’il a opéré. En effet, si la SCI Yago-Champ a fait appel à un professionnel du droit pour la rédaction d’un tel acte, c’est précisément pour éviter les écueils rencontrés et s’assurer de la pleine effectivité de la convention. Aussi, il sera opéré un partage de responsabilité à hauteur de 50 % dans leurs rapport entre eux, et non 80 % / 20 % comme retenu par le tribunal.
– Sur les préjudices de la SASU Monf’Barber 63
Alors que le preneur sollicitait une indemnisation à hauteur de 101 905,78 euros, le tribunal a fixé le préjudice à 28 205,78 euros. Le préjudice commercial a notamment été rejeté, tout comme la demande formée au titre de l’achat des matériels du salon.
Le tribunal a retenu les postes de préjudice suivants :
– conditions particulières de frais d’assurance Generali : 477,48 euros ;
– état de frais d’immatriculation au RCS : 39,42 euros ;
– publicité légale : 157,70 euros ;
– frais de notaire : 720 euros ;
– facture travaux société SASU B2C : 23 549,18 euros ;
– matériaux peinture : 3 262 euros.
La SCP [O]-Mory notaires associés établit que la somme de 720 euros au titre des frais de notaire (frais d’actes du bail commercial) a été remboursée à la SASU Monf’Barber 63, dans un souci de conciliation. Il convient dès lors de rejeter la demande à ce titre.
La SCI Yago-Champ conteste à titre principal les montants retenus au titre des travaux réalisés par le preneur.
Si la facture concernant la peinture des murs est versée aux débats et mentionne qu’elle a été réglée par chèque, il en va différemment de la première émanant de la SASU B2C. L’appelante a tenté de faire procéder à une sommation interpellative auprès du gérant de la dite société afin de déterminer si les travaux mentionnés sur la facture avaient été intégralement exécutés et si la facture avait été réglée : le gérant a refusé de répondre le 6 octobre 2022.
Par ailleurs, la SCI Yago-Champ verse aux débats un constat d’huissier en date du 1er septembre 202,1ainsi que des observations écrites émanant d’un représentant de la SARL Multi Renov Habitat en date du 1er septembre 2021, mentionnant que plusieurs des prestations figurant sur la facture versée n’avaient pas été exécutées ou ne correspondaient pas à ce qui était indiqué.
Aussi, si des travaux ont indéniablement étaient réalisés et que le preneur a subi un préjudice du fait qu’il n’a pas pu exercer son activité, une somme de 15 000 euros sera retenue à ce titre.
Le préjudice sera fixé à 15 674,60 euros. Le jugement sera donc infirmé en ce sens.
– Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Les condamnations au titre des dépens de première instance et de l’article 700 du code de procédure civile seront confirmées, sauf à dire que le partage de responsabilité entre co-obligés sera fixé à 50 % pour chacun.
Les dépens d’appel seront mis à la charge de la SCI Yago-Champ et de la SCP [O]-Mory, notaires associés qui seront condamnées in solidum à leur paiement, et elles en supporteront chacune la moitié.
Par ailleurs, l’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile en appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe ;
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a :
– débouté la SCI Yago-Champ de toutes ses demandes à l’encontre de la SASU Monf’Barber 63 et de son représentant légal M. [I] [K] ;
– condamné in solidum la SCP [O]-Mory notaires associés et la SCI Yago-Champ à payer à la SASU Monf’Barber 63 la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné in solidum la SCP [O]-Mory notaires associés et la SCI Yago-Champ aux dépens ;
Infirme le surplus des dispositions du jugement ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Déclare sans objet la demande visant à voir prononcer la résiliation du bail commercial, les locaux ayant été restitués par le preneur le 1er septembre 2021 ;
Condamne in solidum la SCP [O]-Mory notaires associés et la SCI Yago-Champ à payer à la SASU Monf’Barber 63 la somme de 15 674,60 euros à titre de dommages et intérêts ;
Fixe le partage de responsabilité entre la SCP [O]-Mory notaires associés et la SCI Yago-Champ au titre de l’ensemble des condamnations prononcées, comme suit :
50 % pour la SCP [O]-Mory notaires associés ;
50 % pour la SCI Yago-Champ ;
Déboute la SCI Yago-Champ de toutes ses demandes ;
Dit n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel ;
Condamne in solidum la SCP [O]-Mory notaires associés et la SCI Yago-Champ aux dépens d’appel.
Le greffier, La présidente,